DEUXIÈME PARTIE : UNE CONSOMMATION QUI DEVRAIT AUGMENTER AVEC DE NOMBREUSES INCERTITUDES

La demande nationale d'énergie est aujourd'hui satisfaite à 60 % par des énergies fossiles qui contribuent au dérèglement climatique.

Or, la France, à l'instar de ses partenaires européens, a décidé d'atteindre la neutralité carbone en 2050.

Le chemin pour y parvenir est ambitieux et nécessite des ruptures, puisque ces consommations carbonées doivent quasi intégralement disparaitre.

Pour atteindre cette neutralité carbone, le point de départ repose sur une diminution de la consommation d'énergie via des actions de sobriété, d'efficacité énergétique. Si ces actions y contribueront, elles ne suffiront pas.

Il est surtout nécessaire de transférer des usages fossiles vers d'autres vecteurs décarbonés, en particulier l'électricité.

Ce mouvement implique de se projeter dans une France qui consomme plus d'électricité et d'examiner comment la consommation d'électricité pourrait évoluer aux horizons 2035 et 2050. C'est à partir de ces projections que la question des moyens de production pourra être abordée.

Bien sûr, la commission d'enquête ne prétend pas prédire l'avenir. Elle a souhaité évoquer le champ des possibles pour essayer d'approcher celui du plausible.

I. UNE CONSOMMATION QUI STAGNE PUIS DÉCLINE DEPUIS 15 ANS

Avant de s'intéresser aux projections de consommation électrique pour l'avenir, il convient de revenir brièvement sur l'évolution de la demande en matière d'électricité depuis les années 1970 avec un focus sur les quinze dernières années. Il convient également d'analyser quels usages se cachent derrière la consommation électrique.

Le moment où cette électricité est consommée est un paramètre aussi important que le niveau de cette consommation compte tenu de la nécessité de réaliser un équilibre en temps réel entre offre et demande électrique.

Enfin, la situation et les enjeux des zones non interconnectées mériteront une attention particulière.

A. LA DEMANDE D'ÉLECTRICITÉ A BEAUCOUP PROGRESSÉ DEPUIS UN SIÈCLE

De quoi parle-t-on quand on parle de consommation d'électricité ?

La consommation finale est l'électricité réellement consommée par les différentes typologies de consommateurs.

La consommation corrigée est la consommation finale corrigée des aléas climatiques. C'est-à-dire que les températures réellement observées dans l'année sont remplacées par des températures de référence pour lisser les effets du climat. De plus des effets calendaires, comme les années bissextiles, sont aussi gommés. Cette donnée permet d'observer les évolutions structurelles en les débarrassant des effets conjoncturels liés à la météo.

La consommation brute représente la consommation totale d'électricité. Elle regroupe la consommation finale des consommateurs mais également la consommation utilisée pour fournir l'électricité, les pertes dues à la transformation et au transport sur le réseau et les écarts statistiques telles que la météorologie. Les conditions climatiques, ou les effacements, font logiquement varier la consommation électrique tant sur le temps court que d'une année sur l'autre.

La consommation brute, qui intègre ces variations, n'est donc pas le meilleur moyen d'analyser les évolutions tendancielles. Elle corrige les consommations des effets climatiques, des effacements ainsi que des effets liés aux années bissextiles.

Source : commission d'enquête à partir des éléments de RTE

1. Sur le temps long, l'évolution de la consommation électrique accompagne l'essor démographique et économique de la France

L'analyse des séries statistiques issues des publications annuelles des bilans énergétiques français publiés par le service des données et études statistiques (SDES), rattaché au Commissariat général au développement durable (CGDD) permet de retracer la consommation d'électricité sur le temps long168(*). Elle permet aussi de suivre la décomposition sectorielle de la consommation finale d'électricité (voir graphique ci-dessous).

Évolution de la consommation d'électricité détaillée par secteur en France de 1960 à 2022

Source : RTE169(*)

2. Cependant, décennies après décennies, le rythme de croissance de la consommation électrique ralentit

Cette évolution se traduit aussi par une tendance continue au ralentissement progressif du rythme de croissance de la demande électrique.

Dans les années 1960 - 1970 : la croissance annuelle de la consommation électrique était de l'ordre de 7 %, notamment sous l'effet de l'arrivée massive des appareils électroménagers dans les foyers.

Dans les années 1970 - 1980 : la croissance annuelle de la consommation électrique ralentit pour s'établir à 5 % ; cette décennie est notamment marquée par la mise en place de la première réglementation thermique dans les bâtiments.

Dans les années 1980 - 1990 : la croissance annuelle de la consommation électrique continue de ralentir à hauteur d'un taux de croissance annuel de 4 %, malgré le développement du chauffage électrique qui a commencé à se déployer après les chocs pétroliers de 1973 et 1979.

Dans les années 1990 - 2020 : la croissance annuelle de la consommation électrique continue de ralentir et la consommation se stabilise même à partir de la fin des années 2000, notamment en lien avec la crise économique et la désindustrialisation de la France.

Il est à noter que l'ouverture des marchés de l'électricité à la concurrence, engagée en 1996, ne semble pas avoir eu d'impact directement observable sur la dynamique d'évolution de la consommation d'électricité des secteurs en France.

En synthèse, alors que le taux de croissance annuel moyen de la consommation électrique dépassait 7 % dans les années 1950 et 1960, il a progressivement ralenti, avant de s'établir à 1,1 % durant la décennie 2000-2010 et d'être proche de zéro entre 2010 et 2019.


* 168 Il est à noter que les séries statistiques du SDES sont une mesure de la consommation finale d'électricité, alors que les données affichées par RTE dans ses Bilans prévisionnels correspondent à la consommation intérieure d'électricité corrigées de l'aléa climatique (voir définition en début de cette partie).

* 169 Réponse écrite au questionnaire de la commission d'enquête.

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