EXAMEN EN COMMISSION
3 MAI 2023
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons ce matin les conclusions de la première des six missions d'information que nous avons lancées en décembre dernier. Je vous propose de donner immédiatement la parole à Cédric Vial pour nous présenter le résultat de ses travaux consacrés à la situation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
M. Cédric Vial, rapporteur. - Je souhaite remercier le président Lafon pour sa confiance. J'ai eu beaucoup de plaisir à mener cette mission, portant sur un sujet crucial pour les familles, dans nos territoires. Je remercie aussi mes collègues qui ont assisté aux auditions. Je me suis appuyé, entre autres, sur les auditions menées par Marie-Pierre Monier lors de l'examen, en décembre dernier, de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des AESH et des assistants d'éducation (AED).
En préambule, je souhaite préciser que si le sujet fait beaucoup parler, le format de la mission « flash » ne permettait pas d'examiner en détail le statut et la rémunération des AESH. Les attentes sont pourtant grandes en la matière. Le rapport s'intéresse davantage aux modalités de gestion des AESH pour encourager une école inclusive.
Il y a eu deux étapes importantes dans la constitution de cette école inclusive. La loi du 11 février 2005 a instauré la garantie pour toutes les personnes en situation de handicap d'accès aux droits fondamentaux ; elle prévoyait des mesures de compensation et l'obligation d'accessibilité de l'ensemble de la chaîne des déplacements. Quant à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République du 8 juillet 2013, elle a consacré la notion d'inclusion scolaire. Elle a permis la création des AESH, qui étaient auparavant des assistants de vie scolaire (AVS). La fusion proposée des AED avec les AESH, annoncée par le Président de la République lors que la récente Conférence nationale du handicap (CNH), est en fait un retour en arrière de dix ans.
J'insiste sur deux notions principales : l'accessibilité et la compensation.
L'accessibilité est physique, mais aussi pédagogique. Il s'agit des moyens mis en oeuvre par l'Éducation nationale pour adapter la pédagogie et les matériels scolaires au handicap de l'enfant, par exemple grâce au numérique. Les associations de parents parlent souvent de plan incliné pédagogique.
La notion de compensation porte sur l'aide humaine, et donc sur le rôle des AESH, qui offrent un appui humain aux enfants.
Le principe d'inclusion est de permettre à tout enfant d'être scolarisé de manière continue et suivie au plus proche de son domicile. Cela relève désormais des prérogatives et des obligations qui incombent à l'Éducation nationale.
Aujourd'hui, la situation peut être préoccupante : les moyens financiers - environ 3,8 milliards d'euros environ pour l'inclusion scolaire - et humains sont de plus en plus importants, avec une accélération notable ces dernières années. On comptait, en 2022, 430 000 enfants en situation de handicap (ESH), contre 130 000 il y a dix ans, et 125 000 AESH en 2022 - ils seront 135 000 en 2023. Les AESH constituent donc le deuxième métier de l'Éducation nationale. Les évolutions sont très importantes et très rapides. Cependant le ministère de l'Éducation nationale n'a pas forcément été capable d'accompagner ces évolutions par des adaptations idoines de sa pédagogie et de son organisation : il manque un véritable service public de l'inclusion scolaire.
Le taux de croissance du nombre d'ESH est de 4 à 5 % par an, et de 12 à 13 % pour les notifications d'AESH : cela représente 15 000 nouveaux AESH par an dans les prochaines années. La situation est paradoxalement délicate. L'Éducation nationale n'arrive pas à pourvoir tous les postes et n'est pas en mesure de mettre en oeuvre les mesures prescrites par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). L'insatisfaction des familles est grande. La situation pèse sur les enseignants aussi, notamment en matière de gestion des classes. En moyenne, il y a un ESH par classe, mais ce nombre peut aller jusqu'à cinq par classe.
Nous ne pouvons par ailleurs pas tolérer le travail en silo entre l'Éducation nationale et le secteur médico-social. On constate un phénomène d'éviction : des enfants se retrouvent dans des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), alors que ces unités ne sont pas toujours les plus adaptées. D'autres enfants se retrouvent en milieu ordinaire, alors qu'ils devraient bénéficier de ces mêmes Ulis.
J'ai fait vingt recommandations, regroupées en sept familles distinctes, qui sont les suivantes : s'intéresser aux familles et simplifier les procédures de demande d'aide, notamment en harmonisant les procédures d'affectation ; définir une meilleure organisation au sein de l'Éducation nationale, en créant un vrai service public de l'inclusion scolaire, pour répondre au déficit d'organisation, au manque de données et à l'absence de gestion efficace des ressources humaines ; renforcer les liens entre l'Éducation nationale et le secteur médico-social ; redonner une priorité aux mesures d'accessibilité éducative, qui relève de la responsabilité de l'Éducation nationale ; faire respecter les droits ouverts, alors que l'Éducation nationale se contente de gérer des moyens ; remettre l'enfant et l'élève au coeur du dispositif, en revenant à une prise en charge globale de l'enfant et de l'élève, puisque l'objectif reste l'autonomie de l'enfant ; enfin, professionnaliser les missions des AESH.
Sur ce dernier point, la fonction d'AESH est bien un métier, qui doit s'organiser comme tel, notamment en matière de formation et de gestion des ressources humaines. Ce métier doit avoir des perspectives ; les AESH doivent être mieux reconnus et associés à l'équipe pédagogique.
J'en viens maintenant au détail des propositions.
La première recommandation est de réévaluer les moyens de fonctionnement des MDPH au regard de l'augmentation de leur charge d'activité. Certaines MDPH ne font plus que gérer des tableaux Excel. Le temps de la notification est souvent sur trois ans, ce qui permet de diviser par trois le nombre de dossiers à examiner, alors que cette durée devrait être adaptée en fonction des handicaps et du besoin de réévaluation.
La deuxième recommandation est de simplifier les procédures administratives d'aide à la scolarisation des ESH et de les regrouper en un dossier unique, pour éviter de remplir plusieurs fois le même formulaire. Monter des dossiers d'aide peut être un vrai chemin de croix.
Comme troisième recommandation, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), en concertation avec l'Éducation nationale, les familles et le secteur médico-social, pourrait établir un référentiel national. En effet, les différences d'appréciation sont très diverses en fonction des MDPH. Les taux d'affection d'AESH individualisés ou mutualisés vont de 40 à 90 % en fonction des départements. Lors des déménagements, les familles constatent que les droits ouverts ne sont pas identiques.
Avec la quatrième recommandation, il s'agit d'améliorer les procédures d'instruction et de prescription des MDPH en matière d'aide à la scolarisation des ESH. Il faut d'abord garantir le caractère pluridisciplinaire des équipes d'évaluation des besoins ; doter les équipes pluridisciplinaires de moyens et d'outils adaptés à une évaluation des besoins de l'ESH dans son environnement - situation de l'établissement, organisation des locaux, formation du personnel enseignant sont autant de points à évaluer avant de définir les mesures adaptées - ; permettre de moduler et d'évaluer les prescriptions dans la durée ou dans leur contenu, en fonction de l'évolution des besoins de l'ESH, dans le but d'accompagner celui-ci vers l'autonomie. Les prescriptions ne sont pas uniques. Pour un enfant aveugle, une notification pourrait être pérenne. Pour d'autres troubles, en accompagnant l'enfant vers l'autonomie, on pourrait diminuer l'aide humaine dont il bénéficie, car se passer à terme d'un AESH est aussi une forme de réussite.
La cinquième recommandation est d'appeler l'Éducation nationale à assumer pleinement son rôle en matière d'accessibilité, en développant et en systématisant l'accessibilité des outils numériques et des matériels pédagogiques, notamment via le cahier des charges s'imposant aux éditeurs - c'est une clef importante pour permettre l'accès de l'enfant à une pédagogie adaptée - ; en adaptant les fournitures scolaires aux ESH, par exemple grâce au numérique ; en mettant en oeuvre les adaptations pédagogiques nécessaires sans attendre les éventuelles mesures de compensation prescrites par les MDPH. Nous demandons que l'on pense d'abord à l'accessibilité - c'est à l'Éducation nationale de s'adapter au handicap de l'enfant -, puis que l'on fasse en sorte de définir la compensation : l'attribution d'un AESH doit être le résultat d'une analyse des besoins de l'enfant et des mesures d'accessibilité mises en oeuvre.
La sixième recommandation est d'accroître la formation initiale et continue des personnels de l'Éducation nationale à la prise en charge des ESH. Il faut mettre en place, à leur bénéfice, un accompagnement ponctuel et adapté, via le déploiement en nombre suffisant de référents ou de conseillers handicap à l'échelle de chaque académie. Pour que les enseignants puissent s'adapter, ils doivent être mieux formés. Ils n'ont pas forcément la culture et les clefs pour adapter leur pédagogie. Un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) souligne qu'il y a plus de notification d'AESH quand les enseignants sont âgés de plus de 35 ans. Les nouvelles générations sont en fait plus habituées à s'occuper de ces enfants, et les professeurs les plus âgés déclenchent plus souvent la demande de notification. Il faut donc adapter la pédagogie. Il faudrait établir un corps spécialisé de conseillers, pour définir les adaptations nécessaires. Un simple référent handicap par établissement n'est pas forcément la meilleure idée : il faut avant tout être conseillé par un spécialiste de la question.
La septième recommandation est de renforcer les outils d'analyse et de gestion de l'Éducation nationale en améliorant le guide d'évaluation des besoins, dit GEVA-sco, pour permettre une analyse plus qualitative des besoins de l'élève dans son environnement scolaire, préalable nécessaire à une demande de compensation. Il faut avant tout évaluer les besoins, pour mieux justifier la demande de compensation.
Il faut aussi faire des pôles inclusifs d'accompagnement localisé (Pial) non pas seulement un outil de gestion administrative des ressources humaines, mais aussi un levier de pilotage stratégique au service de la qualité de l'accompagnement des ESH. Les Pial sont mis en place au sein de chaque département, afin de suivre la gestion des AESH. Depuis leur instauration, nous constatons moins de recours et de contentieux ; les Pial ont mieux répondu aux besoins, mais ils sont aussi responsables du fait que l'État ne respecte plus les prescriptions des MDPH. Les parents ont moins tendance à faire des recours, mais la réponse n'est pas toujours adaptée. Les Pial sont concentrés sur l'affectation des AESH, et ne peuvent assurer l'accompagnement et la formation des AESH, alors que c'est là l'un des gages de la réussite. Cela reste un point faible du système. Il faut aussi redimensionner la taille des Pial en fonction du contexte local : ceux qui fonctionnent le mieux sont ceux qui restent à taille humaine et constituent une véritable porte d'entrée pour les familles, qui devraient plus se concentrer sur une approche qualitative d'accompagnement que d'affection des AESH.
La huitième recommandation est d'expérimenter la possibilité, pour les équipes de suivi de la scolarisation (ESS), d'adresser à la MDPH une contre-proposition si les modalités de l'aide ne leur paraissent pas répondre aux besoins de l'ESH dans son environnement scolaire ; charge ensuite à la MDPH de valider ou non cette contre-proposition.
Ce point est important. L'idée circule qu'il faudrait que l'Éducation nationale reprenne la main sur la prescription, la laissant décider. Aujourd'hui, la MDPH crée un droit, tandis que l'Éducation nationale est l'opérateur-payeur, ce qui n'est pas très responsabilisant. Cependant, l'idée de confier à l'Éducation nationale la prescription pourrait conduire à la faire gérer des moyens sans mettre au coeur de son action les besoins de l'enfant. Il nous semble donc important de garder une distinction entre prescription et mise en oeuvre des mesures ; toutefois, il faut aussi laisser une capacité d'adaptation à l'Éducation nationale.
Prenons un exemple : un ESH moteur aura besoin d'un AESH pour se rendre aux toilettes ou pour assurer une prise de notes. Si deux ESH moteurs se retrouvent dans la même classe, un seul AESH pourrait suffire pour accompagner les deux enfants ; or les notifications sont faites sans connaître l'affectation dans les classes.
Je propose donc une forme de compromis : nous préservons la distinction entre prescripteur et opérateur, mais donnons la possibilité à l'opérateur de faire une contre-proposition. Nous pourrions faire une expérimentation dans quelques départements, puis envisager une généralisation.
La huitième recommandation propose aussi de systématiser, au bénéfice des MDPH, un retour sur la mise en oeuvre de leurs prescriptions d'aide humaine, dans un souci de partage de l'information entre prescripteur et opérateur, ainsi que d'évaluation des mesures prises. Un retour de l'Éducation nationale auprès de la MDPH et au sein d'une réunion élargie avec familles et élus serait le bienvenu, pour mieux suivre les mesures. Aujourd'hui, le prescripteur n'a jamais de retour sur ses prescriptions. Cela demande des moyens d'évaluation.
Enfin il faut réaffirmer l'obligation de mise en oeuvre, par l'Éducation nationale, des mesures prescrites par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Sinon, l'Éducation nationale doit proposer une autre organisation.
La neuvième recommandation est d'accroître l'offre médico-sociale, en augmentant les capacités d'accueil en établissement et service social et médico-social (ESSMS) et le nombre de professionnels médico-sociaux dans les territoires sous dotés. Dans certains départements, le nombre d'enfants en liste d'attente est supérieur au nombre total de places disponibles. Moins le nombre de places d'accueil en secteur médico-social est grand, plus le nombre de demandes de notification augmente : il existe un effet de report vers l'Éducation nationale.
Il faut aussi « faire entrer le médico-social à l'école » : les ESH doivent pouvoir bénéficier d'un accompagnement médico-social au sein même de l'école. Il faut éviter les trajets en taxi et faire en sorte que les enfants ne manquent pas des cours à cause de rendez-vous médicaux.
Il faut favoriser les échanges et les formations conjointes entre les enseignants, les AESH et les professionnels médico-sociaux pour « faire culture commune », et favoriser l'installation de plateaux techniques médico-sociaux dans les établissements scolaires, en profitant de l'actuelle baisse de la démographie scolaire, pour libérer des locaux, et de la construction de nouveaux établissements.
Il faut également déployer les dispositifs dits « intégrés », du type équipe mobile d'appui à la scolarisation ou pôle conseil médico-social, exerçant une fonction ressource auprès des professionnels de l'Éducation nationale ; c'est une des mesures des plus efficaces pour accompagner les enseignants.
Il faut enfin développer les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Des annonces ont été faites la semaine dernière. Nous avons besoin de places dans ce dispositif Ulis, notamment dans les Ulis à besoin spécifique. Le besoin est important, à tous les niveaux.
La dixième recommandation consiste, par une initiative législative, à faire reprendre en charge par l'État, au titre de la solidarité nationale, le financement des dépenses d'accompagnement humain des ESH sur le temps méridien, au nom du principe, en vigueur jusqu'à la récente jurisprudence du Conseil d'État, de la responsabilité de l'État en matière d'inclusion scolaire et de tout ce qui y concourt.
La décision du Conseil d'État de novembre 2020, à l'encontre de l'esprit des lois de 2005 et 2013, est venue bouleverser l'organisation des AESH. Tandis que l'État est responsable du temps scolaire, les collectivités deviennent désormais responsables pour le temps méridien. Or tout ce qui recourt à l'inclusion scolaire relève de la responsabilité de l'État. Jusqu'à présent, l'État prenait la charge de l'accompagnement pendant le temps de la restauration scolaire. Aujourd'hui, la nouvelle jurisprudence fait foi. Il faudra sûrement y revenir par la voie législative. Si nous allions au bout de la logique du Conseil d'État, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) devraient être rémunérés par l'État ! Ce sujet est très important, il a défrayé la chronique. Certaines prises en charge sont très difficiles, notamment dans l'enseignement privé.
La onzième recommandation est de développer, en l'état actuel du droit, les subventions d'ores et déjà accordées par certaines caisses d'allocations familiales (CAF) aux collectivités territoriales. Nous avons auditionné les CAF, des solutions existent pour accompagner les communes.
Concernant l'enseignement privé, il faut ouvrir en urgence un processus de discussion entre le ministère de l'Éducation nationale et les représentants de l'enseignement privé et des collectivités locales, afin de proposer des solutions efficientes à droit constant.
Dans la note du ministère du 4 janvier 2023, qui pose le principe d'un contrat unique, faisant que l'État conserve la responsabilité de l'accompagnement lors du temps méridien, les discussions avec l'enseignement privé sont prévues ; or elles n'ont pas débuté. Juridiquement, le forfait scolaire ne peut être utilisé pour le temps méridien. Il faut donc soit faire payer les familles - 5 000 euros par an, ce n'est pas envisageable - soit augmenter le coût des repas pour tous les élèves. On constate ainsi un effet d'éviction vers le public : le privé ne peut plus payer, et l'on risque un engorgement du public. Le ministère continue à payer, en attendant de trouver des solutions. L'État demande aux communes de payer dans le public, mais paye encore pour le privé. De plus, la décision du Conseil d'État n'a pas été appliquée dans le secondaire. Il faudra régler la question le plus rapidement possible.
La douzième recommandation est de systématiser la préconisation, par les MDPH, du besoin ou non d'aide humaine sur le temps méridien des ESH, afin d'éclairer la décision des collectivités territoriales et des établissements scolaires privés sous contrat, désormais responsables de sa mise en oeuvre, et de garantir une continuité de la prise en charge sur les différents temps de la journée de l'enfant. Entre 10 et 15 % des ESH ont besoin de leur AESH sur le temps méridien. Le maire a besoin d'un avis d'expert. Nous demandons non qu'une prescription, mais qu'une préconisation systématique soit faite à la collectivité.
La treizième recommandation est de sensibiliser les opérateurs de services ou d'activités périscolaires à l'accessibilité de ces derniers, qui relève de leur responsabilité. Les collectivités ont aussi une responsabilité en matière d'accessibilité des équipements.
La quatorzième recommandation est d'acter le principe de la prise en charge, par la commune de résidence de l'enfant scolarisé au sein d'un dispositif Ulis situé dans une autre commune, des personnels dédiés à son accompagnement sur le temps périscolaire. Cette difficulté a été créée par la décision du Conseil d'État. En milieu rural, le forfait scolaire peut être facturé à la commune d'origine, car il s'agit bien d'une affectation. En revanche, sur le temps périscolaire, il n'existe aucune obligation juridique qui permette de facturer la dépense de personnels à la commune de résidence. Certaines communes disent aujourd'hui vouloir se désengager de dispositifs Ulis, car elles supportent des charges trop importantes, pour des élèves qui n'y résident pas. Il faut des adaptations réglementaires.
La quinzième recommandation est de développer les partenariats entre les MDPH et les services publics territoriaux, comme les maisons France Services (MFS), afin que, dans chaque département, les familles puissent bénéficier d'un accompagnement de proximité aux procédures administratives relatives au handicap. Monter les dossiers est très lourd, notamment pour certaines familles. Les MFS pourraient aller plus loin dans leur mission d'accompagnement, en offrant un accompagnement de proximité pour ces procédures.
La seizième recommandation est de systématiser, au moins une fois par trimestre, la tenue d'une réunion entre l'équipe pédagogique, l'AESH, les parents et, le cas échéant, l'éducateur de l'enfant. Le contact direct entre l'AESH et les familles est officiellement interdit. L'AESH est sous la responsabilité directe de l'Éducation nationale ou de l'enseignant. Dans certains cas, cela pose problème. Souvent, une rencontre est réalisée en début d'année. Il faudrait plus de contact avec l'équipe pédagogique, au complet, c'est-à-dire en y incluant les AESH.
J'en viens au métier d'AESH. Nous comptons 125 000 AESH en 2022, probablement 135 000 en 2023, 90 % sont des femmes, 33 % ont entre 40 et 50 ans, 80 % sont en CDD et 98 % à temps incomplet. Les profils des AED sont très différents - ce sont des jeunes, des étudiants -, tout comme leurs objectifs de professionnalisation.
Il y a trois voies de recrutement pour recruter un AESH : soit il est titulaire du baccalauréat, soit il a une expérience professionnelle d'au moins neuf mois dans l'accompagnement de personnes en situation de handicap, soit il est titulaire d'un diplôme ou d'un titre de niveau IV, par exemple en petite enfance - et je ne parle pas du système D, qui est une réalité pour recruter.
La dix-septième recommandation est de charger la direction de l'évaluation, de la perspective et de la performance (Depp) du ministère de l'Éducation nationale d'un suivi qualitatif, local et national de la population des AESH et de la mise en place d'indicateurs, préalables à une évaluation de la performance de la politique publique en faveur de l'accompagnement humain des ESH. J'ai été très surpris : la Depp ne dispose d'absolument aucun chiffre de suivi. Nous n'avons senti aucune appétence pour établir de nouveaux outils de suivi, alors que, avec un corps de 125 000 personnes, cela serait une évidence.
La dix-huitième recommandation est de mettre en place un service de remplacement des AESH pour garantir la continuité de la prise en charge des ESH. La difficulté est grande. Quand un AESH est absent, le service se dégrade, et parfois les élèves sont déscolarisés. Les situations peuvent être très difficiles, pour les familles comme pour les enseignants.
La dix-neuvième recommandation consiste à mettre en place, au bénéfice des AESH, premièrement une formation initiale avant la prise de poste, qui reposerait sur des cycles de formation trimestriels et aurait lieu en dehors du temps de prise en charge des ESH, deuxièmement, une formation continue permettant aux AESH d'acquérir des compétences adaptées et spécialisées en fonction des besoins.
Cela est essentiel. Des AESH sont envoyés dans les classes sans aucune formation. Les premières formations sont mises en place seulement à partir de décembre. Des personnes interviennent donc sans formation pendant quatre ou cinq mois, parfois pendant une année entière. Nous demandons au minimum une formation initiale d'une semaine avant la prise de poste, sur le temps des vacances.
La vingtième recommandation est d'accompagner et d'intégrer les AESH en exercice, en revalorisant la mission d'appui et de soutien des AESH référents, en prévoyant leur accompagnement personnalisé par des référents ou conseillers handicap déployés à l'échelle de chaque académie et en systématisant l'intégration des AESH au sein des équipes pédagogiques et leur participation aux équipes de suivi de la scolarisation (ESS).
M. Jacques Grosperrin. - Nous sentons votre enthousiasme, au sein de cette présentation très brillante. Votre travail est très complet. Vous l'avez concentré sur l'accessibilité et la compensation, distinction dont vous avez su montrer l'importance. L'État et l'école ne peuvent s'exonérer de leurs responsabilités. La loi de 2005 doit être citée : l'accessibilité à l'éducation est un droit fondamental. La logique de compensation est plus quantitative que qualitative aujourd'hui, il faut y remédier.
Vos recommandations sur la gouvernance et la responsabilité de l'Éducation nationale sont essentielles. Nous ne pouvons accepter les ruptures de prises en charge. Quelle stupeur quand on constate que l'Éducation nationale continue de payer pour ne pas créer de problème dans l'enseignement privé ! Il faut régler cette difficulté, pour arrêter de faire subir une telle violence aux familles, mais aussi parce que la France est très endettée.
Les Pial semblent ne pas favoriser des mesures individualisées. Notre collègue Sabine Drexler l'évoquera.
Face aux enjeux de l'inclusion, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) ne devraient-ils pas plus impliquer les maires ? Les difficultés des communes sont mal comprises.
La note du 4 janvier 2023 du ministère de l'Éducation nationale à l'attention des recteurs évoquait une convention avec les collectivités territoriales pour assurer un meilleur accompagnement des collectivités pendant le temps périscolaire. Pouvez-vous revenir sur ce point ? L'État ne peut se dédouaner.
Mme Sylvie Robert. - Je remercie et félicite Cédric Vial, en mon nom et au nom de Marie-Pierre Monier, dont vous avez repris, complété et enrichi les propositions grâce à vos auditions. Vous avez privilégié l'approche qualitative. Nous regrettons que le sujet de la rémunération n'ait pu être abordé, alors qu'elle sous-tend la question essentielle de l'attractivité.
Les recommandations vont dans le bon sens, comme celle sur le référentiel national, car les disparités sont immenses dans notre pays. La dixième recommandation, liée à la jurisprudence du Conseil d'État, est excellente. La rupture sur une journée de prise en charge est très compliquée. Vos recommandations sur la formation initiale et continue sont très positives.
Il faut prendre la quatrième recommandation, qui propose de moduler les prescriptions à partir d'une analyse préalable des besoins pour accompagner l'enfant vers l'autonomie, avec beaucoup de discernement. Beaucoup d'enfants n'iront pas vers l'autonomie - mais vous l'avez précisé.
Je termine par les Pial. Leur obsession est celle de la gestion des affectations. L'accompagnement est mis au second plan. Aujourd'hui, la dimension qualitative n'est pas prise en charge. L'organisation actuelle est souvent en contradiction complète avec l'esprit de vos recommandations.
Mme Céline Brulin. - Quand j'ai vu le champ ciblé de cette mission, j'étais perplexe, mais vous en tirez des recommandations nombreuses et très fortes : bravo !
La distinction entre accessibilité et compensation amène à réfléchir, les débouchés seront très intéressants. J'apprécie aussi vos recommandations sur les Pial ou la formation - je suis effarée par le fait qu'il n'y ait aucune formation au cours du premier trimestre d'exercice. Toutes vos recommandations sont très utiles.
Être AESH est un métier. C'est ubuesque que la Depp ne soit pas en mesure de suivre l'ensemble de ce corps ! Les évolutions récentes font penser que les AESH peuvent répondre à tout. Or on ne crée plus de places dans le domaine médico-social. Il faut par ailleurs des métiers dans l'Education nationale pour coordonner les différents acteurs de l'inclusion. Tous ces métiers aujourd'hui, qui ne sont pas de l'enseignement pur, disparaissent au sein des écoles. Dans mon département, trois postes au sein des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) sont supprimés. Il faut professionnaliser le métier des AESH, mais il faut aussi les intégrer dans un dispositif plus vaste, avec d'autres acteurs constituant l'équipe pédagogique.
Mme Annick Billon. - Les auditions, nombreuses, furent de grande qualité, allant bien au-delà d'une mission « flash ». Ce travail était nécessaire, malgré le vote récent de la proposition de loi visant à lutter contre la précarisation des AESH. Il la complète utilement.
La question posée est celle du rôle des AESH : est-ce d'accompagner l'enfant en permanence, ou de l'accompagner aussi vers plus d'autonomie ? L'école doit aussi s'adapter : or l'on constate des barrières à l'inclusion. Tout repose sur les AESH, sans qu'ils aient les outils à disposition pour remplir leurs missions. L'école doit apprendre à se transformer pour plus d'accessibilité. Il faut aussi encourager la participation aux activités périscolaires. Les différentes lois que vous avez citées ont encouragé des évolutions, mais l'inclusion n'est pas complète. L'aide humaine n'est pas synonyme d'inclusion systématique.
Le groupe de l'Union centriste souscrit à toutes vos premières propositions, par exemple sur le référentiel commun. Nous ne pouvons pas accepter les disparités entre départements. En outre, les handicaps sont nombreux, il faut des équipes pluridisciplinaires pour les évaluer.
L'Éducation nationale doit aussi prendre ses responsabilités, d'abord pour accompagner cette profession, qui constitue en nombre son deuxième métier, ensuite pour rendre accessibles ses bâtiments comme sa pédagogie.
La coopération avec le secteur médico-social fait sens, car nous voulons toujours tout mettre dans des cases et travailler en silo. Il faut coordonner toutes les compétences, pour un suivi dans la durée. L'exemple du centre Léo Lagrange à La Seyne-sur-Mer est probant : l'institut médico-éducatif (IME) se trouve au sein même de l'école, ce qui rend l'accompagnement plus facile.
Le temps méridien et périscolaire est crucial : il faut une prise en charge égale, quels que soient les moyens des collectivités.
La quinzième et la seizième recommandation relèvent aussi du bon sens.
Il n'y aura pas de professionnalisation sans formation - et sans meilleure rémunération. Formation initiale, formation continue et rémunération, voilà le triptyque gagnant de l'attractivité de ce métier.
L'Éducation nationale doit prendre ses responsabilités, dans l'intérêt de l'enfant, des enseignants et des familles.
M. Bernard Fialaire. - Je vous adresse mes félicitations pour ce travail de grande qualité, très précis.
Le manque de place dans les IME crée des bascules vers l'Éducation nationale, qui mettent en souffrance les AESH et les élèves, en fait toute la classe. La CNSA doit définir des critères nationaux, ce qui permettra entre autres de structurer et d'harmoniser la formation des AESH. Je ne peux que rappeler qu'il faudrait fusionner la médecine scolaire et la protection maternelle et infantile (PMI). Il y va de la cohérence de notre action.
Enfin, qu'en est-il de la convention attendue pour la fin mars entre l'Éducation nationale et l'enseignement privé catholique ? La question des moyens sera-t-elle abordée ?
M. Olivier Paccaud. - Je souhaite m'arrêter sur la neuvième recommandation, pour évoquer les troubles du comportement. Depuis cinq ans, nous avons changé de doctrine dans les écoles. Depuis 2005, les handicaps pris en compte étaient les handicaps moteurs, sensoriels et cognitifs. Or depuis 2017 et 2018, nous intégrons massivement des enfants qui présentent des troubles du comportement. Il manque des places en IME. Ces enfants sont souvent très malheureux dans les classes, et ils rendent les AESH, les enseignants et les autres élèves très malheureux aussi. J'ai des exemples d'élèves qui frappent et insultent leurs AESH et leurs enseignants. Combien de ces élèves sont exclus de la classe, installés dans le bureau de la directrice, parce qu'il n'y a pas d'autres solutions pour avoir une classe sereine ?
Il faut se pencher sur la question. Les professeurs ne sont pas des éducateurs spécialisés ; les AESH ne le sont pas non plus : l'inclusion atteint là ses limites. Je ne veux toutefois pas que l'on mésinterprète mes propos : je ne veux pas exclure ces enfants du système éducatif. Pour résumer, il faut aller plus loin sur la neuvième recommandation.
Mme Béatrice Gosselin. - On a décidé d'encourager l'inclusion depuis vingt ans, mais sans y mettre les moyens. Les AESH viennent boucher les trous. L'AESH doit être partie prenante au sein de l'Education nationale. Sans formation initiale et continue, jamais ils ne pourront aider tous les enfants. Les troubles du comportement de certains enfants mettent en difficulté tout le monde. Certaines situations sont ingérables. Inclure tout type de handicap dans l'école mérite une réflexion bien plus poussée.
Les Dasen disent bien que les prescriptions de la MDPH ne peuvent être suivies par manque de personnels. Le défaut de coordination est patent. Les professionnels du secteur médico-social devraient aussi entrer dans l'école. On manque d'orthophonistes, d'ergothérapeutes, de psychologues. Mettons-nous autour de la table et brisons les tabous. Un travail collectif entre médico-social et Éducation nationale est absolument nécessaire.
Mme Laure Darcos. - Je remercie Cédric Vial car ses auditions ont permis de mettre face à leurs responsabilités aussi bien les MDPH que l'Éducation nationale.
Je suis émue par les propos d'Olivier Paccaud. Au moment de l'examen du texte sur l'école de la confiance, j'avais proposé un amendement qui allait dans le même sens. Le Gouvernement était en train de faire tomber l'inclusion : par manque de place en IME, on mettait tous les enfants dans les classes classiques. Cet amendement a déchaîné les associations sur le sujet, notamment celles de parents d'enfants autistes. Je demandais que l'on constate une progression pédagogique de l'élève pour une intégration dans le système pédagogique classique. Des parents m'ont dit que j'allais contre les droits constitutionnels de leurs enfants. Il a fallu que je retire mon amendement en m'excusant auprès des associations.
Nous avons distribué des ordinateurs à tous les élèves des classes de sixième. À aucun moment, nous n'avons pensé à donner un ordinateur aux AESH, quand bien même des classes Ulis se créent encore. On m'a répondu que la MDPH devait prendre en charge cette distribution d'ordinateurs. Il est trop facile de dire que l'AESH est seulement un accompagnant physique de l'élève. Par exemple, un AESH devrait pouvoir préparer les exercices adaptés pour les dyslexiques à la maison, grâce à un ordinateur. Je ne pense pas qu'il faille créer un nouveau corps des AESH, mais il faut encore créer des passerelles pour que ceux-ci soient mieux intégrés.
Concernant les conventions avec les collectivités pour le temps méridien et périscolaire, nous pourrions aller plus loin. Les élus sont inquiets. Devront-ils assumer, par exemple, le coût des sorties à la piscine ? Le sujet est tabou, chacun se refile « la patate chaude ».
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je vous remercie pour ce travail, qui offrira des réponses aux collectivités. Je suis très sensible à la dixième recommandation, qui fait reprendre à l'État la prise en charge de l'accompagnement durant la pause méridienne.
Il est des activités sur le temps périscolaire qui relèvent aussi de la prérogative de l'Éducation nationale, comme c'est le cas pour les classes musique à horaires aménagés dans les conservatoires. Le flou juridique fait que l'on renvoie le sujet aux collectivités ; les conservatoires sont financés à 80 % par les collectivités territoriales, la barre est déjà haute. Au nom des droits culturels, l'État doit prendre sa part. Notre commission a produit un rapport sur la culture et le handicap, rapport qui souligne les efforts à faire.
Développer un véritable métier et une véritable filière des AESH est nécessaire, avec une reconnaissance réelle du métier - il en va de même pour nos enseignants. Ce n'est qu'ainsi que nous réglerons le problème des remplacements.
Mme Sonia de La Provôté. - On a oublié le principe de l'individualisation de la prise en charge. Il faut se poser les questions de l'amont. La MDPH fait des préconisations et demande des parcours individualisés. Or on a fait disparaître les classes dans les établissements spécialisés, qui permettent souvent de très bonnes transitions. L'Éducation nationale s'est désengagée, au prétexte de l'inclusion systématique. On a aussi fait disparaître les Ulis spécialisées, au prétexte qu'elles n'étaient pas inclusives au regard de l'ensemble des handicaps. Il faut donc des moyens : des classes dans les établissements spécialisés, des Ulis spécialisées et des dépistages des handicaps, alors qu'il n'existe presque plus de médecine scolaire.
Les enseignants doivent aussi être mieux formés. La situation s'est même aggravée. Les enseignants plus jeunes sont plus en capacité de prendre en compte l'ESH dans la classe, mais les enseignants ont besoin de formation spécifique. Ils sont souvent en difficulté par méconnaissance du handicap et de son écosystème.
Faute de places, faute de disposer du panel complet d'outils, on a étiqueté des enfants comme handicapés, alors la situation de certains enfants relève de problématiques purement sociales.
Mme Elsa Schalck. - L'approche qualitative est essentielle. Vous avez rappelé la nécessité de retenir comme centrale la notion de l'intérêt de l'enfant.
Nous avons interpellé l'État sur le temps périscolaire. L'une des conséquences premières est la rupture de prise en charge et un accompagnement très aléatoire des familles, et donc des enfants. C'est la clef de votre proposition d'intervention législative, avec votre dixième recommandation, approche que nous appelons tous de nos voeux. L'État doit prendre à nouveau ses responsabilités.
Qu'en est-il de la convention avec l'enseignement privé ? Nous l'attendons depuis longtemps.
Mme Sabine Drexler. - Il y a trente minutes, j'ai reçu un mail d'une ancienne collègue enseignante, à propos d'une petite fille trisomique appelée Anna, âgée de 12 ans, scolarisée dans son village, qui a un niveau CM2 en français et CM1 en mathématiques, notamment grâce à l'accompagnement individualisé de son AESH. Elle doit aller en septembre au collège, grande structure située à 15 kilomètres de son domicile, dans un environnement inconnu. Un AESH individuel a été demandé. Il lui a été refusé, au prétexte que seuls des AESH collectifs exercent dans les Ulis des collèges. Voilà un exemple de gâchis qui s'annonce. On risque de perdre cette petite fille, qui a un potentiel important : si elle est bien accompagnée, elle pourrait devenir une adulte autonome. Il faut écouter davantage les équipes éducatives et donner plus de moyens humains.
Comme ancienne enseignante spécialisée pour des élèves présentant des troubles du comportement, je suis sensible aux propos d'Olivier Paccaud et je dénonce le fait qu'il n'y a plus de psychologues scolaires pour évaluer les situations de suspicion de handicap. Les enseignants se retrouvent vraiment seuls.
Je vous félicite pour votre travail, qui j'espère sera très largement diffusé et entendu.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Le problème vient bien de l'amont, dès l'affectation, notamment en matière de prise en compte des besoins individuels des enfants. Il y a bien des handicaps, non un seul. La compensation est devenue une forme de fuite en avant. La présence d'un AESH ne règle pas tout. Il faut être plus précis dans la compensation.
La CNSA devrait réfléchir à ce référentiel pour mieux prendre en charge les différents handicaps. Je suis très surpris qu'il ne faille pas toujours de certificat médical pour faire reconnaître un handicap. Par exemple, le département de la Seine-Saint-Denis reconnaît le handicap social, qui ne fait l'objet d'aucun certificat médical. La MDPH prescrit et l'Éducation nationale doit prendre des mesures d'accompagnement. Il nous faut des critères précis et nationaux.
Les parents ont souvent conscience de la fragilité de leur enfant, moins de sa capacité à être autonome. Il faut donc viser non pas l'autonomie, mais plus d'autonomie. L'AESH ne peut être une béquille permanente. L'autonomie doit être rappelée comme objectif à atteindre pour certains enfants ; il faut en convaincre les familles.
La concertation avec les maires est indispensable. Avoir des élus au sein de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) n'est pas forcément pertinent. Il faudrait plutôt des retours annuels entre les Dasen et les maires, et associer les élus aux comptes rendus de suivi.
Concernant la rémunération des AESH, je rappelle qu'ils interviennent 36 semaines et sont rémunérés 41, voire 45 semaines en fonction des temps de formation et de préparation, qui ne sont pas forcément utilisés. Les formations doivent se faire sur des temps hors accompagnement. Cela permettrait d'instaurer des rémunérations complémentaires.
L'inclusion ne doit pas devenir une forme d'exclusion au sein de la classe. Un enfant qui est accompagné par un AESH six heures par semaine se retrouve en fait seul à son bureau pendant dix-huit de classe, éloigné de ses camarades. L'enfant doit être le plus entouré possible par les autres élèves. L'AESH ne peut devenir un paravent entre l'institution et l'enfant, l'enseignant doit aussi s'occuper de chacun. La dérive vient du fait que nous avons pensé que, une fois qu'il y avait un AESH, le problème était réglé.
La baisse du nombre de places en IME et dans le secteur médico-social en général a des conséquences néfastes. Un IME peut être une solution, mais nous devons aussi imaginer des dispositifs mixtes. Il nous faut toute la palette d'outils à disposition. N'abandonnons pas complètement une solution pour une autre. Et comme dans tous les secteurs, on manque de professionnels dans celui du médico-social.
Sur la convention avec l'enseignement privé, il n'y a pour le moment aucun contact. Les discussions n'ont pas débuté.
On constate que certaines MDPH notifient simplement ce que les familles demandent, par peur des recours : c'est un problème. Il faut être en mesure d'argumenter : on évitera des contentieux grâce à plus de pédagogie.
Il est possible d'utiliser un AESH pour des sorties scolaires. Cependant se posent des problèmes de disponibilité des AESH. Il y a va donc d'une gestion fine au sein des établissements et des Pial.
Je ne me suis pas penché plus en détail sur le temps périscolaire, moins concerné par le renversement de jurisprudence que le temps méridien. La question demeure néanmoins floue, notamment pour le mercredi après-midi. Des AESH pourraient avoir de nouvelles missions d'accompagnement à vocation culturelle.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je parlais précisément des horaires aménagés pour les classes de musique au sein des conservatoires, ce qui est au coeur des missions de l'Education nationale.
M. Cédric Vial, rapporteur. - Effectivement, les AESH pourraient accompagner des ESH dans les conservatoires. Mais les AESH assurent-ils un accompagnement à la scolarité ou au handicap pendant le temps de la scolarité ? Telle est la question que j'ai posée à tous les acteurs, sans obtenir de réponse tranchée. Cela a des implications importantes en matière d'ouverture des missions des AESH. C'est sûrement une clef pour construire un vrai métier et une véritable filière, avec des temps de travail plus importants, et donc plus rémunérateurs.
En matière législative, nous ne pouvons pas laisser la jurisprudence faire la loi. Une jurisprudence est venue renverser l'intention du législateur affirmée en 2005 et 2013 ; le système fonctionnait pourtant depuis vingt ans. Aujourd'hui, nous devons gérer des problèmes créés par cette jurisprudence. Malgré mon respect pour le Conseil d'État, je pense qu'il a manqué de jugement pour prendre une telle décision. Certaines pathologies ou certains handicaps sont très sensibles au changement d'intervenant : cette jurisprudence met tout le monde en difficulté.
On voudrait tout inclure dans la formation des enseignants. Nous irons plus vite grâce à l'accompagnement, plus efficace. Le jour où un enseignant est confronté à une problématique particulière, un conseiller handicap pourrait s'intéresser à la situation donnée de manière pragmatique. La formation initiale et continue serait sûrement trop générale. L'accompagnement est aussi la clef de la qualité.
M. Laurent Lafon, président. - Nous passons maintenant au vote.
Les recommandations sont adoptées.
La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.