Deuxième séquence - Les jeunes des territoires ruraux : élargir le champ des possibles, animée par Marie-Pierre Monier, sénatrice de la Drôme
Bonjour à toutes et à tous.
Madame Lambert, nous vous avions auditionnée dans le cadre d'un rapport sur les femmes et l'agriculture, que je vous invite à consulter sur le site du Sénat. Merci pour votre témoignage très intéressant.
J'aime à dire que la question d'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas qu'une question de femmes ou de féminisme, mais d'égalité entre des êtres humains. Nous ne pouvons pas, nous les femmes, être les seules à porter ce sujet. Nous devons le faire ensemble.
Nous sommes 51,6 % de femmes sur Terre. Nous avons, nous aussi, un cerveau. Votre présence, femmes maires, adjointes ou conseillères municipales, en est un bel exemple. Nous devons multiplier ces moments qui prouvent que nous sommes capables d'être à la tête d'une commune, d'une intercommunalité, d'un département, d'une région, d'être parlementaires.
Comme Mme Claudet, je suis arrivée en politique par hasard. Je suis un pur produit de la parité. Sans cette obligation, je ne serais pas là. Il a bien fallu qu'ils viennent chercher une femme. Ce que vous faites est important, pour votre commune, mais aussi pour les femmes qui y vivent. Vous leur montrez que nous sommes capables de diriger une commune. Surtout, ne lâchez rien.
Puisque nous parlions plus tôt de compétences, je me permettrai de citer Françoise Giroud, qui a dit en 1983 : « La femme serait vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Les femmes s'investissent souvent énormément et sont très compétentes.
J'en reviens à la séquence qui m'intéresse, consacrée à la jeunesse des territoires ruraux. La jeunesse, c'est la vie. Elle est le devenir de nos territoires. Nous allons donc l'évoquer, avec les opportunités qui s'offrent à elle, qui constituaient également un axe central de notre rapport d'information « Femmes et ruralités ». Je suis une rurale pur jus, et je remercie Annick Billon et les membres de la délégation qui se sont investis dans ce travail ayant mis en lumière toutes les problématiques que nous connaissons et que nous vivons au quotidien.
Nous l'avons montré dans notre rapport : les jeunes filles des territoires ruraux font face à des souhaits et injonctions contradictoires. Il s'agit souvent pour elles de faire un choix : partir pour avoir plus d'opportunités, dans tous les domaines, ou rester pour soutenir leur famille et leur territoire.
Les jeunes filles quittent plus souvent le territoire que les garçons pour poursuivre des études ou trouver un premier emploi. Elles n'y reviennent souvent pas une fois diplômées, n'y trouvant pas de métiers correspondant à leur qualification et à la formation qu'elles ont reçue.
Les jeunes filles qui restent en zone rurale ont un champ d'opportunités plus limité que le reste de leur classe d'âge - et surtout que les jeunes filles issues des villes - dans tous les domaines. Elles poursuivent moins d'études : seuls 52 % des étudiantes vivant en zone rurale visent au moins un bac +4 ou 5, contre 65 % des étudiantes urbaines. Elles occupent davantage d'emplois précaires, travaillent essentiellement dans les secteurs du soin et de l'aide à la personne. Elles pratiquent aussi moins d'activités sportives, occupent les espaces intérieurs et sont invisibilisées dans les discours publics et sociaux.
Nous avons souhaité dresser un focus sur le sujet de l'orientation scolaire et universitaire, car de nombreux freins pèsent encore sur l'orientation des jeunes filles, parmi lesquels une offre de formation faible et peu diversifiée en milieu rural, conjuguée avec des opportunités professionnelles plus limitées ; un manque d'accompagnement dans certains choix d'orientation ; des difficultés à quitter le territoire ; un manque de confiance en soi - c'est pour cette raison que les femmes en général répondent par la négative quand on les sollicite - et un manque de confiance en l'avenir ; l'absence de références ou « rôles modèles » féminins ; ou encore des stéréotypes de genre. Vous avez évoqué ce sujet lorsque vous avez cité les vice-présidences au sein des intercommunalités. Les femmes occupent celles de la jeunesse, de la petite enfance ou du social, mais elles peuvent aussi se charger des finances ou de la voirie.
Face à ces constats, nous avons formulé cinq recommandations - lorsque nous rédigeons un rapport, nous dressons un état des lieux, puis faisons des recommandations et essayons de les insérer dans des débats parlementaires ou dans des textes de loi - pour élargir le champ des possibles des jeunes filles, à la fois au sein des territoires ruraux et en dehors de ceux-ci.
Nous souhaitons ainsi mener des campagnes d'information à l'orientation incarnées et inversant les stéréotypes, en utilisant des figures et « rôles modèles » féminins pour recruter au sein des filières perçues comme masculines, et vice-versa.
Cela doit aller de pair avec une éducation et une sensibilisation à l'égalité des élèves, filles comme garçons, mais aussi des enseignants et des conseillers d'orientation.
Nous voulons aussi encourager les dispositifs de mentorat et les partenariats entre les collèges et lycées ruraux et des associations et programmes comme Les cordées de la réussite, Des territoires aux grandes écoles, ou encore Chemins d'avenirs. Les associations font un travail très important. Nous y reviendrons tout à l'heure avec la fondatrice de l'association Chemins d'avenirs, Salomé Berlioux, que nous avons eu l'occasion d'auditionner et qui intervient aujourd'hui en visioconférence.
Nous recommandions également de développer des solutions permettant aux jeunes de suivre a minima deux années d'études supérieures à proximité de leur domicile, par exemple en ouvrant de nouveaux BTS, en ayant recours aux campus connectés, ou en ouvrant des antennes universitaires délocalisées. Le départ du domicile, à 20 ans, est ensuite plus aisé.
Enfin, nous pensons sincèrement qu'il est nécessaire d'accompagner la mobilité des jeunes filles, notamment via des transports sécurisés, le financement de séjours hors du territoire et l'attribution de bourses. Les difficultés de déplacement dans les territoires ruraux sont en effet revenues dans toutes les thématiques que nous avons étudiées.
D'une manière générale, je suis convaincue que ce que nous faisons en matière d'égalité contribue à ouvrir le champ des possibles pour les jeunes femmes de nos territoires.
Afin d'échanger sur ces différents sujets, je suis heureuse d'accueillir Salomé Berlioux, fondatrice de l'association Chemins d'avenirs ; et Laurence Perez, maire de Saint-Jean-de-Galaure, dans la Drôme, une commune rurale de 1 275 habitants.
Je me tourne d'abord vers Salomé Berlioux.
Vous avez créé, en 2016, l'association Chemins d'avenirs après avoir fait un triple constat.
Premièrement, les jeunes des territoires ruraux sont très nombreux. Deuxièmement, ces jeunes rencontrent un certain nombre d'obstacles ou de défis dans la construction de leur parcours et ces obstacles portent atteinte à l'égalité des chances entre les jeunes Français. Enfin, troisièmement, ce thème est resté très longtemps un angle mort des politiques publiques et des dispositifs d'égalité des chances. Au sein de cette jeunesse, les filles font, dans ce contexte, face à un triple déterminisme : géographique, social et de genre.
Je vous laisse sans plus tarder la parole afin que vous nous exposiez plus précisément les verrous à l'oeuvre dans le parcours des jeunes filles vivant en milieu rural, ainsi que les solutions pour les faire sauter.
[Un problème technique ne permet pas à Madame Berlioux de se faire entendre dans de bonnes conditions.]
ANNICK BILLON, PRÉSIDENTE
Je vous propose de laisser la parole à notre deuxième intervenante, afin de laisser le temps à la régie audiovisuelle de résoudre ce problème technique.
MARIE-PIERRE MONIER
Je laisse alors la parole à Laurence Perez, maire de Saint-Jean-de-Galaure. Elle reviendra, je n'en doute pas, sur ce qu'elle a pu mettre en place, de manière directe ou indirecte, à l'échelle d'une commune rurale pour faire avancer l'égalité femmes-hommes auprès des jeunes.
Je sais que Laurence est parfois modeste. Par sa façon de se saisir de son rôle de maire et de l'incarner au quotidien, comme beaucoup d'entre vous ici, elle montre aux jeunes filles et femmes que nous sommes légitimes à exercer des responsabilités et à prétendre aux plus hautes fonctions politiques. Elle occupe également un poste sur lequel on n'attendrait pas du tout une femme. Je la laisse vous en parler.