D. L'ÉVALUATION DU PROJET FRANÇAIS DE PNEC PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

L'élaboration d'une stratégie nationale sur l'énergie et le climat s'inscrit aussi dans un cadre européen qui a, dès 2018, introduit des obligations de programmation, de planification et de suivi des progrès réalisés aux États membres, considérant qu'ils induisaient des vecteurs de changement au niveau national.

1. Des recommandations de la Commission européenne qui s'imposent aux États membres

Comme cela a été indiqué, les plans nationaux en matière d'énergie et de climat (PNEC) ont été instaurés par le règlement sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat (UE) 2018/199963(*), adopté dans le cadre du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens ».

Les plans font état des mesures que les États membres prévoient de prendre en matière de décarbonation, d'énergies renouvelables, d'efficacité énergétique, de sécurité d'approvisionnement énergétique, de marché intérieur de l'énergie, de recherche et d'innovation.

La Commission européenne est chargée d'évaluer les projets de plans nationaux intégrés en matière d'énergie et de climat et peut formuler des recommandations par pays aux États membres. Chaque État membre est tenu de prendre en compte les recommandations éventuelles de la Commission dans son plan national intégré. S'il ne donne pas suite à une recommandation, il doit en fournir et en publier la justification. Les échéances de publication de ces plans sont fixées par le règlement européen.

Les États membres devaient ainsi définir les politiques qu'ils entendaient mettre en place pour la période 2021-2030 afin d'atteindre les objectifs que l'UE avait fixés en 2018 dans le cadre de plans nationaux en matière d'énergie et de climat (PNEC), présentés à la Commission en 2019 et 2020. Ils devaient faire rapport, au plus tard le 15 mars 2023 et tous les deux ans par la suite, sur les mesures qu'ils ont prises. Pour le 30 juin 2023 au plus tard, les États membres devaient soumettre à la Commission un projet de mise à jour de leur PNEC afin de tenir compte du niveau d'ambition accru des objectifs de l'UE, à moins d'être en mesure de fournir à la Commission une justification du fait que le plan ne nécessite pas de mise à jour. La Commission a évalué ces projets actualisés et formulé des recommandations, dont les États membres devaient tenir compte avant de soumettre leurs plans définitifs, au plus tard le 30 juin 2024.

Les pays de l'UE étaient également tenus d'élaborer des stratégies nationales à long terme, au plus tard le 1er janvier 2020, et d'assurer la cohérence entre les stratégies à long terme et les PNEC décennaux. Pour la France, ces derniers sont construits sur la base des projets de SNBC et PPE établis à date. Dans ce cadre, la DGEC a d'ailleurs précisé que « la synchronisation imparfaite entre l'exercice PNIEC, qui s'achèvera en juin 2024 avec la remise du rapport final, et les exercices PPE et SNBC, dont les versions finales ne seront disponibles qu'en 2025, pourront conduire à quelques évolutions de chiffres entre le rapport PNIEC et les PPE et SNBC révisés »64(*).

Disons-le clairement, l'articulation entre des plans français en perpétuelle évolution et des textes européens eux-mêmes très évolutifs n'est pas une mince affaire. Il ne s'agit plus d'électricité mais d'une véritable « usine à gaz ». On peut du reste se demander sur quelle base se fondent les négociateurs français lors des négociations à Bruxelles des objectifs européens.

2. Des éléments manquants pour atteindre les objectifs en matière d'énergies renouvelables

La France a présenté son projet de mise à jour de son plan national intégré en matière d'énergie et de climat, le 11 novembre 2023, soit avec quelques mois de retard par rapport au calendrier de la Commission européenne.

Résumé des principaux objectifs, cibles et contributions
du projet de PNEC actualisé de la France

Objectifs européens

Cible proposée par la France pour 2020

Progrès réalisés en 2020

Cible UE pour 2030

Évaluation de l'ambition par la CE du PNEC

Objectif contraignant pour les émissions de GES par rapport à 2005 dans le cadre du règlement ESR65(*)

 

2021 : -19,4 %

2022 : -21,6 %

- 47,5 %

Non conforme (PNEC : - 46,4 %)

Objectif contraignant pour la réduction des GES dans le cadre du règlement LULUCF66(*)

 

Éliminations nettes déclarées CO2 : 17,06 Mt en 2021 et 16,92 Mt en 2022

- 6,69 Mt éq. CO(supplémentaire)

-34 Mt éq. CO(total des absorption totales)

Ambitions insuffisantes qui ne permettent pas d'atteindre l'objectif

Part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie

2020 : 23 %

2021 : 19,34 %

 

La France n'a pas atteint l'objectif de 2020 et n'a pas ne fournit pas d'indications sur la manière dont elle a l'intention d'atteindre son niveau de référence contraignante. La France n'a pas soumis contribution pour 2030.

Niveau de consommation d'énergie primaire

226,4 Mtep

2021 : 224,8 Mtep

157,3 Mtep

Conforme

Consommation d'énergie finale

137.9

Mtep

2021 : 143.6

Mtep

104 Mtep

Conforme

Interconnexions électriques

8.5 %

5 %

15 %

n.c.

Source : Commission d'enquête d'après la recommandation de la Commission européenne

Après un examen détaillé des engagements de la France, la Commission européenne a formulé un certain nombre de remarques et de recommandations portant notamment sur le secteur de l'énergie67(*). Elle lui a demandé de revoir plusieurs objectifs et cibles en cohérence avec les ambitions européennes en matière climatique et énergétique. La France doit ainsi :

- définir des actions et mesures supplémentaires présentant un bon rapport coût-efficacité pour combler l'écart prévu de 1,1 point de pourcentage, afin de respecter son objectif national, fixé par le règlement sur la répartition de l'effort, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de - 47,5 % en 2030 par rapport à 2005 à l'échelle de l'UE ;

- revoir fortement à la hausse, en la portant à au moins 44 %, la part des énergies renouvelables qu'elle ambitionne d'atteindre à titre de contribution à l'objectif contraignant de l'Union en matière d'énergies renouvelables à l'horizon 2030 ; ces mesures doivent permettre de combler le retard pris par rapport à son objectif national contraignant en matière d'énergies renouvelables fixé pour 2020 ;

- fournir une estimation des trajectoires et un plan à long terme pour le déploiement des technologies dans le domaine des énergies renouvelables au cours des dix prochaines années, avec une perspective à l'horizon 2040, d'inclure un objectif indicatif pour les technologies innovantes en matière d'énergies renouvelables, d'ici à 2030 ;

- poursuivre l'élaboration de politiques et de mesures détaillées et quantifiées, de manière à pouvoir apporter, avec un bon rapport coût-efficacité, la contribution nationale de la France à l'objectif contraignant de l'UE en matière d'EnR de 42,5 % en 2030 (assorti d'un objectif indicatif supplémentaire de 2,5 % qui devrait permettre d'atteindre 45 %).

Force est de remarquer que la Commission européenne concentre ses recommandations sur les énergies renouvelables. Le Gouvernement n'a délibérément communiqué à la Commission aucun objectif dans ce domaine. D'ici la fin du mois de juin, la France devait cependant justifier auprès de celle-ci la manière dont les politiques nationales envisagées en matière d'énergie et de climat permettront d'atteindre les objectifs fixés par l'UE à l'horizon 2030. La commission d'enquête réaffirme avec force son opposition à ce que la Commission européenne et les textes de l'Union fixent des objectifs nationaux portant sur une ou plusieurs catégories d'énergie, dès lors qu'elles sont décarbonées, ce qui va à l'encontre du principe de neutralité technologique et est contraire à l'article 194 du TFUE qui garantit le droit, pour chaque État membre, de décider de son bouquet énergétique et de choisir les technologies ou procédés utilisés.


* 63 Règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat, modifiant les règlements (CE) no 663/2009 et (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil.

* 64 Réponse écrite de la DGEC au questionnaire de la commission d'enquête.

* 65 Règlement sur la répartition de l'effort.

* 66 Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresteries.

* 67 Recommandation de la Commission du 18 décembre 2023 sur le projet de plan national intégré actualisé en matière d'énergie et de climat de la France couvrant la période 2021-2030 et sur la cohérence des mesures prises par la France avec l'objectif de neutralité climatique de l'Union.

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