N° 811
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Rapport remis à M. le Président du Sénat le 29 juin 2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission d'enquête (1) sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique,
Président
Mme Dominique ESTROSI
SASSONE,
Rapporteur
M. Guillaume GONTARD,
Sénateurs
Tome I - Rapport
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, président ; M. Guillaume Gontard, rapporteur ; Mmes Sabine Drexler, Christine Lavarde, MM. Joël Bigot, Jean-Jacques Michau, Mmes Amel Gacquerre, Daphné Ract-Madoux, M. Michel Dagbert, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, vice-présidents ; MM. Laurent Burgoa, François Calvet, Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Philippe Folliot, Franck Montaugé, Laurent Somon.
LISTE DES PROPOSITIONS
Proposition n° 1
La rénovation énergétique ne doit pas conduire qu'à une électrification massive des logements, mais préserver un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies et plusieurs technologies garantissant sa flexibilité et sa sûreté et s'appuyant sur la sobriété.
En conséquence, favoriser la géothermie, les réseaux de chaleur et la biomasse.
Adopter un calendrier réaliste de réduction de l'utilisation du gaz fossile et ne pas interdire les chaudières à gaz.
Proposition n° 2
Promouvoir des rénovations énergétiques efficaces, par geste, bouquet ou dans des parcours accompagnés adaptés au logement conduisant à la rénovation globale grâce à des aides financières systématiquement plus avantageuses que pour un geste isolé.
Mettre en oeuvre l'obligation d'individualisation des frais de chauffage partout où elle a du sens et s'appuyer sur les progrès de la domotique pour développer la gestion énergétique des logements et leur sobriété.
Proposition n° 3
Garantir une « rénovation solidaire » en confortant un dispositif d'aides tourné vers les plus modestes, garantissant leur accompagnement et un reste à charge minimal, cohérent et acceptable pour favoriser les rénovations efficaces afin de lutter contre la précarité énergétique.
Dans le cadre du dispositif Loc'Avantages, porter à 35 % dans une limite de 30 000 euros par logement l'aide pour travaux de rénovation énergétique accordée aux bailleurs lorsque le logement atteint l'étiquette D. Attribuer un bonus si une étiquette supérieure est atteinte.
Promouvoir l'usage du bail à réhabilitation.
Proposition n° 4
Garantir la stabilité du dispositif d'aides et la prévisibilité de leur financement en cohérence avec la planification de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) grâce à un volet financier crédible dans la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) et une clarification du suivi budgétaire.
Proposition n° 5
Assurer le pilotage de la rénovation énergétique au niveau de la Première ministre à travers le secrétariat général pour la planification écologique (SGPE) : intégrer l'actuelle mission de coordination interministérielle au SGPE et renforcer leurs moyens humains.
Associer le ministère de la culture à la définition de la politique de formation des acteurs et à la définition des outils destinés au bâti ancien ou architecturalement remarquable.
Proposition n° 6
Faire du DPE un outil incontestable.
Fiabiliser le DPE en professionnalisant la filière des diagnostiqueurs, renforcer la formation initiale et la formation continue et rendre publique la méthodologie « 3CL » et les algorithmes utilisés dans les logiciels de calcul des DPE.
Confier aux chambres de commerce et d'industrie la mission de délivrer ses cartes professionnelles annuelles pour les diagnostiqueurs afin de contrôler leur certification et leurs assurances.
Reconnaître les particularités du bâti ancien par un DPE spécifique -- et dans l'attente de sa formulation recourir aux consommations réelles d'énergie - pendant un délai maximum de deux ans - ainsi que par une meilleure formation des diagnostiqueurs aux enjeux du patrimoine.
Adapter le DPE pour les logements de petite surface en adoptant des critères qui ne les défavorisent pas.
Intégrer le confort d'été dans la note attribuée à l'issue du DPE comme dans son volet propositions de travaux.
Veiller à ce que le DPE soit toujours intégré au carnet d'information du logement. En l'absence de CIL, en créer un lors de la réalisation du DPE (modification de l'article L. 126-35-2 du CCH).
Rendre obligatoire la production du DPE pour toute demande d'aide.
Proposition n° 7
Replacer les collectivités territoriales au coeur de la politique de rénovation énergétique.
Favoriser la création d'une logique de guichet unique local agrégeant l'accompagnement et la demande des aides, labellisé France Renov', et reposant sur les dispositifs locaux (plateformes ou Alec) quand ils existent déjà.
Favoriser les dynamiques locales fondées sur « l'aller vers », la massification et le choix des travaux, des matériaux et des procédés techniques les plus adaptés.
Favoriser le droit à l'expérimentation en matière de rénovation, comme la possibilité de créer des régies d'avances pour les travaux de rénovation.
Assurer le financement de cette mission confiée par l'État aux collectivités soit à travers un programme de certificats d'économie d'énergie (CEE) suffisamment dimensionné, soit par une augmentation des dotations de fonctionnement.
Proposition n° 8
Garantir l'accompagnement des ménages.
Faire preuve de vigilance dans le calendrier et les modalités du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' en veillant :
- à son bon dimensionnement pour permettre des parcours de travaux ;
- à la « neutralité » et l'indépendance des accompagnateurs ;
- à la couverture territoriale ;
- à leur formation notamment aux enjeux du bâti ancien ;
- à s'appuyer sur les acteurs existants qui ont fait leurs preuves, notamment ceux mis en place par les collectivités territoriales.
Proposition n° 9
Redonner aux artisans leur rôle d'acteurs de proximité et de confiance dans la rénovation.
Déployer des contrôles aléatoires et sur un panel proportionnel à la taille de l'entreprise et au nombre de chantiers.
Adapter le label RGE en pérennisant son attribution sur chantier pour les entreprises artisanales et permettre aux petites entreprises de réaliser des travaux de rénovation énergétique sous réserve d'un contrôle a posteriori, type Consuels.
Modifier la loi pour permettre à des artisans constitués en groupements momentanés d'entreprises (GME) non solidaires de mener les rénovations globales.
Proposition n° 10
Mieux lutter contre la fraude.
Renforcer les contrôles, assurer leur coordination et leur cohérence.
Alourdir les sanctions, notamment, porter à dix ans de prison et un million d'euros d'amende la peine encourue pour escroquerie lorsqu'il y a usurpation d'identité d'une personne chargée d'une mission de service public et préjudice au détriment de l'argent public, et généraliser la fixation des amendes à un niveau proportionné aux avantages tirés du délit, soit 10 % du chiffre d'affaires annuel.
Accroître les moyens humains de la DGCCRF, mille postes ayant été supprimés depuis 2007.
Sensibiliser les magistrats aux pratiques problématiques du secteur de la rénovation pour leur permettre de sanctionner de manière plus effective et plus lourde.
Sensibiliser les consommateurs aux risques de fraudes et d'escroqueries, en faisant mieux connaître la plateforme de signalements « SignalConso.fr » de la DGCCRF.
Obliger les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation à inviter les particuliers à se rapprocher d'une agence France Renov' et, surtout, à inclure un lien de redirection vers la plateforme France Renov'.
Sécuriser le retrait du label RGE par une décision de la DGCCRF ou de l'Anah assorti d'un délai de carence d'au moins un an.
Proposition n° 11
Porter l'ouverture des crédits pour MaPrimeRénov' à 4,5 milliards d'euros en 2024.
Tripler les aides à la rénovation globale pour les ménages modestes et très modestes en les portant à 30 000 et 45 000 euros.
Permettre la prise en charge par MaPrimeRénov' de Mon Accompagnateur Rénov' ainsi que de l'audit énergétique.
Rendre éligible à MaPrimeRénov' des travaux de confort d'été ainsi que d'auto-rénovation accompagnée.
Reconnaître le « droit à l'erreur » dans les démarches de demandes de MaPrimeRénov'.
Proposition n° 12
Amplifier la dynamique du PTZ.
Rehausser de 30 % à 50 % la limite dans laquelle le prêt est débloqué avant la production d'une facture.
Rehausser le plafond de l'éco-PTZ à 70 000 euros pour les rénovations performantes.
Rehausser le plafond de l'éco-PTZ à 40 000 euros pour les bouquets de deux gestes ou plus (hors rénovation performante). En contrepartie, mettre en place un taux bonifié plutôt qu'un taux zéro pour la part des prêts dépassant le plafond actuel de 30 000 euros à partir d'un certain seuil de revenus.
Proposition n° 13
Débloquer le prêt avance rénovation au profit des ménages modestes.
Mettre en place un taux zéro pour le prêt avance rénovation, ciblé sur les ménages aux revenus de catégorie modeste ou très modeste.
Inclure les frais hypothécaires ainsi que le préfinancement des aides à la rénovation énergétique dans les postes finançables du prêt avance rénovation.
Supprimer la condition d'être au premier rang d'un crédit hypothécaire, ou deuxième rang par rapport à la même banque, pour bénéficier du prêt avance rénovation.
Proposition n° 14
Coupler les aides et les prêts et assurer leur transparence pour les demandeurs.
Rehausser le plafond de l'éco-PTZ Prime Rénov' à 40 000 euros à partir de deux gestes hors rénovation performante, et à 70 000 euros pour les rénovations performantes.
Harmoniser la terminologie et les critères techniques pour les mêmes opérations pour MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie afin d'en permettre le couplage.
Rendre transparentes ces opérations techniques pour les demandeurs grâce à l'action des guichets France Rénov' et des Accompagnateurs Rénov'.
Proposition n° 15
Mener une évaluation de l'efficacité du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique, dans l'objectif d'assurer une meilleure coordination entre cette dépense fiscale et les aides publiques à la rénovation énergétique.
Proposition n° 16
Débloquer la rénovation des copropriétés.
Utiliser le DPE collectif comme référence pour l'application de l'interdiction de louer des passoires thermiques dans les copropriétés dans le même calendrier qu'aujourd'hui tout en conservant l'information du DPE individuel pour le futur locataire ou futur propriétaire.
Faciliter les décisions : modifier les règles de vote en assemblée générale de copropriété pour les travaux énergétiques de la manière suivante :
- pour la procédure de l'emprunt collectif consenti au syndicat de copropriétaires, passer de la règle de l'unanimité à celle de la majorité absolue avec possibilité de passerelle ;
- étendre le champ de la règle de vote à la majorité simple pour les emprunts à adhésion individuelle.
Faciliter l'accès aux financements :
- simplifier l'accès à l'éco-PTZ Copropriété ;
- appliquer de manière dérogatoire le taux d'usure accordé aux prêts à la consommation ainsi qu'aux prêts inférieurs à 75 000 euros aux emprunts collectifs pour les travaux de rénovation énergétique ;
- expérimenter et développer des solutions de tiers financements pour les travaux de rénovation énergétique des copropriétés.
Proposition n° 17
Financer la rénovation du parc social.
Redonner 1,5 milliard de fonds propres aux bailleurs en allégeant la RLS ou par un retour de l'État au financement du FNAP dès 2024.
Garantir une trajectoire de financement cohérente avec les objectifs 2030 et 2050 dans le cadre d'une loi de programmation.
Assurer le financement des travaux de « seconde vie » des logements sociaux.
Englober la rénovation des locaux destinés à l'hébergement d'urgence et gérés par des associations.
Rehausser le plafond de l'éco-PLS et décorréler sont taux du Livret A.
Faire évoluer les plafonds d'endettement des bailleurs sociaux en fonction des objectifs réglementaires de rénovation.
Proposition n° 18
Former 200 000 professionnels aux enjeux de la rénovation énergétique et à l'utilisation des matériaux bio et géosourcés.
Proposition n° 19
Soutenir la filière française d'équipements, de produits et de matériaux de construction.
Favoriser la relocalisation de la filière de production de composants de matériels de chauffage et de refroidissement, créer un CarbonScore afin d'inciter à la consommation de produits et d'équipements construits et assemblés en France et en Union européenne.
Fixer des objectifs d'intégration de composants recyclés dans les produits et matériaux de construction dans les cahiers des charges de la REP bâtiment.
Généraliser l'obligation de déclaration environnementale à l'ensemble des produits de construction et équipements du bâtiment. Rendre obligatoire l'affichage de la composition et de la provenance du produit de construction.
Accroître la subvention publique du CSTB de 45 % d'ici à 2027 pour soutenir l'innovation.
Proposition n° 20
Soutenir le développement de la filière des matériaux biosourcés.
Bonifier les montants MaPrimeRénov' et augmenter les plafonds de l'éco-prêt à taux zéro lors du recours aux matériaux biosourcés pendant d'un projet de rénovation (+ 30 % si 75 % de matériaux biosourcés).
Apporter un appui technique aux filières biosourcées afin de favoriser l'édiction de règles professionnelles et la certification de leurs produits.
Assurer une prise en compte du stockage carbone des matériaux bio et géosourcés, en tenir compte dans un futur CarbonScore des matériaux de construction.
Favoriser la filière des matériaux biosourcés par une augmentation de la part de matériaux biosourcés dans la commande publique et dans les montants des subventions.
Proposition n° 21
Développer la filière géothermique française comme alternative au chauffage électrique et évaluer la pertinence de la révision du décret GMI afin de l'étendre aux installations de plus de 500 kWh.
Proposition n° 22
Dès 2024, doubler les crédits annuels du fonds Chaleur de l'Ademe, en les portant à 1 milliard d'euros, afin de développer les réseaux de chauffage et de refroidissement faiblement carbonés.
Proposition n° 23
Protéger le bâti ancien de la banalisation et de la destruction du fait d'exigence de rénovations inappropriées.
Encourager le recensement du patrimoine bâti prévu à l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.
Adapter l'isolation par l'extérieur pour les bâtiments recensés afin de la rendre compatible avec la préservation des caractéristiques physiques, esthétiques et architecturales du bâti.
Publier le décret recensant les contraintes architecturales donnant lieu à une exemption de l'application de l'article 160 de la loi Climat et résilience.
Élargir aux communes de moins de 50 000 habitants et aux travaux de rénovation non visibles le champ d'application du label de la Fondation du patrimoine.
Intégrer l'art de la réhabilitation dans les programmes d'écoles d'architecture et former les artisans aux enjeux de la rénovation du patrimoine bâti.