C. UNE GOUVERNANCE NOVATRICE, PLURALISTE ET ORIGINALE QUI N'A PAS ENCORE PRODUIT TOUS LES EFFETS ATTENDUS
L'Office français de la biodiversité repose sur une gouvernance d'établissement tripartite - conseil d'administration, conseil scientifique et comité d'orientation - ayant vocation à concilier les réalités économiques et sociales avec les enjeux de préservation de l'environnement, en s'appuyant sur l'expertise des scientifiques et en tenant compte des attentes de la société en matière environnementale, conformément à la logique sous-jacente à la notion de développement durable. La composition des instances ainsi constituées reflète cet équilibre des représentations que le législateur a tenu à faire prévaloir au cours de l'examen parlementaire.
1. Un conseil d'administration dont la composition étoffée peut susciter des débats sans lien avec la gouvernance stratégique de l'établissement
De manière assez usuelle pour un établissement public administratif opérateur de l'État, l'Office français de la biodiversité est administré par un conseil d'administration. Le nombre de ses membres est cependant inédit, avec quelque 43 administrateurs ayant voix délibérative, nommés par arrêté ministériel, répartis en cinq collèges40(*).
Ses membres ont vocation à représenter le spectre des missions confiées à l'OFB et la diversité des acteurs hexagonaux et ultramarins oeuvrant pour la protection de la biodiversité, ainsi que des composantes de la société civile, économique et institutionnelle41(*). Le législateur a encadré la composition du conseil d'administration en instituant plusieurs clés de représentation : parité entre le nombre d'hommes et de femmes42(*), 10 % des membres issus des fédérations de chasseurs et de pêcheurs et représentation d'au moins chacun des cinq bassins écosystémiques ultramarins.
Le Gouvernement souhaitait initialement un conseil d'administration plus resserré, une vingtaine de membres selon l'exposé des motifs du projet de loi déposé le 14 novembre 2018, ainsi que l'a défendu le ministre au banc pendant les débats parlementaires, François de Rugy : « nous ne voulions pas additionner purement et simplement les membres du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité et du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Ce serait inflationniste. On a parfois pu procéder ainsi par le passé pour faciliter les fusions, mais à un moment donné, il faut savoir reconnaître que c'est trop et repartir sur des bases efficaces. » Au moment de la fusion, le conseil d'administration de l'AFB comprenait 42 membres et celui de l'ONCFS 26 membres.
La composition élargie du conseil d'administration reflète la volonté du législateur de donner toute sa place aux différentes parties prenantes et de représenter au mieux la diversité géographique et socio-professionnelle des acteurs concourant à la protection et la restauration de la biodiversité, ainsi que l'a souligné Barbara Pompili, rapporteure du projet de loi à l'Assemblée nationale : « Il y a besoin d'un peu de flexibilité, flexibilité qui permet aussi au législateur d'imposer un certain nombre de conditions, en matière de parité ou de représentation de divers acteurs, comme les comités de bassins ou les représentants de l'outre-mer. » Le législateur a souhaité favoriser l'équilibre des expressions et instaurer une gouvernance plus riche en faisant du conseil d'administration un modèle réduit de « parlement de la biodiversité », qui se veut une réponse aux attentes d'intégration globale des enjeux de la multifonctionnalité des espaces et des milieux.
Les assemblées ont également souhaité opérer un rééquilibrage du conseil d'administration au profit d'une meilleure représentation des territoires ultramarins, qui avait suscité un vif débat parlementaire aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, alors qu'environ 80 % de la biodiversité française repose sur des écosystèmes et réservoirs ultramarins. Aujourd'hui, la représentation des outre-mer au sein du conseil d'administration s'élève à environ 16 % avec une présidente, Sylvie Gustave dit Duflo, qui représente le conseil régional de Guadeloupe et préside par ailleurs le Comité de l'eau et de la biodiversité de cette région.
Au cours de son audition devant la commission le 20 mars dernier43(*), la présidente du conseil d'administration a d'ailleurs insisté sur la spécificité d'un conseil d'administration élargi, qui contribue selon elle à la qualité des décisions prises par l'établissement : « la composition du conseil est très importante, car elle reflète le fait que chaque acteur agissant pour la préservation et la valorisation de la biodiversité puisse être associé et coconstruire les actions à mener pour infléchir le déclin de la biodiversité. » De plus, même si les administrateurs siégeant au conseil d'administration représentent des intérêts différents, chacun a vocation à participer à un équilibre global garant des intérêts communs à l'OFB. Le règlement intérieur du conseil d'administration précise en effet que lorsqu'ils siègent, les membres doivent se déterminer dans l'intérêt des missions exercées par l'OFB, sans préjudice des obligations qui sont les leurs dans l'exercice des mandats qui leur sont confiés.
Le 13 février 2020, lors de son discours d'inauguration de l'OFB prononcé à Chamonix, le Président de la République a salué cette évolution initiée par le législateur44(*) : « aucun autre établissement sur le continent ne dispose de la capacité qu'a l'OFB à porter des politiques totales de protection de la nature dans toutes ses composantes et en actionnant tous les leviers. Et l'originalité de cet office, c'est en effet qu'il réunit dans son conseil d'administration tous les acteurs : collectivités locales, associations environnementales, chasse et pêche de loisir, agriculteurs et forestiers, entreprises, pêcheurs maritimes, gestionnaires d'espaces protégés, tous réunis par le même amour de la nature. Tous déterminés à faire. Et tous mettant en synergie leurs moyens, leur culture, parfois leurs différences. »
Si la composition du conseil d'administration peut n'être pas assez resserrée pour des prises de décision rapides45(*), elle assure en revanche une bonne représentativité des parties prenantes. « Cette composition n'a jamais posé de problème en termes de quorum, de délibération ou de bon fonctionnement » a assuré lors de son audition André Flajolet, 3e vice-président du conseil d'administration. Le conseil d'administration, à ses yeux véritablement pluraliste, efficace et responsable, permet d'associer l'ensemble des parties prenantes à la stratégie et au positionnement de l'établissement, sans pour autant mettre en difficulté l'approbation de décisions opérationnelles importantes. Les auditions conduites par la mission d'information n'ont en effet pas mis en évidence de problème d'absentéisme ou de quorum, d'autant plus qu'il est possible de participer en visioconférence aux séances du conseil d'administration.
Dans son rapport précité, la Cour des comptes pointe cependant les limites inhérentes à cette composition élargie : « Le risque en termes de pilotage de l'établissement lié au nombre de membres du conseil d'administration a jusqu'alors été contenu, notamment grâce à l'existence des commissions spécialisées et aux séances de préparation interne aux administrateurs représentants de l'État. Ce mode de fonctionnement reste cependant éloigné des pratiques de gouvernance, constatées chez d'autres opérateurs de l'État. » Lors de leur audition, certains membres du conseil d'administration ont ainsi déploré la mise à l'ordre du jour de questions relatives à des problématiques syndicales, pouvant conduire à un rallongement significatif des séances, au détriment des délibérations à forts enjeux pour l'établissement public.
Le conseil d'administration inaugural s'est réuni le 3 mars 2020, soit quinze jours avant le premier confinement imposé dans le cadre de la pandémie, ce qui n'a pas manqué d'avoir des conséquences sur le bon fonctionnement de l'établissement et a occasionné des retards dans l'acquisition d'une culture d'établissement partagée. Afin de faciliter la préparation des décisions soumises à sa délibération, le conseil d'administration a procédé à la création de deux commissions spécialisées : une commission des interventions pour examiner les conventions, subventions et concours financiers et une commission des finances et de l'audit, ayant pour rôle d'instruire les dossiers relatifs au budget. Au terme de quatre années de fonctionnement, la présidence du conseil d'administration vient d'être reconduite, à la suite à l'élection intervenue le 5 mars 202446(*).
Au cours de sa séance du 14 mars 2024, en réponse à certaines critiques concernant ses modalités de fonctionnement précisées par son règlement intérieur, le conseil d'administration a adopté une charte de déontologie s'appliquant aux membres du Conseil d'administration, de ses commissions spécialisées et du comité d'orientation. Il a également délibéré en faveur d'une obligation générale de déclaration d'intérêts des membres des instances dirigeantes de l'établissement public. Parmi les considérants de cette décision, le conseil d'administration a reconnu que le bon accomplissement de sa mission de service public était « lié au respect de règles de déontologie nécessaire à son autorité ».
Cette charte de déontologie, annexée au règlement intérieur du conseil d'administration, énonce les principes et les codes de conduite qui permettent de garantir la transparence des processus, l'indépendance de ses décisions et avis, l'impartialité et la confidentialité, le respect des critères de sélection et d'attributions des aides et la bonne gestion des fonds publics. L'accent est également mis sur le caractère exemplaire du comportement des membres du conseil d'administration. Le directeur général de l'OFB désigne également un référent déontologue, chargé d'apporter aux membres, à leur demande, tout avis ou toute recommandation utiles pour la bonne application des obligations découlant de la charte de déontologie.
La charte détermine également les modalités de prévention et de traitement des situations de conflit d'intérêts. À cette fin, les administrateurs et membres du comité d'orientation sont tenus de renseigner et d'actualiser une déclaration d'intérêts, listant tout élément susceptible de les placer dans une situation de conflit d'intérêts, transmise au président du conseil d'administration.
Sur le plan administratif, l'Office français de la biodiversité est dirigé par un directeur général, nommé par décret du Président de la République47(*), pour une période de quatre ans renouvelable une fois. Signe de l'importance des missions confiées à l'établissement public, le législateur organique a fait le choix de compléter la liste des dirigeants ou présidents d'organismes dont la nomination par le Président de la République est conditionnée à l'absence d'avis négatif des commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, avec la direction générale de l'OFB48(*). Cette fonction est actuellement exercée par Olivier Thibault, à la suite de son audition par la commission et au vote favorable intervenu le 24 mai 202349(*).
Le directeur général, qui peut également assister aux séances du conseil d'administration avec voix consultative, voit ses missions définies dans la partie réglementaire du code de l'environnement50(*). Il assure notamment le fonctionnement et l'organisation de l'ensemble des services ainsi que la gestion du personnel. Il propose également l'ordre du jour et prépare les délibérations du conseil d'administration, de ses commissions spécialisées, du comité d'orientation et du conseil scientifique et en assure l'exécution. Il est assisté de directeurs généraux et de directeurs régionaux, ainsi que le retrace ci-après le macro-organigramme de l'établissement.
Source : Office français de la biodiversité
2. Un conseil scientifique pour éclairer et légitimer les choix méthodologiques de l'établissement public
Le législateur a également souhaité doter l'OFB d'un conseil scientifique, placé auprès du conseil d'administration, comprenant une part significative de spécialistes de la biodiversité ultramarine51(*). Le décret du 31 décembre 201952(*) précise qu'il assiste le conseil d'administration dans la définition de la politique scientifique de l'établissement. À ce titre, il contribue notamment à l'évaluation des activités de l'établissement en matière de recherche et d'exploitation des résultats de celle-ci, de formation, de diffusion et de valorisation. Il veille également à la coordination des politiques scientifiques des établissements publics rattachés à l'office.
Le conseil scientifique peut être consulté par le président du conseil d'administration ou le directeur général sur toute question relative aux missions de l'établissement. Il peut également se saisir de toute question qu'il juge pertinente au regard de ses missions et formuler toute recommandation. Le conseil scientifique est composé d'au plus vingt-cinq membres dont deux désignés parmi le personnel en activité, choisis en raison de leurs compétences scientifiques et techniques et nommés par arrêté conjoint des ministres de tutelle, sur proposition du directeur général de l'office, pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois. Le conseil scientifique se réunit au moins deux fois par an au cours de réunions plénières qui durent généralement une journée et demie.
Composé actuellement de 23 scientifiques et experts53(*) issus des conseils scientifiques des anciens établissements fondateurs de l'OFB afin de garantir une continuité et de deux membres issus du personnel de l'établissement public, il est présidé par Frédérique Chlous, professeure d'ethnologie appliquée à l'environnement et directrice du département scientifique « Homme et Environnement » du Muséum national d'Histoire naturelle. Sa légitimité repose notamment sur les publications des membres qui le composent, leur présence dans diverses instances scientifiques et leur implication pour favoriser les relations science et société.
Son rôle repose sur un double positionnement, à la fois sur des questions stratégiques relatives à l'ensemble des missions de l'OFB et sur des enjeux opérationnels en appui de la direction et des personnels sur des projets structurants ou à forts enjeux scientifiques ou sociétaux. Depuis sa mise en place, le conseil scientifique a examiné 22 thématiques en séance plénière et élaboré sept avis, publiés sur le site internet de l'OFB54(*). Ce conseil a également organisé des travaux de réflexion ayant pour vocation d'orienter l'établissement dans l'élaboration ou dans la mise en oeuvre de projets.
Les thématiques actuellement abordées sont aussi variées que la santé humaine et la biodiversité, l'économie et la biodiversité, le préjudice écologique, l'activité de police comme levier de transformation, les énergies renouvelables, ainsi que la thématique de la restauration des écosystèmes, centrale pour l'atteinte des objectifs définis dans le cadre de la stratégie de lutte contre l'artificialisation des sols.
La robustesse scientifique du cadre d'action de l'OFB étant fondamentale pour conforter l'exercice des missions de l'établissement, la mission d'information salue la volonté de l'établissement de s'appuyer sur un organe d'expertise appliquée, adossé au conseil d'administration. La crédibilisation des modes d'intervention des inspecteurs de l'environnement constitue en effet l'une des conditions d'une meilleure acceptation de leurs rôles et de leurs missions.
Le conseil scientifique ne joue cependant pas encore pleinement le rôle que lui a assigné le législateur. Dans les observations définitives de son rapport sur l'Office français de la biodiversité, la Cour des comptes a relevé que « son rôle actuel n'est pas conforme aux missions qui lui sont confiées par le code de l'environnement, à savoir assister le CA “dans la définition de la politique scientifique de l'établissement” et dans “l'évaluation des activités de l'établissement en matière de recherche et d'exploitation des résultats de celle-ci, de formation, de diffusion et de valorisation”. Le règlement intérieur du CA ne reprend pas explicitement cette deuxième mission qui, dès lors, n'est pas accomplie ».
Les avis du conseil scientifique se caractérisent en outre par leur brièveté, deux à trois pages en moyenne, et la faible portée opérationnelle des solutions préconisées au conseil d'administration : malgré leur indéniable qualité, les recommandations formulées demeurent assez génériques et s'adressent tout autant aux pouvoirs publics qu'à l'OFB. Alors que le conseil scientifique pourrait utilement contribuer à l'élaboration concrète de lignes directrices en matière d'éclaircissement scientifique des sujets à forts enjeux environnementaux ou sociétaux, force est de constater que cette dimension est insuffisamment mise en oeuvre.
La manière dont le conseil scientifique s'acquitte de ses missions donne à penser que ce rôle pourrait être assuré par un organe externe à l'établissement public, ou en s'appuyant sur l'expertise d'autres établissements publics scientifiques. Les bénéfices d'un conseil scientifique adossé à l'établissement public semblent relativement maigres et n'ont pas produit les effets escomptés en matière de légitimation scientifique de son action. Le rapport précité de la Cour des comptes déplore pour sa part que « le fonctionnement du conseil scientifique apparai[sse] jusque-là en retrait du conseil d'administration et du fonctionnement de l'office. Les saisines et les thématiques qu'il décide de traiter gagneraient à être plus précises et à davantage endosser la dimension évaluative prévue par le code de l'environnement. »
Conscient des marges de progression dont dispose le conseil scientifique pour mieux épauler l'établissement public, le conseil d'administration a examiné au cours de sa réunion du 30 novembre 2023 une note stratégique visant à conforter le conseil scientifique, son rôle et ses principes d'organisation. Elle souligne l'importance des questions stratégiques relatives à l'ensemble des missions de l'OFB et la nécessité de favoriser une meilleure intégration des avis et recommandations du conseil scientifique dans la gouvernance de l'OFB.
À la lueur de ces éléments et forte de la conviction que cette instance peut utilement contribuer au renforcement de la légitimité de l'établissement public, la mission d'information plaide en faveur d'une montée en puissance du rôle du conseil scientifique : celui-ci doit investir de nouveaux terrains et apporter un éclairage plus opérationnel, tout en continuant de garantir la crédibilité scientifique des modalités d'intervention de l'établissement. S'il n'y parvient pas dans des délais raisonnables, la question de son maintien devra être posée.
Le conseil scientifique doit également apporter un appui plus marqué aux missions de connaissance déployées par l'établissement et assurer une veille scientifique afin d'identifier les enjeux émergents, notamment sur les micropolluants aquatiques, en vue de proposer des évolutions des modalités de surveillance environnementale, par exemple à travers l'élaboration de nouveaux paramètres et d'outils d'alerte. Concernant le diagnostic de l'état des milieux et des pressions qu'ils subissent, enjeu dont l'acuité ne fait que croître, le conseil scientifique pourrait s'engager dans un travail au long cours d'identification et d'évaluation de la pertinence des leviers d'action, en amont de leur déploiement, mais également en aval, pour améliorer l'évaluation des mécanismes et des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité.
3. Un comité d'orientation, instance originale de prospective pour inscrire l'établissement dans le temps long
Le législateur a également souhaité instaurer auprès du conseil d'administration de l'établissement un comité d'orientation, réunissant des représentants des différentes parties concernées par les missions de l'Office français de la biodiversité55(*). Présidé par l'ancien sénateur Jérôme Bignon, le comité d'orientation est composé de trente membres, dans le respect de la parité, nommés pour quatre ans, répartis en quatre collèges : Mer (six membres), Outre-mer (six membres), Territoires (neuf membres) et Humanités (neuf membres) et, depuis mars 2023, de dix citoyens - des étudiants tirés au sort56(*). Cette instance originale a vocation à apporter un éclairage sociétal à l'action de l'OFB.
Ce comité, qui se réunit trois fois par an, a pour vocation d'éclairer l'action de l'établissement par une réflexion prospective, en particulier pour tenir compte des attentes de la société et de leur évolution. Les sujets abordés peuvent être liés soit à l'une des missions de l'OFB, soit à une thématique transverse ou à un focus territorial que l'établissement aborde au travers de ses différentes missions. Ainsi que l'a indiqué le directeur général de l'OFB à la mission d'information, le comité participe à la prise en compte des enjeux de la biodiversité du point de vue de ceux qui agissent au sein de la société, et non d'experts académiques.
Un bilan du comité d'orientation a été présenté lors de la réunion du conseil d'administration du 17 octobre 2023. L'objectif assigné à cette instance est d'éclairer l'action de l'établissement ; son objet ne consiste pas à discuter des politiques publiques ou des enjeux de biodiversité de façon générale, mais des actions propres de l'Office. Parmi les pistes d'amélioration qui ont été identifiées figure la nécessité de mieux faire connaître le comité d'orientation, de systématiser le dialogue avec le conseil scientifique et les échanges avec le conseil d'administration, tout en renforçant ses capacités d'animation.
Les sujets traités par le comité d'orientation permettent d'amorcer une réflexion stratégique et prospective sur des thèmes majeurs, à l'instar de l'acceptabilité sociale de la police de la nature, l'impact de la transformation numérique sur les activités de l'OFB, la stratégie de l'OFB dans le domaine de l'agriculture, etc. La Cour des comptes a cependant souligné dans son rapport de juillet 2024 que le conseil d'orientation peinait à trouver sa place et qu'il « reste à ce stade davantage une enceinte permettant d'associer les parties prenantes et d'accompagner l'OFB dans sa phase de montée en puissance qu'une instance chargée, comme son nom l'indique, de définir des orientations. »
La mission d'information souligne malgré tout l'intérêt de cette instance originale, qui permet de tenir compte et de fédérer une expertise citoyenne et sociétale, en dehors des instances classiques de gouvernance, en évitant l'écueil d'une composition pléthorique du conseil d'administration.
Le bon fonctionnement de cet organe, qui contribue à la nécessaire prise en compte par l'OFB des attentes sociétales, peut nourrir la légitimité encore largement perfectible de l'établissement. Le comité d'orientation gagnera donc à mieux cibler ses avis vis-à-vis de l'établissement et à diffuser une approche moins réglementaire et normative des enjeux de préservation de la biodiversité.
4. La double tutelle du MTE et du MASA pour ancrer les missions de l'établissement dans les priorités de l'action publique et le rôle clé du préfet de département au niveau territorial
L'Office français de la biodiversité est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture57(*). L'établissement public considère que cette double tutelle est une opportunité et qu'elle légitime sa mobilisation dans un grand nombre de projets et politiques publiques territoriales.
Pour le compte du ministère de la transition écologique, c'est la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) qui est chargée du suivi de la tutelle58(*). Pour le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ce rôle est assumé par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). C'est le ministère de l'environnement qui exerce la tutelle principale, financière et métier, sur l'établissement à travers le pilotage stratégique des objectifs, l'orientation des politiques de ressources humaines et la gestion de certains personnels. La coordination des tutelles et l'élaboration d'une doctrine commune s'effectuent à travers des échanges réguliers, ainsi que l'ont indiqué les représentants de la DGPE et de la DEB entendus par la mission d'information. En cas de divergences sur le pilotage stratégique de l'établissement, les arbitrages sont forgés et rendus via les cabinets des tutelles respectives.
Au cours de leur audition, les autorités de tutelle ont estimé que « l'OFB occupe pleinement sa fonction d'opérateur de l'État pour l'exercice de ses missions » et qu'il a « fourni un travail considérable depuis sa création en 2020 ». Elles ont également indiqué que la coordination de cette double tutelle serait prochainement fluidifiée, avec notamment l'organisation de réunions associant les directeurs des ministères de tutelle et le directeur général de l'établissement.
Le pilotage stratégique de l'OFB par l'État
En concertation avec sa tutelle, l'OFB s'est doté d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) qui encadre la mise en oeuvre des cinq grandes missions confiées à l'établissement public en vertu de la loi pour la période 2021-2025, signé le 18 janvier 2022.
Ce document de planification fixe les principaux objectifs opérationnels pour chacune des cinq grandes missions assignées à l'OFB. Ainsi, en matière de police de l'environnement, six objectifs principaux ont été fixés : assurer une police environnementale et sanitaire au service de la biodiversité ; assurer un appui aux services de l'État dans l'instruction de certains dossiers soumis à autorisation ou dérogation en s'appuyant sur la séquence « éviter, réduire, compenser » ; contribuer à une bonne application de la police administrative ; mettre en oeuvre de nouvelles prérogatives des inspecteurs de l'environnement en matière judiciaire ; assurer l'organisation de l'examen du permis du chasser et la délivrance du permis de chasser et faire évoluer les outils dédiés à la police et permettre l'accès aux fichiers autorisés pour les inspecteurs de l'environnement. Chacune des quatre autres missions principales de l'OFB se décline pareillement, de deux à six objectifs.
Malgré son intérêt certain pour la mise en oeuvre des missions de l'OFB et le cadrage nécessaire qu'il apporte à l'activité de l'opérateur, ce COP présente plusieurs limites : l'évaluation des objectifs repose simplement sur un suivi chiffré de l'activité, par rapport à une cible définie, et non sur des indicateurs agrégés, complexes ou territorialisés de la capacité de l'établissement à répondre aux grands enjeux de ses missions. En outre, le COP n'assure pas de planification pluriannuelle des ressources mobilisables par l'établissement ; c'est la raison pour laquelle la Cour des comptes a notamment recommandé que le prochain COP puisse « ajouter aux indicateurs actuels de pilotage de son activité des indicateurs d'impact, d'efficience et de qualité de service afin de rendre compte des résultats des actions de l'établissement tels qu'attendus par le public, en particulier le suivi de la population des espèces en danger ou le lien entre ces résultats et les moyens engagés ».
La mission d'évaluation plaide pour que le prochain contrat d'objectifs et de performance assigne des objectifs correspondant plus finement aux attentes du législateur, des tutelles et de la société : le COP peut constituer un intéressant outil de planification, d'objectivation et de légitimation de l'établissement, à la condition que l'évaluation ne repose pas uniquement sur les moyens mobilisés, mais également sur des indicateurs dynamiques d'état, de trajectoire, de pression et de résultat atteint.
Outre cette tutelle qui s'exerce sur l'établissement dans sa dimension nationale, les préfets jouent également un rôle clé dans l'inscription territoriale de l'action de l'OFB. L'article 152 de la loi dite « 3DS59(*) » a ainsi désigné le préfet de département en qualité de délégué territorial de l'OFB, dans le but de rapprocher les actions de l'OFB des enjeux locaux et afin de favoriser une meilleure prise en compte des réalités territoriales. À ce titre, le préfet est chargé « d'assurer la cohérence de l'exercice des missions de police administrative de l'eau et de l'environnement de l'office dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l'État. »
Ce rôle de coordonnateur déconcentré, assumé par le préfet, est fondamental pour clarifier, améliorer l'efficacité et consolider un ancrage local de l'OFB qui soit mieux compris des acteurs territoriaux. Ce pouvoir de coordination à la main des préfets repose sur une nouvelle configuration de l'instance départementale chargée d'harmoniser l'action publique en matière de politique environnementale, la mission inter-services de l'eau et de la nature (Misen), dont les compétences et les missions ont été définies par décret60(*) et précisées par instruction gouvernementale61(*).
Les Misen, dont la présidence est assurée par le préfet de département, sont instaurées dans le but d'améliorer l'efficacité, la cohérence et la lisibilité de l'action de l'État. Ces instances présentent plusieurs avantages aux yeux de la mission d'information : elles permettent de définir et de tenir compte des enjeux locaux, d'associer l'ensemble des administrations autour d'une stratégie unifiée et d'établir un plan de contrôle pour harmoniser les priorités en matière de contrôles environnementaux. Dans sa formation permanente, la Misen est animée par le directeur départemental des territoires et se réunit autant que nécessaire.
Les membres permanents systématiquement associés aux Misen sont les suivants : la direction départementale des territoires et de la mer (DDT-M), l'OFB, la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Deal), la direction départementale de la protection des populations (DDPP), l'agence de l'eau, l'agence régionale de santé (ARS), la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAFF), les services des forces de sécurité intérieure et l'Office national des forêts (ONF).
La composition, les missions et le fonctionnement de la Misen peuvent être précisés et adaptés par arrêté préfectoral, notamment pour tenir compte des spécificités territoriales et des enjeux propres au département : cet organe au calibrage réglementaire ouvert a été institué afin de s'adapter aux configurations et aux priorités locales.
La mission d'information constate toutefois que tous les préfets ne se sont pas encore pleinement emparés de cet outil à l'efficacité déjà saluée par les acteurs, qui participe au renforcement de l'identification et de la légitimité de l'OFB : elle plaide donc pour un pilotage effectif des Misen dans tous les territoires, afin que soit partout assurée la cohérence globale des contrôles administratifs, ardemment souhaitée par les acteurs soumis à la police de l'environnement.
L'autorité réglementaire a instauré un autre instrument de coordination de l'action de police de l'OFB, présidé par le procureur de la République territorialement compétent, instauré par le décret précité du 13 septembre 2023 : le comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (Colden). Cet organe se substitue aux instances opérationnelles de coordination des services de police et de coordination entre parquets et préfets préexistantes, notamment les Copolen62(*) et les Colae63(*).
Cet organe s'est vu confier trois missions principales de coordination au niveau départemental de la lutte contre les atteintes à l'environnement : veiller aux échanges d'informations concernant les atteintes à l'environnement entre les autorités et services concernés ; exploiter ces informations afin d'apprécier l'opportunité de diligenter une enquête pénale ; coordonner l'action judiciaire avec l'action administrative ainsi que les réponses pénales et administratives qui ont vocation à être apportées aux atteintes à l'environnement. Cet organe permet aux procureurs de la République de bénéficier d'un cadre privilégié afin d'exposer leurs politiques pénales et de s'assurer que la mise en oeuvre des contrôles coïncide avec celles-ci.
Réuni chaque fois que nécessaire et au moins deux fois par an, le Colden est notamment composé du préfet de département ou de son représentant, des représentants des services de l'État, des établissements publics de l'État compétents en matière de lutte contre les atteintes à l'environnement et des services de police judiciaire concernés par les procédures. Le service départemental de l'OFB est membre permanent du Colden ; afin de faciliter les échanges, chaque structure représentée peut désigner en son sein un référent « Colden ». Les échanges entre les administrations s'inscrivent dans le cadre de l'article L. 174-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi de 2020 relative à la justice environnementale64(*), qui autorise désormais les fonctionnaires et agents chargés des polices administrative et judiciaire à se communiquer l'ensemble des informations et documents nécessaires à leurs contrôles et enquêtes, sans que puisse y faire obstacle le secret professionnel.
Selon l'instruction précitée du 16 septembre 2023, le Colden est « destiné à préparer et [...] optimiser la judiciarisation des procédures administratives » et son domaine de compétence s'étend à toutes les thématiques couvertes par le code de l'environnement ainsi qu'à l'ensemble des thématiques connexes dès lors que les atteintes constatées présentent un lien manifeste avec la protection de l'environnement.
Afin d'assurer une bonne cohérence de ces instances de coordination, une réunion annuelle des membres permanents de la Misen et du Colden est chargée d'assurer l'articulation de ces deux instances. Cette réunion a pour objectifs de dresser un état des lieux des atteintes à l'environnement dans le département ainsi qu'un bilan des suites apportées aux procédures administratives et judiciaires au cours de l'année précédente ; valider le projet de plan de contrôle inter-services de la police de l'eau et de la nature ; définir des axes prioritaires dans les actions de lutte contre les atteintes environnementales et communiquer sur les actions menées, pour permettre une meilleure compréhension des contrôles et un accroissement de leur acceptabilité.
En définitive, la gouvernance originale de l'OFB repose sur des organes qui ont pris avec sérieux et responsabilité l'ampleur de la tâche que le législateur leur a confiée dans la conduite des missions de l'OFB. Les profondes attentes sociales vis-à-vis de l'établissement public plaident pour la poursuite de l'investissement des membres de ces instances, pour mettre un terme au constat fait par la Cour des comptes en juillet 2024 d'une « gouvernance élargie qui n'a pas encore trouvé son point d'équilibre ».
À ce stade de l'histoire administrative de l'OFB, la mission d'information estime que la structuration de la gouvernance donne satisfaction et qu'aucun ajustement structurel de nature législative n'est nécessaire pour qu'elle produise pleinement ses effets. Ces instances doivent désormais approfondir les chantiers qui ont été instaurés pour contribuer à un pilotage stratégique forgé par l'ensemble des parties prenantes à la gouvernance de l'OFB, de nature à consolider l'établissement dans le paysage administratif des acteurs de la préservation de l'environnement.
Une fois que la gouvernance de l'établissement sera pleinement mature, il conviendra de s'interroger sur la nécessité de maintenir à l'identique certaines instances mises en place pour accompagner et faciliter les premiers pas de l'établissement dans un environnement administratif complexe. Dès lors que son organisation administrative sera consolidée et sa légitimité renforcée, l'exigence d'efficacité devra alors devenir la priorité de l'établissement, dans un contexte budgétaire contraint qui élève l'efficience de la dépense publique au rang d'impératif à rechercher par l'ensemble des opérateurs de l'État.
* 40 Articles L. 131-10 et R. 131-28 du code de l'environnement.
* 41 En application de l'article R. 131-28-2 du code de l'environnement, le mandat de membre du conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité est exercé à titre gratuit, sous réserve de remboursement des frais de déplacement et de séjour dans les conditions prévues par la réglementation applicable aux personnels civils de l'État.
* 42 « Il est composé de manière à ce que l'écart entre le nombre d'hommes, d'une part, et le nombre de femmes, d'autre part, ne soit pas supérieur à un. »
* 43 Le compte rendu est publié en annexe du présent rapport d'information.
* 44 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/02/13/discours-du-president-de-la-republique-lors-du-lancement-de-loffice-francais-de-la-biodiversite
* 45 Dans son rapport consacré à l'OFB, à la quatrième page, la Cour des comptes indique que le « dimensionnement du CA, défini par la loi, l'amène à assumer des fonctions qui pourraient être assurées par d'autres instances ».
* 46 Sa composition est consultable sur le site internet de l'OFB à l'adresse : https://www.ofb.gouv.fr/le-conseil-dadministration
* 47 Article L. 131-13 du code de l'environnement.
* 48 Loi organique n° 2019-789 du 26 juillet 2019 complétant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
* 49 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20 230 522/devdur.html#toc2
* 50 Article R. 131-30 du code de l'environnement.
* 51 Ainsi que le dispose l'article L. 131-11-1 du code de l'environnement. Le rôle du conseil scientifique vis-à-vis de l'OFB est quant à lui encadré par l'article R. 131-29 du code de l'environnement.
* 52 Décret n° 2019-1580 du 31 décembre 2019 relatif à l'Office français de la biodiversité.
* 53 La constitution des membres du conseil d'administration a été publiée par arrêté ministériel en mai 2020.
* 54 https://www.ofb.gouv.fr/le-conseil-scientifique
* 55 Article L. 131-12 du code de l'environnement. C'est par la délibération n° 2021-08, adoptée en mars 2021, que le conseil d'administration de l'OFB a établi le comité d'orientation et en a fixé les fondamentaux (mandat, présidence, composition, rythme des réunions, etc.).
* 56 Les étudiants tirés au sort suivent des formations universitaires diversifiées : environnement, sciences dures, sciences politiques, arts et architecture ainsi que sciences humaines et sociales.
* 57 En application de l'article R. 131-27 du code de l'environnement.
* 58 Plus précisément le Bureau de la tutelle de l'Office français de la biodiversité, des agences de l'eau et de l'établissement public du Marais poitevin et de la synthèse et l'appui transverse opérateurs.
* 59 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
* 60 Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 relatif à la coordination en matière de politique de l'eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales.
* 61 Instruction du Gouvernement du 16 septembre 2023 relative à la coordination en matière de police de l'eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales.
* 62 Comité des polices de l'environnement.
* 63 Comité de lutte contre les atteintes à l'environnement.
* 64 Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.