B. ÉTUDIER N'EST PAS CAUTIONNER, ENCADRER N'EST PAS TOLÉRER, PARER À TOUTE ÉVENTUALITÉ N'EST PAS L'APPELER DE SES VoeUX
Ces réserves de principe ayant été exprimées, la mission d'information sur la « viande in vitro » a privilégié une approche dépassionnée et sans a priori des aliments cellulaires. Cela n'allait pas de soi s'agissant d'un sujet qui déclenche aussi facilement et fortement les passions, et qui touche à nos représentations culturelles ainsi qu'à notre identité.
La mission d'information s'est donc efforcée de mettre de côté toute idée préconçue le temps d'une quarantaine d'auditions et de deux déplacements, afin de réfléchir en tant que législateur et non en tant que consommateur. Il lui a semblé que c'était avec cet état d'esprit que ses travaux pourraient au mieux éclairer le législateur, les autorités réglementaires et les citoyens.
L'intérêt de cette démarche est, du reste, qu'une critique ne vise jamais aussi juste que lorsqu'elle est appuyée sur des faits, plutôt que sur des semi-vérités ou des approximations.
La mission n'a toutefois pas estimé que le rôle de ce rapport était de se positionner pour ou contre les aliments cellulaires, puisque malheureusement la décision de l'autoriser ou non ne relève pas, dans l'état actuel du droit, des États membres, et encore moins du Parlement.
Plutôt que de se contenter de dresser un réquisitoire contre les aliments cellulaires, ce qui aurait été une solution de facilité, elle a souhaité analyser sérieusement les arguments avancés par les promoteurs de la viande cellulaire en étudiant les perspectives de développement des aliments cellulaires et leurs conséquences potentielles, négatives aussi bien que positives, au regard d'objectifs identifiés comme stratégiques pour la société, aujourd'hui et demain : la création de richesses, l'autonomie protéique, la souveraineté alimentaire, une alimentation accessible et de qualité, la santé, la nutrition, ou encore le climat et la gestion de l'eau.
Il en est ressorti que l'état de nos connaissances restait assez limité, en raison du manque de données probantes, et que la recherche devait être encouragée, pour mieux appréhender cette technologie aux effets potentiellement très importants.
La mission a également conclu que la pire des issues serait celle qui prévaut actuellement de façon hypocrite pour les organismes génétiquement modifiés, pour lesquels la France et l'Europe ont fait preuve d'une naïveté coupable en s'interdisant la production tout en autorisant les importations.
Si le produit devait rester interdit, il faudrait s'assurer que les importations soient strictement impossibles ; s'il devait être autorisé, la France risquerait de tomber dans une dépendance technologique grave à l'égard de grandes entreprises étrangères en s'interdisant de s'emparer du sujet.
À cet égard, le projet de loi présenté par le gouvernement italien de Giorgia Meloni5(*) le 28 mars 2023, tendant à interdire la commercialisation sur le marché national, ne semble pas pouvoir être un modèle à suivre. En effet, les interdictions prévues à l'article 2 du projet de loi ne s'appliqueront pas aux produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre de l'UE6(*).
En étudiant cette technologie et en proposant de lui donner, par anticipation, un cadre, la mission d'information n'a en aucune façon souhaité « accompagner », « accepter », « cautionner » ou même « tolérer » le marché des aliments cellulaires. Elle a bien davantage souhaité parer à toute éventualité, anticiper l'avenir et a, ce faisant, pleinement joué, il lui semble, son rôle d'éclairage de la représentation nationale.
* 5 Pas encore public lors de la rédaction de ce rapport, mais approuvé en conseil des ministres le 28 mars 2023, il est intitulé « Dispositions interdisant la production et la mise sur le marché de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux synthétiques ». https://www.governo.it/it/articolo/comunicato-stampa-del-consiglio-dei-ministri-n-26/22212
* 6 https://www.ilsole24ore.com/art/carne-sintetica-governo-vieta-produzione-ma-non-l-import-AE3pnyAD