À l’initiative du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, le Sénat a créé une commission d’enquête afin de comprendre pourquoi la France ne parvient pas à atteindre ses objectifs en matière de rénovation énergétique et de proposer des solutions pour y remédier.
Elle a publié ses conclusions le mercredi 5 juillet après avoir entendu plus de 174 personnes et effectué trois déplacements.
Pourquoi ce contrôle ?
Pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et éliminer la précarité énergétique, la France s’est donné pour objectif de rénover 370 000 logements par an d’ici 2030 et 700 000 au-delà. Mais elle en est loin avec moins de 100 000 rénovations globales en 2022. Pourtant, plus de 8 milliards par an sont dépensés pour la rénovation énergétique chaque année.
Au-delà de la question financière, ce sont les outils eux-mêmes qui suscitent l’interrogation. Se pose également la question des effets d’aubaine, arnaques ou fraudes, qui minent la confiance des Français dans les dispositifs de rénovation.
Réussir la rénovation énergétique des logements est un défi qui touche au cœur de la vie des Français, en liant la « fin du monde », c’est à dire les grands équilibres climatiques, et la « fin du mois », à savoir la grande difficulté de nos concitoyens à payer leur facture d’énergie.
Quels constats et recommandations ?
Au terme de ses travaux, la commission d’enquête constate que deux tiers des 37 millions de logements français sont concernés par la rénovation énergétique. 5,2 millions sont considérés comme des passoires énergétiques. La rénovation énergétique des logements présente des enjeux écologiques, mais aussi sociaux et sanitaires (élimination de la précarité énergétique), urbains et patrimoniaux (limitation de l’artificialisation et préservation du bâti ancien) et industriels (développement d’une filière française de rénovation).
Face à ces enjeux, la politique publique de rénovation énergétique des logements reste « en chantier ». Il y a un vrai risque de découragement et un manque de confiance en raison de l’instabilité, de la complexité des règles, des fraudes et d’un reste à charge trop élevé. Par ailleurs, si depuis 2017, on constate une massification des gestes de rénovation, le nombre des rénovations globales vraiment efficaces reste très inférieur aux objectifs. La plupart des travaux financés n’entraînent qu’un changement de mode de chauffage. Enfin, les principaux instruments de la politique de rénovation sont encore en cours de déploiement et de fiabilisation tels le DPE, le label RGE, l’Accompagnateur Rénov’ et le pilotage interministériel. D’autres difficultés sont insuffisamment prises en compte comme la situation des copropriétés ou des logements construits avant 1948.
Pour relever le défi de l’accélération de la rénovation, la commission d’enquête a retenu une vingtaine de propositions :
- Sur le plan financier, la commission d’enquête propose une loi de programmation et, dès 2024, de porter à 4,5 Mds€ les crédits de MaPrimeRénov’, de tripler les aides pour les plus modestes, d’accroître de 1,5 Md€ les moyens des bailleurs sociaux et de doubler à 1 Md€ le fonds Chaleur de l’Ademe pour développer le chauffage urbain.
- En termes d’outils, la commission d’enquête propose une réforme de DPE et du label RGE, de redonner toute leur place aux collectivités territoriales et aux entreprises artisanales au cœur de l’information, de l’accompagnement et des travaux. La commission propose également de renforcer la lutte contre la fraude en accroissant les moyens humains et les peines encourues.
- Enfin, la commission plaide pour la création d’une filière industrielle nationale de rénovation à travers la formation de 200 000 professionnels d’ici 2030, la relocation des productions et le développement des matériaux biosourcés.