III. POUR ACCÉLÉRER : STABILISER L'ENCADREMENT, INTENSIFIER LES RÉNOVATIONS

A. FIXER UNE STRATÉGIE STABLE POUR ATTEINDRE DES OBJECTIFS AMBITIEUX ET SOLIDAIRES

1. Une stratégie mixte, qui ne peut reposer uniquement sur la décarbonation ou sur les rénovations globales, doit permettre d'inciter les ménages à mener des parcours de rénovation
a) Privilégier la décarbonation à l'isolation présente des risques de tensions sur l'offre d'énergie et ne répond pas aux enjeux sociaux de la rénovation énergétique

Afin d'accélérer au plus vite la réduction des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment, une solution serait de concentrer la politique de rénovation sur l'électrification des moyens de chauffage.

Une telle politique pourrait s'appuyer sur des obligations (interdiction du chauffage au fioul et des chaudières à gaz) et sur des incitations (renforcement des aides au remplacement du mode de chauffage). Cette voie est aujourd'hui majoritairement suivie par le Gouvernement.

Cependant, une politique entièrement centrée sur la décarbonation est à éviter : elle favoriserait le changement de mode de chauffage dans les logements mal isolés sans rénovation préalable de l'enveloppe.

Tout d'abord, il convient de replacer la politique de rénovation énergétique dans le contexte plus large de la transition énergétique en cours. Afin d'atteindre ses objectifs climatiques, la France va, durant les prochaines années, augmenter significativement sa consommation d'électricité : d'ici 2050, la demande d'électricité va augmenter de 15 à 60 % par rapport à 202290(*).

Compte tenu de cette hausse globale de la demande, une politique qui se contenterait de favoriser le remplacement du mode de chauffage sans pour autant agir sur l'enveloppe du bâtiment ferait peser des risques sur le réseau électrique, qui serait incapable de s'adapter à cette augmentation de la demande. L'analyse détaillée de l'impact de l'électrification des modes de chauffage sur la pointe hivernale, prévue lors de la prochaine actualisation du bilan prévisionnel de RTE en septembre 202391(*), permettra d'estimer plus précisément cet enjeu de hausse de la demande d'électricité.

Le même constat peut être dressé pour les sources nouvelles d'énergie alternatives à l'électricité. Ainsi, le chauffage par le biogaz, qui repose sur la biomasse, est aussi limité par un contexte global d'augmentation de la demande : selon le SGPE92(*), la demande de biomasse pour 2030 devrait augmenter de plus de 30 millions de tonnes de matière sèche par an d'ici 2030, en raison du développement concomitant du recours aux bioénergies dans les transports, l'industrie, le bâtiment et l'électricité.

Une politique qui favoriserait l'adoption du biogaz sans être associée à une plus grande sobriété énergétique apparaît donc impossible : l'offre de biomasse en France est limitée, et le recours à la biomasse disponible à l'étranger est incompatible avec la stratégie française de souveraineté énergétique.

De plus, pour certains secteurs industriels qui doivent utiliser le gaz comme source d'énergie, le biogaz constitue le seul mode de décarbonation.

Le remplacement total du chauffage au gaz par le chauffage électrique apparaît également irréaliste. Selon le SGPE, en 2022, 12,3 millions de logements sont équipés en gaz, émettant environ 27 millions de tonnes eqCO2.

Les objectifs du Gouvernement de diminution du parc de chaudières à gaz interrogent : 25 % du parc actuel devrait être supprimé en 2030. En 2022, seules 83 000 chaudières à gaz ont été supprimées, soit 0,6 % du parc existant.

Pour atteindre ces objectifs, une concertation est en cours sur une éventuelle interdiction du renouvellement des systèmes de chauffage. Cette mesure rehausserait la pointe électrique hivernale de 20 GW d'ici 2035 selon Engie, et renforcerait donc la hausse globale de la demande d'électricité mentionnée plus haut. De plus, le non-renouvellement des chaudières à gaz aurait un coût financier important, estimé par GrDF à 5 milliards d'euros par an.

Cette interdiction n'apparaît de plus pas justifiée alors que des solutions alternatives existent. Le développement des chaudières à gaz à très haute performance énergétique (THPE) qui permettent, selon Engie, de réduire de 30 % la consommation de gaz, apparaît souhaitable. De même, les pompes à chaleur hybrides (équipement bioénergie associant gaz et électricité) permettent de réduire de 70 % le volume de gaz consommé et de réduire les pics de consommation d'électricité : elles s'appuient sur l'électricité du réseau tout en conservant la puissance du gaz pour le chauffage d'hiver.

La décarbonation ne répond pas à l'ensemble des enjeux de la rénovation énergétique des bâtiments. Le changement de mode de chauffage sans isolation permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais n'apporte pas de réponses aux objectifs de cette politique publique en termes de confort, de santé et plus largement de précarité énergétique.

Enfin, une politique de la rénovation centrée sur le mode de chauffage est incompatible avec la nécessité de prendre en compte la problématique du confort d'été. Dans un contexte de changement climatique, caractérisé par la multiplication des épisodes de forte chaleur, il convient de prendre en compte les pics de consommation liés à la climatisation. Le changement de mode de chauffage par l'adoption de pompes à chaleur réversibles pourrait être assimilé à une incitation à la climatisation individuelle, qui favorise les pics de consommation dus aux fortes chaleurs dans des périodes où le manque d'eau limite la production d'électricité nucléaire. La prise en compte du confort d'été dans les travaux de rénovation est donc primordiale tels que des casquettes, des persiennes, des peintures blanches, ou des puits canadiens.

Proposition n° 1 : La rénovation énergétique ne doit pas conduire qu'à une électrification massive des logements, mais préserver un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies et plusieurs technologies garantissant sa flexibilité et sa sûreté et s'appuyant sur la sobriété.

En conséquence, favoriser la géothermie, les réseaux de chaleur et la biomasse.

Adopter un calendrier réaliste de réduction de l'utilisation du gaz fossile et ne pas interdire les chaudières à gaz.

b) Se limiter au financement des rénovations globales n'apparaît ni souhaitable ni réalisable

À l'inverse d'une politique entièrement centrée sur le mode de chauffage, une politique qui se limiterait au financement des rénovations globales mènerait également à une impasse.

La rénovation globale, qui permet d'augmenter sensiblement et rapidement la performance énergétique des logements, consiste à traiter dans une même opération les quatre postes de travaux qui transforment l'enveloppe du bâtiment93(*), à équiper le logement de systèmes de ventilation et de chauffage performants et à assurer la cohérence de l'interface entre ces postes.

Dans l'idéal, l'ensemble des rénovations devraient être des rénovations globales. Cependant, une politique qui se limiterait à des rénovations globales serait difficilement finançable et pas toujours adaptée à la réalité du terrain.

Une rénovation globale a d'abord un coût significatif de plusieurs dizaines de milliers d'euros, qui doit être pris en charge par le ménage et par la collectivité. Il est illusoire de penser que les soutiens publics puissent s'élever à un niveau suffisant pour déclencher de tels investissements : selon l'institut I4CE, le financement public des rénovations globales, qui s'élève à 500 millions d'euros par an en 2020, devrait être porté à 24 milliards d'euros par an pour atteindre l'objectif de rénovation globale fixé par le Gouvernement94(*).

De plus, la décision d'un ménage de recourir à une rénovation globale prend en compte des facteurs extrafinanciers : il s'agit d'une démarche ayant un impact fort sur l'habitat et qui doit le plus souvent être réalisée dans un logement inoccupé.

Une politique entièrement centrée sur la rénovation globale à court terme apparaît irréaliste en termes de structuration de la filière, alors que le nombre d'artisans compétents sur ces rénovations est encore limité.

Enfin, comme l'a démontré l'association Équilibre des énergies, du point de vue climatique, la stratégie de rénovation ciblée peut être plus efficace que la stratégie de rénovation globale : la rénovation globale permet à terme de réduire plus fortement les émissions annuelles du parc de logement, mais une rénovation ciblée permet d'assurer une réduction plus rapide des émissions annuelles. Au total, selon le scénario présenté par l'association, une stratégie ne s'appuyant pas uniquement sur la rénovation globale permettrait une plus forte réduction des émissions de gaz à effet de serre95(*).

Il convient donc d'aménager la priorité donnée à la rénovation globale, en privilégiant une stratégie de rénovation par étapes et en ciblant la rénovation sur les gestes les plus efficaces, qui peuvent varier selon les situations. Il reste cependant primordial de viser la rénovation globale comme objectif final en définissant un parcours de rénovation cohérent par étape. Dans cet objectif, le carnet d'information du logement prend tout son sens, permettant le suivi d'un parcours de rénovation globale par étapes même avec un changement de propriétaire.

c) Une stratégie mixte doit permettre d'engager les ménages dans un parcours de rénovations

Afin d'éviter ces deux impasses, la politique de rénovation énergétique doit adopter une stratégie mixte, qui repose sur le concept de parcours de rénovation et qui distingue les typologies de logements.

Le système d'aide à la rénovation doit permettre un parcours de rénovation cohérent et accompagné, en n'excluant pas les rénovations par geste, qui peuvent être une porte d'entrée dans le parcours de rénovation globale.

Il est souhaitable que ce parcours de rénovation distingue les logements selon leurs caractéristiques. Ainsi, pour les logements dont la performance énergétique est d'ores et déjà satisfaisante (étiquette D ou meilleure), les gains d'efficacité énergétique permis par un changement d'isolation sont marginaux. Il convient, pour ces logements, que la politique de rénovation facilite les changements de chauffage.

À l'inverse, pour les logements classés E, F ou G, une amélioration de l'isolation de l'enveloppe du bâtiment apparaît indispensable. Pour faire sortir ces logements du statut de passoire thermique, une rénovation en plusieurs gestes est souhaitable. Un changement de mode de chauffage serait contre-productif : le nouveau mode de chauffage serait surdimensionné. Il convient d'inciter ces logements, par une adaptation du dispositif d'aide et un accompagnement, à la rénovation de l'enveloppe du bâtiment plutôt qu'au changement du mode de chauffage.

Dans l'ensemble, dans une logique de parcours de rénovation, le système d'aide à la rénovation doit inciter les ménages à mener simultanément plusieurs gestes de rénovation : alors que l'interface entre postes est cruciale, l'efficacité des rénovations de plusieurs postes est maximisée lorsqu'elles ont lieu dans un intervalle inférieur à dix-huit mois.

Le système d'aide ne doit pas pour autant exclure les rénovations monogeste : celles-ci constituent des portes d'entrée dans le parcours de rénovation, alors que le ménage peut ne pas être prêt financièrement à mener de front plusieurs gestes.

De plus, la rénovation par geste permet de répondre aux besoins ponctuels des ménages. Par exemple, si un ménage est confronté à une panne de chauffage en hiver, il va chercher simplement à remplacer sa chaudière, et non pas à mener préalablement des travaux d'isolation.

Il convient cependant de garantir que l'aide financière incite à des rénovations simultanées ou successives dans un parcours accompagné, en offrant dans ce cas un soutien financier supérieur à celui apporté dans le cas de rénovations par gestes séparés, et d'assurer dans l'accompagnement des ménages l'information sur ce différentiel d'efficacité entre rénovations monogeste et de plusieurs gestes.

Par ailleurs, le secteur du bâtiment voit se développer des gisements d'innovation, notamment liés à la digitalisation croissante de nos usages. Ce courant d'innovation utilisant les technologies digitales dans les secteurs de l'immobilier et de la construction est appelé la « PropTech » et vise à garantir des chantiers plus durables, des espaces mieux valorisés et des surfaces mieux occupées.

Exemples d'innovation en la matière, les solutions de pilotage intégré du bâtiment sont aujourd'hui croissantes : plus poussées qu'une gestion des consommations à l'échelle d'un logement par le biais de thermostats connectés, ces nouvelles solutions visent à penser les consommations des bâtiments dans leur globalité afin d'en faire des bâtiments intelligents.

Ces solutions de pilotage ambitieuses, principalement adaptées aux logements collectifs, aux bâtiments tertiaires et à l'industrie, permettent de cartographier les usages et les consommations des bâtiments à l'aide de plateformes numériques, véritables tours de contrôle du bâtiment. La visualisation et le pilotage des données de consommation énergétique et d'usage des bâtiments et de données environnementales (DPE, typologie des bâtiments, année de construction, taux d'occupation, données météorologiques, etc.) permettent de réguler les consommations le plus efficacement possible dans un objectif de sobriété. Cette cartographie permet également de réaliser des diagnostics afin de révéler les gisements d'amélioration et d'identifier les solutions de rénovation les plus performantes et les mieux adaptées au bâtiment dans son écosystème.

Ce pilotage des consommations doit faire partie d'une logique intégrée au parcours de rénovation et ne doit pas constituer un ajout en fin de parcours. En effet, déployé dès le début d'un parcours de rénovation, les économies d'énergies générées par la mise en place d'un système de pilotage des consommations permettent de dégager une capacité d'investissement pour effectuer de futurs gestes de travaux coordonnés. À la fin du parcours, ces systèmes permettent de limiter l'effet rebond en optimisant les consommations dans un logement plus performant. Pour Bruno Capdordy, vice-président de l'Ignes, « ces solutions représentent un réel gisement d'économies d'énergie. Une étude publiée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) démontre que les thermostats connectés permettent de réaliser jusqu'à 15 % d'économie d'énergie. Nos propres observations montrent qu'un pilotage connecté pièce par pièce permet d'atteindre et même de dépasser 20 % d'économie d'énergie. »

Plusieurs personnalités auditionnées par la commission d'enquête ont corroboré ces chiffrages en montrant combien il avait été possible d'économiser de l'énergie dans le cadre de la crise de l'hiver dernier grâce à la redécouverte d'écogestes que bien souvent la domotique peut automatiser et optimiser.

Proposition n° 2 : Promouvoir des rénovations énergétiques efficaces, par geste, bouquet ou dans des parcours accompagnés adaptés au logement conduisant à la rénovation globale grâce à des aides financières systématiquement plus avantageuses que pour un geste isolé.

Mettre en oeuvre l'obligation d'individualisation des frais de chauffage partout où elle a du sens et s'appuyer sur les progrès de la domotique pour développer la gestion énergétique des logements et leur sobriété.

2. Confirmer la priorité d'une rénovation solidaire

Depuis 2020, l'aide à la politique de rénovation énergétique s'est orientée de manière croissante vers une priorisation sociale : le crédit d'impôt à la transition écologique (CITE) bénéficiait principalement aux plus hauts revenus. Ainsi, la moitié des aides étaient versées aux foyers situés au-dessus du huitième décile de revenus.

Le remplacement du CITE par MaPrimeRénov', dont le montant est fixé selon un barème en fonction des revenus, a permis de donner un accent social plus marqué à la politique de rénovation énergétique. D'autres pays ont fait des choix différents.

Comparaison internationale : le cas de l'Allemagne

En Allemagne, le soutien à la rénovation énergétique dépend de la performance de la rénovation, et non pas de la situation sociale du demandeur. Dans le cadre du programme de soutien fédéral pour des bâtiments efficaces (Bundesförung für effiziente Gebäude, ou BEG), le financement octroyé est fonction de l'efficacité énergétique initiale du bien à rénover et conditionné à une amélioration effective de cette efficacité, contrôlée par un audit énergétique a posteriori systématique.

Le conditionnement de l'aide n'est donc pas lié aux revenus du demandeur mais à l'amélioration effective et contrôlée de l'efficacité énergétique du bâtiment.

Il convient de confirmer l'orientation de la politique de rénovation énergétique française. D'une part, le changement climatique étant un facteur de fracture sociale, une politique écologique acceptable par les citoyens est consubstantielle d'une politique sociale. D'autre part, alors que la précarité énergétique concerne les plus bas revenus, un accompagnement renforcé pour les ménages les plus modestes apparaît indispensable.

Par ailleurs, il serait souhaitable de mieux soutenir les rénovations énergétiques menées par les propriétaires bailleurs qui s'engagent à louer durablement un bien rénové à un prix inférieur à celui du marché dans le cadre du dispositif Loc'Avantages en portant à 35 % dans une limite de 30 000 euros par logement l'aide pour travaux de rénovation énergétique lorsque le logement atteint l'étiquette D. Un bonus pourrait être attribué si une étiquette supérieure est atteinte.

De même, le bail à réhabilitation mériterait d'être plus utilisé pour rénover les logements mis à disposition des publics modestes96(*).

Le dispositif Loc'Avantages

Loc'Avantages est en vigueur depuis le 1er mars 2022 (article 67 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022). Il remplace le dispositif Cosse « Louer Abordable » qui avait été introduit par la loi de finances rectificative pour 2016 remplaçant lui-même les dispositifs Besson ancien et Borloo ancien.

Il s'applique aux demandes de conventionnement enregistrées par l'Anah à partir du 1er avril 2022 (baux à partir du 1er janvier 2022). Il offre la possibilité aux propriétaires de bénéficier d'une réduction d'impôts en contrepartie de la location d'un logement à des locataires modestes à un loyer inférieur au prix du marché. Plus le loyer est réduit (15, 30 ou 45 % par rapport au prix du marché avec intermédiation locative), plus la réduction d'impôts est élevée. En plus de cette réduction fiscale, les propriétaires bailleurs peuvent obtenir des aides financières de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour réaliser des travaux avant sa mise en location.

Loc'Avantages n'est pas cumulable avec d'autres dispositifs d'investissements locatifs ou avec la réduction d'impôt pour des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou ayant reçu le label délivré par la Fondation du patrimoine.

Les logements doivent être loués non meublés pour une durée minimale de six ans à une personne qui n'est pas membre de la famille du propriétaire, en tant que résidence principale.

En fonction du type de travaux, différents montants d'aides sont proposés :

• pour des travaux lourds de réhabilitation d'un logement indigne ou très dégradé : 35 % du montant total des travaux HT. L'aide pour un logement qui sera mis en location est au maximum de 350 € par m² dans la limite de 28 000 € par logement.

• pour des travaux d'amélioration de la performance énergétique : 25 % du montant total des travaux HT. L'aide pour un logement qui sera mis en location est au maximum de 187,5 € par m² dans la limite de 15 000 € par logement. Le logement devra atteindre, au minimum, une étiquette D après travaux. Ceux-ci doivent permettre un gain d'au minimum 35 % à partir du diagnostic de départ.

• pour l'aide à la maîtrise d'ouvrage : Le recours à un AMO est obligatoire pour les travaux lourds et recommandé dans les autres cas. Si le logement est situé en secteur d'opération programmée, l'AMO peut être financé jusqu'à 100 % par l'Anah. Sinon, l'Anah finance jusqu'à 875 € par logement.

• pour des travaux de mise en sécurité et de salubrité : 35 % du montant total des travaux, avec un maximum de 265,5 € par m² dans la limite de 21 000 € par logement.

• pour des travaux d'adaptation pour l'autonomie de la personne (âge ou handicap) : 35 % du montant total des travaux, avec un maximum de 265,5 € par m² dans la limite de 21 000 €).

Source : ONPE et Anah.

Proposition n° 3 : Garantir une « rénovation solidaire » en confortant un dispositif d'aides tourné vers les plus modestes, garantissant leur accompagnement et un reste à charge minimal, cohérent et acceptable pour favoriser les rénovations efficaces afin de lutter contre la précarité énergétique.

Dans le cadre du dispositif Loc'Avantages, porter à 35 % dans une limite de 30 000 euros par logement l'aide pour travaux de rénovation énergétique accordée aux bailleurs lorsque le logement atteint l'étiquette D. Attribuer un bonus si une étiquette supérieure est atteinte.

Promouvoir l'usage du bail à réhabilitation.

3. Garantir la programmation des crédits afin de redonner confiance dans la politique de rénovation énergétique

Cette nouvelle stratégie mixte proposée devrait également être plus stable dans le temps. Comme évoqué dans les parties précédentes, les enjeux de la visibilité temporelle et de la prévisibilité sont particulièrement centraux dans la politique de rénovation énergétique.

Une stabilité permet d'une part d'assurer une demande adéquate. Pour s'engager dans des travaux de rénovation énergétique qui représentent un investissement financier conséquent, les ménages doivent avoir une visibilité sur l'évolution des obligations et des aides associées. L'instabilité normative de la dernière décennie dans ce domaine s'est avérée ainsi particulièrement préjudiciable, générant un attentisme de la part du public : les ménages vont attendre l'adoption d'aides plus avantageuses pour engager des travaux, ou vont refuser de s'engager dans un parcours de rénovation par crainte d'un changement du dispositif avant la fin des travaux. Ce constat est particulièrement affirmé concernant les copropriétés, dont l'horizon temporel est différent.

D'autre part, la stabilité des politiques est également indispensable pour assurer une offre adéquate. Afin d'assurer la structuration d'une filière, la formation des artisans et l'attractivité des métiers de la rénovation, la pérennité du soutien public à la rénovation sur un temps long est nécessaire.

L'enjeu aujourd'hui pour l'État est de redonner confiance dans la pérennité de la politique publique de rénovation énergétique en inscrivant ses engagements dans la norme législative et ainsi de renforcer la confiance chez les particuliers comme chez les professionnels de la rénovation.

La programmation pluriannuelle des crédits dédiés à la rénovation énergétique s'avère donc nécessaire. La création d'une loi spécifique de programmation pluriannuelle de la rénovation énergétique, sur le modèle d'autres lois pluriannuelles sectorielles97(*), pourrait ainsi être envisagée.

Plusieurs personnes auditionnées dans le cadre de la commission d'enquête se sont prononcées en faveur d'une loi de programmation de la rénovation énergétique des bâtiments. L'ancienne ministre de l'égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot, a ainsi soutenu devant la commission d'enquête : « il faut absolument une loi de programmation qui sécurise, pour l'ensemble des acteurs, comme pour les particuliers, une trajectoire dans la durée » et « je vous applaudirai le jour où vous voterez une grande loi de programmation98(*). » Olivier Safar, président adjoint du syndicat immobilier Unis, a déclaré lors de la table ronde consacrée aux copropriétés : « si nous voulons réussir, nous avons besoin d'une loi de programmation de cinq ans, qui soit renouvelable pour cinq ans. Si vous ne parvenez pas à faire en sorte que copropriétaires, propriétaires et locataires comprennent qu'ils peuvent compter sur une certaine stabilité, nous n'arriverons à rien99(*). » Une loi de programmation de la rénovation aurait en effet l'avantage de permettre de donner plus de visibilité sur le moyen et le long terme pour les acteurs de la rénovation énergétique.

Les travaux de rénovation énergétique des logements individuels ne sont pas, en général, rentables sur le court terme, comme l'a d'ailleurs rappelé Julien Denormandie, ancien ministre chargé de la ville et du logement, lors de son audition : « je pense que, contrairement à ce que certains ont pu affirmer lors des débats publics, la rénovation énergétique des bâtiments n'est pas quelque chose de rentable sur un temps court, c'est-à-dire sur le temps total d'habitation du bâtiment pour un occupant. En effet, on estime que la durée moyenne d'occupation d'un bâtiment par un propriétaire est de huit ans et demi. Or, très rares sont les opérations de rénovation énergétique qui ont une rentabilité sur une telle période100(*) ».

Dans sa note « Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ? », France Stratégie estime ainsi que « le nombre de logements du parc privé dont la rénovation serait rentabilisée sous un horizon de trente ans est compris entre 9 et 17 millions (soit entre 40 % et 77 % du parc)101(*) », en soulignant que ces estimations dépendent de nombreuses hypothèses. Les rénovations qui permettent une rentabilité en dessous de dix ans sont en effet très minoritaires. Cette faible rentabilité à court terme explique par ailleurs pourquoi il est nécessaire que la politique de rénovation énergétique soit en partie subventionnée par la puissance publique.

Il est donc indispensable que les acteurs de la rénovation énergétique puissent avoir une visibilité sur les dispositifs de soutien et leurs évolutions. Lors de son audition en tant que présidente de l'Union sociale pour l'habitat, Emmanuelle Cosse a ainsi déclaré : « Nous ne militons pas pour une détente du calendrier mais pour disposer des moyens permettant de le respecter ce qui implique plus de visibilité financière. Aujourd'hui la difficulté que nous rencontrons consiste à établir un plan de rénovation à 5 ou 10 ans sans disposer d'informations sur nos ressources annuelles en aides, subventions, CEE et encouragements fiscaux. »102(*)

Cette programmation de la rénovation énergétique ne se limiterait ainsi pas à l'énoncée d'objectifs - qui pour les plus importants ont déjà été formulés lors de lois précédentes - mais donnerait une indication sur la montée en puissance des outils qui seront mobilisés pour accompagner la rénovation énergétique des bâtiments. À l'heure actuelle, il n'existe par exemple aucune indication sur les crédits qui seront alloués à MaPrimeRénov' dans les années à venir. De manière encore plus étonnante, certains dispositifs, comme l'éco-PTZ, possèdent une « date limite » proche, mais qui est continuellement repoussée103(*), ce qui a surtout pour effet de créer de l'incertitude chez les acteurs.

La création d'un nouveau vecteur législatif pose cependant la question de l'articulation de la rénovation énergétique dans la stratégie plus globale de transition énergétique française. Pour assurer une plus grande cohérence, il apparaît souhaitable d'intégrer la programmation des crédits au projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), en cours d'élaboration.

Au sein de cette programmation, une distinction pourrait être opérée entre les crédits consacrés à la rénovation par geste et ceux consacrés à la rénovation globale, afin d'assurer que l'effort principal soit consacré aux rénovations les plus performantes.

La programmation de la rénovation énergétique ne prendrait pas nécessairement la forme d'une loi indépendante. En effet, la démultiplication des « lois de programmation » pourrait conduire à affaiblir la portée de ces dispositifs. Elle pourrait par exemple être adossée à la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC).

Proposition n° 4 : Garantir la stabilité du dispositif d'aides et la prévisibilité de leur financement en cohérence avec la planification de la SNBC grâce à une programmation budgétaire crédible dans la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) et une clarification du suivi budgétaire.

4. Le renforcement du pilotage national aux niveaux politique et administratif, est nécessaire

Pour la bonne application de cette stratégie mixte, pluriannuelle et sociale de rénovation énergétique, un renforcement parallèle du pilotage de la politique publique s'impose.

a) La politique de rénovation énergétique doit être pilotée directement au niveau du Premier ministre

Il convient de renforcer la coordination, pour assurer une vision unifiée des enjeux de la politique publique de rénovation énergétique ainsi que la coordination entre les nombreux outils et obligations qui participent à cette politique.

La mission de coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments apparaît être une ébauche de prise en considération du morcellement de ce pilotage.

Mais le positionnement de cette mission de coordination sous double tutelle de la DGALN et de la DGEC ne lui permet pas de jouer un rôle d'arbitrage interministériel au-delà de ses deux tutelles, qui serait pourtant nécessaire pour faire de la mission de coordination le pilote de la rénovation énergétique et le gardien des objectifs de la SNBC.

Il convient, d'une part, d'augmenter les moyens attribués à cette coordination, pour lui permettre d'assumer réellement son rôle de pilotage intégré de la politique de rénovation énergétique. Les moyens actuels (sept équivalents temps plein) apparaissent ainsi insuffisants pour assurer directement un tel pilotage.

Mais il convient surtout de la porter à un niveau réellement interministériel et politique supérieur.

Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), créé en 2022 sous tutelle de la Première ministre, a vocation à assurer ces arbitrages interministériels et le respect des obligations environnementales de la France, mais il ne dispose d'aucun équivalent temps plein spécifiquement dédié à la rénovation énergétique.

Il serait donc souhaitable de rattacher directement la mission de coordination au SGPE plutôt qu'à la DGALN et à la DGEC, pour lui permettre d'assurer pleinement sa mission interministérielle.

Placé au niveau du chef du Gouvernement, le coordinateur pourrait préparer les arbitrages interministériels sur les politiques de rénovation énergétique, en prenant en compte l'ensemble des enjeux sectoriels associés à ces politiques, y compris ceux propres, par exemple, au logement social ou au patrimoine bâti ancien.

Seul un organe de ce type pourra assurer la coordination entre les ministres chargés du logement, de l'environnement et de l'énergie mais aussi du ministère des finances pour assurer un pilotage intégré de la politique de rénovation énergétique du bâtiment, qui tienne compte à la fois des impacts de cette politique sur l'habitat et sur l'environnement et lui garantir des moyens adéquats.

Pour assurer un portage optimal, le choix d'un ministère du logement autonome ou d'un rattachement du ministère du logement au ministère de l'environnement n'apparaît pas décisif.

Le rattachement facilite en effet la coordination entre les deux ministères. Cependant, à l'inverse, le fait de disposer de deux ministres de plein exercice compétents permet de renforcer le portage politique de la rénovation énergétique, qui peut être défendue, en Conseil des ministres, par plusieurs autorités et assure que les dispositifs créés prennent en compte les contraintes spécifiques du secteur de l'habitat.

b) Le ministère de la culture doit être associé aux outils de la politique publique de rénovation énergétique

Enfin, cette coordination interministérielle doit également associer le ministère de la culture. Il est indispensable de prendre en considération la situation particulière du bâti ancien et patrimonial dans les outils de la politique de rénovation.

Associer le ministre de la culture et la direction générale des patrimoines et de l'architecture à la réflexion sur les outils de la politique de rénovation énergétique semble de nature à permettre une meilleure prise en compte de ces considérations.

Le ministère de la culture et son administration peuvent ainsi éclairer la décision publique concernant les problèmes spécifiques du bâtiment patrimonial non classé, la question de la formation des architectes aux techniques de la rénovation énergétique, ou encore l'association des architectes des bâtiments de France (ABF) aux objectifs de rénovation énergétique.

Proposition n° 5 :  Assurer le pilotage de la rénovation énergétique au niveau de la Première ministre à travers le SGPE : intégrer l'actuelle mission de coordination interministérielle au SGPE et renforcer leurs moyens humains.

Associer le ministère de la culture à la définition de la politique de formation des acteurs et à la définition des outils destinés au bâti ancien ou architecturalement remarquable.


* 90 RTE, Futurs énergétiques 2050, février 2022.

* 91 Déclaration de Thomas Veyrenc, directeur exécutif de la stratégie et de la prospective de RTE, lors de la présentation de l'étude sur les enjeux de l'électrification à l'horizon 2035, 7 juin 2023.

* 92 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 93 Ces quatre postes de travaux sont : isoler les murs, installer des fenêtres performantes, isoler la toiture, isoler le sol.

* 94 I4CE - Panorama des financements climat, édition 2021.

* 95 Équilibre des énergies, Comment décarboner la France ?, 2022.

* 96 Le bail à réhabilitation est un contrat par lequel le preneur s'engage à réaliser, dans un délai déterminé, des travaux d'amélioration sur l'immeuble du bailleur et à le conserver en bon état d'entretien et de réparation de toute nature, en vue de louer cet immeuble à usage d'habitation pendant la durée du bail.

* 97 Comme la loi de programmation militaire ou la loi de programmation de la justice par exemple.

* 98 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 13 février 2023.

* 99 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 6 juin 2023.

* 100 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 13 février 2023.

* 101 Vincent Aussilloux, François Chabrol, Louis Gaëtan Giraudet, Lucas Vivier, Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ?, décembre 2021, page 8.

* 102 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 8 mars 2023.

* 103 L'article 86 de la loi de finances pour 2022 a ainsi prorogé l'éco-PTZ jusqu'au 31 décembre 2023. Avec les conclusions du Conseil national de la refondation du 5 juin 2023, qui prévoient une extension de l'éco-PTZ jusqu'en 2027, il est vraisemblable que la loi de finances pour 2024 le prorogera encore une fois. La date limite du dispositif est ainsi continuellement repoussée depuis 2009.