B. POURSUIVRE LA STRUCTURATION DE LA FILIÈRE ÉCONOMIQUE DU BOIS : UN SECTEUR QUI PÈSE DANS L'ÉCONOMIE MAIS QUI CONNAÎT UN DÉFICIT STRUCTUREL DE SA BALANCE COMMERCIALE

La sylviculture constitue un secteur économique de poids en France. Selon l'interprofession France bois-forêt qui agrège ces données via la Veille Économique Mutualisée FBF37(*), en 2021, les emplois directs de la filière bois représentaient plus de 415 000 équivalents temps plein (ETP) direct. La filière a généré plus de 20 000 ETP depuis 2019. C'est l'équivalent de 1,38 % de la population en emploi et surtout cela représente 12,4 % du total des emplois des filières à base industrielle de la France.

L'emploi dans la filière forêt bois

Source : l'interprofession France bois forêt

Le manifeste de la filière forêt-bois rédigé à l'occasion des élections présidentielle et législatives de 2022 mentionnait en outre plus de 60 000 emplois indirects. En tout, ce sont environ 60 000 entreprises qui interviennent dans le secteur.

En 2021, la filière forêt-bois a généré 27,6 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit 1,1 % du PIB. En seulement 5 ans (2016-2021), la filière a augmenté sa valeur ajoutée de 3 milliards d'euros. En comparaison, la filière forêt-bois a rebondi plus rapidement que l'économie française dans son ensemble après le ralentissement généré par la pandémie de covid-19.

Toutefois cette situation est loin d'être idéale. En premier lieu, le secteur présente de très importantes disparités. Globalement, l'amont forestier, le secteur des panneaux ainsi que le bois énergie se portent bien et tire la croissance du secteur. En revanche, le secteur intermédiaire qui regroupe les activités de transformation, constitue le talon d'Achille de la filière bois française. Plusieurs auditionnés ont souligné que, selon eux, les entreprises de transformation en France ne seraient pas à la hauteur de ce que la qualité des forêts françaises pourrait laisser supposer. Pour schématiser, il s'agit principalement de petites scieries à l'activité très locale. Ils ont également mis en avant le manque d'équipements, en particulier de séchoirs à bois, pour répondre à toutes les facettes de la demande mais aussi les difficultés de recrutement en raison du manque d'attractivité et de l'offre insuffisante du réseau de formation. Les activités de transformation ne représentent donc « que » 1 500 des 60 000 entreprises et 50 000 emplois.

Ce « trou dans la raquette » explique l'ampleur du déficit commercial du secteur. En 2022, il s'établit à 9,5 milliards d'euros, en hausse de 900 millions d'euros par rapport à 2021. Cette augmentation résulte du creusement du déficit des pâtes, papiers et cartons (ces trois activités expliquent le déficit à hauteur de 3,9 milliards) et du niveau toujours élevé mais stable du déficit des meubles et sièges en bois (3,4 milliards d'euros).

En revanche, la balance commerciale s'améliore légèrement pour les produits des industries du bois, les bois ronds, les sciages et connexes. Le déficit pourrait même légèrement diminuer pour l'année 2023 (à ce jour les chiffres ne sont connus que jusqu'à septembre 2023, moi où le déficit était en recul de 7 % par rapport à septembre 2022, à 6,6 milliards d'euros sur les 9 premiers mois de l'année)38(*).

Solde déficitaire de la balance commerciale de la filière forêt-bois

Source : interprofession France bois-forêt

Les différents produits de la consommation finale française des filières d'usage « bois énergie » et « bois d'oeuvre » sont réalisés avec une part importante de bois provenant de ressources françaises (produits de la forêt, produits connexes de scieries et bois recyclés) : respectivement 84 % et 59 %. Il s'agit donc de filières à dominantes locales avec les retombées socio-économiques associées (réduction des émissions de carbone, emplois et valeur ajoutée créés dans les territoires). Plusieurs projets emblématiques de construction ont ainsi permis de mettre en avant la filière française du bois : les rapporteurs spéciaux se réjouissent du recours à un bois 100 % français pour la reconstruction de la chapelle de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Ils regrettent qu'il n'en ait pas été de même pour la construction du village olympique construit en vue des jeux de 2024 et qui a vocation à être transformé en logements par la suite.

En revanche, la filière d'usage « bois d'industrie » est beaucoup plus ouverte aux échanges internationaux avec un recours au bois français bien plus faible. En 2022, le poste des bois ronds (bois ronds d'oeuvre et de trituration, bois ronds énergie et bois ronds traités - poteaux), matière première de la filière bois, est le seul dégageant un solde commercial positif. Il est en hausse sur un an (+ 93 millions d'euros).

Import-export annuel de bois rond

en tonnes (2019-2022)

en milliers d'euros

Source : Agreste, le portail des statistqiues agricole

Les rapporteurs spéciaux considèrent que la qualité de la forêt française ne se traduit pas suffisamment sur le plan économique. Une meilleure structuration d'une partie de la filière est indispensable. Il est inenvisageable que la balance commerciale demeure aussi importante, alors même que nous importons parfois des produits finis réalisés avec du bois français. La qualité des bois français, grâce à une politique de long terme est internationalement reconnue. L'achat massif de bois de chênes par des entreprises étrangères, notamment chinoises, demeure une réalité qu'il convient de transformer en un atout.

Figurent d'ailleurs parmi les compétences du délégué interministériel « le renforcement de la structuration des filières de transformation et de leur articulation entre usages ». Cette structuration devra notamment passer par des propositions sur l'amélioration de l'offre de formation, sur des propositions pour concentrer davantage les entreprises de transformation du bois afin de favoriser l'émergence de groupe d'envergure internationale. Les rapporteurs notent avec intérêt la conduite à leur terme de deux projets en lien avec les entreprises de la transformation du bois, portés par l'ADEME, dans le cadre du programme d'investissements d'avenir : « SCIERIE 4.0 » (développement d'un établissement recevant un public dans une scierie) et « SCIERIE DU FUTUR » (développement et mise en fonctionnement sur trois scieries de process innovants, intelligents et connectés de sciage de gros bois).

La meilleure structuration repose également sur l'augmentation de la taille des propriétés forestières exploitées. Ce dernier point est essentiel : 60 % de la production française de bois d'oeuvre et d'industrie est concentrée dans les propriétés de plus de cent hectares, alors qu'elles représentent 30 % des surfaces. Ces éléments montrent l'intérêt de regrouper de petites forêts privées pour constituer des unités de gestion d'une taille suffisante, au moins cent hectares, afin de les valoriser économiquement tout en protégeant leur biodiversité et en luttant contre le dépérissement et les incendies. Les rapporteurs spéciaux le perçoivent comme un axe de travail autant économique que sécuritaire et écologique.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs spéciaux souhaitent que délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages qui vient de prendre ses fonctions et dont c'est l'une des missions soit amené, à moyen terme à rendre compte de son action sur le sujet.

Recommandation n° 09 (Gouvernement, délégué interministériel) : Prévoir, de la part du délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages qu'il rende compte des actions conduites pour améliorer la structuration de la filière économique du bois et initier une véritable politique publique pluriannuelle de restructuration.


* 37 La valeur ajoutée et les ETP du secteur sont calculés chaque année à partir du Tableau Emploi Ressource (TER) élaboré par la Veille Économique Mutualisée de la filière forêt-bois. D'après les éléments transmis aux rapporteurs spéciaux ce TER, créé à partir de l'étude Lochu (2015), est en cours de refonte pour mieux représenter la réalité.

* 38 Les caractéristiques de la balance commerciale du secteur sont détaillées sur les publications du SSP-Agreste (organisme de statistique agricole): https://www.agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/SynBoi23407/consyn407202306-Bois.pdf et les données brutes sont accessibles sur Agreste : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/disaron/COMEXTBOIS/detail/.

Partager cette page