B. UN COÛT SOCIAL DE PLUS DE 100 MILLIARDS D'EUROS POUR CHACUN DES TROIS RISQUES, CORRESPONDANT EN QUASI-TOTALITÉ À LA MONÉTARISATION DES ANNÉES DE VIE PERDUES ET DE LA PERTE DE QUALITÉ DE VIE

Le coût social des différents risques est relativement consensuel, au moins en termes d'ordre de grandeur, les principaux écarts provenant du champ des coûts pris en compte.

Ainsi, selon un périmètre « maximaliste », le coût de chacun des trois risques serait supérieur en France à 100 milliards d'euros244(*). Le coût nettement moins élevé de l'étude du Trésor de 2016 sur l'obésité vient du fait que cette étude ne prend en compte ni le coût des vies perdues, ni le coût de la perte de qualité de vie. De même, l'étude de l'OCDE de 2023 sur le tabac (tout comme celle de 2019 sur l'obésité) ne prend pas en compte le coût de la perte de qualité de vie, ce qui contribue à expliquer un coût inférieur à 100 milliards d'euros.

Il faut toutefois garder à l'esprit que ce coût social de plus de 100 milliards d'euros pour chacun des trois risques correspond en quasi-totalité au coût dit « externe », lui-même presque exclusivement constitué du coût des vies perdues et du coût de la perte de qualité de vie. Ces coûts ne correspondent pas à des coûts financiers, mais à la monétarisation, sur la base d'hypothèses largement conventionnelles, des décès prématurés (sur la base d'une estimation de la valeur de la vie humaine245(*)) et de la perte de bien-être246(*) venant de la maladie.

Les coûts « externes » comprennent également les pertes de production, entre 7 milliards d'euros et 11 milliards d'euros pour chacun des trois risques. La seule exception est l'étude de l'OCDE de 2019 sur l'obésité (plus de 50 milliards d'euros) ; toutefois les données ne sont pas comparables, l'étude de l'OCDE concernant la moyenne de la période 2020-2050 (et non une année récente comme pour les autres études). Il est à noter que cette perte de production n'est pas une perte de PIB l'année concernée par l'étude, mais l'actualisation des pertes de production à venir provenant des décès prématurés. On pourrait a priori considérer que, les décès concernés concernant majoritairement des retraités, la perte de production est faible. Toutefois certaines études (comme celle de Pierre Kopp de 2015 sur le tabac et l'alcool) prennent explicitement en compte la production non marchande.


* 244 Comme le souligne Pierre Kopp dans sa note de 2015, « certaines personnes décédées du fait de l'alcool sont également des fumeurs, et inversement. (...) Face à l'impossibilité de traiter les doubles comptes, le total arithmétique surestime largement le coût social des drogues et ne doit donc pas être utilisé ».

* 245 Alors que les études les plus anciennes estiment la valeur de la vie humaine sur la base de la production potentielle (approche dite par le « capital humain »), l'approche actuellement retenue, conduisant à des montants plus élevés, consiste à apprécier l'effort que la collectivité est prête à consentir pour réduire un risque de décès, sur la base des comportements observés. L'OCDE retient une valeur de la vie statistique (VVS) de 3 millions de dollars en 2005. Pierre Kopp retient la VVS préconisée par le « rapport Quinet » de 2013 (Emile Quinet, Evaluation socioéconomique des investissements publics, commissariat général à la stratégie et à la prospective, septembre 2013), soit 3 millions d'euros en 2010 (correspondant à 115 000 euros en 2010 par année de vie gagnée). Cette valeur croît chaque année comme le PIB par tête.

* 246 Par exemple, selon l'OMS (WHO methods and data sources for global burden of disease estimates 2000-2019, décembre 2020), un cancer métastasé réduit la valeur de la vie de 75 %, une attaque laissant des séquelles cognitives graves la réduit de 92 % et une démence sévère la réduit de 94 % (alors qu'une maladie infectieuse légère la réduit de seulement 0,5 %).

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