II. LA MOBILISATION D'INVESTISSEMENTS INNOVANTS ET UNE MEILLEURE PROGRAMMATION DES INVESTISSEMENTS CONSTITUENT DES LEVIERS D'AMÉLIORATION DE LA SITUATION IMMOBILIÈRE DE LA GENDARMERIE NATIONALE

A. DÉVELOPPER LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS PAR LA MOBILISATION DE MONTAGES FINANCIERS INNOVANTS

1. La réalisation à court terme des projets structurants de la gendarmerie nationale et l'installation des nouvelles brigades nécessitent d'adapter les modes de financement des investissements immobiliers associés
a) Le recours aux marchés de partenariat pour les projets structurants de la gendarmerie permet un étalement dans le temps des investissements associés

La stratégie immobilière de la gendarmerie doit tenir compte des contraintes budgétaires qui pèsent sur l'ensemble des missions du budget général. En particulier, le montant actuel du budget immobilier annuel de la gendarmerie (923 millions d'euros en 2023) ne permet pas le déploiement d'une stratégie d'investissement financée par les crédits de la mission pour la construction de nouveaux bâtiments ou l'extension d'emprises existantes. Pour autant, le vieillissement du parc domanial et la nécessité d'adapter les bâtiments au durcissement des contraintes opérationnelles de gendarmerie nécessite d'engager des investissements immobiliers importants dans les années à venir.

Cet objectif d'adopter la stratégie d'investissements immobiliers de la gendarmerie à l'évolution des contraintes opérationnelles a été consacré en 2020 par le Livre blanc sur la sécurité intérieure qui fait état de la nécessité pour la stratégie immobilière de « couvrir les besoins capacitaires ou fonctionnels nouveaux » et de « financer les projets d'envergure de la gendarmerie »31(*).

En qualité de responsable du programme budgétaire 152 « Gendarmerie nationale », le directeur général de la gendarmerie nationale court le risque de se trouver dans une impasse de financement dès lors que 64 % de son budget immobilier est consacré au paiement de loyers auquel il ne saurait se soustraire.

Sur les 130 millions d'euros de dépenses d'investissement qui peuvent être regardées comme pilotables, le responsable de programme est également contraint par le fait que le parc domanial souffre d'un sous-investissement chronique en matière de maintenance et de réhabilitation des bâtiments, ce qui justifie que ce poste de dépense concentre 77 % des investissements immobiliers soit 100 millions d'euros en 2023. Par conséquent, le budget annuel de la gendarmerie consacré aux investissements d'acquisition et de construction immobilière a été de 18 millions d'euros en crédits de paiement en 2023. Ce niveau structurel faible de crédits de construction résulte structurellement des contraintes budgétaires qui pèse sur la gendarmerie comme sur l'ensemble des dépenses publiques, dans une situation de dégradation des finances publiques.

Pour répondre au risque d'impasse financière auquel est affrontée la gendarmerie nationale, le rapporteur relève qu'il est nécessaire de mobiliser des modes alternatifs de financement des investissements immobiliers pour pouvoir réaliser les investissements nécessaires à la couverture des besoins opérationnels nouveaux et améliorer les conditions de vie et de travail des militaires de la gendarmerie.

Les marchés de partenariat constituent un partenariat public-privé (PPP) ayant pour objet de déléguer à un partenaire privé la construction d'un bâtiment et de le prendre en location pendant une longue période à l'issue de laquelle le bâtiment revient dans le patrimoine de l'État.

Le cadre juridique des marchés de partenariat a été institué par l'ordonnance du 23 juillet 201532(*) et codifié depuis dans le code des marchés publics. Il définit le marché de partenariat comme un marché public par lequel l'acheteur public confie à un opérateur économique une mission globale comprenant la réalisation et le financement partiel ou total d'un bien nécessaire au service public.

Dans le domaine immobilier, le marché de partenariat peut inclure, outre les travaux de construction et de rénovation, les missions de « conception des ouvrages » et celle « d'aménagement, d'entretien, de maintenance et de gestion »33(*). La participation de l'opérateur économique au financement du projet est un levier déterminant pour les acheteurs publics ne disposant pas d'une capacité d'investissement immédiate dès lors qu'elle permet un paiement différé qui permet de lisser sur le long terme, en l'intégrant au prix des loyers, le coût du financement de l'opération.

La gendarmerie nationale a déjà eu recours à des partenariats publics privés (PPP), qui ont pris la forme d'autorisations temporaires d'occupation du domaine public assorties d'une location avec option d'achat (AOT/LOA). Ce montage, prévu par la loi d'orientation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 200234(*), a été remplacé à partir de l'ordonnance du 23 juillet 201535(*) par les marchés de partenariat.

Un exemple de partenariat public privé de la gendarmerie nationale :
la caserne de Sathonay-Camp

La caserne de Sathonay-Camp (Rhône) a été construite par un prestataire dans le cadre d'un marché de partenariat (AOT/LOA) signé en mai 2009 avec une mise à disposition des locaux à compter de juillet 2012 et un bail de trente ans. Les bâtiments construits ont permis la création de 417 logements et 102 hébergements ainsi que l'extension des locaux de service et techniques (LST) au profit notamment de la région de gendarmerie Auvergne-Rhône-Alpes et du groupement de gendarmerie mobile I/5. L'opération représente un montant de 411 millions d'euros qui n'est pas absorbable par le budget annuel d'investissement de la gendarmerie nationale.

Les loyers versés au prestataire entre 2012 et 2023 représentent 39 % du montant total de l'opération.

Financement de l'opération de PPP de Sathonay-Camp

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Entre 2007 et 2012, la gendarmerie a engagé une première génération de sept opérations immobilières d'envergure financées par le recours aux partenariats publics privés (PPP). Cette première génération a permis la construction de plus de 1 000 logements pour les militaires de la gendarmerie et leurs familles ainsi que l'extension de locaux de service et techniques.

En conséquence, le recours au marché de partenariat présente deux avantages déterminants pour la gendarmerie nationale dans la gestion de son parc immobilier. En premier lieu, comme indiqué précédemment, il permet de sortir de l'impasse de financement à laquelle la gendarmerie est affrontée du fait de l'alourdissement tendanciel du coût des loyers qu'elle verse et de la nécessité de préserver ses investissements en maintenance et réhabilitation de son parc domanial dont l'état se dégrade.

En second lieu, si les marchés de partenariat se traduisent par une importante inertie des crédits du programme du fait de la nécessité de rembourser l'opération par des loyers versés pendant une longue période, ils permettent également le retour dans le patrimoine de l'État des biens immobiliers concernés à l'issue du marché. Les marchés de partenariat représentent à ce titre un vecteur de « retour en domanialité » du parc de la gendarmerie nationale justifié au regard de la spécificité des missions de la gendarmerie et des contraintes particulières qui pèsent sur son parc, notamment du point de vue de sa sécurisation.

Aussi, le rapporteur recommande-t-il de recourir au marché de partenariat pour pouvoir définitivement engager les projets immobiliers structurants que la gendarmerie a été contrainte de différer pour des raisons budgétaires.

Le rapporteur identifie en particulier quatre projets structurants et d'envergure qui concernent le parc immobilier de la gendarmerie sur le plateau de Satory (Yvelines), à Dijon (Côte-d'Or), à Melun (Seine-et-Marne) et à Mayotte. Au regard de l'importance des investissements immobiliers associés à ces projets, le rapporteur souligne par surcroît la nécessité de mobiliser les ressources de la chaîne immobilière de la gendarmerie nationale et du ministère de l'intérieur dans le cadre de la négociation puis du suivi de l'exécution des contrats de partenariat pour garantir l'obtention et le maintien de conditions financières optimales pour la réalisation de ces investissements.

Le parc immobilier de la gendarmerie à Mayotte

À Mayotte, la gendarmerie nationale occupe 7 casernes et 273 logements qui sont en majorité pris à bail dans le secteur civil.

Les quatre casernes domaniales ont été construites entre 1981 et 2008 et comportent 58 logements. Elles ont bénéficié de 2,4 millions d'euros d'investissements entre 2017 et 2024.

Les trois casernes locatives doivent être complétées par plusieurs projets de construction de nouvelles casernes locatives dont deux projets dans le cadre des « 200 nouvelles brigades ».

La gendarmerie nationale a identifié parmi les projets structurants à financer par un marché de partenariat un projet immobilier de construction d'une nouvelle caserne à Mayotte dans le cadre d'une manoeuvre de rationalisation des emprises de la gendarmerie.

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Lors de ses déplacements dans le cadre de ce contrôle, le rapporteur a notamment pu constater la nécessité de rapidement confirmer le recours au marché de partenariat pour démarrer les opérations immobilières sur le plateau de Satory et à Dijon. En premier lieu, le projet immobilier sur le plateau de Satory permettra à la fois d'améliorer les conditions de vie des militaires et de leurs familles par la réhabilitation de 1 000 logements sur ce site immobilier et de répondre aux contraintes opérationnelles nouvelles en étendant les locaux de service et techniques du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et du groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM). Le marché de partenariat constitue une solution de financement innovante et soutenable pour cette opération immobilière dont le coût en travaux est estimé à 500 millions d'euros.

En second lieu, le parc immobilier de la gendarmerie à Dijon présente l'avantage de réunir deux opérations immobilières à réaliser qui pourraient être mutualisées au sein d'un marché de partenariat. Cette opération globale permettrait d'une part de rénover les bâtiments de la caserne Deflandre et d'autre part de construire de nouveaux bâtiments pour l'école de gendarmerie de Dijon qui doit accueillir six compagnies d'instruction supplémentaires à moyen terme pour tenir compte du rehaussement du rythme des recrutements au sein de la gendarmerie. Le rapporteur relève que malgré leur caractère nécessaire et leur urgence, les travaux de rénovation des logements de la caserne Deflandre ont été bloqués en décembre 2023 en raison d'une insuffisance de crédits budgétaires. Cette situation est incompréhensible pour les gendarmes concernés et leurs familles, qui font face à des bâtiments vétustes où sont constatés des infiltrations d'eau et des coupures de chauffage et d'eau chaude sanitaire (ECS), y compris pendant l'hiver. Une intervention immobilière structurelle sur ces bâtiments est non seulement nécessaire mais également urgente.

Par conséquent, l'intégration de ces travaux à un marché de partenariat global sur l'immobilier de la gendarmerie à Dijon, pour un montant total de travaux de 170 millions d'euros, est un levier qui permet d'étaler le financement dans le temps pour répondre à la fois aux besoins opérationnels de l'école de gendarmerie et à la nécessité d'améliorer rapidement les conditions de vie des gendarmes et de leurs familles.

Recommandation n°1. Confirmer le recours au marché de partenariat pour financer une nouvelle génération de projets immobiliers structurants de la gendarmerie nationale dont en priorité les opérations immobilières sur le plateau de Satory et à Dijon (Direction générale de la gendarmerie nationale, Direction de l'immobilier de l'État, Direction du budget).

b) L'assouplissement des conditions de fixation des loyers versés par la gendarmerie est nécessaire pour garantir l'extension du parc locatif

Les conditions financières de construction de nouvelles casernes locatives par les collectivités territoriales et les organismes d'habitations à loyer modéré (organismes HLM) constituent un enjeu ayant une incidence directe sur la capacité de la gendarmerie de mener à bien ses objectifs de recrutement de personnels et de création de nouvelles brigades.

En effet, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) du 24 janvier 2023 prévoit la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie36(*), sous la forme de brigades fixes ou de brigades mobiles. Les lieux d'implantations de ces « 200 nouvelles brigades », qui ont même été portées à 238 nouvelles brigades37(*), ont été diffusés par le ministère de l'intérieur en octobre 2023.

Au regard des contraintes budgétaires qui ont été rappelées et de la faible disponibilité des crédits immobiliers d'investissement pour réaliser des dépenses de construction ou d'acquisition, la gendarmerie a fait le choix de retenir une solution locative pour l'intégralité des 238 nouvelles brigades.

Par suite, la gendarmerie prévoit une manoeuvre immobilière séquencée en deux phases. Pendant une première phase transitoire, entre 2024 et 2029, les nouvelles brigades seront installées dans des bâtiments pris à bail à la fois pour le logement des gendarmes et les locaux de service et techniques. À partir de 2030, en phase définitive, une partie des logements et des locaux de service et techniques des nouvelles brigades seront transférés dans des nouvelles casernes locatives, construites pendant la phase transitoire sous la maîtrise d'ouvrage d'une collectivité territoriale ou d'un organisme HLM et pris à bail par la gendarmerie sous le régime du décret de 199338(*) ou du décret de 201639(*).

En phase définitive, c'est-à-dire à partir de 2030, la gendarmerie estime que le coût en loyers correspondant à l'extension du parc locatif pour répondre à la création des 238 nouvelles brigades sera de 31 millions d'euros par an, dont 24 millions d'euros soit 77 % du coût pour la location des logements des gendarmes et de leurs familles.

Répartition du coût immobilier lié à la création
des « 200 nouvelles brigades »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Le rapporteur relève que la mise en oeuvre de la manoeuvre immobilière prévue par la gendarmerie nationale nécessite la construction de 135 nouveaux immeubles de casernement sur l'ensemble du territoire pour accueillir les nouvelles brigades en phase définitive. La conduite de la programmation immobilière suppose par conséquent que les collectivités territoriales et les organismes HLM concernés, soient incités à réaliser ces investissements immobiliers.

Or les règles de détermination des conditions financières de réalisation de ces investissements ne sont plus adaptées aux coûts réels qu'ils induisent.

En effet, le montant du loyer annuel est fixé, en application des décrets40(*) et circulaires41(*) applicables, en appliquant un taux entre 6 % et 7 % aux dépenses réelles de construction de l'immeuble dans la limite d'un « coût-plafond » par unité-logement42(*), qui tient compte de la situation spécifique de la région parisienne et des territoires ultramarins et insulaires. Le montant des coûts-plafonds, fixé dans les décrets de 1993 et de 2016, est réévalué chaque trimestre selon l'évolution de l'indice du coût de la construction (ICC) publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Cependant, les représentants des collectivités auditionnés par le rapporteur ainsi que la direction générale de la gendarmerie nationale s'accordent à dire que, malgré l'indexation des coûts-plafonds sur l'ICC, le montant des coûts-plafonds et par suite des loyers proposés aux maître d'ouvrage de gendarmeries locatives est inférieurs aux coûts réels de construction et de maintien en état des casernes. En particulier, l'indice d'actualisation retenu ne tient pas compte des spécificités immobilières liées à la construction des locaux de service et techniques des gendarmeries qui correspondent à des usages atypiques au regard notamment de la sécurisation et de la présence de locaux de sûreté. La direction générale de la gendarmerie nationale estime que les coûts-plafonds applicables sont inférieurs de 30 % à 50 % aux coûts réels supportés par le maître d'ouvrage.

Pour répondre à ce risque de désincitation des collectivités territoriales et des organismes HLM à investir dans les bâtiments de la gendarmerie, un groupe de travail associant les services du ministère des finances et les services du ministère de l'intérieur a été constitué en 2019 sur ce sujet. Il s'est prononcé en faveur d'un rééquilibrage des conditions financières d'investissement immobilier pour la gendarmerie au profit des collectivités et des organismes HLM.

Nonobstant, le rapporteur relève que les coûts-plafonds n'ont toujours pas été révisés plus de trois ans après la sécurisation législative de la participation des collectivités territoriales à l'extension du parc locatif de la gendarmerie. Pour assurer les investissements locatifs programmés et indispensables dans le cadre du déploiement des « 200 nouvelles brigades », le rapporteur spécial recommande de faire rapidement aboutir les travaux de révision des coûts-plafonds applicables aux loyers versés par la gendarmerie nationale aux collectivités territoriales et aux organismes HLM.

Recommandation n°2. Réviser le montant des coûts-plafonds pour la fixation des loyers versés par la gendarmerie aux collectivités territoriales et aux organismes d'habitations à loyer modéré pour garantir la viabilité des projets d'extension du parc locatif de la gendarmerie (DGGN, DB).

2. La mobilisation de financements innovants constitue aussi un levier d'accélération des travaux de rénovation énergétique des bâtiments de la gendarmerie nationale

Au regard de l'importance de son parc immobilier, aussi bien domanial que locatif, la modernisation et l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments occupés par l'État constitue l'un des quatre axes structurant de la politique immobilière de l'État43(*).

En effet, l'usage des bâtiments représente le quatrième facteur d'émission de gaz à effet de serre (GES) en France avec 64 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (MtCO2éq) émises en 2022, soit 16 % des émissions sur le territoire français.

La gendarmerie nationale, dont la politique immobilière doit composer avec des contraintes budgétaires liées à l'insuffisance des crédits pour garantir le maintien en état de son parc domanial, intègre l'objectif d'amélioration de la performance énergétique de ses bâtiments et de réduction des émissions de son parc. La gendarmerie nationale mobilise à ce titre des sources de financement alternatives aux crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale ».

Dans la période récente, la gendarmerie s'est notamment appuyée sur les dispositifs de cofinancement pilotés par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) et financés par les programmes 362 « Écologie » et 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs ».

En premier lieu, dans le cadre du plan « France Relance », la conférence nationale de l'immobilier public a sélectionné en décembre 2020 plus de 4 000 projets de rénovation énergétique dans le périmètre du parc immobilier de l'État et de ses opérateurs. La gendarmerie a bénéficié de ce financement exceptionnel à hauteur de 135 millions d'euros pour mener à bien 328 opérations de rénovation.

En second lieu, la direction de l'immobilier de l'État a réalisé en 2023 un appel à projets « Résilience II » pour financer des travaux de réduction de la consommation d'énergie. La gendarmerie a présenté 338 projets à cet appel à projets pour bénéficier d'un cofinancement du programme 348.

Si l'apport de financements complémentaires est un levier essentiel qui permet à la gendarmerie nationale de mener à bien des travaux de rénovation malgré les contraintes budgétaires qui pèsent sur sa politique immobilière, les personnes auditionnées par le rapporteur lui ont indiqué que les termes retenus dans les appels à projets relatifs aux travaux de rénovation énergétique ne permettaient pas toujours de rendre éligibles les bâtiments de la gendarmerie nationale.

Le rapporteur recommande à ce titre d'accorder une attention particulière aux spécificités du parc de la gendarmerie nationale, qui sont directement liées à leurs contraintes opérationnelles, pour garantir l'adaptation des critères retenus dans les appels à projets de la direction de l'immobilier de l'État aux bâtiments des forces de sécurité intérieure et plus particulièrement de la gendarmerie.

Recommandation n°3. Adapter les critères de cofinancement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour garantir leur adéquation aux spécificités du parc de la gendarmerie nationale (DIE).

Parallèlement, le législateur a créé par la loi du 30 mars 202344(*) un instrument de financement innovant permettant d'accélérer la réalisation de travaux de rénovation énergétique dans un contexte de disponibilité contrainte des crédits budgétaires disponibles pour les investissements immobiliers.

En effet, la loi du 30 mars 2023, qui résulte d'une initiative parlementaire déposée à l'Assemblée nationale et soutenue par le Sénat45(*), créé à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans une nouvelle catégorie de contrats, les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD)46(*).

L'objectif de cette nouvelle catégorie de contrat, qui vient s'ajouter aux catégories existantes dont notamment les marchés globaux de performance et les marchés de partenariat, est d'accélérer les investissements publics en matière de rénovation énergétique des bâtiments en permettant aux maîtres d'ouvrage public d'engager des travaux dont le préfinancement est assuré par le titulaire du contrat. Le titulaire du contrat se voit alors confier un marché global qui associe la réalisation des travaux à la maintenance pour répondre à des objectifs chiffrés de performance.

Par surcroît, cette catégorie de contrat a pour caractéristique principale de déroger au principe d'interdiction des paiements différés dans les marchés publics47(*). La possibilité de différer le paiement, qui est étroitement encadrée pour tenir compte du fait que le recours à un tiers financement est coûteux pour le maître d'ouvrage public, a pour conséquence de permettre d'engager des travaux rapidement malgré des ressources budgétaires contraintes, et d'étaler dans le temps le paiement des travaux. Ces derniers sont remboursés par le versement d'un triple loyer qui couvre les coûts d'investissement, les coûts de fonctionnement et les coûts de financement.

Eu égard d'une part à l'importance des travaux de rénovation énergétique à réaliser dans le parc domanial de la gendarmerie nationale et d'autre part aux fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur le budget d'investissement immobilier de la gendarmerie, la mobilisation de cet instrument de financement innovant est un levier d'accélération de la rénovation des casernes et, partant, d'amélioration de la qualité de vie au travail des gendarmes et de la qualité de vie de leurs familles.

Recommandation n°4. Mobiliser les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPE-PD) pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments de la gendarmerie nationale (DGGN, DB).


* 31 Ministère de l'intérieur, novembre 2020, Livre blanc de la sécurité intérieure.

* 32 Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

* 33 Art. L. 1112-1 du code de la commande publique.

* 34 Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

* 35 Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

* 36 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, 2.1.1 du rapport annexé.

* 37 Dont 93 brigades fixes et 145 brigades mobiles.

* 38 Décret n° 93-130 du 28 janvier 1993 relatif aux modalités d'attribution de subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernement de gendarmerie.

* 39 Décret n° 2016-1884 du 26 décembre 2016 relatif aux conditions de réalisation et de financement d'opérations immobilières par les offices publics de l'habitat et les sociétés d'habitations à loyer modéré financées par des prêts garantis par les collectivités territoriales et leurs groupements, destinées aux unités de gendarmerie nationale, aux forces de police nationale, aux services départementaux d'incendie et de secours et aux services pénitentiaires.

* 40 Décret n° 2016-1884 du 26 décembre 2016 relatif aux conditions de réalisation et de financement d'opérations immobilières par les offices publics de l'habitat et les sociétés d'habitations à loyer modéré financées par des prêts garantis par les collectivités territoriales et leurs groupements, destinées aux unités de gendarmerie nationale, aux forces de police nationale, aux services départementaux d'incendie et de secours et aux services pénitentiaires.

* 41 Circulaire du 28 janvier 1993 relative aux conditions de prise à bail par l'État des locaux destinés aux unités de gendarmerie départementale, édifiés par les collectivités territoriales.

* 42 La notion d'unité-logement est une unité de mesure normalisée qui recouvre le logement du gendarme et une quote-part des locaux de service et techniques.

* 43 Projet de loi de finances pour 2024, document de politique transversale (DPT), Politique immobilière de l'État.

* 44 Loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

* 45 Sénat, commission des lois, 8 février 2023, n° 321 (2022-2023), Rapport sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, au rapport de Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

* 46 Art. 1 de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.

* 47 Article L. 2191-5 du code de la commande publique.

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