AVANT-PROPOS
Mesdames, messieurs,
Le 15 février 2022, Willy Schraen, Président de la Fédération nationale des chasseurs, a déposé sur la plate-forme dédiée du Sénat une pétition qui vise à « la fin de la réduction fiscale pour les dons aux associations qui utilisent des moyens illégaux contre des activités légales ».
À la fin du mois de juin 2022, la pétition a dépassé le seuil des 100 000 signatures. La Conférence des présidents a décidé d'y donner suite en la renvoyant à la commission des finances.
La commission des finances a fait le choix de mettre en place une mission d'information « flash » sur les mécanismes de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.
La mission est menée par les sénateurs Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, et Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », au sein de la commission des finances.
Les rapporteurs ont réalisé 11 auditions entre juillet et octobre, et le présent rapport fait un bilan des dispositifs existants, et formulent des recommandations qui découlent de leurs travaux.
I. LES AVANTAGES FISCAUX POUR LES DONS AUX ASSOCIATIONS REPOSENT SUR UNE DOUBLE RELATION DE CONFIANCE
A. LA RÉDUCTION D'IMPÔT VISANT À ENCOURAGER LA GÉNÉROSITÉ PUBLIQUE DES PARTICULIERS REPRÉSENTE PLUS DE 1,7 MILLIARD D'EUROS
1. Les contribuables peuvent en particulier bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % du montant de leurs dons à des associations d'intérêt général
L'article 200 du code général des impôts prévoit que les contribuables domiciliés en France ont droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant des dons et versements à des associations, sous plusieurs conditions .
Premièrement, l'association doit être d'intérêt général, ce qui signifie que son activité est non lucrative, que sa gestion est désintéressée, et qu'elle ne bénéficie pas à un cercle restreint de personnes 3 ( * ) . L'absence d'activité lucrative est appréciée au regard de l'article 206 du code général des impôts.
Ensuite, l'activité de l'association doit relever de l'un des champs mentionnés au 2 bis de l'article 200 du CGI : elle doit avoir un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Par ailleurs, l'orientation politique ne fait pas obstacle à ce qu'une association réponde aux conditions de l'article 200 du code général des impôts, comme l'a décidé la Cour administrative d'appel de Versailles, dans une décision du 21 juin 2016 (n° 14VE01966) 4 ( * ) . La liste des catégories d'activité qui permettent l'éligibilité à la réduction d'impôt a peu évolué depuis les dernières décennies.
La réduction d'impôt s'impute sur l'impôt sur le revenu calculé par application du barème dans les conditions fixées à l'article 197 du code général des impôts. Elle ne peut pas excéder la limite de 20 % du revenu imposable. Si le contribuable n'a pas déclaré ses dons aux associations l'année de leur versement, il dispose de cinq ans pour le faire. Lorsque les dons excèdent la limite de 20 % du revenu imposable, il peut également reporter l'excédent sur les années suivantes, dans la limite de cinq ans.
D'autres dispositifs fiscaux existent pour encourager les dons aux associations.
L'article 238 bis du code général des impôts dispose que les entreprises peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés pour leurs dons versés à des organismes d'intérêt général, qui répondent aux mêmes conditions que celles énoncées dans l'article 200 du même code.
L'article 978 du code général des impôts
prévoit également que les contribuables peuvent
bénéficier d'une réduction d'impôt sur la fortune
immobilière (IFI) pour leurs dons aux organismes d'intérêt
général listés
au I. de l'article. La liste des
organismes éligibles pour cette réduction d'impôt est plus
restreinte que celle de l'article 200 du code général des
impôts, et vise prioritairement les organismes en lien avec la recherche
(Agence nationale de la recherche, fondations universitaires), ou en lien avec
l'emploi (ateliers et chantiers d'insertion, entreprises adaptées).
2. La réduction fiscale pour les dons des particuliers aux associations est la première « politique publique » en faveur des associations d'intérêt général
La réduction fiscale pour les dons aux associations d'intérêt général, codifié à l'article 200 du code général des impôts, est une dépense fiscale ancienne, qui date des débuts de la IV ème République. Elle a vocation à encourager les contribuables à s'impliquer dans le développement du tissu associatif, qui est l'une des pierres angulaires de la société civile . À cet égard, la réduction d'impôt de l'article 200 du code général des impôts fait figure de symbole, et le monde associatif a souvent rappelé aux rapporteurs son attachement au régime du mécénat.
Il existe également un dispositif similaire de réduction d'impôt sur la fortune immobilière pour les dons, ainsi qu'une réduction d'impôt pour les entreprises faisant du mécénat.
Au-delà de la dimension symbolique, les dons représentent une source majeure du financement des associations en France. En 2021, le montant des dons déclarés est évalué à 2,84 milliards d'euros. Ce montant est en augmentation de 1,9 % par rapport à 2020 5 ( * ) .
La réduction d'impôt pour les dons aux associations est ainsi une politique importante de soutien public au monde associatif. En 2022, le montant de la réduction d'impôt est estimé à 1,745 milliard d'euros . Le coût de la dépense fiscale est en augmentation depuis plusieurs années : il était de 1,620 milliard en 2021, et de 1,536 milliard en 2019 6 ( * ) .
La réduction fiscale pour les dons représente ainsi le principal soutien public pour les associations .
À cet égard, les représentants des associations, le Mouvement associatif et France générosités, ont souligné devant les rapporteurs leur inquiétude quant à la progression du montant des dons pour les années à venir . En effet, même si les dons sont en progression depuis plusieurs années, en parallèle le nombre de donateurs se réduit : en 2021, le nombre de foyers donateurs est évalué à 4,8 millions, contre 5,5 millions en 2015, ce qui représente une diminution de 14,5 %. Il est donc possible que la courbe finisse par s'inverser, et que le montant des dons suive une trajectoire descendante.
En conséquence, il convient d'être prudent lorsque l'on modifie les conditions ou les paramètres de la réduction fiscale prévue à l'article 200 du code général des impôts. Les rapporteurs ont cherché, dans cette mission, à trouver un équilibre entre la nécessité de préserver cette politique indispensable aux associations , et dans le même temps à répondre à l'attente légitime que les associations qui commettent des actes illégaux ne puissent pas bénéficier de ce soutien public .
* 3 Bulletin officiel des finances publiques : BOI-IR-RICI-250-10-10
* 4 Cour administrative d'appel de Versailles, 6 ème chambre, 21 juin 2016, 14VE01966 : « qu'à l'appui de son recours, le Ministre des finances et des comptes publics se borne à relever le caractère « militant » et politiquement engagé des actions en question ; que, toutefois, un tel défaut de neutralité politique, à le supposer établi, ne fait pas en lui-même obstacle à ce que l'intéressée puisse se prévaloir, en tant notamment qu'organisme à caractère culturel, des dispositions précitées des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ».
* 5 Recherches & Solidarités, Panorama de novembre 2022, à partir des données de la direction générale des finances publiques. Ces montants incluent à la fois la réduction sur l'impôt sur le revenu et la réduction sur l'impôt sur la fortune immobilière.
* 6 Tome 1 des Voies et Moyens annexés au projet de loi de finances pour 2023.