COMPTES RENDUS
DES AUDITIONS EN COMMISSION

Audition de M. Laurent Nuñez,
préfet de police, préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris

(Jeudi 30 novembre 2023)

- Présidence de M. Christophe-André Frassa, vice-président -

M. Christophe-André Frassa, président. - Nous procédons aujourd'hui à l'audition de Laurent Nuñez, préfet de police, préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris, dans le cadre de la mission d'information sur l'application de la loi du 19 mars 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Je rappelle que la commission des lois a nommé comme rapporteurs Agnès Canayer et Marie-Pierre de La Gontrie. Je vous prie d'excuser l'absence du président François-Noël Buffet, retenu dans sa circonscription.

Monsieur le préfet, si nous vous entendons aujourd'hui devant la commission des lois, c'est qu'il nous a paru important d'avoir des précisions sur la manière dont s'organisera la circulation dans Paris et dans la zone dont vous aurez la charge pendant les jeux Olympiques.

Votre entretien accordé au journal Le Parisien a suscité un certain nombre d'interrogations sur les modalités des restrictions à la circulation et leur base légale. La multiplication et l'imbrication des dispositifs de sécurité ont pu, par le passé, poser question tant du point de vue légal que du point de vue opérationnel - nous avons tous en tête le raté de la finale de la Champions League au Stade de France.

Je vous propose donc de faire une présentation des dispositifs prévus ; puis nos rapporteurs pourront vous poser des questions, ainsi que les sénateurs qui en feront la demande.

Je rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site internet du Sénat.

M. Laurent Nuñez, préfet de police, préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris. - L'audition portait à l'origine sur la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), mais je comprends que l'actualité la recentre sur la question des périmètres de sécurité et de circulation que j'ai présentés hier au journal Le Parisien. Avec la maire de Paris, le président du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), Tony Estanguet, et le maire de Saint-Denis - particulièrement concerné avec le village olympique, le Stade de France et la piscine olympique -, nous avons présenté ces périmètres applicables à l'ensemble de l'agglomération parisienne - Paris, la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine. La présentation de ces mêmes périmètres pour les sites situés en Seine-et-Marne et dans les Yvelines viendra dans un second temps.

À cette occasion, quatre périmètres de sécurité ont été présentés à nos concitoyens afin qu'ils en prennent connaissance le plus tôt possible. Ces périmètres et les règles qui les régiront ne sont pas définitifs. Ils le seront à l'issue d'une période de concertation qui vient de commencer : ce matin, j'ai reçu les opérateurs de réseaux - téléphonie, gaz, électricité - pour définir les conditions dans lesquelles ils pourront, ou non, accéder à ces périmètres. Nous entendrons les principaux acteurs des territoires, à commencer par les élus, évidemment, mais également les grands acteurs économiques, les professionnels du transport et du bâtiment, lesquels ont manifesté leurs inquiétudes. Je le dis d'emblée pour lever tout malentendu, cette consultation qui durera jusqu'à mi-janvier, donnera lieu à des arbitrages définitifs sur les règles applicables aux périmètres. En tant que préfet de police, il me revient de prendre les arrêtés nécessaires, les mesures de police administrative pour lesquelles je suis compétent pour toute l'Île-de-France pendant la période des jeux - des délégations aux préfets de département étant bien sûr toujours possibles.

Et en tout état de cause, les périmètres seront fixés un peu avant les jeux, qui seront certainement arrêtés par l'ensemble des préfets de l'Île-de-France sur une base que nous aurons communément arrêtée. Ce sont les principes dérogatoires qui ont suscité le débat.

Quatre périmètres ont donc été définis. Les cartes sont disponibles sur le site internet de la préfecture de Paris, ainsi que ceux du Cojop et de la ville de Paris.

Le premier périmètre est le périmètre « organisateur ». Il est très restreint, et entoure les sites des compétitions, le village olympique ou encore le lieu où se déroulera la cérémonie d'ouverture. Pour les courses cyclistes, le marathon, le triathlon, un périmètre de protection sera également établi. La gestion de ce périmètre est à la main complète du Cojop.

Le deuxième périmètre, dit « de protection », pris sur la base de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (loi dite « Silt »), est contrôlé par les forces de l'ordre pour éviter que des individus ne se rendent sur un site olympique, armé ou dans l'intention de commettre une action terroriste. Il nous permet de faire des contrôles aux entrées, et notamment des fouilles et palpations.

En général, ces deux périmètres se superposent, sauf cas particuliers, comme pour la cérémonie d'ouverture, où le périmètre de protection antiterroriste sera plus large que le périmètre « organisateur », qui comprendra la parade et les quais bas de la Seine.

Ces deux périmètres « organisateur » et « antiterroriste » régissent, de fait, l'accès des piétons, mais de manière tout à fait classique. Nous les pratiquons à chaque compétition, à l'occasion d'un match au Parc des Princes ou au Stade de France par exemple, ou dernièrement pendant la Coupe du monde de rugby.

Viennent ensuite les troisième et quatrième périmètres, dits « de circulation ». Il s'agit pour le premier d'un périmètre d'interdiction de circulation routière, afin de sécuriser les flux importants de piétons qui se rendent aux différents sites olympiques ou à la cérémonie d'ouverture. Ces zones de circulation déjà très denses, avec notamment le passage des véhicules du Cojop, des livreurs et des prestataires, présentent un risque important qu'une voiture bélier entre si l'on ne procédait pas à des contrôles. Ce périmètre est donc par principe un périmètre d'interdiction de circulation.

S'il est d'usage dans le cadre des manifestations à Paris et existait déjà pendant la Coupe du monde de rugby, dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques ce périmètre implique des durées d'interdiction bien plus longues que le temps d'un match ou d'une marche. C'est pourquoi nous avons prévu un grand nombre de dérogations.

Je précise que seule la circulation routière motorisée est concernée par cet interdit. Les piétons et les vélos peuvent évidemment circuler dans ces périmètres.

L'objectif est donc de réussir à concilier cet impératif de sécurité avec la contrainte que présente cette interdiction pour les riverains, les commerces, les hôtels, et les entreprises qui sont installés dans le secteur. Compte tenu de la durée des périodes d'immobilisation, qui vont du 26 juillet au 11 août pour les jeux Olympiques, puis du 28 août jusqu'au 8 septembre pour les jeux Paralympiques, il nous est apparu déraisonnable de ne pas laisser entrer à titre dérogatoire un certain nombre de véhicules dans ces périmètres d'interdiction de circulation.

Ces dérogations ont été listées et mises à disposition du public, qui peut d'ores et déjà les consulter en ligne - c'est la base sur laquelle la concertation pourra avoir lieu. Elles concernent tout aussi bien les taxis qui déposeraient des clients résidant dans la zone, des résidents qui souhaiteraient accéder à leur parking privé, des touristes qui disposeraient d'un parking privé dans leur hôtel, des médecins, des personnes qui se rendent auprès d'un proche vulnérable... Autant de dérogations qui correspondent à la réalité de la vie personnelle et économique de ces personnes.

En fonction de la consultation qui va s'engager, cette liste a éventuellement vocation à être complétée, voire élargie.

Je reviendrai sur les modalités de contrôle de ces dérogations, puisque c'est ce qui pose problème, mais je précise d'ores et déjà que ce périmètre n'est pas fictif. Il sera tenu par des barrages des forces de l'ordre, qui laisseront ou non passer les gens. Je souhaite bien évidemment que cela se passe de la manière la plus fluide possible.

Enfin, le quatrième et dernier périmètre autour des sites apparaît en bleu sur les cartographies mises en ligne. Il s'agit d'un périmètre non pas d'interdiction, mais de réglementation de circulation. Il nous permet d'éviter la circulation de transit, autrement dit des passages d'individus se rendant d'un point A à un point B situés hors de cette zone. Là aussi, des barrages de forces de l'ordre contrôleront les déplacements, mais ce sera davantage un périmètre indicatif qui, encore une fois, ne concerne que les véhicules motorisés ; les piétons et les vélos pourront y circuler librement. Ceux qui ont vocation à y entrer n'auront pas besoin de demander une dérogation.

Dernière précision concernant le cas particulier des courses sur route. Elles peuvent être plus contraignantes, mais elles ont lieu pour l'essentiel les week-ends, souvent sur des demi-journées. Une course cycliste est prévue les 3 et 4 août et un marathon les 10 et 11 août. Nous discutons actuellement avec le Cojop pour obtenir de nombreux points de passage, de manière à faciliter les déplacements des riverains - pas pendant la course, cela va de soi !

La course cycliste paralympique prévue du 4 au 7 septembre à l'est de la Seine-Saint-Denis risque, en revanche, de créer une emprise plus forte sur la voie publique, avec d'autres épreuves qui se déroulent en même temps dans le département. Il faudra prévoir là encore le plus possible de points de passage.

Voilà pour l'architecture générale du dispositif.

Avant de répondre à vos questions sur la cérémonie d'ouverture, un point sur la plateforme d'enregistrement que nous souhaitons mettre en place. Il nous a semblé que, pour les périmètres d'interdiction de circulation motorisée, affichés en rouge sur les cartes - qui ne concernent, j'y insiste, ni les piétons, ni les vélos, ni le reste de Paris et qui correspondent à des pratiques habituelles des services de police -, il serait plus simple que les personnes concernées puissent s'enregistrer sur une plateforme, compte tenu du nombre important de dérogations potentiellement délivrées. Un justificatif leur serait ainsi donné pour leur permettre de passer plus simplement et rapidement les barrages, sans quoi on se retrouverait avec des queues énormes, où des riverains se retrouveraient bloqués, faute de pouvoir prouver leur situation.

Le recours à une plateforme se pratique assez souvent. Cela a notamment été mis en place lors du G7 organisé à Biarritz en 2019, et concernait par ailleurs également les piétons. Comme évoqué dans Le Parisien, un justificatif papier avec un QR code nous paraît plus simple d'utilisation, mais nous sommes ouverts à la discussion.

D'un point de vue sécuritaire, ce périmètre est indispensable à mettre en place. Si dérogations il y a, elles seront rigoureusement appliquées.

En termes de droit, on ne peut comparer ces dispositions à l'état d'urgence qui a été mis en place pendant la crise sanitaire, comme j'ai pu l'entendre hier. Les restrictions aux libertés, qui ont nécessité à l'époque de voter une loi, n'étaient pas du même ordre : vous deviez rester à votre domicile sous peine de contraintes pénales ! Ici, la seule chose qui pourrait vous arriver, c'est d'être obligé de garer votre voiture et de rentrer chez vous à pied.

Par ailleurs, l'état d'urgence était par ailleurs applicable sur l'ensemble du territoire national, or les restrictions de circulation que nous mettons en place ne concernent que quelques zones dans Paris et dans la région d'Île-de-France, où, hormis le cas de la ville Saint-Denis, l'impact est moindre.

Aussi, le cadre juridique dans lequel s'inscrit cette plateforme est celui de l'arrêté du 2 mai 2011 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés « fichiers des résidents des zones de sécurité » créés à l'occasion d'un évènement majeur, déjà soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Nous sommes bien dans le cadre d'un évènement majeur et il s'agit bien de réglementer l'accès à une zone.

Le contenu de cet arrêté est encore plus parlant : « Le directeur général de la police nationale, le directeur général de la gendarmerie nationale et le préfet de police sont autorisés à mettre en oeuvre des traitements de données à caractère personnel dénommés "fichiers des résidents des zones de sécurité" ayant pour finalité la gestion des titres permettant l'accès des personnes ou des véhicules aux zones à l'intérieur desquelles sont apportées des restrictions à la libre circulation et à l'exercice de certaines activités, afin de prévenir les troubles à l'ordre public et de garantir la sécurité d'un évènement majeur. »

Cet arrêté prévoit évidemment la catégorie des données personnelles que nous pourrons collecter. Cette zone d'interdiction de circulation devient, en quelque sorte, une zone de sécurité au sein de laquelle je vais restreindre la circulation motorisée, excepté pour certaines catégories. Le traitement que l'on propose n'est donc pas nouveau, puisqu'il est autorisé par un arrêté déjà soumis à la Cnil. Je n'ai pas l'intention de m'éloigner des conditions fixées dans l'arrêté, qui correspondent parfaitement à nos besoins.

Une loi n'est donc pas nécessaire. Dans son avis rendu à l'époque sur l'état d'urgence sanitaire, le Conseil d'État avait bien relevé que la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés déterminait les conditions générales dans lesquelles peut être autorisé un traitement de données : « La création d'un tel traitement, même lorsqu'il est mis en oeuvre par une personne publique et qu'il est d'une ampleur importante, ne nécessite pas en principe l'intervention du législateur mais uniquement un acte réglementaire. » C'est ce qui a été fait avec l'arrêté de 2011.

J'échangerai de tout cela avec la Cnil prochainement. La direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) au ministère de l'intérieur a également des contacts réguliers avec la Cnil sur ces sujets.

Par ailleurs, il était rappelé dans ce même avis du Conseil d'État que « le recours à une loi est cependant nécessaire dans l'hypothèse où le traitement envisagé ne peut être mis en oeuvre sans modification d'une disposition législative qui y fait obstacle », ce qui n'est pas le cas, « ainsi que dans celle où le traitement conduit à fixer des règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et entre ainsi dans le champ de l'article 34 », ce qui n'est pas, là aussi, le cas - en tout, à mes yeux - du dispositif que nous mettons en oeuvre.

Voilà pour les bases juridiques de ce dispositif.

J'évoquerai pour terminer la cérémonie d'ouverture qui, bien que d'un genre à part, constitue, elle aussi, un « l'évènement majeur ». Elle nécessitera par conséquent le même dispositif juridique, à la nuance près que le périmètre concernera également les piétons. Le ministre l'a rappelé sur France 2 ce matin : pour des raisons évidentes de sécurité, toute personne qui entrera dans le périmètre de protection antiterroriste mis en place quelques jours avant la cérémonie sera contrôlée. Les modalités seront définies à l'issue de la phase de consultation, notamment avec la maire de Paris et les maires d'arrondissement. Les personnes devront probablement s'enregistrer pour se rendre sur les lieux de la cérémonie.

Là encore, l'objectif est de trouver un équilibre entre les règles de sécurité et le bon déroulement des festivités. Les délégations étrangères ne comprendraient pas qu'on laisse cheminer les gens sur le périmètre de la cérémonie d'ouverture sans effectuer de contrôles. Notre dispositif doit être robuste, sans toutefois empêcher de circuler les riverains, les commerçants, les restaurateurs et les entreprises implantées dans cette zone.

Pour conclure, nous ne sommes donc pas dans le registre d'une atteinte telle à une garantie fondamentale qu'il soit nécessaire de prendre une loi. L'arrêté de 2011 régit déjà spécifiquement les zones de sécurité pour les grands évènements. Je n'invente rien.

Le cadre de la consultation sera l'occasion de présenter dans le détail le dispositif aux deux chambres. Nous recueillerons toutes les observations formulées par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale. Une fois ce travail effectué, je suis prêt à présenter devant votre mission d'information le dispositif définitif avant qu'il ne soit rendu public dans la presse.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Je rappellerai, en guise de préambule, que cette audition était prévue avant vos annonces faites hier à la presse, dans le cadre de notre mission de suivi de l'application de la loi sur la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Ces travaux relèvent des missions de contrôle et de l'application des lois dévolues au Parlement.

La date des jeux approchant, ces annonces étaient très attendues, notamment sur la sécurisation de la cérémonie d'ouverture, dont le caractère exceptionnel, en extérieur et le long d'un fleuve, suscite encore beaucoup d'interrogations.

Vos annonces soulèvent des questions relatives à l'imbrication des différents périmètres. Nous comprenons les bases légales entre les périmètres de la loi Silt, dont la finalité est avant tout la lutte contre le terrorisme, et les périmètres de sécurisation de l'ordre public et de sécurisation routière. En revanche, nous ne comprenons pas bien comment tout cela va s'imbriquer, notamment en matière de contrôles. Sachant que les degrés d'atteinte aux libertés sont variables entre un périmètre « Silt » - fouilles possibles et contrôle systématique à l'entrée - et un périmètre « rouge » - les personnes autorisées pourront y circuler -, comment, concrètement, allez-vous passer de l'un à l'autre ?

Quid également du contrôle des « fan zones » et du parcours de la flamme olympique ? Avez-vous prévu des modalités spécifiques de sécurisation ?

Vous avez évoqué une concertation sur les dérogations pour circuler en zones rouges. Portera-t-elle également sur le tracé des périmètres ? En quoi consisteront précisément les contrôles de cette zone, notamment celui du fameux QR code ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Merci pour vos réponses, monsieur le préfet. Vos annonces d'hier ont permis à certains de prendre conscience de ce qu'impliquait l'organisation de jeux Olympiques dans une ville. Le principe de réalité les a rattrapés ! Pour ma part, je pense que tous les dispositifs de sécurité et de contrôle sont non seulement justifiés, mais nécessaires et attendus. Reste à voir comment les organiser.

Sur ce point, vous faites référence à un arrêté de 2011 alors que, par principe, le périmètre « Silt » ne peut s'appliquer qu'en vertu de la loi dite « Silt » de 2017. J'imagine qu'un nouveau décret sera pris, ce qui implique une nouvelle saisine de la Cnil. Une campagne de communication qui illustrerait les différents cas pratiques permettrait à mon sens une meilleure compréhension du dispositif.

Depuis la loi JOP du 19 mai 2023, nous avons autorisé l'usage de la vidéosurveillance algorithmique. Or la presse a révélé l'existence d'une fonctionnalité de reconnaissance faciale - la ville de Deauville a d'ailleurs été condamnée pour ce fait. La préfecture de police utilise-t-elle cette fonctionnalité ?

Enfin, êtes-vous en mesure de recruter suffisamment d'agents de sécurité privée pour répondre aux besoins ? Quels seraient leurs effectifs et leur formation ?

M. Laurent Nuñez. - Sur l'imbrication des périmètres, ils sont de nature différente. Un périmètre de circulation n'est pas un périmètre de protection « Silt » qui, lui, comprend des fouilles et concerne les piétons. Il se situe au plus près du site et se pratique déjà dans le cadre de tout événement sportif. Nous l'avons mis en place pas plus tard qu'avant-hier, pour le match PSG-Arsenal.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Certes, ce périmètre se pratique déjà à l'occasion d'une manifestation ou pour accéder à un stade, mais là cela concernera des zones d'habitation.

M. Laurent Nuñez. - Aucune habitation ne se situe dans le périmètre antiterroriste de protection. Il épouse strictement celui du site olympique, excepté pour la cérémonie d'ouverture.

M. Christophe-André Frassa, président. - Ce sont les zones grises.

M. Laurent Nuñez. - Tout à fait. Il se peut que le trait bleu qui entoure ces zones grises déborde un peu si une voie nécessite d'être incluse, mais l'imbrication des périmètres se fait assez naturellement. Tout le reste est, de fait, en accès libre aux piétons. C'est principalement la circulation routière qui pose problème.

Des « fan zones », plus précisément des clubs 2024, seront organisés dans Paris et dans toute l'Île-de-France sur l'initiative des collectivités locales. Elles nécessiteront bien évidemment une protection ; c'est pourquoi nous avons souhaité, avec le préfet de région Île-de-France, en limiter le nombre, afin de ne pas surcharger les policiers municipaux et les agents de sécurité privée qui en auront la charge.

Nous étudions également la sécurisation du parcours de la flamme olympique, qui arrivera le 14 juillet à Paris et reviendra autour du 25 ou 26 juillet. Son cheminement est encadré par une bulle, il est assez mouvant et devrait causer des embarras de circulation assez limités.

La concertation porte à la fois sur les conditions d'accès et les périmètres. Des élus ont déjà évoqué la possibilité d'étendre les périmètres rouge et bleu légèrement à la marge, soit qu'ils considèrent la circulation dangereuse à tel endroit, soit pour créer une déviation un peu plus en amont. Je suis sûr que les maires d'arrondissement parisiens auront eux aussi de nombreuses remarques sur les périmètres.

Pour bénéficier d'une dérogation pour entrer en zone rouge, deux types de justificatif sont possibles : le QR code ou le justificatif papier. J'ai lu hier qu'il faudrait avoir un QR code pour se déplacer à pied dans Paris : j'insiste, c'est complètement faux. Seule la circulation routière est concernée, sur des périmètres très limités et autour de sites.

Pour obtenir cette dérogation, il faudra remplir les conditions. Le justificatif doit pouvoir être contrôlé facilement, sans quoi ce serait absolument ingérable. Encore une fois, l'alternative serait de fermer la circulation routière. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Qui vérifiera sur la plateforme les justificatifs et délivrera l'autorisation d'accès ?

M. Laurent Nuñez. - Ce sont les forces de la police nationale, celles de la Préfecture de police en l'occurrence. Le contrôle et la décision d'accès relèvent du domaine régalien ; dans le droit français ces missions ne peuvent être déléguées. Le contrôle d'un QR code est beaucoup plus rapide, ce qui est à même de faciliter la fluidité des passages.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il faudra aussi éviter les fraudes.

M. Laurent Nuñez. - Comme vous l'avez souligné, Madame de La Gontrie, la communication d'hier nous a tous ramenés à un principe de réalité.

Deux options s'offraient à nous : aller à la rencontre de l'ensemble des grands acteurs et présenter nos documents aux maires d'arrondissement et aux professionnels du secteur - ce que nous avons commencé à faire notamment auprès des professionnels du bâtiment et des travaux publics - ou bien lancer la consultation sans rendre publiques ces cartes. Vous savez aussi bien que moi qu'elles auraient de toute manière fuité dans la presse. Aussi, plutôt qu'elles se retrouvent dans les mains du public sans explications et suscitent tous les fantasmes, nous avons préféré présenter nous-mêmes directement notre base de travail. Par ailleurs, une concertation ne se lance pas à partir d'une feuille blanche.

Nous consulterons bien sûr la Cnil sur le dispositif juridique, mais je ne peux vous dire si une nouvelle saisine sera nécessaire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Vous vous appuierez donc sur la loi dite « Silt » de 2017.

M. Laurent Nuñez. - Non, j'insiste. Hormis la cérémonie d'ouverture, qui est un sujet à part, nous ne nous appuierons pas sur la loi dite « Silt » de 2017, mais sur l'arrêté de 2011 qui nous permet de mettre en place un système de traitement de données aux fins contrôler une zone de sécurité dans le cadre d'un grand événement. Encore une fois, j'en discuterai avec la Cnil.

Sur les algorithmes, ce sera l'objet d'un autre débat, mais nous y travaillons en effet pour les jeux, en lien très étroit avec le ministère de l'intérieur qui est chargé de la passation du marché. Nous avons déjà plusieurs cas d'usage. En revanche, nous n'utilisons pas le logiciel de reconnaissance faciale d'une société, dont la presse a fait état. Le ministre a saisi l'inspection générale de l'administration (IGA) à ce sujet. L'utilisation de la reconnaissance faciale se fait dans le cadre bien précis d'une procédure judiciaire, mais, à ma connaissance, le logiciel utilisé n'est pas celui d'une société privée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Vous n'utilisez pas ce logiciel ?

M. Laurent Nuñez. - Nous n'utilisons pas le logiciel de la société qui a été citée.

Je ne suis pas inquiet pour le moment en ce qui concerne les effectifs de la sécurité privée. Certains lots n'ont pas été dépouillés par le Cojop ; elle sera a priori au rendez-vous.

Pour ma part, je constitue actuellement les plans des forces de sécurité intérieure - vaste travail ! Ils prévoient en moyenne 30 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie, voire des armées, pour Paris et l'Île-de-France, avec un pic à 45 000 effectifs déployés, notamment pour la cérémonie d'ouverture.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Votre réponse me laisse perplexe. Est-ce à dire que vous n'avez pas de compétences sur la question de la sécurité privée ?

M. Laurent Nuñez. - Cela relève de l'organisateur...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Mais qui coordonne donc l'ensemble des dispositifs de sécurité si ce n'est pas vous ?

M. Laurent Nuñez. - Je coordonne toutes les forces de sécurité intérieures sur l'ensemble de la région d'Île-de-France, en lien évidemment étroit avec les préfets de département. La sécurité privée est essentiellement engagée par l'organisateur, en l'occurrence le Cojop, pour ses propres dispositifs de sécurité.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Il n'y a pas de coordination avec vous ?

M. Laurent Nuñez. - Nous nous coordonnons bien évidemment sur le plan opérationnel, mais nous n'avons pas autorité sur leurs personnels. Le Cojop est chargé de sécuriser les sites olympiques. Il a son propre périmètre qui comprend notamment les accès aux quais bas de la Seine pour la cérémonie d'ouverture.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Dans la loi sur la sécurisation des jeux Olympiques, nous avons conféré les pouvoirs de préfet de police sur l'ensemble des cinq départements durant les jeux Olympiques et Paralympiques à compter du 1er juillet 2024. Or, on le constate aujourd'hui, tout cela implique un énorme travail de préparation. N'ayant pas encore ces prérogatives complètes, ne risquez-vous pas de rencontrer des difficultés pour harmoniser et coordonner ce travail préparatoire ?

M. Laurent Nuñez. - Non, en tant que préfet de zone, j'ai déjà un pouvoir de coordination et tout se passe en bonne intelligence. Nous nous sommes accordés pour appliquer les mêmes règles de gestion des périmètres sur l'ensemble de la région.

Le Gouvernement et surtout le Comité international olympique (CIO) ont souhaité avoir un interlocuteur unique sur une zone où 85 % des jeux se dérouleront sur 26 sites. Je deviendrai effectivement compétent sur l'ensemble de cette zone à partir du 1er juillet prochain jusqu'au 15 septembre. Cela n'empêche pas de préparer ces jeux tous ensemble sans aucune difficulté. Je bénéficierai d'un certain nombre de pouvoirs de police spéciale et pourrai déléguer en grande partie ces compétences pendant les jeux, mais en cas de crise, il faut bien qu'une personne prenne les commandes.

M. Christophe-André Frassa, président. - Avez-vous une estimation du nombre de résidents, et donc de véhicules, concernés par les zones délimitées ? Concernant l'enregistrement des personnes sur la plateforme, comment seront prévenus les touristes séjournant dans les hôtels, mais aussi dans les locations Airbnb, inclus dans ces zones ?

M. Laurent Nuñez. - De mémoire, 20 000 personnes sont concernées par les zones rouges et 700 établissements commerciaux, dont un tiers de restaurants. En revanche, je ne saurais vous dire pour les véhicules. Je vérifierai auprès de la mairie de Paris qui a connaissance de tous ces chiffres. En tout état de cause, le nombre de personnes concernées n'est pas énorme.

Pour les touristes, il faut arrêter les règles à la fin du mois de janvier. Il reviendra en effet aux propriétaires d'hôtels et à ceux qui loueront leur appartement de faire connaître aux locataires et aux clients des hôtels ces règles. Nous allons discuter avec les professionnels, car plusieurs possibilités sont envisageables. Le mieux serait que l'hôtelier enregistre lui-même ses clients sur la plateforme, mais nous en discuterons avec l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih). Sinon, les touristes devront s'enregistrer eux-mêmes, ce qui peut être plus compliqué.

M. Christophe-André Frassa, président. - Un accord avec les plateformes de location comme Airbnb est-il également envisageable ?

M. Laurent Nuñez. - Nous y réfléchissons. Là encore, il faut laisser la vie économique se dérouler normalement. Concernant la cérémonie d'ouverture - car c'est bien de cela que nous parlons -, il est primordial pour nous de savoir qui réside dans les appartements et les chambres d'hôtel, qui ont notamment la Seine en visuel. Il s'agit d'un enjeu de sécurité majeur.

M. André Reichardt. - Je suis sénateur du Bas-Rhin, dont le chef-lieu est Strasbourg. Cette fille accueille chaque année le marché de Noël, qui reçoit entre 1 et 2 millions de visiteurs sur une période de trois à quatre semaines dans différents points de la ville. Nous avons une certaine expérience, même si cela n'a pas empêché un attentat d'être commis.

Vous avez insisté sur le fait que les restrictions porteraient presque uniquement sur la circulation routière : les piétons et les cyclistes ne seront pas concernés. Quid des deux-roues motorisés ? C'est ma première question.

Ma deuxième question porte sur les créneaux horaires d'interdiction de circulation. Le marché de Noël de Strasbourg ferme à une certaine heure, mais de nombreuses personnes se déplacent encore le soir pour faire la fête. Des créneaux horaires sont prévus : le marché ouvre officiellement à telle heure et ferme à telle heure. Les voitures peuvent accéder à la zone en dehors de ces horaires, notamment pour permettre aux riverains de garer leur voiture chez eux. Avez-vous prévu un dispositif du même type ? Le cas échéant, pouvez-vous nous donner des informations sur ces horaires, s'ils sont déjà fixés ?

Se pose ensuite la question du stationnement. À Strasbourg, le stationnement est strictement interdit du 22 ou 23 novembre jusqu'au 24 décembre à minuit. Là aussi, avez-vous prévu un dispositif similaire ? J'ai bien compris que, a priori, le risque porte essentiellement sur la cérémonie d'ouverture. Peut-on vraiment se limiter à un périmètre hors résidents ?

Naturellement, ces restrictions sont éminemment impopulaires. Aujourd'hui, à Strasbourg, la population est excédée par les « checkpoints » d'entrée et sortie pour ceux qui bénéficient de dérogations. C'est la raison pour laquelle je milite pour une plateforme d'inscription préalable, comme à Strasbourg. Mais cela ne suffit pas car, même si les gens ont leur badge, il faut qu'ils ouvrent le coffre de leur voiture. Ils sont excédés, de même que les artisans qui veulent accéder au centre et dont la moitié a oublié de faire la demande sur la plateforme.

Les gens se disent qu'on n'a pas empêché l'attentat en 2018 et qu'il ne vaut pas la peine de continuer ainsi. De plus, les créneaux ont été restreints, ce qui ne sert à rien. Je voudrais attirer votre attention sur le caractère sensible de ce type de démarche et sur la nécessité de faire preuve d'un maximum de bon sens pour trouver un équilibre qui permette à la fois de ne pas « emmerder » les Français et de sécuriser au mieux l'événement.

Enfin, si vous n'avez pas déjà pris contact avec la préfète de la région Grand Est et du Bas-Rhin, je vous engage à le faire car les enseignements tirés à Strasbourg sont intéressants.

M. Olivier Bitz. - J'avoue ne pas avoir compris l'émoi suscité par votre conférence de presse d'hier, monsieur le préfet. Marie-Pierre de La Gontrie a apporté un élément d'explication en évoquant le principe de réalité qui frappe certains : les conséquences de cet événement seront énormes pour la vie quotidienne des Parisiens et des Franciliens.

J'ai été adjoint au maire chargé de la sécurité à Strasbourg et, même pour le marché de Noël, qui existe depuis plus de quatre siècles, le point d'équilibre n'a pas encore été trouvé. Nous avons conscience du caractère imparfait de chaque dispositif de sécurité.

J'en reviens à l'émoi suscité par votre conférence de presse et à ce soupçon juridique qui pèse sur l'action de l'autorité administrative. Nous allons entrer dans des mois difficiles et ne pouvons faire face à des injonctions de cette nature chaque fois que les modalités du dispositif de sécurité sont précisées.

En ce qui concerne les dérogations à la circulation automobile, le critère de leur attribution sera-t-il exclusivement lié à la nécessité de se déplacer ou un criblage des personnes concernées est-il prévu pour savoir si elles sont déjà connues des services ? J'ignore ce qui est juridiquement possible mais lorsqu'autant de piétons circulent aux abords des sites de la compétition, faire entrer des véhicules représente un danger. Le bon sens me pousserait plutôt à soutenir un tel criblage, dans lequel je verrai non pas une menace pour les libertés, mais une sécurisation pour nos concitoyens, d'autant que les périmètres sont annoncés des mois à l'avance, dans un souci de transparence.

Mme Corinne Narassiguin. - Je suis sénatrice de Seine-Saint-Denis, où une grande partie des JOP auront lieu. Malgré le principe de réalité et les inquiétudes qui montent chez certains, je voudrais rappeler que nous sommes heureux d'accueillir de nombreux événements. De nouvelles infrastructures sont créées et ces jeux laisseront un héritage pour le département, que nous espérons bénéfique sur le long terme. Il s'agira aussi d'un moment de fête. Aujourd'hui, les habitants râlent mais, avec la cérémonie, l'atmosphère générale fera sans doute évoluer leur point de vue, surtout si vous parvenez à sécuriser et à apporter de la tranquillité d'esprit à chacun, sans entraver le bon déroulement des opérations.

Certes, des épisodes dramatiques se sont produits lors de la finale de la Ligue des champions l'an dernier, mais de nombreux événements ont été très bien organisés et réussis, comme l'Euro 2016 ou la Coupe du monde de rugby cette année.

Ma question portera sur les périmètres en Seine-Saint-Denis, car nous avons une inquiétude sur la manière dont les choses se mettent en place. Le département compte de très nombreux hébergements d'urgence et certains se trouvent près des sites olympiques. Certes, le filtrage concernera essentiellement la circulation automobile, mais la forte présence policière pourrait décourager nombre de ces personnes en situation de précarité de se rendre dans les hébergements d'urgence. Comment comptez-vous prendre en compte cette question ?

M. Laurent Nuñez. - Les deux-roues motorisés seront traités comme les véhicules et seront interdits dans les périmètres rouges de circulation, à moins qu'ils ne fassent l'objet d'une dérogation.

Des créneaux horaires sont prévus et nous activerons ces périmètres deux heures et demi avant le début des compétitions et les désactiverons une heure après la fin. Nous en discuterons dans le cadre de la concertation, mais l'activation est calée sur les heures de compétition, que je ne peux pas changer. Ces règles seront sans doute définitivement retenues et il n'y a pas de raison que nous les modifiions, contrairement à la cartographie des périmètres ou aux conditions des ayants droit.

Cependant, certains sites ne seront pas accessibles « H 24 », comme le village olympique de Seine-Saint-Denis ou les lieux de la cérémonie d'ouverture. Ces exceptions seront contraignantes. Le maire de Saint-Denis m'expliquait hier que plusieurs milliers de personnes habitent le périmètre rouge dans sa commune.

En ce qui concerne le stationnement dans cette zone rouge, nous le réglementerons plus tard. Mais, dans cette zone d'interdiction de la circulation, il peut y avoir des mesures de stationnement prises en plus, pour faciliter les flux de piétons et de spectateurs. Nous n'y avons pas encore travaillé car c'est encore beaucoup trop tôt. Nous autoriserons les riverains à entrer dans ces périmètres avec leur véhicule, uniquement lorsqu'ils ont des parkings privés.

S'agissant de la gestion des « checkpoints » à Strasbourg, nous avons le même débat sur la plateforme et, comme vous le dites, monsieur Reichardt : c'est le bon sens versus « emmerder » les gens. J'ai le sentiment que le bon sens plaide plutôt pour la mise en place d'une plateforme, qui permettra de moins ennuyer les riverains. En effet, ils s'enregistreront rapidement en ligne et la question sera réglée une fois pour toutes. Il ne faut pas que les gens attendent et les contrôles doivent être fluides, sinon ce sera très pénible pour les fonctionnaires de police et plus encore pour les personnes autorisées à passer.

Les coffres sont ouverts à Strasbourg parce que les voitures entrent dans le périmètre de protection. Dans le cas qui nous occupe, il n'y aura ni fouille des véhicules ni criblage. À ce stade, les périmètres de circulation ne sont pas couverts par le décret du 27 octobre 2021 portant application de l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Sur réquisition du procureur et lorsqu'on a connaissance d'une menace, nous pouvons faire ouvrir les coffres et effectuer un criblage, selon l'article 78 du code de procédure pénale. En dehors de ce cas, le criblage n'est juridiquement pas possible. Ces périmètres ne peuvent pas être couverts par le décret « grand événement » car nous ne contrôlerons que les véhicules qui entrent, tandis que piétons et vélos passeront librement. La mesure ne serait donc pas forcément pertinente.

M. Olivier Bitz. - Je pensais à la possible utilisation de véhicules comme voiture bélier.

M. Laurent Nuñez. - Je comprends mais, juridiquement, ce n'est pas possible.

M. Olivier Bitz. - Pensez-vous que ce serait utile ?

M. Laurent Nuñez. - Pour le faire, il faudrait que le décret inclue ces périmètres. Mais le décret ne permettant pas de cribler tout le monde, je ne suis pas certain de l'utilité de cette mesure.

Enfin, la question des hébergements d'urgence en Seine-Saint-Denis relève de ce qui pourra être discuté dans le cadre de la concertation. Il sera important que chaque maire signale les établissements de ce type situés dans le périmètre rouge et il faudra prévoir des dispositions appropriées. Ces personnes se rendant à pied dans ces centres, il n'y a aucune raison qu'elles en soient empêchées. Il faudra rester dans le bon sens et j'ai, pour ma part, un autre impératif : celui de la sécurité.

Mme Isabelle Florennes. - En tant que Francilienne et Altoséquanaise, je suis attentive à la sécurité de la population et des lieux concernés. Je vous remercie pour la concertation mise en place. Certes, il faudra de la pédagogie mais, avec la concertation et l'association des acteurs locaux, nous y parviendrons.

D'autres capitales de grands pays ont organisé des JOP, je pense notamment à Londres. Vous inspirez-vous de ce qui a déjà été mis en place ? Des leçons sont-elles tirées en matière de sécurité ? Les expériences sont-elles partagées, même si les conditions ne sont pas les mêmes, notamment pour la cérémonie d'ouverture ?

M. André Reichardt. - Si l'on passe par une plateforme comme vous le proposez, quelle sera la durée de stockage des données ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - J'ai aussi été surprise par l'émoi provoqué par la conférence de presse, même si je trouve toujours positif que les sénateurs se préoccupent des libertés publiques. On peut tout de même saluer le fait que, à 239 jours de la cérémonie d'ouverture, autant d'informations soient déjà disponibles.

M. Laurent Nuñez. - Nous nous attendons à de nombreuses questions, à mesure que nous déroulerons nos plans de sécurité. Nous nous y préparons et je reste à la disposition de votre mission d'information pour exposer à échéances régulières la façon dont nous mettons en place nos dispositifs de sécurité.

Certains de mes collaborateurs se sont rendus à Londres, pour récolter des retours d'expérience et étudier comment les choses se sont passées. De plus, nous travaillons beaucoup avec le CIO, dont le président est là en ce moment. Demain, Michel Cadot, délégué interministériel aux JOP, et moi-même plancherons sur ces sujets devant les membres du Comité, qui viennent régulièrement s'enquérir de la manière dont les choses avancent. Ils nous disent que nous sommes dans les délais sur les questions de sécurité et qu'il n'y a pas de difficultés particulières.

Contrairement à ce que j'ai entendu ces derniers jours, d'autres capitales ont mis en place des restrictions de circulation bien plus lourdes que celles que nous prévoyons de déployer. Quand on n'anticipe pas les choses, les restrictions se mettent parfois en place de facto. Nous travaillons donc beaucoup avec les membres du CIO, qui partagent aussi de nombreux retours d'expérience sur des événements pouvant avoir un impact sur la sécurité mais liés à la vie olympique, comme le transport d'athlètes ou la façon dont se comportent les délégations. Ils nous donnent de nombreuses informations, et nos échanges sont fluides.

Quant à la durée de conservation des données, elle est de trois mois au maximum selon l'arrêté. Pour ce genre de plateforme, nous n'avons pas besoin d'une durée longue. Cependant, dans la zone de Paris Centre, la période entre la mise en place du dispositif plusieurs jours avant la cérémonie d'ouverture et la fin des jeux durera un mois et demi. Dans d'autres zones, ce sera moins long. Certains sites ont vocation à exister pour les jeux Olympiques mais pas pour les jeux Paralympiques. Ainsi, deux sites disparaîtront, au Trocadéro et dans les Hauts-de-Seine.

M. Christophe-André Frassa, président. - Je vous remercie, monsieur le préfet.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de M. Gérald Darmanin,
ministre de l'intérieur et des outre-mer

(Mardi 5 mars 2024)

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

M. François-Noël Buffet, président. - Nous accueillons aujourd'hui Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, dans le cadre des travaux de notre mission d'information sur l'application de la loi du 19 mai 2023 relative à la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 dont Agnès Canayer et Marie-Pierre de la Gontrie sont les rapporteurs.

Monsieur le ministre, vous êtes accompagné de Céline Berthon, directrice générale de la sécurité intérieure, ainsi que de Marc Guillaume, préfet de la région Île-de-France, Laurent Nunez, préfet de police de Paris, Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, et Julien Marion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises. Leur présence témoigne de l'importance de notre réunion.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Au regard des enjeux liés à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) à l'été 2024, la commission des lois a souhaité contrôler le dispositif de sécurité mis en oeuvre par les autorités, condition de la réussite de ces Jeux multisites, qui réuniront plus de 13,5 millions de spectateurs, en instituant une mission de suivi de l'application de la loi du 19 mai 2023 dite « JOP ». Elle prévoit plusieurs dispositifs spécifiques dans cette perspective.

Nous avons choisi de porter notre attention sur les conditions de la mobilisation du continuum de sécurité et de la chaîne pénale et sur l'adéquation des moyens des forces de l'ordre à la spécificité et à l'ampleur des menaces, dans le respect des libertés individuelles.

Ainsi, depuis le 15 novembre 2023, nous avons auditionné 90 personnes. Nous devrions achever nos travaux par les auditions de Tony Estanguet, président du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) la semaine prochaine - elle est très attendue - et de Laurent Nunez, préfet de police, la semaine suivante.

Parallèlement à ces auditions, nous avons effectué cinq déplacements : au village olympique, au centre du Cojop, au Stade de France, au centre de commandement opérationnel de sécurité (CCOS) de la préfecture de police et au centre de commandement de la SNCF. Nous avons également participé à une formation des agents de sécurité privée dans le cadre de l'obtention du certificat de qualification professionnelle (CQP) « Grands événements ». Au surplus, à l'issue de l'audition du ministre, nous nous rendrons à la préfecture de police pour observer l'expérimentation de la vidéoprotection intelligente, qui a été déployée pour la première fois à l'occasion du concert de Depeche Mode à Bercy.

Ces travaux nous ont convaincus que la mobilisation de tous les acteurs pour la réussite des Jeux est indiscutable, bien que plusieurs sujets inquiètent toujours les acteurs de terrain : l'organisation de la prise de décision en matière de sécurité, la gestion des ressources humaines mobilisées, les technologies mises en oeuvre pour sécuriser l'événement et les incertitudes qui pèsent sur la cérémonie d'ouverture.

En premier lieu, l'ensemble des auditions conduites ont révélé que la sécurisation des sites franciliens en particulier et de l'ensemble des sites olympiques en général est entourée par une comitologie foisonnante. L'implication d'acteurs très divers et peu habitués à être mobilisés ensemble pour une durée si longue implique de faire évoluer, voire de créer, les outils facilitant leur coordination. Une telle évolution est d'autant plus indispensable que le Cojop sera chargé de la sécurisation de l'ensemble des sites de compétition. Or il s'inscrit essentiellement dans une logique sportive : ses contraintes ne sont pas toujours identiques ni compatibles avec celles qui pèsent sur l'État, garant de la sécurité des jeux Olympiques.

La multiplicité des acteurs risque d'entraîner deux difficultés pratiques : la gestion des remontées d'information et des alertes ; les circuits de réponse en situation de crise au sein de l'État et du Cojop dans les divers sites olympiques.

En deuxième lieu, nos travaux nous ont conduits à nous interroger sur la gestion des nombreuses ressources humaines mobilisées pour la sécurisation d'un événement d'une telle ampleur. Si l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité et du monde judiciaire ont intégré la nécessité de leur forte implication, ils nous ont tout de même fait part de deux difficultés structurelles.

Tout d'abord, les modalités concrètes de la participation de chaque agent et de chaque direction semblent encore inconnues à ce jour. Il en résulte une méconnaissance des conditions concrètes de leur mobilisation, de leur bloc de missions, des lieux de mobilisation, de leur planning et de leur temps de travail, de repos et de congés. Aussi, ils ne savent pas quelles seront les conséquences d'une telle mobilisation sur leur vie personnelle et familiale.

Ensuite, si les conditions indemnitaires d'engagement des policiers ont récemment été précisées, les conditions matérielles d'exercice de leurs missions - je pense en particulier au logement - n'ont pas encore été clairement établies.

Nous avons également constaté que de fortes incertitudes pesaient quant à l'opérationnalité des outils technologiques susceptibles d'être mobilisés pour faciliter la sécurisation des JOP et auxquels la loi du 19 mai 2023 prévoit de recourir.

Alors que les jeux Olympiques débuteront dans 140 jours, il ressort de nos travaux que la vidéoprotection algorithmique ou « intelligente » n'a été testée qu'à une reprise, dimanche soir dernier, et que les scanners corporels ne seront utilisés qu'au village olympique.

Il semblerait également que le dispositif expérimental adopté dans la loi du 19 mai 2023 ne soit pas encore assez opérationnel à ce jour, car il empêche les acteurs de procéder à certains réglages et tests en dehors des événements de plus de 300 personnes, lesquels sont particulièrement exposés à des menaces, alors même que c'est nécessaire pour la RATP et la SNCF.

Nombre d'incertitudes pèsent toujours sur la cérémonie d'ouverture. Si la jauge a fondu comme neige au soleil, il reste encore aujourd'hui des questions sur la manière dont seront sécurisés les contrôles d'accès : l'ensemble des participants seront-ils criblés ? Comment la sécurité des sportifs à bord des bateaux sera-t-elle garantie ?

Enfin, le Sénat a adopté en janvier dernier, sur l'initiative du président François-Noël Buffet, un dispositif permettant au ministre de l'intérieur de prononcer une interdiction de paraître à l'égard d'individus dangereux et radicalisés à l'occasion de certains grands événements. Force est aujourd'hui de constater que le Gouvernement ne s'est pas encore saisi de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, laquelle n'a pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons que le regretter, car les menaces terroristes pesant sur les Jeux sont particulièrement prégnantes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Récemment, plusieurs articles de presse se sont fait l'écho des difficultés liées aux moyens de lutte anti-drones. Elles résultent de la compétition industrielle et commerciale à laquelle se livrent les acteurs du marché. Compte tenu de la dangerosité de tels engins et de leur vente en libre-service, il conviendrait de doter les forces de sécurité intérieure et les armées de l'ensemble des outils nécessaires à la lutte effective et efficace contre ces nouveaux modes opératoires des contrevenants et opposants aux jeux Olympiques.

Monsieur le ministre, je souhaite également que vous nous confirmiez que des logiciels de reconnaissance faciale du type Briefcam ne seront pas utilisés par les forces de sécurité intérieure. Au cours de nos travaux, j'ai cru comprendre que de tels logiciels avaient pu être utilisés, avant qu'il ne soit demandé aux fonctionnaires de ne plus y recourir, car une enquête serait en cours.

Par ailleurs, deux arrêtés, datant des 1er février et 31 mars 2023, ont profondément modifié les conditions d'obtention de la certification technique des équipes cynotechniques privées en recherche d'explosifs. Cela a eu pour conséquence la perte de certification de 75 % des équipes de la RATP et de 40 % de celles de la SNCF. Selon nous, une mesure transitoire doit être déployée pour les jeux Olympiques.

J'en viens aux difficultés liées à la capacité du secteur de la sécurité privée à répondre aux besoins du Cojop et des autres acteurs locaux qui recourront à ces entreprises pour toute la durée des Jeux. Nous avons identifié deux difficultés matérielles : le raccourcissement superflu des délais d'inscription aux tests de langue pour les étudiants étrangers désireux de se former aux métiers de la sécurité privée, qui raréfie le volume de personnes pouvant se présenter ; les conditions matérielles du retrait des agréments et les modalités de déplacement.

De plus, plusieurs acteurs syndicaux, représentants du personnel ou directeurs de la police et de la gendarmerie s'inquiètent de la période suivant les Jeux, pour laquelle nombre d'agents solliciteraient des jours de congés. Les enveloppes budgétaires allouées en début d'année risquent d'être épuisées, empêchant ainsi de terminer l'année budgétaire correctement, et ce malgré la rallonge budgétaire que vous avez obtenue, monsieur le ministre. Aussi, pourriez-vous nous indiquer ce que vous avez prévu dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) sur ce point ?

Parallèlement, les armées nous ont alertés sur deux difficultés : d'une part, le manque de visibilité sur leur engagement ; d'autre part, l'impossibilité pour elles d'assurer un remplacement d'agents de sécurité privée à hauteur du principe du « un pour un », s'il venait à en manquer.

Enfin, les polices municipales traversent depuis de longs mois une crise qui touche à l'attractivité des carrières, au régime indemnitaire et à leurs pouvoirs. Or certains maires souhaiteraient pouvoir attribuer une prime exceptionnelle, à l'instar de celle qui peut être attribuée aux forces de sécurité intérieure, mais ils ne le peuvent pas, faute d'un fondement légal. Et je ne parle pas de la police municipale parisienne, qui est régie par un statut particulier.

Il me semble que l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité pourront compter sur l'investissement total des acteurs judiciaires. Du reste, l'organisation du tribunal judiciaire de Paris ou de Bobigny nous a impressionnés.

Si l'essentiel des compétitions se déroule dans la plaque parisienne, il n'en demeure pas moins que la sécurisation des sites doit être conciliée avec la lutte contre la délinquance habituelle. Comment comptez-vous faire face aux difficultés que cela soulève dans le reste du territoire ?

J'en termine avec un point précis. Nous savons qu'il faut envisager la tenue de manifestations pacifiques contestant l'existence des Jeux ou soutenant des causes humanitaires. Or, à ce jour, aucun espace de manifestation pacifique n'a été programmé pour les Jeux, contrairement à ce qui avait été mis en oeuvre pour les COP ou pour les réunions du G7 ou du G20. Il nous semblerait utile de le prévoir, afin d'anticiper toute difficulté.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. - Monsieur le président, le point que vous m'avez demandé de faire devant votre commission est très important, puisque dans 64 jours exactement, c'est-à-dire le 8 mai prochain, les jeux Olympiques et Paralympiques commenceront d'un point de vue opérationnel pour les services du ministère de l'intérieur.

Les jeux Olympiques d'été sont le plus grand événement au monde. La France les a organisés pour la dernière fois voilà un siècle. À Paris, en 2024, pour la première fois dans l'histoire, une cérémonie d'ouverture sera organisée en dehors d'un stade. Il s'agit du plus important défi logistique et sécuritaire qu'a jamais dû relever le ministère de l'intérieur.

Pour les services du ministère, les Jeux commenceront le 8 mai prochain, avec l'arrivée en France de la flamme olympique, transportée à bord du Belem depuis le port du Pirée, en Grèce, jusqu'au port de Marseille. S'ensuivra la cérémonie d'ouverture des Jeux - le moment le plus impressionnant et le plus difficile à organiser -, qui aura lieu le long de la Seine. S'ensuivront les épreuves des jeux Olympiques, une pause d'une courte durée, puis la cérémonie d'ouverture des jeux Paralympiques, le 28 août prochain, place de la Concorde, là encore, en dehors d'un stade, où sera réuni l'équivalent du stade de France, dont une cinquante de chefs d'État. Cette longue période se terminera le 8 septembre avec la fin des jeux Paralympiques.

Il s'agit d'un travail de longue haleine. Madame de La Gontrie, avant de penser à la suite, il faut bien prendre conscience que, pour les services du ministère de l'intérieur, les jeux Olympiques s'étalent du 8 mai au 8 septembre.

J'attire votre attention sur le fait que 2024 est vraiment une année exceptionnelle. D'autres grands événements auront tout de même lieu : le Tour de France, dont l'arrivée sera à Nice ; le 14 juillet ne sera pas annulé, puisqu'il se déroulera partout en France et à Paris ; l'intégralité des festivals est maintenue. À cela s'ajoutent, au mois de juin, les 80e anniversaires du débarquement de Normandie et de celui de Provence, qui réuniront de nombreux chefs d'État. Par ailleurs, la finale de la coupe d'Europe de football aura lieu le 14 juillet. Si la France est en finale - nous l'espérons -, des fan zones, des retransmissions seront mises en place, lesquelles devront être sécurisées par les services du ministère de l'intérieur.

Vous le voyez, 2024 concentre nombre d'événements exceptionnels, qui mobilisent les services de police et de gendarmerie, des préfectures et de la sécurité civile.

Nous avons également prévu l'imprévisible - c'est le métier du ministère de l'intérieur -, à savoir une crise migratoire, des mégafeux, des attentats terroristes, qui auraient lieu en même temps que tous ces événements. Je rappelle qu'une telle concentration d'événements entre le 8 mai et le 8 septembre n'a jamais eu lieu en France.

J'en viens à un point sur l'état de la menace terroriste.

La menace terroriste principale est celle qui est inspirée par l'islam radical. Je puis vous dire avec certitude que, aujourd'hui, une telle menace n'est pas caractérisée par les services de renseignement français ou étrangers. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Simplement, à l'heure actuelle, aucun renseignement relatif à une menace particulière pour les jeux Olympiques ne nous est parvenu, même si un événement d'une telle ampleur, diffusé à plus de 1,5 milliard de téléspectateurs pourrait susciter des envies.

Il existe deux types de menaces terroristes islamistes, selon qu'elle est endogène, à savoir le passage à l'acte d'une personne dépourvue de liens avec une organisation étrangère, ou exogène, à savoir l'attentat exécuté par une organisation étrangère, à l'instar du Bataclan, mais aujourd'hui, ni Al-Qaïda ni l'État islamique n'en ont les moyens, même s'ils en ont l'intention. Je vous le dis avec beaucoup d'humilité, car le renseignement n'est pas une science exacte ; nous ne disposons peut-être pas de l'intégralité des informations.

Une troisième menace émerge : la menace qualifiée de « proxy ». Par exemple, une organisation terroriste pourrait, en les payant, mobiliser des délinquants de haut niveau ou issus de la criminalité organisée pour toucher la France.

Il existe également une menace contestataire - elle pose des problèmes d'ordre public et non de terrorisme -, qu'il s'agisse de la contestation des jeux Olympiques, en tant qu'événement supposément polluant et capitaliste, ou de la contestation environnementaliste radicale. Certains pourraient chercher à éteindre la flamme par exemple.

J'ajoute que des événements extérieurs pourraient affecter la France. Je précise également que le week-end précédant la cérémonie d'ouverture aura lieu le deuxième rendez-vous de Sainte-Soline, qui mobilisera particulièrement la gendarmerie nationale.

Cette menace peut également venir de l'ultra gauche ou de l'ultra droite - vous connaissez bien le sujet - ou encore de la contestation économique et sociale - elle pourrait affecter les transports -, voire de la contestation locale, puisque la flamme passera par la Corse, par la Nouvelle-Calédonie et par des territoires touchés par la crise agricole, ou encore confrontés à d'autres problèmes. Ces contestataires ne veulent pas empêcher l'olympiade, mais ils peuvent tout de même la perturber.

Notre mot d'ordre est l'anticipation, en lien avec le garde des sceaux et ses services, dont je salue le travail. Ainsi, nous travaillons sur les mesures d'entrave que la loi nous permet déjà de prendre, à savoir les mesures issues de la loi de 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt, les mesures de surveillance, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), les visites domiciliaires, etc. Nous travaillons sur des mesures de criblage dans le cadre des enquêtes administratives. Sur le million d'enquêtes administratives que nous devrons réaliser, une centaine de milliers de criblages ont déjà eu lieu : jusqu'à présent nous avons émis 280 avis d'incompatibilité, s'agissant de personnes en situation irrégulière, et nous avons découvert six « fichés S » parmi ceux qui voulaient porter la flamme, être agent de sécurité privée ou volontaire auprès du Cojop. Il reste donc 900 000 enquêtes administratives à réaliser.

Je rappelle que, par décision du Président de la République, la DGSI est chef de file de cet événement.

Mme Céline Berthon, directrice générale de la sécurité intérieure. - Le contexte et les perspectives de menaces que nous envisageons pour les jeux Olympiques s'inscrivent dans la continuité du contexte actuel de la menace terroriste. Depuis plus d'un an, le risque est élevé, lequel s'est d'ailleurs traduit dans les faits, et ce d'autant plus que la mouvance endogène est de nouveau dynamique. Celle-ci se caractérise par des profils de jeunes, très actifs en ligne, fortement consommateurs de contenus violents et capables de passer à l'acte rapidement avec des moyens rudimentaires. Cela constitue autant de défis pour nos services, qui plus est dans le contexte d'un événement diffusé mondialement.

Par ailleurs, persistent en France des profils de personnes expérimentées, ancrées dans l'idéologie radicale et animées par l'idée de passer à l'acte.

Enfin, il ne faut pas oublier le retour de la menace liée à des théâtres extérieurs. À n'en pas douter, les organisations terroristes qui prennent pour cible l'Occident essayeront de saisir l'occasion des jeux Olympiques pour agir.

Dans ce contexte, la DGSI, chef de file de la lutte antiterroriste, mobilise les structures interservices existantes, mais, face à la hausse des signalements susceptibles de se produire, a créé une structure ad hoc, capable de centraliser, d'attribuer et de suivre avec certitude la totalité des signalements qui pourront relever d'une menace terroriste. Ainsi, nous nous assurerons que tous les signalements sont bien attribués à un service, afin d'éviter les trous dans la raquette.

Sur cette base, notre objectif est d'être en mesure d'engager des mesures d'entrave, qu'elles soient administratives ou judiciaires, avec le concours de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre. - À compter du relais de la flamme jusqu'à la fin des jeux Olympiques, nous allons organiser avec le monde judiciaire une stratégie d'entrave pour mettre hors d'état de nuire toute personne nécessitant, selon nous, une telle mesure.

Nous sommes aidés dans cette tâche par les services de renseignement français, comme la DGSE, mais aussi étrangers : je les en remercie, car leurs informations concourent à notre stratégie d'entrave, avec l'aval des magistrats, notamment dans le cadre des visites domiciliaires ou des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance - des procédures que vous nous avez accordées.

J'en profite pour répondre à Agnès Canayer : je regrette que la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste déposée par le président Buffet n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Vous savez que le garde des sceaux et moi-même conservons quelques points de divergence sur ce texte : j'ignore ce qu'il en sera dans les prochaines semaines.

En tant que ministre de l'intérieur, il me semble que nous avons déjà des moyens suffisants pour assurer un maximum de sécurité sur notre sol, notamment en matière de lutte contre les acteurs terroristes ; néanmoins, les dispositions de la proposition de loi du président Buffet seront bien entendu bienvenues, si nous parvenons à trouver un compromis dans les temps à venir.

J'en viens au relais de la flamme olympique. La flamme fera étape dans 65 villes et traversera une centaine de sites, 400 villes, ainsi que 6 territoires ultramarins, grâce à 10 000 porteurs. C'est donc un très gros travail. La présence de la police et de la gendarmerie permettra à chacun de vivre ce moment important en toute sécurité. N'oublions pas le relais de la flamme paralympique, qui suit un autre itinéraire que la flamme olympique.

L'une des difficultés posées par la flamme olympique est que celle-ci ne doit jamais être éteinte, y compris lorsqu'elle est transportée en avion ou en bateau - comme ce sera le cas pour les étapes prévues en Guyane et en Nouvelle-Calédonie.

La bulle de sécurité de la flamme, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter à la presse, comprend 18 policiers et gendarmes en civil autour du porteur de la flamme. Une demi-unité de force mobile les précède afin d'éviter toute entrave à la circulation, comme lors du Tour de France ; une demi-unité est placée à l'arrière du groupe. Les équipes de lutte anti-drones et le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sont également chargés de protéger la flamme. Au total, 115 personnels de police et de gendarmerie forment une bulle de sécurité autour de la flamme. Ils s'entraînent actuellement à Beynes, dans les Yvelines.

Autre événement extraordinaire, la flamme arrivera en France à bord du Belem. À ce titre, si le Premier ministre Manuel Valls a confié, par une lettre, l'organisation de la sécurité du relais olympique et des Jeux au ministère de l'intérieur, tout ne relève pas de son champ de compétences. Ainsi, la sécurité du bateau, tant qu'il sera sur l'eau, sera la responsabilité de la préfecture maritime et de l'armée ; dès que la flamme arrivera sur la terre ferme, mon ministère sera chargé de sa protection.

De même, mon ministère couvre l'ensemble des risques, à l'exception du cyber, dont la gestion relève directement du Premier ministre, puisque l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dépendent du Premier ministre. Le ministère de l'intérieur n'est donc pas chargé de la réponse aux cyberattaques, mais il est responsable de l'ensemble des autres sujets relatifs à la sécurité des Jeux.

Une fois arrivée au port de Marseille, la flamme rejoindra huit étapes dans cette même ville, dont l'une dans les quartiers nord. Un périmètre de protection Silt sera organisé par le préfet de police nouvellement nommé pour assurer la sécurité du port de Marseille et des centaines de milliers de personnes qui accueilleront la flamme. Je me rendrai à Marseille le 18 mars prochain pour inspecter avec la municipalité les conditions de sécurité de cet événement qui sera, j'imagine, très suivi.

La sécurité du relais devra également être assurée à Paris, où la flamme restera trois jours - deux jours dans les sites les plus historiques, puis un jour dans les différents arrondissements. La flamme reviendra à Paris le 26 juillet, après une tournée en province et en Île-de-France.

Je ne veux pas oublier nos outre-mer. La flamme sera présente dans la quasi-intégralité de nos territoires ultramarins. Des dispositions particulières seront prévues pour sa traversée en mer, notamment pour rejoindre la Polynésie française, qui accueillera les épreuves de surf.

J'en viens à la cérémonie d'ouverture. J'en profiterai pour répondre à une partie de vos questions.

Je veux d'abord attirer l'attention de la commission et des Français sur le déroulé de cet événement. En effet, entre 1,5 milliard et 2 milliards de téléspectateurs regarderont cette cérémonie, qui devra suivre un rythme métronomique ! Près de 90 bateaux, transportant 206 équipes, traverseront la Seine sur six kilomètres entre Bercy et Trocadéro, en respectant des temps de passage précis pour les différentes prises de vue. Or, outre la sécurisation de l'ensemble de l'événement et de la parade des bateaux sur la Seine que nous devrons assurer, un geste culturel - dont il ne m'appartient pas de divulguer la nature - a été prévu, alternant une multitude de tableaux.

Il ne s'agit donc pas seulement de sécuriser les bateaux qui longeront la Seine pour amener les sportifs au Trocadéro en passant devant les chefs d'État : alors que ceux-ci descendront le long de la Seine, en quarante-deux minutes chacun, un spectacle se déroulera tout le long de ce linéaire de six kilomètres.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Il y a donc deux fois moins de bateaux que ce qui avait été annoncé, n'est-ce pas ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Le préfet de la région d'Île-de-de-France précisera le nombre exact de bateaux. Entre 80 et 90 bateaux transporteront les 206 équipes. Il y aura donc plusieurs équipes sur un même bateau, ce qui soulève d'autres difficultés dont nous pourrons parler ultérieurement.

Trois points doivent être soulignés. Premièrement, depuis Louis XV, il n'y a pas eu de parade sur la Seine de bateaux qui allaient tous dans la même direction. En effet, l'une des difficultés sur laquelle interviendra le préfet de région est que les bateaux iront tous en même temps de Bercy au Trocadéro, ce que ne prévoit pas la signalisation régissant actuellement la navigation de la Seine.

Deuxièmement, nous devrons répondre au défi que représente la sécurisation de l'ensemble de ces bateaux, des équipes, mais aussi des 150 à 200 chefs d'État et de gouvernement qui seront au Trocadéro et, enfin, des centaines de milliers de personnes qui assisteront à la cérémonie depuis les quais hauts et les quais bas.

Troisièmement, les enjeux liés à la sécurisation s'étendent à tout ce qui se déroulera parallèlement à la cérémonie, notamment dans les « fan-zones » des arrondissements parisiens et ailleurs sur le territoire national.

Le préfet de la région d'Île-de-France s'exprimera sur les difficultés liées à la navigation.

S'agissant des spectateurs, 104 000 billets ont été mis en vente par le Cojop pour assister à la cérémonie depuis les quais bas. Je vous détaillerai la liste précise des quais bas, qui ne sont pas situés tout le long du linéaire de 6 kilomètres. Sur les quais bas, ainsi que sur plusieurs ponts de la Seine, seront installées des tribunes, ce qui soulève d'autres sujets de sécurité, comme l'a récemment rappelé l'accident ayant affecté le pont de Sully.

En outre, 222 000 personnes pourront assister à la cérémonie gratuitement depuis les quais hauts. Ces personnes ne pourront pas aller sur les six kilomètres de linéaire, d'une part, parce que des voies de passage seront réservées, d'autre part, parce qu'à la demande du Président de la République, les boîtes des bouquinistes le long de la Seine ne seront pas démontées. Par ailleurs, pour des questions de sécurité, en raison de l'état de la menace, nous avons fait le choix d'autoriser trois personnes par mètre carré.

De plus, nous estimons que 200 000 personnes, bénéficiant d'une vue sur les six kilomètres de la Seine où défilera la parade, pourront regarder la cérémonie depuis chez elles, tout en étant situées à l'intérieur du périmètre de sécurité.

Enfin, d'après les informations que nous tenons de la Ville de Paris, environ 50 000 personnes regarderont la cérémonie dans des fan zones réparties dans différents arrondissements.

Nous arrivons donc à un total de 576 000 spectateurs, dont 526 000 à l'intérieur du périmètre de sécurité.

Nous devrons ainsi assurer la sécurité de 326 000 personnes sur les quais hauts et les quais bas - soit quatre fois la capacité du Stade de France ! -, pour un temps durant lequel Paris sera coupé, puisqu'il sera impossible, sauf aux services de secours, de traverser la Seine entre la fin de la journée et le début de la nuit.

M. Marc Guillaume, préfet de la région Île-de-France. - La flotte des athlètes comprendra 94 bateaux : ce total inclut les bateaux qui navigueront sur la Seine et les bateaux de réserve. Une flotte connexe composée de 86 bateaux sera chargée d'assurer la sécurité, l'encadrement, la maintenance et l'assistance. La plupart de ceux-ci seront prépositionnés le long du linéaire : c'est notamment le cas des pousseurs.

Ces bateaux circuleront de manière inhabituelle, puisqu'ils iront uniquement dans le sens avalant sur trois files : une file centrale, avec les bateaux des athlètes, une file de gauche, essentiellement réservée à la transmission télévisuelle, et une file de droite dédiée à la régulation. Quelques bateaux de la préfecture de police circuleront en plus de ceux qui auront été prépositionnés pour assurer la sécurité.

Nous devrons assurer la sécurité de la parade fluviale à trois niveaux différents.

Premièrement, nous devons contrôler un à un les bateaux de la flotte principale comme ceux de la flotte connexe. À l'occasion de la répétition du 17 juillet 2023, nous avons déjà vérifié 89 bateaux de la flotte principale. Nous devons contrôler aussi l'ensemble des conducteurs pour accroître, si nécessaire, leur formation.

Deuxièmement, nous devons travailler sur le concept artistique, puisqu'un ensemble de décors sera monté à la fois sur les quais et sur la Seine, principalement hors du chenal. Près de 25 établissements flottants et 35 matériels flottants seront installés pour le spectacle. Là encore, nous avons des dossiers à instruire. Pour ne prendre qu'un seul exemple, nous devons contrôler les conditions d'amarrage de ces installations, afin de vérifier qu'elles n'interviennent pas dans des frayères, et, si c'est le cas, travailler avec des écologues pour garantir le respect des règles environnementales. Nous prévoyons trente-huit nuits de montage, échelonnées sur les trois mois précédant la semaine du 26 juillet. Le démontage se fera plus rapidement.

Troisièmement, nous devons assurer la sécurité des zones d'embarquement et de débarquement. Les navires circuleront sur un trajet de six kilomètres entre Austerlitz et Trocadéro. À l'est, une zone de quatre kilomètres sera réservée à l'embarquement des 10 000 athlètes sur les bateaux : 250 bus seront mobilisés pour les y emmener. Une fois arrivés au Trocadéro, les athlètes pourront débarquer le long d'une zone de trois kilomètres environ. De nombreux pontons devront donc être construits.

Concernant l'accident évoqué par le ministre, un bateau a heurté le 31 janvier la deuxième arche du pont de Sully par laquelle descendent les bateaux avalants. Ce pont appartient à la mairie de Paris, qui est en train de finaliser les expertises afin de procéder aux travaux nécessaires avant la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques. Il s'agira, sans doute, de scinder un bloc de fonte qui risque de tomber, puis de restaurer le pont. Ces travaux devraient être réalisés avant la cérémonie d'ouverture.

Enfin, il faut noter que nous avons réussi à limiter la fermeture à la navigation de la Seine du 20 au 26 juillet, ce qui garantira le maintien de la plupart des activités économiques. Les céréaliers, notamment, pourront acheminer par la Seine les premières moissons dès la fin du mois.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Le nombre de bateaux a-t-il été réduit par rapport à ce qui avait été annoncé il y a un an ? Les 10 500 athlètes seront donc transportés sur 94 bateaux ?

M. Marc Guillaume. - La flotte des athlètes compte 94 bateaux, dont des bateaux de réserve. Le Cojop achève ses derniers calculs : il est possible que quelques bateaux de moins circulent finalement, ce qui faciliterait la fluidité de la parade.

Le projet de faire circuler 160 bateaux a été abandonné depuis assez longtemps par le Cojop. Il y aura donc environ 90 bateaux pour les athlètes et 90 bateaux pour la flotte connexe, qui assurera la sécurité, les retransmissions et les interventions de secours.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Tous les athlètes ne seront donc pas présents sur les bateaux ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Il s'agira d'une sélection d'athlètes.

Il faut noter qu'aucun pays ne nous a fait part d'un refus de faire défiler ses athlètes. C'est un point très important et nous partageons un très grand nombre d'informations et de renseignements avec nos partenaires étrangers. Certains pays représentent des cibles potentielles et les enjeux liés à leur sécurité sont particulièrement sensibles. Ils ont donc confiance dans notre organisation. Le préfet de police, le préfet de la région d'Île-de-France et la DGSI travaillent avec eux pour partager les contraintes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - À qui appartiennent ces bateaux ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Ces bateaux ne sont pas les nôtres. Le Cojop nous renseigne sur la parade culturelle et sur le nombre de bateaux qui défileront.

Mme Laurence Harribey. -D'où viennent ces bateaux ?

M. Marc Guillaume. - Depuis qu'il a été décidé que le nombre de bateaux sera inférieur à cent, il a été convenu qu'il s'agirait de bateaux du bief parisien, tels que les « bateaux-mouches », qui circulent sur la Seine et qui seront redécorés à cette occasion.

M. Gérald Darmanin, ministre. - La cérémonie se déroulera entre le pont d'Austerlitz et le pont d'Iéna. Les ponts que les Parisiens pourront emprunter, les jours précédant la cérémonie, pour traverser la ville, ont été définis. Quatre passages seront ouverts aux véhicules et un passage sera réservé aux seuls piétons. Les autres ponts seront occupés soit par les opérations de montage des tribunes, soit par le travail préparatoire de sécurisation de l'ensemble du périmètre antiterroriste dans le centre-ville de Paris.

Nous avons précisé la liste des sept ponts d'accueil du public - pont de la Tournelle, pont d'Arcole, pont au Change, pont du Carrousel, pont Royal, pont de la Concorde et pont d'Alma -, des sept ponts qui accueillent des installations logistiques - pont d'Austerlitz, pont Saint-Louis, pont Neuf, pont des Arts, pont Alexandre III, passerelle Debilly et pont d'Iéna - et les quatre ponts traversants - pont de Sully, pont de Notre-Dame, pont des Invalides et pont d'Iéna - auxquels s'ajoute la passerelle Léopold-Sédar-Senghor.

Je vous expose, pour la première fois, en lien avec la mairie de Paris, la répartition des quais hauts et des quais bas. J'en profite également pour vous communiquer les dates de neutralisation progressive des ponts de la Seine. Des restrictions de circulation seront appliquées à partir du 1er juillet et seront étendues à d'autres ponts le 8 juillet, puis à l'intégralité des ponts, dont le pont de la Concorde, le 15 juillet.

M. Laurent Nunez, préfet de police de Paris. - Concernant les phases de montage, nous avons tenu à préserver des points de passage, car le périmètre de protection autour de la cérémonie rendra difficile la traversée de cette zone. Il était donc indispensable de prévoir des axes qui nous sont laissés libres par le Cojop. Il n'y aura pas d'installation, ni technique ni artistique, sur ces cinq ponts, qui pourront être traversés jusqu'à très peu de temps avant la cérémonie.

Nous ne parlons bien entendu que du centre de Paris, entre Bir-Hakeim et Austerlitz. Tous les ponts situés à l'est et à l'ouest de cette zone resteront ouverts à la circulation, sauf le jour de la cérémonie, où ils seront fermés aux métros et aux véhicules le temps du passage des bateaux.

Les cinq ponts ouverts à la traversée sont le pont de Sully, le pont de Notre-Dame, le pont des Invalides, une partie du pont d'Iéna - l'autre étant occupée par le Cojop - et la passerelle Léopold-Sédar-Senghor pour les piétons. Cela peut paraître faible, mais cela ne dépend pas que de nous. En effet, le Cojop va progressivement procéder au montage de la cérémonie d'ouverture, lors de laquelle les ponts serviront tant à accueillir une partie du public que de support au programme artistique.

Lorsque le périmètre de protection antiterroriste autour de la cérémonie d'ouverture aura été déployé, la plupart des ponts ne pourront pas être utilisés, à l'exception des cinq que nous avons mentionnés et qui resteront accessibles. Le ministre de l'intérieur m'a demandé de porter fermement cette demande auprès du Cojop, afin de réduire les perturbations.

Le Cojop a la responsabilité du montage de la cérémonie d'ouverture. La préfecture de police assure les mesures de restrictions de circulation qui accompagnent ce montage, qui débutera, pour les ponts, entre le 1er et le 15 juillet.

La Ville de Paris doit également installer des « boxes » sur les quais hauts pour accueillir un maximum de 222 000 personnes, à partir du début du mois de juin. L'impact de ce montage sur la circulation sur ces quais sera significatif à partir du milieu du mois de juillet. La Ville de Paris a fait, à notre demande, un effort considérable, puisque dans le scénario initial, les quais hauts étaient fermés à la circulation à partir du 1er juillet. Le montage des installations des quais bas commencera au milieu du mois de juin.

La jauge de 222 000 spectateurs sur les quais hauts correspond à ce qui était affiché dans le dossier initial. Selon vous, madame la rapporteure, cette jauge aurait fondu comme neige au soleil : ce n'est pas le cas. Nous n'avons fait qu'appliquer la réglementation propre à la jauge de trois personnes par mètre carré, avec le nombre d'entrées et de sorties nécessaires par box. Il faut aussi prendre en compte l'incidence du retrait des zones des bouquinistes, qui ne pourront accueillir de public, étant donné que des explosifs pourraient être dissimulés dans les boîtes. La jauge a donc été réduite de 78 000 personnes.

M. Gérald Darmanin, ministre. - S'agissant du périmètre de sécurité, nous agissons en deux temps.

D'abord, nous appliquons la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme dite loi « SILT » dans l'ensemble de ce périmètre, afin de former une bulle de sécurité couvrant une grande partie des 6 kilomètres de la Seine et ses abords immédiats. Certains accès motorisés seront réglementés, avec des périmètres interdits aux véhicules. Ainsi, les véhicules ne pourront pas s'arrêter sur les ponts permettant la traversée et ne pourront pas rentrer, sauf exception - comme les résidents, les livreurs à domicile, les médecins - dans ce périmètre.

Le périmètre « Silt » sera mis en place quelques jours avant la cérémonie d'ouverture, puisque je souhaite garder un petit effet de surprise. En effet, ce périmètre nous permettra de contrôler l'intégralité des personnes qui entreront dans ce périmètre, au nom de la loi dite Silt. Pour accéder à cet hypercentre, les personnes devront s'inscrire auprès de la préfecture de police pour obtenir un QR code. Tout individu qui ne se serait pas inscrit ou qui serait surveillé par les services de police ne pourra entrer dans ce périmètre.

Un essai est prévu trois ou quatre jours avant la cérémonie d'ouverture, à une date que nous ne préférons pas communiquer précisément.

Le jour J, l'ensemble du périmètre sera interdit à la circulation motorisée. Seuls les piétons pourront traverser la Seine, à condition d'être doté d'un QR code ou d'un billet donnant accès aux quais hauts ou bas.

Les bateaux traverseront la Seine de Bercy au Trocadéro. La surveillance des bateaux dans les jours précédant l'événement - pour éviter, par exemple, qu'une bombe n'y soit cachée - requiert une logistique importante. Le ministère des armées, que je remercie, a accepté de se charger de ce périmètre de protection, avec un régiment d'infanterie, ce qui nous libère davantage de forces de l'ordre pour nous assurer que les véhicules ne s'arrêtent pas sur les ponts ouverts à la circulation.

Le préfet de police est aussi chargé de veiller à l'absence de toute circulation dans les catacombes et dans les sous-sols de la ville de Paris, comme les égouts, pour éviter toute porosité dans la zone qui entoure la Seine.

Mme Laurence Harribey. - Une chose m'échappe : vous avez évoqué 200 000 spectateurs depuis les immeubles autour de la Seine. Comment seront-ils contrôlés ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Il s'agit d'une estimation. Certaines personnes auront également la possibilité, grâce au Cojop, d'assister à la cérémonie depuis des péniches ou des restaurants.

Toutes ces personnes seront contrôlées, car elles devront s'inscrire pour accéder à ce périmètre, qu'il s'agisse de riverains ou de personnes qui ont loué un appartement. Nous saurons qui entre dans cette zone et nous pourrons en refuser l'accès à certains.

Mme Laurence Harribey- C'est énorme, 200 000 personnes !

M. Gérald Darmanin, ministre. - Des dizaines de milliers de personnes habitent en effet dans ce périmètre.

M. Laurent Nunez. - Les gens seront contrôlés pour entrer dans le périmètre « Silt » et devront pour cela s'inscrire à l'avance sur une plateforme internet. Une dérogation sera nécessaire pour les véhicules. La vie économique doit se poursuivre ; en particulier, les restaurateurs doivent pouvoir travailler. Il y a environ 20 000 foyers fiscaux dans ce périmètre.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Je veux saluer l'investissement du préfet de police qui a personnellement tenu, en lien avec la mairie de Paris, des réunions d'information dans tous les arrondissements concernés et je sais que le public était très nombreux.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous mobilisons très fortement les ressources humaines, alors même que nous ne connaissons pas encore tous les tableaux culturels qui seront déployés - nous savons certaines choses, mais nous n'avons pas le droit d'en parler... Ainsi, 45 000 agents des forces de sécurité intérieure seront mobilisés en Île-de-France. Or, vous le savez, la cérémonie d'ouverture aura lieu un week-end où juilletistes et aoûtiens se croiseront, un moment que nous devons également sécuriser à ce titre.

En ce qui concerne la lutte anti-drones, il n'y a pas de problème particulier. Les forces se sont entraînées durant la coupe de monde de football au Qatar, où nous avons exporté notre expertise, et le dispositif est efficace, en particulier grâce au soutien du ministère des armées.

Plus de cent plongeurs-démineurs seront aussi mobilisés.

Le risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC) est pris en compte et des équipes cynophiles seront mobilisées à la fois pour la cérémonie d'ouverture et pour tous les événements.

Pour la première fois dans notre pays, les trois unités d'élite du ministère de l'intérieur se sont mises d'accord pour se répartir la tâche sur un même territoire : le Raid s'occupera des points hauts, c'est-à-dire les toits des immeubles ; le GIGN accompagnera les sportifs sur les bateaux ; la BRI sera prête à intervenir en matière antiterroriste. Il y aura plus de 650 unités d'élite.

Des hélicoptères seront également présents, avec des tireurs d'élite à bord, pour couvrir le ciel de Paris. Vous le savez, c'est historique, la circulation aérienne sera complètement interrompue à partir de 19 heures environ dans un périmètre de 150 kilomètres autour de Paris.

Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. - Toutes les forces sont très engagées depuis un moment sur la question des drones et nous avons pu développer notre expertise au Qatar durant la coupe du monde de football. De nos jours, dès qu'un événement a lieu, une manoeuvre anti-drones est prévue. Nous avons d'importants moyens et ils sont coordonnés, y compris avec l'armée de l'air. De plus, nous assurons une veille technique permanente, parce que les technologies évoluent elles-mêmes constamment. Nous travaillons aussi avec les forces concernées d'autres pays et échangeons nos expériences et techniques. Il n'y a donc pas de problème particulier, même si la menace est réelle.

M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale. - Aujourd'hui, 159 policiers sont déjà formés à la lutte anti-drones et nous continuons d'en former. L'armée de l'air coordonnera un exercice à ce sujet entre le 11 et le 15 mars.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Il y aura 2 500 policiers et gendarmes d'autres pays qui viendront nous soutenir pour les Jeux. Dans ce cadre seront mobilisées des équipes cynotechniques étrangères.

En ce qui concerne les équipes cynophiles, je n'ai pas la même vision alarmiste que vous, madame la rapporteure, puisque 75 équipes ont déjà été formées et ont reçu leur qualification. En outre, nous avons donné des consignes pour aménager les examens. Il y aura une centaine d'équipes cynophiles de police et de gendarmerie, une centaine au titre de la sécurité privée et des équipes venant de pays étrangers.

M. Julien Marion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises. - Le risque NRBC est intégré à la manoeuvre, en particulier pour la cérémonie d'ouverture, mais aussi pour tous les jours d'épreuves et sur l'ensemble des sites. Nous allons mobiliser en priorité les ressources spécialisées, car les compétences et les matériels sont particulièrement pointus. Il s'agit principalement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et des quatre services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) de la grande couronne, mais nous allons aussi faire appel à treize équipes de renfort. Une équipe de renfort NRBC - nous parlons dans notre jargon d'une colonne - est composée de 235 sapeurs-pompiers et de leur matériel. Trois équipes de renfort seront déployées pour la cérémonie d'ouverture.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Qui pourra assister à la cérémonie d'ouverture sur les quais hauts ? Comment sélectionner les personnes afin d'assurer la gestion de la foule et de sécuriser l'événement ? L'assistance sera gratuite, mais encadrée. Vous le savez, nous avons diminué la jauge et il ne pourra pas y avoir de spectateur près des boîtes des bouquinistes.

Nous avons décidé de confier à des tiers de confiance le choix des personnes qui pourront assister à la cérémonie sur les quais hauts : les collectivités locales, le Cojop et des services de l'État. Une invitation vaudra pour quatre personnes. Les personnes choisies recevront un lien qui leur permettra, via un site internet, de s'inscrire - ce sera le même site internet que pour les quais bas. Elles auront donc besoin d'un QR code pour accéder, gratuitement, aux quais hauts dans la limite des places disponibles.

Nous gardons la possibilité d'annuler des QR codes pour des personnes que nous ne souhaitons pas voir entrer dans le périmètre Silt, notamment en cas de menace. Ce sont 222 000 places qui sont à distribuer ainsi. C'est Michel Cadot, le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs, qui est chargé de ce sujet avec les tiers de confiance dont j'ai parlé.

Nous souhaitons disposer des noms des invités à la fin du mois de mai pour avoir le temps d'effectuer des vérifications. Ces personnes devront présenter une pièce d'identité, elles ne pourront pas suivre le parcours, elles devront rester à un endroit donné et ne pourront pas bouger.

Les gens qui assisteront au spectacle depuis les quais bas devront accéder par les quais hauts : l'entrée sera la même que vous y assistiez d'en bas ou d'en haut. Les policiers disposeront du matériel adapté pour vérifier les QR codes.

Je vous rappelle que nous aurons ainsi plus de 300 000 spectateurs payants, sur les quais bas, et gratuits, sur les quais hauts, et il faut ajouter les habitants.

M. Laurent Nunez. - L'entrée du périmètre de protection se fera au droit des bâtiments. Les personnes seront fouillées et dirigées en fonction de leur destination. Des forces de l'ordre seront positionnées en appui feu, en capacité d'intervenir à tout moment.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Il y aura aussi à ces endroits des agents de sécurité privée et 2 000 policiers municipaux.

Il ne faut pas oublier la cérémonie d'ouverture des jeux Paralympiques qui aura lieu le 28 août sur la place de la Concorde, c'est-à-dire à proximité, notamment, de l'ambassade des États-Unis, de l'Élysée et de l'Assemblée nationale. Cette cérémonie aura aussi des conséquences pour les Parisiens, d'autant que nous attendons environ 65 000 personnes, soit l'équivalent d'un stade de France, dont cinquante chefs d'État. Il y aura aussi un périmètre Silt à cette occasion.

Nous avons évidemment anticipé des scénarios critiques, en particulier s'il se passe d'autres événements particuliers ailleurs en France, comme un grand incendie, un acte terroriste, un afflux migratoire, etc. Des unités de réserve seront positionnées pour couvrir l'ensemble du territoire, y compris outre-mer. Je vous rappelle que 90 % des forces mobiles seront au travail en juillet et août 2024, un taux jamais atteint. Grâce à la loi de programmation, nous avons pu créer onze nouvelles unités de forces mobiles.

En ce qui concerne le logement, nous avons noué des partenariats publics - gendarmerie, armée, centres universitaires, etc. - et avec de grandes entreprises d'hôtellerie afin de loger nos policiers et gendarmes et ceux qui viendront de l'étranger. À ma connaissance, il n'y a pas de problème non plus de ce point de vue.

Nous avons signé un accord social avec les syndicats. Le ministère de l'intérieur sera le seul à être mobilisé à 100 % et nous avons voulu mettre en place un travail d'accompagnement social. Je vais refuser des congés pour la période mi-juillet-mi-août ; en échange, l'accord prévoit plusieurs axes : une prime d'un montant maximum de 1 900 euros - elle sera au maximum pour les agents qui seront directement touchés en Île-de-France - ; le paiement direct des heures supplémentaires réalisées durant cette période ; un accompagnement social, par exemple par l'ouverture de structures d'accueil des enfants, etc.

Il est difficile de répondre aujourd'hui sur le coût total de ces mesures : il dépendra beaucoup des événements et de la manière dont les choses se passeront. Il n'est pas prévu à ce stade de projet de loi de finances rectificative.

Nous autoriserons dix jours de congés entre le 15 juin et le 15 septembre pour l'ensemble des agents du ministère de l'intérieur, mais aucun, pour les agents directement concernés, entre fin juillet et début août. Et toute la chaîne de commandement est évidemment concernée ; tout le monde sera là ! Les réserves seront toutes mobilisées et les élèves des écoles de gendarmerie et de police aussi.

Enfin, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) sera mobilisé. La ville de Saint-Denis par exemple bénéficiera d'un million d'euros pour des caméras de vidéoprotection. L'argent public sera bien utilisé !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Vous n'avez pas donné de précision concernant la base juridique nécessaire pour verser une prime aux policiers municipaux. Qu'en est-il ?

Par ailleurs, vous nous confirmez qu'il n'y a pas de problème pour les équipes cynophiles.

M. Gérald Darmanin, ministre. - En effet !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Et qu'en est-il pour le logement des agents de sécurité privée ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas le ministre de tutelle, mais nous vous avons préparé une diapositive à ce sujet.

Mme Laurence Harribey. - La mobilisation des sapeurs-pompiers aura un coût pour les départements. Quelles dispositions sont prévues à ce sujet ?

M. François-Noël Buffet, président. - Nous avons en effet été saisis de propositions, dont certaines mobilisent des mécanismes de défiscalisation...

M. Gérald Darmanin, ministre. - C'est alors la compétence du Parlement, monsieur le président...

Je reviens sur la question de la technologie : le législateur a ajouté des conditions qui limitent en partie l'efficacité du dispositif et nous appliquons ce qui a été prévu. Nous avons installé le comité de déontologie, qui est présidé par Christian Vigouroux, mais il nous manque encore les membres qui doivent être désignés par le Sénat...

Au sujet des polices municipales, il est vrai qu'il n'existe pas de base légale pour qu'un maire accorde une prime spécifique, mais il peut accorder des heures supplémentaires. Je ne vois que des avantages à créer une base légale pour une prime et vous savez qu'à la demande de l'ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, nous travaillons sur l'évolution du statut des polices municipales. En tout cas, je n'enverrai pas d'instruction pour que les préfets réalisent un contrôle de légalité particulier sur ce sujet...

Quid d'une éventuelle compensation par l'État ? Nous pouvons bien sûr en débattre, même si cela relève d'abord de l'employeur, mais le FIPD vient déjà en soutien des collectivités pour ce qui concerne l'équipement - ainsi, je vais jeudi à Châteauroux inaugurer le poste de police municipale qui a été payé en grande partie par l'État. On peut donc travailler sur l'investissement, mais logiquement le fonctionnement n'est pas de mon ressort.

En ce qui concerne les sapeurs-pompiers, une grande partie de la mobilisation repose sur la BSPP, dont le financement est partagé à parité entre l'État et la mairie de Paris. C'est à peu près la même situation pour les marins-pompiers de Marseille. La question se pose donc d'abord pour les Sdis. Pouvons-nous trouver un compromis budgétaire comme pour la prime de feu au moment de mon arrivée au ministère ? J'y suis évidemment ouvert et il y a deux manières de faire : soit nous payons une colonne de feu, c'est-à-dire des sapeurs-pompiers qui viennent d'autres départements pour aider en Île-de-France - dans ces cas-là, c'est aujourd'hui toujours l'État qui paye à 100 % - ; soit on aide les sapeurs-pompiers qui verront leurs interventions augmenter - l'État n'est pas leur employeur, mais il peut accompagner. Je verrai bientôt les représentants des sapeurs-pompiers volontaires et ceux des départements ; nous pourrons parler de ces sujets.

En ce qui concerne la Polynésie française, territoire où le surf a été inventé, je le signale, le site de Teahupo'o présente quelques défis, notamment puisqu'il n'y a pas d'hôpital ou de centre de sécurité civile, alors que nous accueillerons sur place de nombreux chefs d'État du Pacifique, des délégations, des spectateurs, etc. J'ajoute que la date des épreuves ne peut pas être fixée à l'avance - il faut attendre la vague... Nous assurons la sécurisation en lien avec le ministère des armées, comme pour l'épreuve de voile qui aura lieu à Marseille. Des hélicoptères seront mobilisés.

Le continuum de sécurité repose aussi sur la sécurité privée qui dépend de l'organisateur. Nous n'avons plus de craintes à ce sujet, puisque 90 % des agents prévus ont été couverts par les appels d'offres lancés par le Cojop. Il reste un quatrième appel d'offres qui va bientôt être ouvert. Est-ce que les entreprises qui ont répondu à ces appels d'offres ont toutes les personnes à disposition ? Nous travaillons sur ce point.

M. Marc Guillaume. - L'État a dégagé 46 millions d'euros pour 20 000 formations en sécurité privée en Île-de-France afin d'atteindre 15 000 embauches par les entreprises attributaires des marchés du Cojop. À ce jour, 11 000 personnes ont été embauchées et 18 000 formées. Nous allons engager des moyens supplémentaires et pensons atteindre, avant les jeux Olympiques, les 15 000 agents attendus. L'essentiel de ces personnes étaient des demandeurs d'emploi ; 122 agences de Pôle emploi ont été mobilisées pour appeler plus de 145 000 personnes et leur proposer une formation. Des étudiants et des personnes en insertion ont également été recrutés. Nous ferons un effort particulier en juin auprès des étudiants à la fin de leurs examens. Depuis décembre, une réunion mensuelle a lieu avec le Cojop, les entreprises attributaires et Pôle emploi sur ce sujet.

En ce qui concerne le logement, 2 500 places ont été mises de côté pour les agents de sécurité privée qui viennent de province.

Vous le voyez, le dispositif est extrêmement ambitieux et a demandé une mobilisation très forte de Pôle emploi. L'enjeu pour les entreprises est de fidéliser ces personnes.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Au sujet de la vidéoprotection intelligente, j'entends qu'il y a un peu de retard et qu'il a fallu du temps pour mettre en place le comité présidé par Christian Vigouroux.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous attendions les nominations par le Parlement !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Pour autant, est-ce que le dispositif sera opérationnel, notamment dans l'objectif d'économiser les moyens humains déployés et faciliter leur prise de décision dans un contexte aussi particulier ? Y a-t-il des difficultés particulières ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - J'ai fini par décider de réunir le comité de déontologie sans les parlementaires, parce qu'ils n'étaient pas désignés et que le temps pressait.

Je rappelle que la reconnaissance faciale a été refusée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et le Conseil d'État. Ce n'est pas le Gouvernement qui a, a priori, refusé d'utiliser cette technique.

Nous avons eu un débat sur l'utilité de l'intelligence artificielle : nous estimons que ce n'est pas l'alpha et l'oméga de la sécurité, mais que c'est utile. Le Parlement est à la source de 80 % des conditions supplémentaires posées pour son utilisation... Nous avons évidemment accepté ce compromis politique, mais sachez que nous travaillons dans ce cadre contraint.

M. Laurent Nunez. - Le dispositif n'est pas encore opérationnel, nous faisons des tests de paramétrage pour répondre à trois ou quatre cas d'usages autorisés par le législateur : détection des flux à contresens, de la surdensité, etc. C'est ce que nous avons fait pour la première fois le 3 mars, où tout a plutôt bien fonctionné, et c'est ce que nous ferons ce soir. Les clignotants sont au vert, nous n'avons pas eu de difficulté particulière, je dirais même que cela fonctionne au-delà de nos attentes, mais nous allons tester de nouveau afin que le dispositif soit opérationnel pour les Jeux. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga d'un dispositif de sécurité : il s'agit en fait d'attirer l'attention des téléopérateurs pour leur faire gagner du temps.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Monsieur le ministre, vous avez renchéri sur le fait que la reconnaissance faciale ne pouvait pas être utilisée. Pourtant, un haut fonctionnaire de votre ministère nous a indiqué qu'il avait été demandé de stopper l'utilisation du logiciel israélien de reconnaissance faciale Briefcam, parce qu'il y avait une enquête. Pouvez-vous confirmer qu'il n'a jamais été fait usage de reconnaissance faciale ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Il n'y a pas d'utilisation de Briefcam et, lorsque des logiciels comme celui-là ont pu être utilisés, c'était toujours sous l'autorité du pouvoir judiciaire.

M. Frédéric Veaux. - Nous allons employer 100 % de nos effectifs, ce qui constitue un effort d'organisation particulièrement important. Les volontaires sont nombreux, nous travaillons à une répartition service par service, en recherchant à diminuer au maximum les relèves, donc en privilégiant les fonctionnaires qui peuvent travailleur sur la durée la plus longue possible afin d'éviter de saturer les logements.

Une telle mobilisation implique des besoins spécifiques pour les véhicules, les radios et l'armement. Nous y répondons, en lien avec le préfet de police et le secrétaire général pour l'administration.

Nous travaillons également sur les conditions d'accueil du personnel. Il faut que les compagnies et équipages résident à proximité des lieux où ils seront employés, tout en étant regroupés. C'est un travail minutieux.

En parallèle, l'objectif est de maintenir une présence active dans les territoires pour accomplir nos missions, notamment là où se dérouleront les matchs de football des équipes nationales d'Israël ou d'Ukraine, qui représenteront un risque évident.

Nous nous livrons à un travail assez fin, dans le cadre d'un dialogue social nourri, à savoir le dialogue institutionnel, que nous pratiquons tout au long de l'année. Nous avons institué un groupe de contact avec les organisations syndicales représentatives et l'administration : tous les quinze jours, nous nous rencontrons pour évoquer un ensemble de sujets, qui vont de la mise en oeuvre des décisions du ministre de l'intérieur aux problèmes d'organisation, de matériel ou d'hébergement. Par exemple, dans certains internats, il n'y a ni cuisine ni provisions. Nous traitons ces sujets au fil de l'eau. De façon générale, nous sommes attentifs aux conditions d'accueil du personnel qui viendra renforcer les effectifs de la préfecture de police au cours de l'été prochain.

M. Christian Rodriguez. - Seuls 15 % des effectifs seront en vacances, au lieu de 30 % habituellement, puisque nous avons réduit les permissions. Pour la gendarmerie, qui compte 100 000 personnes, la « taxe » JO, si je puis dire, s'élève donc à 15 000 personnes. Aussi, nous remplirons toutes nos missions, y compris le renfort saisonnier en montagne ou en bord de mer.

Le véritable sujet logistique, c'est de projeter des gens qui ne le sont pas habituellement. L'ingénierie, c'est une somme de sujets faciles ; la difficulté étant de les traiter en même temps, mais nous y travaillons.

Dans la plaque parisienne comme ailleurs nous ont été confiés des blocs de missions. Aussi, les gendarmes commandent à des gendarmes sous l'autorité des préfets ou du préfet de police, afin que nous soyons efficaces et fluides dans nos relations.

Le dispositif choisi par le préfet de police contribuera à la fluidité et à la rapidité des remontées d'information, en cas d'incident.

De plus, nous nous inscrivons dans une logique zonale. Je ne vais pas commander tous les gendarmes depuis mon bureau ! Ce sont les généraux à la tête des régions zonales de gendarmerie qui piloteront les dispositifs, sous l'autorité des préfets.

Enfin, nous avons tout ce qu'il faut pour héberger les gendarmes, qu'il s'agisse de cantonnements de gendarmes mobiles ou de chambres d'hôtel ; ce n'est pas une difficulté. Les conditions seront différentes, mais toujours correctes. Les gendarmes pourront se reposer entre deux services, car les journées seront denses, d'autant plus que la chaleur pèsera sans nul doute sur les organismes.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous avons renouvelé tous les centres opérationnels départementaux (COD) des préfectures.

Nous avons mis en place une nouvelle cellule interministérielle pour gérer l'ensemble des questions relatives à la sécurité des jeux Olympiques, le centre national de commandement stratégique (CNCS). Nous l'avons inauguré lors de la coupe du monde de rugby, et tout s'est bien passé.

Madame Canayer, en matière de sécurité, c'est le ministre de l'intérieur qui prend les décisions. Il y a aussi des organes déconcentrés, notamment le préfet de police, dont le rôle est stratégique, notamment en cas de crise liée aux transports car il dispose de prérogatives particulières en la matière.

Au reste, après la cybersécurité, les questions de transport sont essentielles dans nos dispositifs, puisqu'elles touchent à la sécurité de la gestion de flux et de foules.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie, rapporteure. - Faute d'avoir eu une réponse, je répète la question que j'ai posée en préambule : est-ce qu'une zone de manifestation pacifique a été prévue, à l'instar de ce qui s'est fait pour les COP ou les réunions du G7 ou du G20 ?

M. Laurent Nunez. - Nous avons réfléchi à un endroit où concentrer les seules manifestations déclarées et compatibles avec un dispositif commun de sécurité. Nous allons faire très prochainement des propositions au ministre en ce sens.

M. Christophe Chaillou. - Je suis impressionné par l'engagement des autorités pour l'organisation des Jeux. Je sais ce que cela représente concrètement pour en avoir discuté avec le directeur interdépartemental de la police nationale du Loiret, mon département, dont près de soixante-dix agents seront mobilisés pour les Jeux.

Qu'en sera-t-il des nominations de nouveaux effectifs dans les départements, qui sont actuellement gelées en raison des Jeux ? Nous en avons besoin dans le Loiret !

Mme Corinne Narassiguin. - En tant que sénatrice de la Seine-Saint-Denis, j'ai la chance d'être en contact régulier avec le Cojop et le préfet de la Seine-Saint-Denis sur l'évolution des dispositifs.

La Seine-Saint-Denis compte de nombreux sites sportifs dans le cadre des jeux Olympiques, mais aussi des « fan-zones ». Vous avez évoqué celles de Paris. Pourtant, celle du parc départemental Georges Valbon est particulièrement importante, en raison de sa surface : avez-vous prévu des dispositifs spécifiques de sécurité pour les sites de cette envergure ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Tout à fait. En temps normal, les fan zones sont tenues par la police municipale et la sécurité privée. En effet, les maires sont responsables de l'organisation de ces événements, de même que les fêtes, et la police et la gendarmerie n'y pratiquent des opérations de sécurité que dans le cadre d'interventions, et non pas pour sécuriser l'événement.

Néanmoins, il est évident que, face à l'ampleur d'événements extraordinaires comme les jeux Olympiques, nous devons échanger avec les maires pour savoir si nous devons établir des périmètres particuliers comme nous l'avons fait pendant la coupe du monde de rugby. Nous avons un très bon dialogue avec l'ensemble des élus du département et nous nous réunissons régulièrement avec le maire de Saint-Denis.

M. Laurent Nunez. - La Seine-Saint-Denis comprend plusieurs « fan-zones » et « clubs 2024 ». Nous avons travaillé sur cette question avec le préfet de la région d'Île-de-France. Certains de ces clubs ont été labellisés. Nous avons validé un dispositif de sécurité, qui s'appuie sur la police municipale et des agents de sécurité privée.

La Seine-Saint-Denis est le département à l'origine du plus grand nombre de candidatures de créations de clubs 2024 et de fan zones. Nous achevons l'étude de l'ensemble des projets avec le préfet de la Seine-Saint-Denis, et les validerons prochainement.

La « fan-zone » du parc Georges Valbon ne pose pas de difficulté particulière. Néanmoins, il s'agira du site phare du département : nous garderons donc un oeil attentif.

M. François-Noël Buffet, président. -Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre, madame la directrice, messieurs les directeurs et messieurs les préfets, pour votre présence au Sénat et pour l'ensemble des précisions que vous nous avez apportées.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat

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