V. UNE ORIGINE DE LA MALADIE QUI RESTE À DÉTERMINER

Plusieurs médecins ont avancé l'hypothèse selon laquelle les symptômes aspécifiques observés dans le cadre du covid long pourraient relever des troubles dits « somatiques fonctionnels » ou « somatoformes », c'est-à-dire résultant d'une psychosomatisation et ne relevant pas d'une explication organique. Bien qu'elle ait suscité de nombreux débats au sein de la communauté scientifique, cette hypothèse est aujourd'hui récusée par le Covars qui affirme qu'il existe désormais « suffisamment d'arguments inflammatoires, immunologiques, neurologiques ou endocrines pour considérer que l'origine du [covid long] repose sur des anomalies organiques » et par les récentes revues de la littérature internationale concernant les origines de cette maladie229(*). Cette reconnaissance n'exclut pas pour autant l'existence de troubles somatoformes pouvant être assimilés à des covid longs et l'éventuelle contribution de facteurs psychologiques et sociaux à certains symptômes.

Plusieurs hypothèses, éventuellement complémentaires, restent émises sur les mécanismes physiopathologiques du covid long. Aussi, des recherches plus approfondies sont nécessaires. La grande diversité des symptômes et l'observation de différents phénotypes cliniques permettent de penser qu'il existerait plusieurs types de covid long et, potentiellement, plusieurs causes sous-jacentes230(*), ce qui rend plus complexes ces recherches.

Parmi les principales hypothèses, on peut d'abord citer la persistance virale - ou de parties de virus - dans l'organisme. La large expression du récepteur ACE2, porte d'entrée du SARS-CoV-2 dans les cellules, dans de nombreux organes, est particulièrement susceptible d'entraîner une persistance du virus à bas bruit dans certains réservoirs231(*). Des études ont signalé la présence de fragments de virus dans le sang, les selles et les urines232(*), ainsi que dans divers organes233(*), et une persistance virale a été associée à un risque accru de covid long234(*).

Il est également possible que la stimulation virale induite par le SARS-CoV-2 entraîne une dérégulation du système immunitaire. Plusieurs études suggèrent que les patients atteints de covid long présenteraient un manque de lymphocytes T et B naïfs235(*), une réponse humorale exagérée dirigée contre le SARS-CoV-2236(*) et une activation du système immunitaire inné, avec notamment l'observation de troubles de l'activation mastocytaire237(*) et une dérégulation du système du complément238(*). La réactivation d'autres virus latents, tels que ceux d'Epstein-Barr (EBV), de l'herpès ou de la varicelle, a également été évoquée comme mécanisme potentiel, des niveaux plus élevés d'anticorps anti-EBV ayant notamment été mis en évidence chez les personnes souffrant de covid long239(*). Enfin, un mécanisme reposant sur l'auto-immunité - c'est-à-dire un dysfonctionnement du système immunitaire qui s'attaquerait aux tissus normaux de l'organisme - a également été proposé, à la suite de l'observation de divers auto-anticorps chez des patients atteints de covid long240(*).

Une autre hypothèse repose sur l'inflammation persistante de certains organes qui pourrait être provoquée par le virus. Des atteintes endothéliales pourraient notamment conduire à la formation de caillots sanguins et provoquer une hypoxie dans certains tissus241(*), en particulier cérébraux242(*).

Le SARS-CoV-2 pourrait enfin avoir un impact sur le microbiote intestinal : une étude de cohorte a montré qu'une telle perturbation était observée chez les patients hospitalisés pour covid-19 et se résolvait pour ceux sans symptôme prolongé mais perdurait pour ceux atteints par un covid long243(*). Un essai randomisé, contrôlé par placebo et en double aveugle, a par ailleurs montré que le traitement par des probiotiques permettait un soulagement de la plupart des symptômes courants du covid long (fatigue, troubles de la mémoire, difficultés de concentration et troubles gastro-intestinaux)244(*).

Outre ces principales hypothèses, des dérégulations au niveau du système nerveux central, des modifications épigénétiques ou des dysfonctionnements des mitochondries ont également été évoqués comme causes potentielles mais constituent, au regard des connaissances actuelles, des pistes moins probables pour le Covars.

Les recherches doivent être poursuivies, la compréhension de l'étiologie et de la physiopathologie du covid long étant une étape essentielle pour le développement de biomarqueurs de diagnostic et de solutions thérapeutiques.


* 229 a) H. E. Davis et al., Nat. Rev. Microbiol. 2023, 21, 133 ( https://doi.org/10.1038/s41579-022-00846-2) ; b) Y. Liu et al., CMJ PCCM 2023, 1, 231 ( https://doi.org/10.1016/j.pccm.2023.10.003).

* 230 G. Kenny et al., Front. Mol. Biosci. 2023, 10, 1157651 ( https://doi.org/10.3389/fmolb.2023.1157651).

* 231 M. Gheblawi et al., Circ. Res. 2020, 126, 1456 ( https://doi.org/10.1161/CIRCRESAHA.120.317015).

* 232 F. Tejerina et al., BMC Infect. Dis. 2022, 22, 211 ( https://doi.org/10.1186/s12879-022-07153-4).

* 233 S. R. Stein et al., Nature 2022, 612, 758 ( https://doi.org/10.1038/s41586-022-05542-y).

* 234 a) Z. Swank et al., Clin. Infect. Dis. 2023, 76, e487 ( https://doi.org/10.1093/cid/ciac722) ; b) M. Ghafari et al., Nature 2024, 626, 1094 ( https://doi.org/10.1038/s41586-024-07029-4).

* 235 C. Phetsouphanh et al., Nat. Immunol. 2022, 23, 210 ( https://doi.org/10.1038/s41590-021-01113-x).

* 236 J. Klein et al., Nature 2023, 623, 139 ( https://doi.org/10.1038/s41586-023-06651-y).

* 237 L. B. Weinstock et al., Int. J. Infect. Dis. 2021, 112, 217 ( https://doi.org/10.1016/j.ijid.2021.09.043).

* 238 C. Cervia-Hasler et al., Science 2024, 383, 273 ( https://doi.org/10.1126/science.adg7942).

* 239 a) J. E. Gold et al., Pathogens 2021, 10, 763. ( https://doi.org/10.3390/pathogens10060763) ; b) M. J. Peluso et al., J. Clin. Invest. 2023, 133, e163669 ( https://doi.org/10.1172/JCI163669).

* 240 a) J. Klein et al., Nature 2023, 623, 139 ( https://doi.org/10.1038/s41586-023-06651-y) ; b) F. Sotzny et al., Front. Immunol. 2022, 13, 981532 ( https://doi.org/10.3389/fimmu.2022.981532) ; c) L. Thurner et al., J. Transl. Autoimmun. 2022, 5, 100171 ( https://doi.org/10.1016/j.jtauto.2022.100171) ; d) G. Wallukat et al., J. Transl. Autoimmun. 2021, 4, 100100 ( https://doi.org/10.1016/j.jtauto.2021.100100) ; e) J. M. Arthur et al., PLoS ONE 2021, 16, e0257016 ( https://doi.org/10.1371/journal.pone.0257016).

* 241 a) S. Charfeddine et al., Front. Cardiovasc. Med. 2021, 8, 745758 ( https://doi.org/10.3389/fcvm.2021.745758) ; b) M. Haffke et al., J. Transl Med. 2022, 20, 138 ( https://doi.org/10.1186/s12967-022-03346-2).

* 242 C. Greene et al., Nat. Neurosci. 2024, 27, 421 ( https://doi.org/10.1038/s41593-024-01576-9).

* 243 Q. Liu et al., Gut 2022, 71, 544 ( https://doi.org/10.1136/gutjnl-2021-325989).

* 244 R. I. Lau et al., Lancet Infect. Dis. 2024, 24, 256 ( https://doi.org/10.1016/S1473-3099(23)00685-0).

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page