Première séquence - L'engagement des femmes issues des territoires ruraux : encourager l'accès aux responsabilités, animée par Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes
Merci Madame la Présidente, chère Annick,
Monsieur le Président,
Mesdames les Présidentes,
Chers collègues,
Je tiens à saluer le travail et le pilotage de notre délégation par Annick Billon, depuis des années, avec un crantage qui s'est fortement amélioré sur les questions d'égalité femmes-hommes dans notre assemblée. Je salue également le Président Larcher, assidu lors de chaque rendez-vous important de notre assemblée. Il était encore présent hier après-midi, lors de l'examen en séance du texte sur les retraites, ou lors d'un déjeuner avec onze femmes ministres, mais aussi cette nuit.
Monsieur le Président, vous êtes un phare important pour l'engagement politique de notre assemblée. Vous êtes au rendez-vous de toutes les causes défendues par nos collègues.
La première séquence de notre matinée est consacrée à l'engagement des femmes issues des territoires ruraux, en politique, mais aussi au sein de structures associatives ou syndicales, au niveau local comme national. Nous nous intéresserons notamment aux freins qui entravent encore cet engagement, mais également aux mesures qui pourraient permettre de l'encourager.
Je suis très heureux d'accueillir Christiane Lambert, pour plusieurs raisons. D'abord, à côté de Nicole Notat, grande figure du syndicalisme français, vous incarnez depuis une quarantaine d'années un engagement sans faille auprès des agricultrices et agriculteurs de France. Je suis l'un d'eux. Je connais aussi votre présence, comme celle de notre président Gérard Larcher, partout sur le territoire, au contact de la réalité pour défendre au mieux les causes agricoles, et notamment les femmes dans leur engagement politique.
Dans le cadre de la préparation du rapport évoqué plus tôt, chacun des rapporteurs avait organisé des rencontres dans son département, afin d'échanger avec des acteurs de terrain et de recueillir des témoignages au plus près de nos territoires. J'avais, pour ma part, organisé le 8 mars 2021 une rencontre dans mon département des Hautes-Alpes, réunissant plusieurs centaines de collègues femmes, en plus de quelques hommes, qui avait été l'occasion d'échanger avec de nombreuses femmes élues, sur leurs difficultés, mais aussi leurs réussites et leurs fiertés, et sur les leviers qu'elles identifiaient pour faire progresser la parité et l'accès des femmes aux responsabilités.
Ces témoignages, confortés par un questionnaire que nous avions adressé à l'ensemble des élues rurales ayant reçu plus de 1 000 réponses, ainsi que par des tables rondes organisées ici même au Sénat, ont été des sources d'informations précieuses pour notre rapport.
Les principales difficultés mentionnées et révélées par les élues locales portent sur la conciliation des vies politique, professionnelle et familiale. Ce matin, avant le début de notre réunion, j'échangeais avec une élue de l'Est de la France qui me faisait part de ses difficultés, y compris au sein d'une commune de 200 habitants, à concilier son engagement professionnel, l'animation dans sa commune, et l'intercommunalité, qui constitue un engagement pour les communes rurales. Nous avons également pointé un certain nombre d'insuffisances liées au statut de l'élu et la persistance du sexisme, notamment dans l'attribution de délégations au sein des conseils municipaux, tant en nombre que par leur nature.
Ces difficultés expliquent que si les femmes représentent aujourd'hui 42 % des élus locaux - et l'on ne peut que s'en féliciter - elles ne représentent encore que 20 % des maires, 11 % des présidents de conseils communautaires, 20 % des présidents de conseils départementaux et un tiers des présidents de région.
En outre, le nombre de femmes reste encore limité au sein des conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent, je le rappelle, trois quarts des communes de France, et pour lesquelles le scrutin de liste paritaire ne s'applique pas. La part des femmes conseillères municipales au sein des communes de moins de 1 000 habitants n'est ainsi que de 38 %, contre 49 % dans les communes de 1 000 habitants ou plus, qui bénéficient du scrutin dit paritaire.
Ces différents constats nous ont amenés à formuler sept recommandations de nature à accroître la mixité dans la vie politique locale.
Tout d'abord, nous recommandons unanimement, après une longue discussion au sein de la délégation, de faire sauter le verrou des 1 000 habitants et d'étendre à toutes les communes les obligations de parité aux élections municipales. Nous n'allons pas ouvrir le débat, je sais les difficultés que cela pose. Je sais également que les lignes ont un peu bougé depuis la publication de ce rapport. Depuis, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) porte l'idée d'une parité, avec des adaptations du nombre de conseillers municipaux. J'espère que cette question pourra prospérer dans nos assemblées parlementaires et, pourquoi pas, au Sénat. C'est une autre question, Monsieur le Président.
En parallèle, nous souhaitons également appliquer à toutes les communes le système de fléchage pour les élections intercommunales, avec obligation de listes paritaires.
Nous avons aussi formulé des recommandations en matière de statut, notamment afin de faciliter les gardes d'enfants pendant les réunions. Il est prévu formellement des dispositifs dans le cadre légal, mais ils sont difficilement applicables. Il n'est pas simple de demander à une commune rurale d'indemniser, avec ses moyens budgétaires, les gardes d'enfants de conseillères municipales, d'adjointes, de maires qui font face à leurs responsabilités municipales.
Nous souhaitons par ailleurs voir émerger des référents égalité au sein de toutes les communes et intercommunalités. Ils pourraient d'ailleurs servir aux élus municipaux aux responsabilités induites par leurs fonctions municipales, mais aussi permettre un dialogue avec les femmes des villages et communes rurales de France sur ces sujets, pour ouvrir des débats sociologiques.
S'agissant de l'engagement des femmes au sein des instances professionnelles et syndicales, nous avions par exemple recommandé dans notre rapport d'instaurer des quotas au sein des instances de gouvernance agricole, sujet important sur lequel vous réagirez sans doute, Madame la Présidente, et de réfléchir à l'application de quotas dans les conseils d'administration des coopératives et interprofessions agricoles. Je crois qu'il est nécessaire d'ouvrir de nouvelles voies pour l'égalité et la parité dans ces organismes.
Nous sommes aussi très favorables au soutien et au développement de réseaux de femmes dans tous les secteurs, professionnels, syndicaux, associatifs ou politiques. Nous avons notamment auditionné un certain nombre de jeunes femmes étudiantes qui, à partir de zones rurales, développent des réseaux pour faciliter la confiance des filles rurales, par du tutorat et presque du mentorat, pour les faire entrer dans des filières professionnelles de haute qualité et de haut niveau. Nous sommes également très favorables au soutien et au développement de réseaux d'entraide. Plus ils sont puissants, plus ils seront des vecteurs d'influence dans tous les domaines. Nous ne pouvons qu'encourager cela.
Dans une optique de partage d'expériences et d'échanges autour de ces différents constats et recommandations, je suis très heureux d'accueillir ce matin Mme Christiane Lambert, présidente - encore pour quelques semaines - du premier syndicat d'exploitants agricoles de France, la FNSEA. Elle occupe cette fonction depuis 2017, après avoir gravi tous les échelons du syndicalisme agricole, et avoir été très présente sur son exploitation familiale. Elle a su adapter cette dernière aux exigences et évolutions techniques nécessitées par l'ouverture du marché et la nécessaire performance économique.
Madame la Présidente, vous êtes ici dans votre maison, puisque vous représentez les agriculteurs de France, et donc les territoires de France au travers de cette profession. Nous serons très attentifs à vos propos et à votre retour d'expérience.