C. DES MOYENS HUMAINS ET BUDGÉTAIRES À MIEUX CALIBRER POUR MENER À BIEN L'ENSEMBLE DE SES MISSIONS

1. Un audit pour simplifier l'organisation des services de l'OFB et déterminer de nouvelles modalités de financement

Du fait de son large spectre d'activités, l'OFB doit s'appuyer sur de multiples partenariats : il ne saurait en effet agir seul dans le champ des missions de police, d'expertise, de connaissance et de sensibilisation qui lui ont été confiées par le législateur. La gestion de ses relations avec les autres acteurs institutionnels (forces de police, services déconcentrés de l'État, élus locaux, gestionnaires d'aires protégées, autres établissements publics tels que les agences de l'eau et l'ONF, etc.) constitue un défi organisationnel certain et nécessite des ressources humaines dédiées. Si le fonctionnement en réseau fait partie de l'ADN de l'établissement depuis sa création, l'opérationnalité de cette dimension doit désormais être renforcée, ne serait-ce que pour tirer le meilleur parti des effectifs objectivement contraints au regard des enjeux environnementaux et de l'ampleur des missions confiées à l'OFB.

À ce titre, il serait particulièrement recommandé de mettre en oeuvre un processus d'audit de l'organisation et du fonctionnement des directions et des services départementaux, pour dégager des marges d'amélioration et d'efficacité et un meilleur calibrage des effectifs affectés aux différentes missions, pour rompre avec l'idée que l'OFB intervient sur un grand nombre de domaines, mais de façon trop parcellaire.

Cet exercice d'évaluation des procédures internes à l'établissement aurait ainsi vocation à déterminer les ajustements à opérer dans les relations avec l'ensemble des parties prenantes des politiques de la biodiversité et les agences de l'eau, consolider ses partenariats et accroître les synergies avec ses partenaires institutionnels, afin de renforcer ses capacités d'intervention. Des pistes pourront également être dégagées afin de favoriser l'attractivité de l'établissement et d'améliorer ses perspectives de recrutement, conjointement avec l'abrogation du quasi-statut de l'environnement, trop rigide et créateur de distorsions salariales injustifiables vis-à-vis des contractuels.

Recommandation n° 27 : Réaliser un audit afin d'optimiser l'organisation territoriale et renforcer les capacités d'intervention des services de l'OFB à tous les échelons (national, régional et départemental).

À la suite des conclusions de cet audit, la direction générale de l'établissement pourrait dégager les priorisations stratégiques de ses missions, conjointement avec ses tutelles et déterminer les angles morts à résorber pour répondre de façon optimisée aux enjeux environnementaux, aux besoins d'accompagnement des élus locaux et des acteurs et à la diffusion dans la société d'une culture de préservation de la biodiversité.

La mission d'information plaide également pour une meilleure évaluation par l'OFB de l'efficacité des subventions versées. La mise en oeuvre par l'établissement public de ce principe d'efficience de la dépense publique est insuffisante, alors que l'enjeu est de taille, avec 328 M€ de dépenses d'intervention en autorisations d'engagement au titre du budget initial 2024, dont 71,7 M€ versés aux parcs nationaux. À travers de nombreux appels à manifestations d'intérêt (AMI), l'OFB participe également au financement de projets de recherche, de développement et d'action, portés par des entités publiques aussi bien que privées.

Les enveloppes en jeu sont significatives : ainsi, l'AMI pour cofinancer des projets permettant de développer et améliorer la surveillance des espèces et habitats terrestres en France en mars 2024 s'est vu attribuer un budget de 1,8 M€, un montant identique à celui sur les espèces exotiques envahissantes en mars 2023. L'AMI « projets de recherche sur les activités humaines en aires protégées » lancé en avril 2024 bénéficie quant à lui d'une enveloppe de 900 000 €, avec un taux de financement maximal de 80 %.

La mission d'information recommande pour cette raison à l'OFB la plus grande rigueur dans l'évaluation a priori et a posteriori des subventions versées, à travers un cadre d'évaluation objectivé et une méthodologie de rapportage évolutive, pour s'assurer que les subventions versées ont bien contribué à l'atteinte des objectifs recherchés et produit de la connaissance opérationnelle et partagée. De son côté, la Cour des comptes a noté dans son rapport de juillet dernier que, dans le cadre des programmes d'interventions financières de l'OFB, « la trame des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO) sont peu prescriptives sur le volet évaluatif [... et] appuyées sur de simples objectifs de moyens et des bilans financiers sommaires, au risque d'apparaitre comme des subventions d'équilibre » et a notamment plaidé pour « une grille d'évaluation de la contribution à la protection de la biodiversité de chaque association bénéficiaire de subventions publiques à ce titre ».

Dans le contexte budgétaire actuel, l'efficacité de la dépense publique environnementale constitue une impérieuse nécessité. L'OFB est soumis à cette exigence à travers l'évaluation de ses tutelles, des assemblées parlementaires et des organes de contrôle de l'action administrative. Il doit en être de même pour les associations ou les entités qui bénéficient de versements ou de subventions initiés sur décision de l'établissement, selon le principe de redevabilité financière194(*), qui impose aux entités publiques de rendre compte de façon transparente de leur administration de l'argent public.

2. De nouvelles sources de financement pour garantir la stabilité des ressources budgétaires et limiter la contribution des agences de l'eau

Au regard de son rôle éminent dans la structuration et le déploiement de la stratégie nationale pour la biodiversité 2030 et de sa contribution à la préservation de l'environnement aussi bien en matière de police que de sensibilisation, la mission d'information estime souhaitable de limiter la variabilité des recettes de l'Office français de la biodiversité, en rendant sa trajectoire budgétaire plus prévisible et moins dépendante des dotations, sujettes par nature à variation à la hausse comme à la baisse, de façon difficilement pilotable par l'établissement. Une diminution insuffisamment anticipée de ses moyens d'intervention pourrait en effet contraindre la capacité de l'établissement public à impulser et accompagner les stratégies nationales en faveur de la biodiversité.

Selon le rapport conjoint195(*) de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), l'OFB est aujourd'hui le troisième pourvoyeur de financement public en matière de politiques de biodiversité, après les élus locaux au travers des interventions des collectivités territoriales, premiers financeurs, et les financements initiés par l'État, notamment via le programme budgétaire 113196(*) et les divers plans de relance au titre des exercices 2021 et 2022. La Cour des comptes a indiqué à la mission d'information que l'OFB « regroupe un quart des crédits publics de gestion, de connaissance et de protection de la biodiversité ». L'OFB est devenu, dès sa création, un pilier de l'action publique mobilisant des montants significatifs de financements transversaux favorables à l'environnement et aux écosystèmes.

Dépenses publiques en faveur de la biodiversité en 2021 (en M€)

Source : Cour des comptes, graphique transmis à la mission d'information

Malgré l'importance des financements publics consacrés à la préservation de la biodiversité et un budget primitif 2024 de l'OFB qui s'établit à 659 M€ en autorisations d'engagement, les besoins en financement restant à couvrir pour la mise en oeuvre de la SNB 2030 ont été évalués à plus de 465 M€ d'ici à 2027 par le rapport d'inspection précité. Il est hautement improbable que les dynamiques budgétaires de ces prochaines années couvrent ces besoins nouveaux par des augmentations à due proportion des dotations, dépendantes des conditions d'élaboration et d'examen parlementaire des projets de loi de finances.

C'est pourquoi il apparaît utile de poursuivre la réflexion visant à élargir les sources de financement de l'OFB, afin de limiter la dépendance marquée de l'établissement public aux redevances versées par les agences de l'eau. Une redevance assise sur la biodiversité, qui viendrait en minoration de la contribution des agences de l'eau, est attendue par les élus des comités de bassin, dont certains dénoncent un financement de l'opérateur sur des recettes appelées principalement auprès des usagers des services d'eau potable et d'assainissement. Si la contribution des agences de l'eau n'est pas anormale au regard de leurs missions élargies au financement de la biodiversité aquatique, le montant de la contribution financière versé à l'OFB, supérieure à 401 M€ pour l'année 2024, interroge de nombreux élus siégeant dans les instances de l'eau.

Recommandation n° 28 : Confier à l'IGF et l'IGEDD une mission d'inspection conjointe pour diversifier les modalités de financement de l'OFB, afin qu'elles ne reposent plus majoritairement sur les redevances assises sur l'eau et présentent un lien avec la dégradation de la biodiversité.

Ainsi, une redevance assise sur les pressions et les atteintes à la biodiversité, dont une fraction du produit pourrait être affectée à l'OFB, serait de nature à assurer un financement plus stable et pérenne des politiques publiques environnementales, ainsi que l'avait préconisé le rapport du sénateur Alain Richard et du député Christophe Jarretie en janvier 2022, pour élargir à la biodiversité la fiscalité des agences de l'eau197(*). Cette redevance pourrait par exemple être assise sur la mise sur le marché de substances ou de procédés nuisant à la biodiversité, en veillant cependant à ce que les mécanismes instaurés ne conduisent pas à des distorsions concurrentielles préjudiciables à la viabilité économique des acteurs privés assujettis.

Le levier le plus efficace, identifié par l'ensemble des publications traitant de l'efficacité de la dépense publique en faveur de la biodiversité, reste cependant la réduction volontariste des subventions néfastes à l'environnement. Comme indiqué précédemment, la combinaison de stratégies de préservation et de restauration de la biodiversité avec des politiques et des aides financières délétères pour l'environnement conduit à une forme de neutralisation de l'action publique. Selon le rapport conjoint IGF et IGEDD précité, la réduction de 4,6 % des subventions néfastes à l'environnement permettrait de financer la totalité des mesures prises au titre des politiques en faveur de la biodiversité.

La mission d'information plaide à ce titre pour un effort de cohérence accrue des stratégies sectorielles initiées au niveau national et un renforcement de la cotation environnementale des dépenses publiques dans le cadre du « budget vert », dont une des principales limites consiste dans le fait que 90 % des dépenses de l'État sont considérées comme neutres.

Une autre source de diversification du budget de l'OFB pourrait consister en l'affectation d'une partie des recettes tirées des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Il est apparu, au cours des travaux de la mission d'information, que l'évaluation des mesures compensatoires des atteintes à la biodiversité restait un maillon faible, alors que la séquence « éviter, réduire et compenser » peut constituer, si les mesures sont correctement mises en oeuvre et évaluées ex post, un outil puissant et efficace de reconquête de la biodiversité198(*).

Faisant le constat d'une insuffisante centralisation de l'évaluation des mesures de compensation visant à équilibrer les atteintes à la biodiversité et aux écosystèmes, la mission d'information émet l'idée que l'OFB pourrait devenir l'opérateur chargé d'évaluer l'efficacité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Il coordonnerait à ce titre l'ensemble des flux financiers générés par les obligations de compensation et les verserait aux opérateurs locaux de compensation pour la gestion des sites naturels de compensation. L'OFB certifierait les opérateurs et les projets, tout en s'assurant de l'effectivité des mesures de compensation mises en oeuvre et du respect du principe d'équivalence écologique.

Pour ce faire, l'OFB bénéficierait, au titre des frais de gestion, d'une fraction des montants compensatoires versés par les porteurs de projet et d'une évolution de son plafond d'emplois pour garantir les effectifs nécessaires à l'accomplissement de cette nouvelle mission.

Recommandation n° 29 : Évaluer la possibilité d'affecter à l'OFB une partie des recettes tirées des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité ou de confier à l'OFB le rôle d'opérateur central des compensations environnementales.

3. La transition environnementale sera intensive en moyens humains : la nécessité de mieux déployer les agents dans les services départementaux

Comme indiqué précédemment, l'OFB fait face à un réel enjeu de territorialisation de ses effectifs au sein des services départementaux, afin d'être en capacité de mener à bien ses missions au plus près des territoires et de leurs spécificités. Il s'agit d'une attente forte de la part des élus locaux et des acteurs économiques et agricoles : l'établissement public doit s'efforcer autant que possible de calibrer ses interventions en tenant compte des dynamiques locales en matière de biodiversité et des enjeux propres à chaque territoire. Ainsi, les priorités d'intervention ne sauraient être les mêmes dans un département faisant l'objet d'une intense prédation par le loup par rapport à un territoire non prédaté.

Pour ce faire, il est nécessaire que les effectifs affectés au sein des services départementaux atteignent la taille critique voulue par le législateur en 2019, au moment de la fusion entre l'AFB et l'ONCFS, afin de pouvoir assurer la continuité du service et mettre en oeuvre une approche fine des enjeux territoriaux. À l'échelle de l'établissement public, conformément aux dispositions inscrites dans le projet annuel de performances (PAP) du programme 113, le plafond d'emplois de l'Office français de la biodiversité est fixé à 3 035 équivalents temps plein travaillés (ETPT), avec 2 775 ETPT en emplois sous plafond et 260 ETPT en emplois hors plafond. En ce qui concerne les emplois effectivement rémunérés par l'établissement public, ils s'établissent comme suit :

Source : direction de l'eau et de la biodiversité

Ces chiffres peuvent paraître suffisants pour permettre à l'OFB de mener à bien ses missions, mais la situation est plus contrastée en considérant ses effectifs de manière dynamique. Les syndicats du personnel entendus par la mission d'information ne cachent pas leurs inquiétudes concernant la pyramide des âges, en alertant sur le fait qu'un tiers des agents de terrain ont plus de 50 ans et quitteront les services départementaux dans la décennie à venir.

Le SNE-FSU a ainsi indiqué que « lors du dernier cycle de mobilité au sein des services de terrain, 107 postes ont été déclarés infructueux, pour 89 postes effectivement pourvus ». Les tutelles de l'établissement ont elles aussi reconnu que la question qui devait désormais être approfondie est moins celle de la taille des services que celle de la répartition territoriale et du pyramidage des services départementaux, les évolutions à l'oeuvre risquant de conduire à une perte de connaissance et de savoir préjudiciable à la qualité et la pertinence des interventions des inspecteurs de l'environnement. Certains représentants syndicaux déplorent également le fait que, hors actions de police, en moyenne moins de 3 ETP par département participent aux missions de terrain.

Ces évolutions négatives sont également pointées par la Cour des comptes, dans son rapport de juillet 2024, qui rappelle qu'« en matière d'effectifs et de recrutement, le rapport social unique 2020 souligne une pyramide des âges déséquilibrée pour les plus de 40 ans, tout particulièrement sur les catégories B et C, composées majoritairement d'agents de terrain ». Un effort de renouvellement progressif des effectifs départementaux doit être mis en oeuvre par l'OFB, pour éviter une perte de compétences due à un phénomène de départs à la retraite massifs, qui nuirait à la continuité des missions au niveau territorial.

De même, comme le préconise la Cour des comptes dans son rapport précité, l'OFB doit achever la mise en oeuvre de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière s'il « veut disposer, dans chacune de ses implantations, de la taille critique qui lui permettra d'assumer l'ensemble de ses missions selon les modalités attendues par son COP et qui est nécessaire pour tout service régalien partageant son activité entre des patrouilles et des relevés d'information sur un territoire rural et des procédures administratives et judiciaires en bureau. »

Une territorialisation optimisée des effectifs, au besoin à travers un rééquilibrage des moyens entre le siège, les directions régionales et les services départementaux de l'OFB moins bien peu dotés, est nécessaire pour accroître la capacité de l'établissement public à répondre aux enjeux locaux et aux besoins d'accompagnement des acteurs. Avec le renforcement de la synergie avec les services de l'État et les autres acteurs publics, il s'agit d'un prérequis pour remplir la promesse d'un établissement à l'écoute des territoires et en mesure d'apporter des solutions adéquates aux problématiques locales.

La mission d'information estime ainsi qu'en accentuant les efforts de formation de ses personnels, en imaginant de nouvelles modalités d'action pour créer l'indispensable confiance avec les élus locaux et les acteurs, en se mettant au service des territoires et en veillant à ce que la police de l'environnement soit mieux comprise et acceptée grâce au renforcement de la déontologie, l'Office français de la biodiversité sera en mesure d'écrire un nouveau chapitre de son histoire administrative, plus conforme aux volontés du législateur et aux attentes qu'il suscite.

Moins de cinq ans après sa création, cet établissement public est encore un nouveau venu dans le paysage administratif. Il n'est donc pas surprenant qu'il soit nécessaire de procéder à des ajustements et des évolutions de la manière dont il accomplit ses missions : c'est l'objet du présent rapport d'information d'indiquer les voies et moyens pour renforcer la légitimité d'un établissement public qui a beaucoup à apporter à la protection de l'environnement, mais de façon pragmatique, sans parti pris ni dogmatisme.


* 194 L'article 15 de la déclaration du 26 août 1789 des droits de l'homme et du citoyen proclame ainsi que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

* 195 Le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030, rapport de Virginie Dumoulin, Mireille Gravier-Bardet (IGEDD), Jean-Philippe de Saint Martin, Sampieru Repetti-Deiana, Bruno Kerhuel, Gaspard Bianquis (IGF) publié le 6 janvier 2023, accessible au lien ci-après : https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/le-financement-de-la-strategie-nationale-pour-la-a3619.html

* 196 Programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

* 197  https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CEV-Redevances %20Agences %20et %20Biodiversit %C3 %A9.pdf

* 198 Ainsi que l'avait montré le rapport de commission d'enquête n° 517 (2016-2017) déposé le 25 avril 2017 par Jean-François Longeot et Ronan Dantec, intitulé « Compensation des atteintes à la biodiversité : construire le consensus ».

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