N° 2707

 

N° 651

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

SESSION ORDINAIRE 2023 - 2024

Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale

 

Enregistré à la présidence du Sénat

le 30 mai 2024

 

le 30 mai 2024

RAPPORT

au nom de

L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

sur

les effets indésirables des vaccins et les dernières évolutions
des connaissances scientifiques sur la covid-19

par

MM. Philippe BERTA et Gérard LESEUL, députés,
et Mmes Sonia de LA PROVÔTÉ et Florence LASSARADE, sénatrices

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Pierre HENRIET,

Premier vice-président de l'Office

 

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Stéphane PIEDNOIR,

Président de l'Office

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques

Président

M. Stéphane PIEDNOIR, sénateur

Premier vice-président

M. Pierre HENRIET, député

Vice-présidents

M. Jean-Luc FUGIT, député

M. Victor HABERT-DASSAULT, député

M. Gérard LESEUL député

Mme Florence LASSARADE, sénatrice

Mme Anne-Catherine LOISIER, sénatrice

M. David ROS, sénateur

DÉPUTÉS

SÉNATEURS

Mme Christine ARRIGHI

M. Philippe BERTA

M. Philippe BOLO

Mme Maud BREGEON

M. Hendrik DAVI

Mme Olga GIVERNET

M. Maxime LAISNEY

M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI

M. Yannick NEUDER

M. Jean-François PORTARRIEU

Mme Mereana REID ARBELOT

M. Alexandre SABATOU

M. Jean-Philippe TANGUY

Mme Huguette TIEGNA

M. Arnaud BAZIN

Mme Martine BERTHET

Mme Alexandra BORCHIO FONTIMP

M. Patrick CHAIZE

M. André GUIOL

M. Ludovic HAYE

M. Olivier HENNO

Mme Sonia de LA PROVÔTÉ

M. Pierre MÉDEVIELLE

Mme Corinne NARASSIGUIN

M. Pierre OUZOULIAS

M. Daniel SALMON

M. Bruno SIDO

M. Michaël WEBER

SYNTHÈSE

Saisi en février 2022 par la Commission des affaires sociales du Sénat d'une étude sur les effets indésirables des vaccins contre la covid-19 et le système de pharmacovigilance français, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté le 9 juin 2022 un rapport d'étape établissant une première analyse du sujet sur la base des éléments scientifiques alors disponibles1(*).

Lors de sa réunion du 26 octobre 2023, le bureau de l'Office a confié à quatre rapporteurs le soin d'établir un rapport conclusif, incluant notamment les éléments nouveaux ayant pu émerger sur la covid-19. Les rapporteurs ont décidé d'aborder quatre thématiques : les effets indésirables des vaccins, l'évolution des connaissances sur le covid long, les nouveaux outils de surveillance épidémiologique et d'anticipation sanitaire, et la désinformation en santé. Chaque partie comporte des éléments recueillis dans le cadre d'une revue de la littérature scientifique et d'auditions ayant permis d'entendre de nombreux spécialistes. Comme à son habitude, l'Office en tire des enseignements et effectue une série de recommandations.

I. LES EFFETS INDÉSIRABLES DES VACCINS CONTRE LA COVID-19

L'ÉVOLUTION DE LA STRATÉGIE VACCINALE DEPUIS JUIN 2022

Grâce à la démonstration de leur efficacité et de leur sécurité, les vaccins contre la covid-19 disponibles lors de la rédaction du rapport d'étape de l'Office en juin 2022 ont vu leur autorisation de mise sur le marché conditionnelle convertie en autorisation standard. Comme l'a montré une étude française, la disponibilité rapide de ces vaccins - notamment liée à l'utilisation de la procédure conditionnelle - a permis de sauver un nombre considérable de vies.

En parallèle, de nouvelles versions de certains de ces vaccins - Comirnaty, Spikevax et Nuvaxovid -, adaptées aux souches circulantes de la covid-19, ont été approuvées par l'Agence européenne des médicaments (EMA) pour permettre une meilleure protection de la population face à l'évolution du virus. Enfin, de nouveaux vaccins, développés par les laboratoires Valneva, Sanofi-GSK et Hipra, ont également été autorisés.

Si la période pandémique est aujourd'hui révolue et le virus ne fait plus l'actualité, ce dernier continue de circuler et de faire de nouvelles victimes, rendant essentiel le maintien d'une certaine couverture vaccinale. L'évolution du virus et l'amélioration des connaissances sur l'efficacité vaccinale se sont toutefois traduites par plusieurs évolutions de la stratégie vaccinale, aujourd'hui entrée dans un processus de normalisation. La primovaccination en population générale n'est plus recommandée et seules les personnes âgées et à risque de formes graves sont invitées à se faire administrer une dose de rappel annuelle (ou biannuelle, pour les plus vulnérables). La Haute Autorité de santé recommande l'utilisation d'un vaccin adapté aux dernières souches circulantes du SARS-CoV-2, de préférence à ARNm ou, en seconde intention, avec le vaccin Nuvaxovid pour les personnes qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas en bénéficier en raison d'une contre-indication.

La poursuite de la campagne vaccinale et l'introduction de ces nouveaux vaccins ont naturellement continué d'être accompagnées par la collecte et l'évaluation régulière par les autorités sanitaires de l'ensemble des déclarations d'événements indésirables survenus après ces vaccinations. Toutefois, en raison d'un rythme de vaccination désormais plus faible, ne justifiant plus un dispositif renforcé, la surveillance est elle aussi entrée dans un processus de normalisation et est aujourd'hui réalisée comme pour les autres médicaments.

L'ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LES EFFETS INDÉSIRABLES

Comme cela était souligné dans le rapport de l'Office de juin 2022, l'importance de la campagne de vaccination - plus de 13,5 milliards de doses administrées dans le monde à ce jour - a permis de disposer d'un nombre de données sans précédent pour évaluer le profil de sécurité des vaccins contre la covid-19.

Depuis l'adoption du rapport d'étape de l'Office, les travaux menés par les organismes de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie des différents pays ont entraîné quelques ajouts aux listes des effets indésirables des différents vaccins, sans toutefois impacter leur balance bénéfices/risques. Les principales évolutions concernent l'ajout des saignements menstruels abondants - de nature temporaire et sans gravité dans leur grande majorité - pour les vaccins Comirnaty et Novavax, ainsi que les myocardites et péricardites - déjà identifiées comme effets indésirables des vaccins à ARNm - pour les vaccins Nuvaxovid et Jcovden. Différents signaux potentiels restent surveillés par les autorités sanitaires.

Aucun signal de pharmacovigilance n'a émergé auprès des autorités françaises en lien avec le vaccin VidPrevtyn Beta de Sanofi-GSK, qui n'a été que très peu utilisé et ne l'est plus aujourd'hui, limitant le recul disponible. Le profil de sécurité des vaccins adaptés aux souches circulantes du SARS-CoV-2, qu'ils soient mono- ou bivalents, n'a pas montré de différence par rapport à celui des vaccins originaux dont ils sont issus.

La surveillance des vaccins en vie réelle a permis d'acquérir des données sur des populations généralement exclues des essais cliniques. Plusieurs études ont par exemple montré la bonne tolérance de ces différents vaccins chez les femmes enceintes, les enfants ou les personnes vulnérables.

L'ADAPTATION DU SYSTÈME DE PHARMACOVIGILANCE

Le développement des vaccins contre la covid-19 en un temps record a été une véritable prouesse. La performance des systèmes de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie mondiaux doit également être soulignée. Ils ont permis d'accompagner cette campagne de vaccination sans précédent, en évaluant les risques associés et en permettant, le cas échéant, l'adaptation rapide des recommandations vaccinales. Le système français s'est notamment distingué avec l'identification de nombreux signaux potentiels.

Outre ce succès, la mise en lumière du travail de suivi des vaccins a produit des bénéfices indirects pour la pharmacovigilance, aujourd'hui plus sollicitée par les professionnels de santé libéraux et dont les concepts sont mieux compris par la population.

Ces résultats ne doivent toutefois pas masquer les difficultés auxquelles font face les structures chargées de cette surveillance. Ils doivent, au contraire, constituer une invitation à les conforter, notamment par l'attribution de moyens humains et financiers à la hauteur de leur activité et de l'importance de leur mission pour la protection de la santé publique. Un affaiblissement de ces structures risquerait d'amoindrir la confiance du public dans les médicaments et ferait courir un véritable risque en cas de nouvelle crise sanitaire. Les efforts permettant d'améliorer la quantité et la qualité des déclarations doivent également être poursuivis pour permettre d'identifier le plus précocement possible les signaux de pharmacovigilance.

L'IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR LA VACCINATION

Malgré les réserves de la population française à l'égard des vaccins, la campagne de vaccination contre la covid-19 a globalement été un succès. Récemment toutefois, on a noté une érosion de l'adhésion aux campagnes de rappel, probablement liée à une sous-estimation des risques encore représentés par le SARS-CoV-2. Bien que l'adhésion vaccinale soit restée stable au cours de la pandémie, elle demeure un sujet de préoccupation, comme le montre le faible succès de la récente campagne de vaccination contre le HPV.

Comme le soulignait le rapport de l'Office de juin 2022, la communication autour des vaccins contre la covid-19 a souffert de diverses insuffisances. Si des rapports réguliers et détaillés ont bien été publiés par le système de pharmacovigilance, la diffusion de ces informations vers le grand public, au travers d'une communication adaptée et efficace permettant une bonne appropriation des messages sanitaires, a fait défaut. Il est en conséquence important de tirer les enseignements de ces échecs et de repenser la communication autour des campagnes vaccinales et des médicaments, en construisant une communication claire, lisible et pédagogique, permettant une bonne appréhension de la balance bénéfices/risques par la population.

RECOMMANDATIONS

- Poursuivre la surveillance des vaccins contre la covid 19.

- Organiser le dispositif de surveillance de façon à pouvoir le renforcer lors de la mise sur le marché de médicaments innovants susceptibles d'entraîner des craintes excessives parmi la population ou un risque important d'effets indésirables.

- Poursuivre la démarche d'amélioration de la quantité et de la qualité des déclarations de pharmacovigilance afin d'optimiser la détection des signaux, en sensibilisant les professionnels de santé et la population à l'intérêt de la pharmacovigilance.

- Maintenir l'organisation actuelle du réseau des CRPV et d'EPI-PHARE et les doter de moyens suffisants pour mener leurs missions et répondre avec efficacité à une prochaine crise.

- Améliorer la communication sur les effets indésirables, qui doit être claire, lisible et pédagogique, afin de permettre une appréciation juste de la balance bénéfices/risques des médicaments par la population. Mener des campagnes de communication destinées aux personnes hésitantes, en analysant leurs besoins et attentes. Parallèlement, lutter contre les fausses informations.

- Expliquer de manière pédagogique les éventuelles évolutions des stratégies vaccinales afin de permettre leur bonne compréhension et garantir leur acceptabilité.

II. LE COVID LONG

Dès les premiers cas de covid-19, de nombreux patients ont témoigné de symptômes persistants après la phase aiguë de la maladie. Malgré un impact significatif en termes de santé publique, du fait de symptômes parfois handicapants et d'une prévalence importante, une attention relativement faible a été portée à cette condition, qualifiée de covid long.

Plus de quatre ans après l'émergence de la covid-19, et alors qu'il s'est déjà intéressé à cette problématique à deux reprises, l'Office a souhaité faire un point sur l'évolution des connaissances concernant cette maladie, son suivi et sa prise en charge.

UN DIAGNOSTIC DIFFICILE

Un des premiers constats est que le covid long demeure, aujourd'hui encore, une affection mal comprise ne bénéficiant pas d'une définition harmonisée. Faute de l'identification d'un symptôme ou d'un marqueur spécifique, le diagnostic continue de reposer sur un processus différentiel. La complexité de cette démarche associée à la méconnaissance de cette maladie induit, encore trop souvent, une prise en charge retardée et un sous-diagnostic.

UNE ÉPIDÉMIOLOGIE MAL CONNUE

Cette absence de définition et ces difficultés de diagnostic rendent particulièrement complexe l'acquisition de connaissances sur les dimensions épidémiologiques, physiopathologiques, thérapeutiques, médico-économiques et sociales de cette maladie, qui continue de faire l'objet de nombreuses interrogations. En effet, les travaux de recherche utilisent des méthodologies et des définitions du covid long qui peuvent varier, notamment en lien avec la documentation de l'infection, les symptômes et la temporalité postérieure à la phase aiguë, et ainsi aboutir à des résultats divergents.

Il en résulte d'importantes incertitudes sur la prévalence de la maladie, en raison d'une grande variabilité des données. Il est toutefois généralement estimé que celle-ci touche, chez les adultes, entre 10 et 30 % des cas non hospitalisés et entre 50 et 70 % des cas hospitalisés. Chez les enfants et adolescents, bien que les données soient moins nombreuses et sans doute impactées par un fort sous-diagnostic, les dernières études suggèrent des proportions similaires.

Si dans la majorité des cas l'état des patients semble s'améliorer au cours du temps, avec une diminution de la prévalence et de l'intensité des symptômes, la dynamique de cette évolution et les facteurs sous-jacents demeurent encore largement méconnus. Le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars), considère qu'en France plusieurs centaines de milliers de personnes seraient actuellement affectées dans leur quotidien par cette maladie.

Avec l'évolution de la pandémie, la prévalence de cette maladie aurait cependant baissé, potentiellement en raison des caractéristiques intrinsèques des nouveaux variants, moins pourvoyeurs de covid long, et de l'immunité accrue de la population, acquise par infection ou par vaccination.

DES SYMPTÔMES DIVERS

Les travaux de recherche ont permis d'identifier plus de 200 symptômes potentiels associés à cette maladie. Ils touchent de très nombreux organes, sont relativement hétérogènes selon les patients et caractérisés par une grande fluctuation dans le temps. La sévérité de la phase aiguë de la maladie (nombre et intensité des symptômes, nécessité d'une hospitalisation ou de soins intensifs), un indice de masse corporelle élevé, le tabagisme, des pathologies préexistantes (notamment les maladies pulmonaires chroniques) ou des prédispositions (terrain allergique ou auto-immun) et le sexe sont apparus comme des facteurs de risque significatifs du covid long.

UNE ORIGINE DE LA MALADIE ENCORE INCONNUE

Malgré de nombreuses recherches, le mécanisme à l'origine du covid long reste aujourd'hui inconnu et diverses hypothèses continuent d'être explorées. Toutefois, l'explication « somatoforme », c'est-à-dire celle d'une maladie qui résulterait d'une psychosomatisation, semble aujourd'hui récusée par une majeure partie de la communauté scientifique.

Cette absence de compréhension du mécanisme ne permet pas d'identifier une cible thérapeutique et rend plus complexe le développement de traitements curatifs, qui continuent de faire défaut malgré plusieurs essais cliniques en cours. Aussi, la stratégie thérapeutique recommandée par la Haute Autorité de santé vise à prendre en charge les conséquences cliniques, physiques et psychologiques de la maladie, tout en l'adaptant aux besoins de chaque patient. Elle repose sur quatre axes : des traitements symptomatiques pour atténuer les symptômes qui peuvent l'être, une éducation des patients afin qu'ils puissent adapter leurs activités et leur environnement en fonction de leurs symptômes, une approche rééducative dans les différents domaines fonctionnels touchés par la maladie et une prise en charge des troubles anxieux et dépressifs pour les patients qui le nécessitent.

UNE PRISE EN CHARGE À PARFAIRE

Si un effort de structuration de l'offre de soins a été entrepris, avec la définition de plusieurs niveaux de prise en charge assistés par des cellules de coordination, les parcours de soins restent dans de nombreux cas mal organisés, avec une offre trop peu lisible, tant pour les patients que pour les professionnels de santé, dont la formation et l'information sur cette nouvelle maladie sont insuffisantes. Cette situation entraîne un manque de reconnaissance des souffrances rencontrées par les patients et une certaine errance médicale, qui génèrent des sentiments d'abandon et de stigmatisation.

Le covid long s'accompagne également parfois de conséquences invalidantes pour la vie quotidienne des personnes qui en sont atteintes, avec non seulement un impact individuel et familial mais aussi des répercussions sur la vie professionnelle. Les études menées chez les enfants et adolescents suggèrent également des conséquences du point de vue scolaire. Aussi, les médecins du travail et scolaires ont un rôle crucial à jouer pour accompagner ces patients afin d'éviter toute désinsertion sociale et précarisation. En parallèle, des dispositifs de prise en charge sanitaire et sociale adaptés et facilement accessibles doivent être mis en place.

Alors que l'attention de la société se détourne peu à peu de la covid-19, il paraît impératif de continuer à se pencher sérieusement sur le covid long, dont l'étude et la prise en charge ont été trop souvent négligées. Deux ans après la publication de son dernier rapport, l'Office constate que les quatre leviers qu'il avait identifiés - un parcours de soins organisé et structuré, une formation et un accompagnement des professionnels de santé, une information pour les patients et des dispositifs de reconnaissance adaptés - restent prioritaires. Outre l'évidente nécessité de campagnes d'information à destination des communautés médicale et paramédicale, concernant la prise en charge et l'accompagnement des patients, il est essentiel de sensibiliser l'ensemble de la population à la réalité du covid long et aux risques et difficultés qu'il entraine, afin d'éviter toute discrimination des patients touchés et de mettre en place une démarche de prévention.

Les recherches sur le covid long doivent également être poursuivies et encouragées afin de pouvoir mieux le comprendre, le suivre et le traiter.

RECOMMANDATIONS

- Développer et harmoniser les parcours de soins pour covid long sur l'ensemble du territoire.

- Mettre en place la plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19, prévue par la loi du 24 janvier 2022.

- Former et informer les professionnels médicaux et paramédicaux sur le covid long et sur les méthodes de diagnostic et de prise en charge médicale et sociale. Renforcer le rôle des cellules de coordination post-covid pour l'accompagnement des soignants.

- Créer une ALD et un tableau de maladie professionnelle spécifiques pour les formes prolongées de la covid-19, afin de favoriser leur prise en charge sanitaire et sociale.

- Mener une campagne nationale d'information, de sensibilisation et de prévention sur le covid long.

- Poursuivre les recherches transdisciplinaires sur cette maladie, en finançant notamment de nouveaux appels à projets dédiés.

III. LES NOUVEAUX OUTILS DE SURVEILLANCE ÉPIDÉMIOLOGIQUE ET D'ANTICIPATION SANITAIRE

La gestion de la crise sanitaire de la covid-19 a entraîné une mobilisation scientifique mondiale sans précédent, aboutissant à une série d'innovations venues en soutien des mesures de santé publique, notamment dans le domaine de la surveillance épidémiologique.

La surveillance épidémiologique vise à suivre l'émergence et l'évolution spatio-temporelle des épidémies et des problèmes de santé, ainsi qu'à acquérir des connaissances sur leurs caractéristiques. Elle repose sur un ensemble d'indicateurs permettant de dresser une image globale de la situation sanitaire et d'anticiper les risques à venir. Elle s'est donc avérée déterminante dans la lutte contre le virus, pour suivre et contenir sa propagation, grâce à la mise en oeuvre et à l'évaluation de mesures d'alerte, de prévention et de contrôle appropriées.

DE NOUVEAUX FICHIERS

Dans le cadre de la covid-19, de nouveaux fichiers ont été mis en place - ou adaptés - afin de suivre la propagation du virus, son impact hospitalier et la couverture vaccinale - au travers des fichiers SI-DEP (système d'information national de suivi du dépistage), SI-VIC (système d'information pour le suivi des victimes) et SI-VAC (système d'information sur les vaccinations covid-19) - ainsi que pour suivre les chaînes de contamination, grâce au fichier Contact-Covid.

La phase aiguë de la pandémie étant aujourd'hui révolue, certains de ces systèmes ont été interrompus tandis que d'autres ont évolué afin de s'adapter à la situation sanitaire actuelle. Ainsi, une plateforme simplifiée néoSI-DEP a vu le jour en 2023, dans l'attente d'un système plus exhaustif - Laboé-SI - qui permettra de suivre un plus grand nombre de maladies et aura une forme évolutive pour pouvoir s'adapter aux crises sanitaires futures. De la même manière, le projet Orchidée (Organisation d'un réseau de centres hospitaliers impliqués dans la surveillance épidémiologique et la réponse aux émergences) instaurera un outil tirant les leçons des limites et imperfections du fichier SI-VIC pour la remontée des données hospitalières, en ne les limitant pas à la covid-19.

LA SURVEILLANCE VIA LES EAUX USÉES

Une autre innovation importante en termes de surveillance épidémiologique développée au cours de la pandémie est l'utilisation de méthodes de suivi à partir des eaux usées. Cette technique avait été développée antérieurement à la crise mais, pour la première fois, des dispositifs ont été déployés à une large échelle. Cet outil fournit un nouvel indicateur permettant de détecter les tendances épidémiques de manière précoce, en comparaison des données plus classiquement utilisées, et de suivre la population à un coût réduit et indépendamment de son état de santé et de la stratégie de dépistage mise en oeuvre. Toutefois, en l'état actuel des connaissances, il reste difficile d'estimer le nombre de personnes infectées sur la seule base des concentrations virales détectées dans les eaux usées.

En France, dès le début de la crise sanitaire, le consortium Obépine a mené des travaux de recherche et démontré les opportunités que représentait cet outil pour suivre l'épidémie de manière quantitative et dans une temporalité pertinente pour une approche de surveillance épidémiologique. Soutenu financièrement par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ce consortium a pu exploiter de manière expérimentale un réseau de surveillance reposant sur plus de 200 stations pendant plus d'un an.

Aujourd'hui, un dispositif pérenne, dénommé SUM'Eau, porté par Santé publique France et l'Anses, est chargé de la surveillance microbiologique des eaux usées. Opérationnel depuis octobre 2023, ce système doit encore connaître plusieurs phases de développement. Il ne s'appuie en effet actuellement que sur 12 stations de traitement des eaux usées et ne permet pas encore de séquencer les échantillons prélevés pour suivre les variants en circulation.

Au regard des connaissances acquises au cours de la crise et des perspectives en termes de surveillance épidémiologique, il apparaît essentiel de continuer à soutenir et à perfectionner les dispositifs de suivi des eaux usées. Alors que le nombre de tests de dépistage est aujourd'hui relativement faible, cette méthode apparaît plus pertinente que jamais pour surveiller et anticiper la propagation du SARS-CoV-2. Son extension à d'autres maladies ou problèmes de santé pourrait également apporter des bénéfices importants. Dans ces perspectives, la construction d'une plateforme de recherche et d'innovation Obépine+, destinée à soutenir les réseaux de surveillance à partir des eaux usées, en développant, validant et assurant le transfert rapide de méthodes performantes, doit être soutenue.

LA SURVEILLANCE GÉNOMIQUE

La surveillance génomique a pour objet de suivre l'évolution du virus et, ainsi, d'anticiper les conséquences associées à ses mutations. Un développement important des capacités de séquençage a été entrepris pendant la crise sanitaire. La création du consortium Emergen, en janvier 2021, a permis d'identifier l'émergence de nouveaux variants et la répartition relative des différents variants circulant sur le territoire français. Ce consortium a adapté ses activités au niveau actuel de circulation du virus. Il se prépare à évoluer, à l'instar des systèmes d'information, pour inclure de nouveaux agents pathogènes susceptibles de représenter de futures menaces pandémiques.

Les différents outils dont le développement a été catalysé par la crise sanitaire permettent donc de continuer à suivre le SARS-CoV-2, afin d'anticiper les risques qu'il est encore susceptible de représenter, mais également de renforcer le système de surveillance épidémiologique, en bénéficiant au suivi d'autres pathologies et aux éventuelles futures menaces sanitaires.

DE NOUVELLES STRUCTURES

Parallèlement, en mettant en lumière les lacunes de notre capacité de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, des leçons ont également pu être tirées de la crise sur le plan organisationnel. De nouvelles structures ont ainsi été créées : en France, un Centre de crises sanitaires a été institué au sein de la direction générale de la santé, tandis que l'Union européenne a créé une Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (HERA).

Ces démarches de retours d'expérience, tant sur le plan sanitaire que politique et organisationnel, doivent être encouragées et poursuivies. Face au risque d'émergence ou de réémergence de divers virus qui pèse sur notre société, il apparaît crucial de tirer toutes les leçons des échecs et des succès de notre gestion de la pandémie. La période post-pandémique doit être utilisée pour réévaluer notre organisation et accroître nos efforts en matière d'anticipation et de préparation, afin d'être capables de répondre rapidement et avec résilience aux crises futures, dont l'origine est aujourd'hui imprévisible.

LE RÔLE DE LA RECHERCHE

La recherche, qui s'est avérée cruciale dans la réponse à la crise sanitaire, doit faire l'objet d'un soutien public important. Les principaux axes des travaux à mener concernent les menaces susceptibles d'entraîner des crises sanitaires majeures, les facteurs d'émergence de ces crises, les solutions de prévention qui doivent être encouragées, ainsi que les mesures et contre-mesures médicales à mettre en place pour y faire face.

RECOMMANDATIONS

- Maintenir une surveillance approfondie du SARS-CoV-2 pour anticiper les risques qui pourraient résulter de sa circulation persistante.

- Définir et déployer une stratégie de recherche sur les menaces sanitaires, fondée sur le continuum fondamental/appliqué, afin de disposer des outils et connaissances permettant d'y répondre rapidement et efficacement.

- Renforcer le système de surveillance pour pouvoir détecter précocement et suivre l'évolution de toute menace sanitaire ; veiller à ce que ce système reste étroitement articulé avec l'effort de recherche sur les outils de surveillance développés au cours de la crise.

- Poursuivre le retour d'expérience sur la crise de la covid 19 et investir pour améliorer les capacités d'anticipation, de préparation et de réponse aux futures crises sanitaires.

IV. LA DÉSINFORMATION EN SANTÉ

L'émergence de maladies nouvelles et le développement de crises sanitaires, marquées, d'une part, par un déficit d'informations fiables, d'autre part, par un sentiment d'anxiété de la population, sont particulièrement propices à la circulation de fausses informations. La pandémie de covid-19 n'y a pas fait exception, générant, comme l'a indiqué l'OMS, une « infodémie », c'est-à-dire une surabondance d'informations rendant difficile l'identification de sources fiables.

Cette situation a nui à la compréhension et à l'adoption des mesures sanitaires, affectant ainsi la santé publique. Aussi, rapidement, les fausses informations sont apparues, à l'instar du virus, comme un ennemi contre lequel il était nécessaire de lutter.

LE RÔLE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Au cours des dernières années, l'essor des technologies de l'information et de la communication a profondément modifié les mécanismes de production, de diffusion et de consommation de l'information et notamment engendré une surcharge informationnelle. En permettant à tout un chacun de s'exprimer avec une liberté quasi totale, les réseaux sociaux contribuent à cette cacophonie et fournissent un mode d'expression aux désinformateurs, qui n'avaient jusqu'alors que peu voix au chapitre. S'emparant particulièrement de cette opportunité, ces derniers sont à l'origine d'une part importante du contenu disponible sur ces réseaux, ce qui leur permet de bénéficier d'une visibilité et d'un pouvoir d'influence disproportionnés au regard de leur légitimité.

Cette surexpression des désinformateurs est accentuée par l'éditorialisation des contenus effectuée par les plateformes qui privilégient les contenus sensationnels et clivants, plus à même de créer de l'engagement parmi leurs utilisateurs. Les réseaux sociaux agissent alors comme un miroir déformant qui renforce la visibilité d'individus aux positions extrêmes, pourtant peu représentatifs de la société dans son ensemble.

Enfin, en proposant principalement des contenus en accord avec nos préférences individuelles, les algorithmes des réseaux sociaux ne permettent pas la confrontation des idées et la remise en question critique des informations rencontrées mais sont, au contraire, susceptibles d'enfermer les utilisateurs dans des bulles numériques qui peuvent laisser croire à l'existence d'un consensus et agissent comme des chambres d'écho idéologiques.

Les réseaux sociaux ont donc probablement contribué à la désinformation pendant la crise sanitaire. Mais s'il est indubitable que les fausses informations peuvent y être relativement répandues sur certaines thématiques liées à la santé, celles-ci peinent généralement à atteindre un large public et touchent principalement des personnes déjà convaincues ou enclines à les accepter. Aussi, les fausses informations ne représenteraient in fine qu'une faible part des informations consommées par les internautes, qui consultent principalement des sources fiables et conservent une bonne capacité de discernement à leur égard.

Aussi, si la contribution des réseaux sociaux à la désinformation est indéniable, il est nécessaire de nuancer le rôle que ceux-ci jouent réellement et de reconnaître l'implication d'autres acteurs, tels que les médias traditionnels et les autorités politiques, ainsi que l'importance d'autres facteurs, qui motivent l'adhésion à ces fausses informations.

LES MOTEURS À L'ORIGINE DES FAUSSES CROYANCES

En effet, plus que la circulation de fausses informations sur les réseaux sociaux, c'est la légitimation de ces discours par des acteurs bénéficiant d'une plus forte audience qui est susceptible d'avoir un impact important en termes de désinformation. Dans ce contexte, les médias traditionnels, les scientifiques et les professionnels de santé, qui bénéficient d'une forte confiance de la population, jouent un rôle important au travers de la parole qu'ils portent.

Les travaux de recherche portant sur la désinformation montrent que l'acceptation des fausses informations se bâtit sur un terreau alimenté par un déficit d'information et une méfiance envers les sources officielles. Le manque de connaissances scientifiques et médicales augmente la sensibilité aux fausses informations, également corrélée à la sensibilité aux croyances ésotériques et paranormales et aux médecines alternatives. Divers moteurs psychologiques, incluant des facteurs cognitifs et socio-affectifs, accroissent aussi la susceptibilité à la désinformation. Les désinformateurs instrumentalisent ces moteurs psychologiques en faisant appel à une certaine démagogie cognitive, en proposant des récits en accord avec les prédispositions individuelles naturelles et en mobilisant les facteurs et biais susceptibles d'encourager leur acceptation.

LA LUTTE CONTRE LA DÉSINFORMATION

Pour lutter contre la désinformation, il apparaît crucial de développer la communication scientifique et sanitaire à destination du plus grand nombre, en fournissant des informations à la fois claires, fiables et adaptées. Afin que cela puisse être suivi d'effet, il est important de construire une certaine confiance envers les institutions et les sources fiables d'information. La construction d'une telle confiance ne pouvant passer que par la diffusion d'une information de confiance, les acteurs influents en termes d'information, comme les scientifiques, les professionnels de santé, les médias et les décideurs politiques, doivent être formés afin de communiquer de manière pédagogique et rigoureuse les connaissances scientifiques.

Ces actions d'information doivent être déclinées, avec des messages différenciés, pour cibler les sous-groupes de population susceptibles d'être particulièrement touchés par les fausses informations et faire l'objet d'un portage au travers des médias et des réseaux sociaux. Les différentes plateformes doivent également être encouragées à mieux faire face à cette problématique, en modifiant leurs algorithmes, en modérant plus sévèrement leurs contenus et en sensibilisant à la littératie numérique.

Enfin, les actions d'information ne doivent pas s'inscrire uniquement en réaction aux fausses informations mais également inclure des actions préventives et de fond afin de former la population et la doter des outils lui permettant d'acquérir une plus grande résilience vis-à-vis des fausses informations. À cet effet, il est essentiel de renforcer la formation de la population à l'esprit critique, à travers l'éducation aux médias et à l'information, ainsi qu'à la littératie sanitaire et à la culture scientifique, à l'aide de politiques publiques claires et ambitieuses.

RECOMMANDATIONS

- Améliorer la communication scientifique. Développer des canaux fiables d'information en lien avec les organismes de recherche, les sociétés savantes et les Académies. Encourager la mise au point de supports pédagogiques clairs et d'initiatives destinées aux publics les plus susceptibles d'être touchés par les fausses informations. Fournir des informations fiables aux journalistes, acteurs clés dans l'information de la population.

- Former les scientifiques et les professionnels de santé à la communication scientifique vers le grand public et à la réponse aux fausses informations. Encourager et accompagner les volontaires à s'exprimer dans les médias, dans leur seul domaine d'expertise, à travers une approche rigoureusement scientifique.

- Lorsque des questions scientifiques apparaissent dans le débat public, encourager une communication politique transparente, pédagogique et clairement séparée de la communication scientifique.

- Mettre en place des politiques éducatives visant à promouvoir la culture scientifique et le sens critique à l'égard des médias et de l'information.

- Améliorer le traitement médiatique des sujets scientifiques et encourager les réseaux sociaux à mener des actions pour limiter la diffusion de fausses informations. Sanctionner les dérives susceptibles d'avoir des conséquences dommageables pour la santé publique.

- Encourager les recherches sur la mésinformation et la désinformation.


* 1 Rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur « les effets indésirables des vaccins contre la covid-19 et le système de pharmacovigilance français » par M. Gérard Leseul, député, et Mmes Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrices - Assemblée nationale n° 5263 (XVe législature), Sénat n° 659 (2021-2022) ( https://www.senat.fr/rap/r21-659/r21-659.html).

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