N° 245
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 janvier 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) relatif aux perspectives de réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR),
Par M. Rémy POINTEREAU,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin, secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen.
L'ESSENTIEL
Plus de trois ans après avoir consacré un premier rapport à l'avenir des zones de revitalisation rurale (ZRR) conjointement avec la commission des finances1(*), la réflexion engagée par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la géographie prioritaire de la ruralité se poursuit.
La commission rappelle son attachement à ce zonage, créé il y a bientôt 30 ans, et le souhait de lui redonner toute sa force alors que son extinction doit intervenir le 31 décembre 2023. Dans la continuité des travaux de 2019, elle en souligne les limites actuelles (effets de seuils et maille d'application) qui fragilisent sa légitimité et son efficacité. C'est pourquoi elle a souhaité approfondir son expertise en s'appuyant sur une étude prospective pour permettre au Sénat de disposer de son propre diagnostic territorial et de formuler des propositions opérationnelles pour une réforme à venir.
Souhaitant mesurer plus concrètement la portée des propositions n° 3 et n° 4 du rapport adopté en 2019 qui relèvent de son champ de compétence, la commission s'est concentrée sur la problématique des critères et des modalités de classement. Plusieurs observations et axes d'évolution ont été présentés par Rémy Pointereau :
- le zonage ZRR rénové devrait déployer des critères nouveaux et plus nombreux qu'actuellement, afin de mieux cerner les fragilités des territoires ruraux ;
- ces critères pourraient être appliqués à la maille communale, et non plus à l'échelle des EPCI à fiscalité propre, pour mieux correspondre à la réalité des territoires ruraux. Cette évolution constituerait un changement de paradigme car, contrairement à ce qui est parfois mis en avant, les critères de classement en ZRR n'ont jamais, à ce jour, été appliqués à la maille des communes ;
- le nouveau zonage pourrait concerner un nombre cible d'environ 19 000 à 24 000 communes ;
- le zonage rénové gagnerait également à se déployer en 3 niveaux internes, afin de différencier les mesures de soutien en fonction des fragilités des communes ;
- le travail et la réflexion devraient se poursuivre dans un cadre collégial pour définir des règles de décision permettant de combiner les nouveaux critères identifiés, d'une part, et les dispositifs (fiscaux, sociaux et de politiques publiques) à adosser au zonage, d'autre part. Il serait donc opportun, en lien avec la commission des finances, d'approfondir la réflexion sur ce second volet.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission souhaite qu'une concertation étroite avec les associations d'élus locaux soit menée. Elle a, dans ces conditions, adopté le rapport d'information de Rémy Pointereau pour éclairer le débat.
I. LES ZRR : UN OUTIL INDISPENSABLE FACE AUX FRAGILITÉS DES TERRITOIRES RURAUX, MAIS QUI SOUFFRE D'IMPERFECTIONS QU'IL EST POSSIBLE DE CORRIGER
A. UN ZONAGE ESSENTIEL AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES RURAUX
Créées par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT) du 4 février 1995, les zones de revitalisation rurale (ZRR) concentrent les mesures d'aide des collectivités territoriales et de l'État au bénéfice des entreprises créatrices d'emplois et des professionnels de santé dans les zones rurales les plus fragiles du territoire2(*).
L'objectif des ZRR est de soutenir spécifiquement des parties du territoire progressivement vidées de leurs habitants et de leurs emplois par le phénomène de métropolisation, en comblant l'écart croissant de développement économique entre les métropoles et le reste du territoire national.
Alors que la baisse de la population dans les zones rurales risque d'accroître certaines difficultés d'accessibilité, notamment l'accès aux services publics courants et aux services de santé, la pertinence d'une approche différenciée des zones rurales s'est accentuée au cours de ces dernières années.
Au même titre qu'il existe une politique de la ville spécifiquement dédiée aux territoires urbains sensibles, les aides du dispositif ZRR doivent ainsi être considérées comme des mesures d'accompagnement de ces zones rurales, tout en s'inscrivant dans une logique plus globale de développement territorial, favorable aux habitants et aux entreprises.
Aujourd'hui, près de 21 000 communes sont concernées par au moins un de la dizaine de zonages existants ayant des champs d'application et des objectifs variés, détaillés dans le tableau ci-dessous. Parmi elles, plus de la moitié des communes du territoire métropolitain sont en ZRR. Le dispositif ZRR, avec 17 700 communes concernées, soit 51 % du nombre total de communes, est le plus étendu des zonages existants.
Synthèse des zonages existants et des exonérations associées
Source : Étude prospective à la
demande de la commission à partir du rapport d'information
« Sauver les zones de revitalisation rurale, un enjeu pour
2020 », 2019
Dans un contexte d'aggravation de la fracture territoriale, les élus sont ainsi fortement attachés à cet outil de soutien au développement des territoires ruraux, conçu comme un dispositif symbole d'équité territoriale qui ouvre droit :
o à des exonérations de fiscalité et à des allègements de cotisations patronales ;
o à des bonifications de dotations ;
o et à des politiques publiques d'attractivité spécifiques adaptées aux contraintes de ces territoires3(*).
Le nombre de communes classées en ZRR a augmenté de plus de 6 000 entre 1995 et 2022, principalement en raison de la prorogation du dispositif pour les communes qui auraient dû en sortir lors de la réforme en 2015.
Depuis la loi de finances rectificative pour 2015, les critères de classement en ZRR sont désormais examinés au seul échelon intercommunal et entraînent le classement de l'ensemble des communes de l'EPCI à fiscalité propre concerné.
Pour être classé en ZRR, depuis le 1er juillet 2017, un EPCI doit ainsi remplir deux critères cumulatifs :
· présenter une densité de population inférieure ou égale à la médiane des densités par EPCI ;
· présenter un revenu fiscal par unité de consommation médian inférieur ou égal à la médiane des revenus fiscaux médians.
Dans le prolongement de cette réforme, la loi de finances pour 2018 a créé une nouvelle condition de classement en ZRR : les EPCI à fiscalité propre qui connaissent un déclin de population depuis les quatre dernières décennies de 30 % ou plus sont classés en ZRR, à condition qu'ils se trouvent dans un arrondissement composé majoritairement de communes classées en ZRR et dont la population est supérieure à 70 % de l'arrondissement et qu'ils respectent le critère de revenu médian.
Seules les douze communes de l'EPCI de Decazeville Communauté (Aveyron) sont concernées par cette nouvelle condition.
Cependant, en raison des limites de cette réforme, son application est restée incomplète.
Les communes précédemment classées en ZRR et qui ne répondent plus aux critères de classement depuis la réforme de 2015, bénéficient du maintien des effets du classement en ZRR :
· pour les communes de montagne en application de l'article 7 de la loi « Montagne II » du 28 décembre 2016, introduit par un amendement adopté à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ;
· pour les autres communes en application de l'article 27 de la loi de finances initiales pour 2018, introduit par un amendement adopté par l'Assemblée nationale.
L'inclusion des communes dans le dispositif est donc le résultat d'une superposition de différentes règles d'éligibilité.
Pourtant, les communes classées en ZRR présentent en moyenne des traits distinctifs par rapport aux communes hors ZRR, qui sont détaillés dans l'encadré ci-dessous.
Malgré les limites du zonage actuel, qui est une superposition des dispositifs de 1995 et de 2015, les zones de revitalisation rurales intègrent donc bien, en moyenne, des communes rurales de taille réduite en difficulté économique.
Carte d'identité des ZRR aujourd'hui Une population significativement plus
âgée que celle située hors de ce dispositif, avec
une différence d'âge Une population également plus pauvre que celle du territoire national et un taux de chômage plus élevé Les communes classées en ZRR Enfin, l'activité agricole est plus
importante |
* 1 http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-041-notice.html
* 2 Depuis 2019, les communes d'outre-mer relèvent d'un autre régime, celui des zones franches d'activité nouvelle génération (ZFANG).
* 3 Pour plus d'informations sur les aides associées aux ZRR, se reporter à l'infographie ci-après.