C. L'ABSENCE D'INFORMATION AU NIVEAU EUROPÉEN MALGRÉ LA CIRCULATION DES EAUX CONCERNÉES SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR

La Commission européenne a indiqué à la rapporteure avoir été informée des pratiques non conformes des industriels français par voie de presse fin janvier 2024 et non par une notification officielle, alors même que les bouteilles d'eaux minérales naturelles de Nestlé Waters comme Vittel ou Perrier circulaient sur le marché intérieur européen. Interrogée sur l'absence de notification à la Commission européenne, les administrations centrales ont mis en évidence l'absence de risque sanitaire. Néanmoins, sans se limiter aux cas de risque sanitaire, l'article 11 de la directive prévoit le cas où « un État membre a des raisons précises d'estimer qu'une eau minérale naturelle, bien que circulant librement dans un ou plusieurs États membres, n'est pas conforme aux dispositions de la présente directive ou qu'elle présente des risques pour la santé publique ».

Pourtant, l'aspect européen n'était pas absent lors de la prise de décisions des administrations centrales : en février 2023, les ministres chargés de la santé et de l'économie ont conjointement demandé une analyse de la situation de la microfiltration et des pratiques existantes dans les autres États membres en vue d'une éventuelle modification de la règlementation communautaire ou d'une saisine de l'autorité européenne pour la sécurité sanitaire (EFSA). Ces travaux sont toujours en cours : les autorités françaises ont demandé à la Commission européenne de se positionner sur le sujet de la microfiltration et l'ont sollicitée concernant le développement des bonnes pratiques en matière de repérage des fraudes entre États membres.

À l'issue de ces révélations, la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne a diligenté un audit inopiné du système de contrôle officiel relatif aux eaux minérales naturelles et aux eaux de source. Cet audit a été mené du 11 au 22 mars 2024. Le rapport publié en juillet 2024 met en évidence de « graves lacunes qui nuisent à la mise en oeuvre du système de contrôles officiels », notamment l'absence de mesures de suivi immédiat visant à faire en sorte que les exploitants corrigent les manquements, à éviter la mise sur le marché d'eaux minérales naturelles ne remplissant pas les conditions requises pour l'être, à retirer du marché les produits non conformes et à imposer des amendes ou sanctions aux exploitants pour la mise sur le marché de produits non conformes. Malgré la sévérité des constats de ce rapport d'audit, il est à noter qu'il n'a pas débouché sur une procédure contentieuse à l'égard de la France.

La rapporteure ne peut que partager ses constats qui confirment que l'État français n'a pas utilisé les outils à sa disposition pour mettre en conformité plus rapidement les exploitants, au bénéfice des consommateurs. Interrogée par la rapporteure sur l'existence de précédents, la Commission européenne a porté à son attention un cas d'utilisation frauduleuse de traitements de décontamination pour certaines eaux de source de consommation nationale en Irlande. Néanmoins, en raison de la commercialisation des eaux exclusivement sur le territoire national, ce cas n'a pas fait l'objet d'information spécifique à la Commission européenne.

Une réunion du Comité permanent sur les végétaux, les animaux, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (SCOPAFF) le 30 avril 2024 a permis à la France de s'expliquer sur ce sujet devant les autres États membres. Parmi les participants français, trois représentants de la DGAL étaient présents de même que deux représentants du ministère de l'économie et deux représentants du ministère de la santé. La France a informé le comité sur les enquêtes en cours concernant les traitements non-autorisés et les mesures de mise en conformité réalisées par les exploitants tout en soulignant l'absence de risque sanitaire pour les consommateurs.

Au-delà de l'absence de notification, la France a fait preuve d'un manque de coopération avec les autres États membres dans le cadre du réseau de lutte contre la fraude alimentaire. Le rapport d'audit de la Commission européenne précise en effet que « le 13 février 2024, l'autorité d'un État membre a demandé à la France des informations officielles via le réseau FFN (réseau de lutte contre la fraude alimentaire). La question posée portait sur l'ampleur des événements rapportés par les médias et sur l'éventualité que ces eaux non conformes aient été exportées vers d'autres États membres. Le point de contact en France a accusé réception de cette demande le 20 février 2024, mais n'a pas indiqué, dans les 10 jours ouvrables à compter de la date de réception de la notification, quelles enquêtes il était envisagé d'effectuer ou les raisons pour lesquelles aucune enquête n'était jugée nécessaire. De plus, il a omis d'informer rapidement l'autorité compétente à l'origine de la demande des résultats desdites enquêtes et des mesures éventuellement adoptées par la suite. À la date de l'audit, aucune réponse motivée n'avait encore été fournie. »

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