EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 juillet 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Bruno Belin, rapporteur spécial, sur l'immobilier de la gendarmerie nationale.

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à une communication de notre collègue Bruno Belin, rapporteur spécial de la mission « Sécurités », sur l'immobilier de la gendarmerie nationale.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Le sujet que nous abordons nous parlera sans aucun doute à tous puisque, sur tous nos territoires, se posent des sujets liés aux casernes de gendarmerie et aux militaires qui y exercent.

Je débuterai ma présentation par une question simple : comment espérer attirer de futurs gendarmes sans pouvoir proposer à ces candidats des conditions de vie et de travail décentes ? À Dijon, l'hiver dernier, des centaines de gendarmes ont été affectés par des coupures de chauffage, voire d'eau chaude dans leur logement ; l'entreprise de maintenance a dû intervenir cinquante fois pour les rétablir tant bien que mal. Proposer des conditions de vie correctes constitue tout de même le minimum à fournir à nos gendarmes et à leurs familles, elles aussi soumises à rude épreuve du fait du logement en caserne.

Je ne m'étends pas sur la vétusté avérée de certains bâtiments. Vous connaissez tous, dans chacun de vos départements, des casernes plus ou moins bien entretenues. Vous avez l'habitude d'échanger avec les brigades de gendarmerie de vos territoires. Par conséquent, vous avez conscience de l'investissement exemplaire des gendarmes et vous savez qu'il n'est pas dans leur habitude de se plaindre de leurs conditions, même si nous avons des progrès très importants à faire sur l'immobilier de la gendarmerie à l'échelle nationale.

Dans le cadre de ce contrôle budgétaire, j'ai découvert de nombreuses emprises de la gendarmerie et visité une dizaine de casernes réparties dans quatre départements. Je tiens à souligner que le constat de la situation dégradée du parc immobilier de la gendarmerie est partagé par l'ensemble des parties prenantes. En particulier, le haut commandement de la gendarmerie est pleinement investi sur ce sujet. Pour reprendre l'expression du général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), nous avons une « responsabilité collective » dans la situation actuelle de dégradation de l'immobilier de la gendarmerie. J'ajoute pour ma part que nous avons également la responsabilité collective de trouver les voies et moyens pour redresser cette situation.

En préambule, avant de détailler les problèmes financiers de la politique immobilière de la gendarmerie, j'aimerais attirer votre attention sur la spécificité de ce parc. À la différence de l'immense majorité des agents publics, les militaires de la gendarmerie nationale sont soumis à une obligation de logement en caserne, le cas échéant avec leurs familles. L'attribution d'un logement à chaque officier et sous-officier est à la fois un droit et une sujétion rattachée au statut de militaire d'active. Par conséquent, les problèmes soulevés par la dégradation des bâtiments occupés par la gendarmerie dépassent le cadre habituel des conditions de travail de nos agents publics.

Une gendarmerie vétuste pose au moins trois séries de problèmes qui peuvent nuire à la qualité du service rendu : premièrement, les gendarmes voient leurs conditions de travail dégradées lorsqu'ils sont contraints de réaliser leurs tâches quotidiennes dans des bâtiments qui n'y sont plus adaptés ; deuxièmement, le public reçu dans la gendarmerie est affecté lorsque la disposition du bâtiment ne se prête pas à un accueil approprié, en particulier pour les victimes potentielles ; troisièmement, les conditions de vie des gendarmes et de leurs familles dépendent du bon entretien des casernes.

Il faut souligner à ce titre que cette obligation de logement en caserne revêt une importance déterminante pour la gendarmerie et son efficacité opérationnelle. Sur le terrain, les équipes nous ont montré comment on pouvait mobiliser une cinquantaine de personnes en dix minutes, car elles étaient déjà présentes sur place. En effet, la gendarmerie doit assurer le maintien de l'ordre dans une zone très vaste qui recouvre 95 % de notre territoire et 50 % de ses habitants. L'obligation de logement en caserne ne peut par conséquent être détachée de l'obligation particulière de disponibilité, à laquelle les gendarmes sont soumis en qualité de militaire.

À partir d'un réseau dense de 3 700 casernes réparties sur l'ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales et périurbaines, la disponibilité des gendarmes et leur obligation de logement en caserne constituent la clé de voûte de la permanence de la posture opérationnelle de la gendarmerie nationale.

Pour ces différentes raisons, la question immobilière ne saurait être reléguée à une « fonction support » de la gendarmerie nationale, étant une composante indispensable à son efficacité opérationnelle et, par conséquent, une fonction stratégique.

Une fois exposé ce préambule, j'aimerais vous présenter succinctement les deux constats structurants de mon contrôle budgétaire. Le premier, qui fait malheureusement l'objet d'un consensus depuis longtemps sans avoir été corrigé, est le sous-investissement massif et chronique dans le maintien en état du parc domanial de la gendarmerie nationale, lequel, possédé par l'État, regroupe 649 casernes et une surface totale de 5,2 millions de mètres carrés. Ce patrimoine historique comporte des bâtiments très anciens, comme les immeubles du quartier Delpal, sur le plateau de Satory, construits en 1933, ou encore de nombreuses casernes construites dans les années 1970.

En tant que propriétaire, la gendarmerie ne paie pas de loyers pour occuper ces bâtiments. En revanche, elle doit prendre à sa charge non seulement l'entretien courant, mais également les dépenses à la charge du propriétaire, en particulier les travaux lourds de maintenance et de réhabilitation des immeubles vieillissants. Or les dotations budgétaires de la gendarmerie ne lui permettent pas de le faire, ce qui entraîne une dégradation de ce patrimoine immobilier. Par exemple, pour l'exercice 2023, les besoins d'investissement ont été estimés à 400 millions d'euros, pour seulement 118 millions d'euros dépensés pour la maintenance et la réhabilitation du parc - près de quatre fois moins que ce qu'il aurait fallu !

La conséquence directe de ce sous-investissement est une dégradation lente des bâtiments, qui aboutit aux situations de vétusté que j'évoquais au début de mon propos. J'ajoute que cette situation n'est pas nouvelle et résulte de plusieurs décennies de sous-investissement.

Pour mesurer ce retard, j'ai demandé à la gendarmerie des données recouvrant la dernière décennie pour comparer l'écart annuel entre les besoins d'investissements et les investissements réalisés. Il en ressort que depuis 2014, les dix derniers exercices budgétaires ont donné lieu à un sous-investissement systématique dans la maintenance et la réhabilitation du parc domanial. Sur cette décennie, la gendarmerie a constitué une « dette grise » cumulée de 2,2 milliards d'euros, qui correspond au retard significatif pris par rapport aux investissements identifiés pour maintenir en état le patrimoine immobilier de la gendarmerie, qui appartient en définitive à la collectivité.

Le deuxième constat structurant de mon contrôle concerne le coût croissant des loyers dans les dépenses immobilières de la gendarmerie nationale. En effet, pour compléter son parc domanial, la gendarmerie occupe 3 000 casernes locatives, souvent des emprises plus petites, réparties sur l'ensemble du territoire. Elles appartiennent en général à des collectivités territoriales ou à des organismes d'habitations à loyers modéré et sont plus récentes et mieux entretenues que celles du parc domanial. La gendarmerie nationale négocie avec le bailleur un loyer annuel dont le montant ne peut être révisé pendant les neuf premières années d'occupation. Ce schéma de financement présente plusieurs avantages, ce qui explique que l'extension du parc immobilier de la gendarmerie résulte principalement de la construction de nouvelles casernes locatives.

En premier lieu, ce montage permet à la gendarmerie d'étendre son parc immobilier sans investissement immédiat en capital, ce que ses marges de manoeuvre financières actuelles ne lui permettraient pas. En effet, la charge du financement de la construction des bâtiments repose, le cas échéant en recourant à l'emprunt, sur la collectivité ou sur l'organisme HLM concerné, qui dispose en tout état de cause d'une source fiable de revenus pour rembourser son emprunt par les loyers versés par la gendarmerie.

En second lieu, le décret du 28 janvier 1993 permet aux collectivités territoriales qui construisent des casernes de bénéficier d'une subvention à l'investissement, qui réduit leur dépense sans diminuer la valeur du patrimoine qu'elles constituent.

Néanmoins, au regard de la dégradation du parc domanial que j'ai évoquée, le poids grandissant du parc locatif dans le parc total de la gendarmerie se traduit par une charge croissante des loyers versés aux bailleurs. En 2023, la gendarmerie a ainsi consacré 590 millions d'euros au versement de ses loyers, c'est-à-dire 64 % de l'ensemble de ses dépenses immobilières. Sans un mouvement de stabilisation, voire de rééquilibrage en faveur du parc domanial, il existe un risque réel que la dynamique des loyers à verser aux bailleurs n'efface toute marge de manoeuvre budgétaire.

Partant de ces constats structurants, je formule sept recommandations dont l'objectif est d'engager une dynamique de redressement de la situation bâtimentaire de la gendarmerie. J'insiste, pour conclure, sur trois d'entre elles.

Premièrement, j'invite la gendarmerie à mobiliser des modes de financement innovants, en particulier le marché de partenariat. Comme vous le savez, le principe du marché de partenariat, ou partenariat public-privé (PPP), est de confier à un opérateur privé une mission globale de conception, de construction et de maintenance d'un immeuble en amortissant cet investissement par le versement de loyers sur une longue période, d'une trentaine d'années environ. Dans le cas de la gendarmerie, au regard de l'impasse de financement dans laquelle se trouve actuellement le ministère pour réaliser des investissements structurants dans le parc domanial, il apparaît comme l'instrument de financement adéquat.

En effet, en faisant porter le coût du financement par l'opérateur, le marché de partenariat permet à la gendarmerie d'étendre son parc domanial malgré son absence de marge de manoeuvre financière. Au regard des enjeux opérationnels de la gendarmerie, les opérations immobilières - dont nos déplacements ont confirmé l'importance - sur le plateau de Satory et à Dijon me semblent être deux projets prioritaires pour lesquels le recours au marché de partenariat doit être rapidement confirmé.

Deuxièmement, j'invite le ministère des finances et plus particulièrement la direction du budget à faire avancer les travaux de révision des coûts-plafonds commencés en 2019. En effet, mes interlocuteurs au sein des collectivités territoriales comme de la gendarmerie nationale m'ont confirmé que la formule actuelle de fixation des loyers versés par la gendarmerie nationale n'était plus adaptée aux coûts réels supportés par les collectivités.

Or la gendarmerie se trouve dans une phase d'extension de son parc locatif pour répondre à l'installation des 200 nouvelles brigades prévues par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Pour éviter les risques de blocage de certains projets de construction de caserne du fait de conditions financières déséquilibrées, les travaux de révision des coûts-plafonds doivent être rapidement conclus.

Enfin, troisièmement, j'invite le ministère à réitérer annuellement l'exercice d'identification des situations immobilières d'urgence à traiter en priorité, alors que certaines sont reportées depuis les années 1980... En 2020, le plan « poignées de porte » avait permis 1 700 opérations de travaux courants. Toutefois l'amélioration du quotidien de nos gendarmes est un travail de longue haleine et il est souhaitable que cette démarche soit systématisée pour assurer un suivi transparent de ces investissements.

Le redressement de la situation bâtimentaire de la gendarmerie est une responsabilité collective et il nous appartient d'engager une dynamique de réinvestissement.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Là où la situation bâtimentaire est dégradée, on observe un fort turnover des gendarmes, qui font parfois tout pour se sauver au plus vite... Dans certains territoires éloignés des villes, les gendarmeries sont souvent plus petites, avec un fort besoin d'investissement. Or, pour rénover, il y a besoin de recourir au locatif, mais les organismes HLM n'ont pas toujours de réponse. Nous sommes donc dans une impasse.

Nous sommes à la croisée des chemins entre une compétence complètement régalienne - et la gendarmerie a intelligemment réorganisé sa présence territoriale et ses moyens - et une compétence partagée. J'entends ce que vous dites sur les marchés de partenariats. Sur la question des loyers, le délai de neuf ans sans renégociation peut être bloquant et c'est une question qu'il faudra retravailler. L'État dispose d'institutions financières comme la Caisse des dépôts et consignations (CDC) avec lesquelles nous pourrions par ailleurs échanger.

Puisque nous parlons d'un bras armé, il serait logique que la CDC, la banque des territoires, soit aux côtés de la gendarmerie et des collectivités pour trouver des solutions. Il est anormal de faire appel à des intercommunalités, qui sont hors de leur champ de compétences, alors qu'elles croulent sous les responsabilités. Nous parlons d'une fonction régalienne ! À l'inverse, lorsque les casernes sont récentes, les gendarmes restent davantage, même dans des territoires a priori peu attractifs. C'est gagnant-gagnant.

Il fut un temps où le PPP s'est fait aux dépens des collectivités. Les investisseurs prennent leurs marges de sécurité.

M. Marc Laménie. - Merci à Bruno Belin pour son travail d'investigation. Dans bien des départements - notamment celui des Ardennes, dont je suis issu -, la gendarmerie est la première force de sécurité. Majoritairement, les casernes sont locatives, souvent la propriété des conseils départementaux. Pour de petits travaux de maintenance, comme en plomberie, cela entraîne une forte complexité et des délais de plusieurs mois.

Comment sont organisées les créations de nouvelles gendarmeries ? Interrogé par le préfet, j'appelais plutôt à compléter les effectifs des brigades existantes dans les territoires ruraux, où il manque trois gendarmes en moyenne. Construire de nouvelles casernes aggravera la situation et augmentera encore le patrimoine immobilier, souvent en mauvais état.

Je prends enfin l'exemple de la centrale nucléaire de Chooz - le département de Bruno Belin, la Vienne, en a une aussi -, laquelle a besoin d'un peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG). La commune d'accueil de la centrale, de 1 000 habitants, en a financé la totalité, pour une construction dans un temps record, de qualité exceptionnelle...

Mme Sylvie Vermeillet. - Quant au sous-investissement chronique, le constat est-il le même partout ? Dans mon département du Jura, mais aussi dans le Doubs, les communautés de communes, comme l'a rappelé le rapporteur général, ont pris à bras-le-corps le problème du sous-investissement. C'était pire il y a quinze ans. C'est grâce à elles que nous avons beaucoup de casernes neuves. Le pas a été franchi. Y a-t-il plus d'urgence dans certains territoires ?

M. Stéphane Sautarel. - Je souscris moi aussi aux recommandations de notre collègue, notamment sur le recours aux financements innovants. Le casernement maintient une population sur le territoire. C'est parfois le dernier service public à le faire, d'où une exigence d'investissement et de qualité de l'accueil - ce n'est pas toujours le cas dans le plan des 200 nouvelles brigades. Le Cantal, mon département, doit recevoir une brigade fixe et une brigade mobile. Or l'implantation de la première dépend de l'apport de foncier par la commune d'implantation et de l'engagement de l'opérateur HLM sur le montage foncier. Travailler sur le blocage des loyers est indispensable.

Enfin, seulement 18 millions d'euros ont été consacrés à l'acquisition et la construction de nouvelles gendarmeries à l'échelle nationale : le confirmez-vous ? Ce montant démontre la situation de carence absolue dans laquelle nous sommes.

M. Grégory Blanc. - Je remercie à mon tour le rapporteur spécial et souscris à ses recommandations. Ce qui met nos territoires en tension est la demande aux collectivités locales d'assumer de plus en plus des compétences liées aux fonctions régaliennes de l'État, dans un moment d'illisibilité. Le Beauvau de la sécurité n'a pas été à son terme, et l'État demande aussi aux communes d'assurer davantage de missions de police municipale. Les communes doivent payer l'immobilier de l'État et assurer davantage la tranquillité publique, voire exercer des missions de police judiciaire !

Il y a donc besoin de clarification sur la question fondamentale de l'ordre public et républicain. Il faut évoquer l'immobilier dans cet indispensable grand débat, car l'incompréhension contribue à la situation actuelle.

Je rejoins Sylvie Vermeillet : dans mon département de Maine-et-Loire, il y a quinze ans, le grand plan de la société publique locale d'aménagement, dont la CDC est actionnaire, a bien fonctionné et couvert tout le territoire. Depuis la fin du plan, ce sont les communes qui portent les projets, avec des plans d'investissement non couverts par les loyers. Dans mon canton, il y a un projet d'implantation d'une prison en zone gendarmerie. La commune devra assumer les coûts, conséquents, d'implantation de la gendarmerie correspondante, sans réponse de l'État. Or il y va de l'acceptabilité par la population de la prison elle-même ! Certains, toujours les mêmes, devront payer pour l'ensemble des autres.

M. Michel Canévet. - Je partage les recommandations de Bruno Belin, qui s'illustrent aussi dans le Finistère. Sur le PPP, je rappelle le cas de l'ensemble Fontenoy-Ségur, l'État récupérant trente ans après la propriété du bâti. Votre recommandation n° 1 va-t-elle en ce sens ?

Sur la recommandation n° 7, privilégiez-vous une spécialisation pour la gendarmerie ou une mutualisation des moyens consacrés aux bâtiments de l'État ?

L'obligation d'habiter en caserne soumet certains militaires à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS). Ne peut-on envisager une dispense ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - J'ai moi aussi un doute sur le recours aux marchés de partenariat pour financer des services au coeur du régalien. Cela a pu être fait par le passé, y compris pour financer des prisons, mais j'ai une réserve de principe, sachant que cela coûte parfois plus cher in fine.

Sur la recommandation n° 2, relative à la révision des coûts-plafonds, j'ai consulté le décret de 2016 : les montants initiaux font l'objet de mécanismes de revalorisation annuelle. Cette indexation est-elle insatisfaisante ?

Mme Christine Lavarde. - J'ai écouté cette communication avec beaucoup d'intérêt, étant membre du Conseil de l'immobilier de l'État.

Depuis la séparation des zones police et gendarmerie, la gendarmerie n'utilise plus certains bâtiments - c'est le cas d'un édifice désaffecté dans ma ville. Quelle est la politique menée pour ce type de bâtiments ?

S'agissant des locaux qui sont propriété de la gendarmerie, comment est perçue la création de la foncière d'État ?

Les crédits d'investissement du ministère font-ils partie des crédits gelés, c'est-à-dire des crédits qui sont bien visibles dans Chorus, mais ne peuvent être consommés ? Si oui, quel niveau représentent-ils pour 2024 ?

M. Bernard Delcros. - Votre rapport fait écho à ce que nous vivons dans les territoires. J'ai visité des gendarmeries quasi insalubres, certains gendarmes devant parfois être logés à l'extérieur, ce qui pose la question de l'offre locative locale...

Pour redresser la situation, avez-vous évalué le montant annuel nécessaire, qu'il soit sous forme de PPP - je relève les réserves de mes collègues -, de loyer ou de remboursement d'emprunt ?

M. Raphaël Daubet. - Je m'interroge sur la conduite des projets, complexes, contraignants. L'inertie administrative aggrave le sous-investissement chronique. À Souillac, un projet de construction de gendarmerie est envisagé depuis dix ans, dont la première pierre n'a pas été posée... N'y a-t-il pas un enjeu d'assistance à la maîtrise d'ouvrage ou d'opérationnalité ?

Mme Isabelle Briquet. - Votre rapport reflète notre vécu dans l'ensemble des territoires. Sur la recommandation n° 2, les échanges avec la DGGN et la direction du budget révèlent-ils une nécessité de réviser les coûts-plafonds ? Sur le terrain, cela remet en effet de nombreux projets en cause, entre les exigences de la gendarmerie et les capacités des organismes HLM et des collectivités. Le surcoût par rapport aux projets classiques doit se traduire dans les loyers. Or beaucoup d'organismes ne donnent pas suite.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Je vous appelle à visiter vos gendarmeries sur le terrain, accompagnés de la presse quotidienne générale : leur état est souvent lamentable, parfois scandaleux. Nous avons observé un peloton motorisé abrité dans un bâtiment exigu au bord d'une autoroute sans sanitaires différents pour chaque sexe, dans lesquels tout le monde était reçu dans la même pièce, y compris pendant le covid. Une deuxième ou troisième personne en garde à vue ne dispose pas d'un lieu de sûreté adapté, en 2024, dans la sixième puissance mondiale !

Nous avons vu des gendarmerie sans aucun gendarme ! Ainsi, une ville de 1 000 habitants est sans couverture. Les conjoints de gendarmes commencent à faire passer des messages, relevant par exemple l'absence d'eau chaude. Les gendarmes sont souvent logés ailleurs, louant à leurs frais une maison à dix minutes du village...

Tirons une cartouche politique : à Dijon, un règlement intérieur non écrit prévoit que les gendarmes ne lèvent pas les volets avant 7 heures du matin et ne les abaissent pas après 22 heures. Ils doivent limiter l'usage des interrupteurs et des toilettes dans certains créneaux horaires - en 2024, à Dijon, en France. Le gendarme lui-même, par discipline, ne dit rien.

À Satory, avec l'élite de la gendarmerie, les centaures et le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), nous n'avons pas les moyens de nos ambitions. Si l'on veut des gens compétents, disponibles, qui vivent bien avec leur famille, il faut répondre aux questions d'immobilier. Le guide Michelin des gendarmeries est déplorable... Cela joue sur les mutations. Pour votre information, nous avons intégré dans le rapport d'information une carte régionale sur l'état bâtimentaire des casernes.

Je confirme le montant de 400 millions d'euros identifiés comme les investissements annuels nécessaires pour assurer le maintien en état du parc domanial, mais c'est surtout l'état de la gendarmerie qui pose question. Pour le gel, Christine Lavarde, je confirme que le budget immobilier de la gendarmerie entre bien dans le périmètre des crédits qui sont gelés en début d'année par le responsable de programme. Cependant, je ressens une forte bonne volonté de la gendarmerie pour apporter des réponses.

J'ai moi aussi, comme président de département, expérimenté des PPP. Dans le périmètre de la gendarmerie, le siège de la DGGN à Issy-les-Moulineaux est une belle réussite de PPP.

Les immeubles vides sont gérés par les services du domaine, c'est-à-dire la direction de l'immobilier de l'État, qui s'efforce de les valoriser.

Sur les nouvelles gendarmeries, il n'y a pas d'argent pour construire de nouvelles casernes domaniales ! Nous avons auditionné le maire de Dompierre-sur-Mer, près de la Rochelle, où une brigade est annoncée : c'est à lui de trouver le capital pour investir, de demander au département... On bascule la responsabilité sur les collectivités. Les élus, de bonne volonté et réactifs, se révèlent agiles. Cependant, les offices HLM, très ponctionnés voilà quatre ou cinq ans, sont désormais plus réservés et attendent un accord des conseils départementaux, dont il est inutile de rappeler l'état...

Du fait du zéro artificialisation nette (ZAN) et des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), les élus se tournent vers l'existant. Sur les 90 projets de la première vague prévus pour 2027, on pourra compter ceux qui sont achevés sur les doigts de la main...

La foncière de l'État est une bonne idée. Tant que les gendarmes seront de bonne volonté et dans la discipline militaire, cela se passera bien. Mais l'exemple de Dijon, où les familles ne peuvent aller aux toilettes après 22 heures, ne sera pas tenable longtemps...

Nous avons donc une responsabilité collective face à ce sous-investissement. Pour accompagner cette force indispensable, il faut lui apporter une publicité, des crédits et des moyens !

Mme Isabelle Briquet. - Sur la recommandation n° 1, je reste réservée quant au recours aux partenariats public-privé.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

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