Propos introductif par Annick
Billon,
présidente de la délégation aux droits des
femmes
Monsieur le Président, merci pour votre présence, votre fidélité à nos évènements, votre accompagnement, vos mots à destination de nos rapporteurs et de la délégation, qui ont travaillé sur le rapport Femmes et ruralités, en finir avec les zones blanches de l'égalité.
Madame la Présidente de la FNSEA, merci d'être à nos côtés ce matin,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
C'est un immense plaisir pour moi de vous accueillir au Sénat pour cette matinée consacrée aux femmes des territoires ruraux, organisée par la délégation aux droits des femmes dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes.
Je remercie tout particulièrement le président du Sénat d'avoir accepté d'ouvrir notre colloque. Je le sais très attentif à l'activité de notre délégation. Il a notamment suivi de près nos travaux sur la situation des femmes dans les territoires ruraux qui ont abouti à la publication en octobre 2021 du rapport Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l'égalité.
Celui-ci est le fruit d'un travail collégial et transpartisan. Il a été porté par huit co-rapporteurs représentant chaque groupe parlementaire du Sénat, mais aussi toute une diversité de territoires :
- Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes, parmi nous ce matin, qui animera notre première séquence de la matinée. Il devait être accompagné de plusieurs élues de son département, qui ont malheureusement dû annuler leur venue. Nous les saluons à distance ;
- Bruno Belin, sénateur de la Vienne, qui avait organisé une réunion à ce sujet dans son département, à laquelle Jean-Michel Arnaud et moi-même avons participé ;
- Nadège Havet, sénatrice du Finistère ;
- Pierre Médevielle, sénateur de la Haute-Garonne ;
- Marie-Pierre Monier, sénatrice de la Drôme, parmi nous ce matin, qui animera la seconde séquence de la matinée. Elle devait également être accompagnée de plusieurs élues de son département, qui en ont été empêchées, mais nous écouterons à distance Laurence Perez, maire de Saint-Jean-de-Galaure ;
- Guylène Pantel, sénatrice de la Lozère ;
- Raymonde Poncet Monge, sénatrice du Rhône ;
- et Marie-Claude Varaillas, sénatrice de la Dordogne.
Le point de départ du travail de notre délégation sur la situation des femmes dans les territoires ruraux a résulté d'un examen attentif de l'Agenda rural du Gouvernement, adopté à l'automne 2019 : aucune de ses 181 mesures ne faisait, au moment de son adoption, référence à l'égalité femmes-hommes ni à aucune problématique spécifique aux femmes dans les territoires ruraux. Or, pas moins de 11 millions de femmes vivent aujourd'hui dans les territoires ruraux, soit une femme sur trois. C'est donc un sujet majeur.
Nos travaux sur ce thème ont duré près de dix mois. Nous avons organisé une trentaine d'heures d'auditions. Nous avons publié un questionnaire en ligne, sur la plateforme du Sénat de consultation des élus locaux, qui nous a permis de recueillir plus d'un millier de réponses et témoignages. Enfin, nos rapporteurs ont organisé diverses rencontres dans leur département respectif.
Tout ce travail a permis de dresser un large tour d'horizon de la situation des femmes dans les territoires ruraux, dans toute leur diversité et à tous les âges de la vie.
Notre rapport couvrait plus spécifiquement huit thématiques :
- les enjeux de mobilité et d'articulation des temps de vie ;
- la jeunesse et l'orientation scolaire et universitaire ;
- l'emploi et l'insertion professionnelle ;
- l'entrepreneuriat au féminin ;
- le métier d'agricultrice ;
- la santé des femmes et l'accès aux soins ;
- les violences conjugales ;
- et enfin l'engagement politique et les femmes aux responsabilités politiques locales.
Je ne vais pas revenir dans le détail sur l'ensemble des constats dressés dans ce rapport, ni sur les 70 recommandations adoptées par la délégation ; vous les trouverez dans les documents disponibles à l'entrée de la salle. Je remercie à ce titre l'équipe qui nous entoure, qui a organisé cette matinée.
Celle-ci comprendra deux séquences, portant chacune sur une thématique du rapport : l'accès des femmes issues de la ruralité aux responsabilités et la jeunesse dans les territoires ruraux.
Avant d'explorer plus précisément ces deux sujets avec l'ensemble de nos invités, j'aimerais rappeler quelques constats issus de notre rapport qui, pour certains, sont communs à l'ensemble des thématiques, et donc déterminants pour améliorer les conditions de vie des femmes en milieu rural.
Tout d'abord, les enjeux de mobilité irriguent l'ensemble des difficultés auxquelles peuvent être confrontées les femmes dans les territoires ruraux. Le manque de mobilité, l'éloignement des services et l'insuffisance de la couverture numérique sont les principales difficultés rencontrées dans les territoires ruraux, et elles sont cumulatives, tout particulièrement pour les femmes qui y résident.
Les difficultés de mobilité génèrent un accès plus compliqué à l'emploi, aux services publics, aux offres de soins, aux modes de garde des enfants, aux commerces, aux associations, aux loisirs.... Elles sont à l'origine d'un isolement plus grand des femmes et entravent la lutte contre les violences faites aux femmes et intrafamiliales en rendant complexes le déplacement en gendarmerie comme le départ du domicile.
Les femmes des territoires ruraux sont particulièrement touchées par ces difficultés de mobilité. Alors que la voiture représente 80 % des déplacements en zone rurale et y constitue souvent un critère d'embauche, les femmes y ont un accès plus restreint que les hommes : une femme sur cinq n'a pas le permis, contre un homme sur dix.
Les transports en commun réguliers sont insuffisants en milieu rural pour en faire une solution alternative. La mobilité dans le territoire rural est différente de celle des territoires urbains. Les transports en commun sont peu adaptés aux spécificités des habitudes de déplacement des femmes.
En outre, les territoires ruraux agissent comme un amplificateur d'inégalités entre les femmes et les hommes en matière de conditions d'emploi : les différences constatées pour les indicateurs de taux de chômage, précarité ou temps partiel sont en effet plus importantes dans les territoires ruraux que dans les territoires urbains. Les territoires ruraux se caractérisent également par une très faible mixité de l'offre d'emploi.
S'agissant de la santé et de l'accès aux soins, la désertification médicale touche tout particulièrement les gynécologues. Treize départements sont même dépourvus de gynécologue médical. Soixante-dix-sept départements n'en ont pas suffisamment pour proposer un service normal. Certaines femmes renoncent donc à un suivi gynécologique, pourtant primordial en matière de prévention, et les taux de dépistage des cancers féminins sont plus faibles en milieu rural.
Concernant les violences intrafamiliales, les territoires ruraux concentrent la moitié des interventions de gendarmerie pour violences intrafamiliales et la moitié des féminicides, alors même que seul un tiers des femmes y vivent. Dans ces territoires, les femmes victimes sont plus isolées, moins informées et moins protégées. Elles sont sous-représentées dans les sollicitations des dispositifs d'aide. Moins de 30 % des appels au 3919 proviennent de ces territoires ruraux.
Les acteurs locaux - notamment la gendarmerie, les professionnels de santé, les associations et bien sûr les élus - jouent un rôle majeur, mais manquent souvent de moyens et de coordination.
Globalement, nous considérons donc qu'il est indispensable d'articuler les politiques publiques en faveur de l'égalité femmes-hommes et celles en faveur des territoires ruraux.
Pour en finir avec les zones blanches de l'égalité, nous estimons que la politique d'aménagement du territoire ne peut se concevoir sans y intégrer la dimension « égalité femmes-hommes ». Inversement, les politiques d'égalité doivent systématiquement se fonder sur une réflexion territoriale.
Dans mon propos introductif, je n'ai volontairement pas détaillé les constats et propositions de la délégation concernant l'accès des femmes aux responsabilités dans les zones rurales, ni ceux relatifs aux jeunes de ces territoires, puisque mes collègues Jean-Michel Arnaud et Marie-Pierre Monier vont s'emparer de ces sujets et nourrir le débat avec nos invités.
Je vous remercie à nouveau chaleureusement pour votre présence. Monsieur le Président, merci d'être à nos côtés. Je nous souhaite collectivement une belle réunion.
Je laisse la parole au rapporteur Jean-Michel Arnaud, et salue les co-rapporteurs présents dans la salle. Ils ont réalisé un long travail au Sénat, mais aussi dans leurs territoires.