C. UNE MOBILISATION EXEMPLAIRE QUI PERMET, MALGRÉ TOUT, DE RÉELS SUCCÈS

1. Un engagement sans faille

La commission d'enquête a constaté, tout au long de ses travaux, le haut niveau d'engagement et de professionnalisme des services impliqués dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, en dépit de leur manque visible de moyens, qui entrave leur action au quotidien. Si elles peuvent parfois avoir l'impression de « vider la mer à la petite cuillère », au regard notamment du gouffre qui sépare leurs capacités de celles des narcotrafiquants, appuyés sur une manne financière de plusieurs milliards de dollars, les personnes rencontrées par la commission d'enquête refusent de céder au découragement, alors que la France s'approche d'un point de bascule.

Un exemple : la Jirs de Bordeaux

La Jirs de Bordeaux a clos au mois de juin 2023 le premier dossier de son ressort lié au décryptage de Sky ECC. Onze personnes ont été condamnées, dont les deux auteurs principaux à 11 ans de détention, et 800 kilogrammes de résine de cannabis ont été saisis. En novembre 2023, un dossier a abouti à des condamnations de 6 à 12 ans pour les membres d'une équipe qui avait tenté de récupérer 730 kilogrammes de cocaïne en provenance du Brésil, via Anvers.

Source : contribution de la juridiction interrégionale spécialisée de Bordeauxaux travaux de la commission d'enquête

2. Des succès qui reposent sur la mobilisation de l'ensemble des acteurs publics et privés concernés

De nombreuses affaires témoignent de l'engagement de l'ensemble des services publics dans la lutte contre le narcotrafic et mériteraient d'être décrites par la commission d'enquête. Par souci de concision, le rapporteur a retenu un exemple emblématique, celui du démantèlement du point de deal du 8-Mai-1945 à Saint-Ouen (achevé en avril-juin 2023). Cette opération, qui a fait forte impression, a été décrite aux membres de la commission lors de leur déplacement en Seine-Saint-Denis.

Le succès de cette opération repose sur la coordination de la police nationale, du parquet, du service territorial et de la préfecture mais aussi sur l'implication de l'ensemble des acteurs publics et privés affectés par ce point de deal. En parallèle de l'enquête, la ville a engagé une réappropriation de l'espace public, qui s'est notamment traduite par la réfection des trottoirs, la végétalisation du point de deal, l'installation de commerces au rez-de-chaussée des immeubles et la facilitation de la circulation. Tout au long de ces opérations, les parties prenantes se sont attachées à conduire un travail de pédagogie auprès de la population, notamment pour justifier de la durée des travaux.

Une fois le point de deal démantelé, un dispositif spécifique a été mis en place pour gérer « l'après » : installation de caméras de vidéoprotection, recueil et transmission immédiate des signalements de la population (voitures suspectes, tentatives de revenir dans les bâtiments). Ce sont 2 300 effectifs qui ont été déployés en renfort pendant trois mois environ, avec l'objectif de conduire une politique de « tolérance zéro », en lien étroit avec le parquet du tribunal judiciaire de Bobigny. Les patrouilles pédestres ont augmenté d'environ 10 % et la sous-direction des réseaux parisiens de transport a renforcé sa présence dans les stations de métro de la ligne 13.

La commission d'enquête ne peut que saluer cette stratégie globale, qui a porté ses fruits avec une stabilisation du secteur. Néanmoins, elle illustre aussi l'ampleur des moyens qu'il convient de déployer pour n'éradiquer ne serait-ce qu'un point de deal, alors que la France en compte des milliers. Les effectifs mobilisés sur ces opérations ne peuvent par définition pas l'être sur d'autres missions, qui peuvent être tout aussi prioritaires. Cette question d'allocation des moyens et de son efficience est d'ailleurs celle soulevée par les opérations « place nette ».

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