N° 63

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 octobre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la stratégie pharmaceutique pour l' Europe de la Commission européenne ,

Par Mmes Pascale GRUNY et Laurence HARRIBEY,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin , président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique, Mme Véronique Guillotin , vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Amel Gacquerre , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Philippe Bonnecarrère, Jean-Pierre Corbisez, Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Pierre Ouzoulias, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger .

L'ESSENTIEL

L'accès aux soins est un droit essentiel des citoyens de l'Union européenne. Il implique l'accès à des médicaments de qualité, efficaces et sûrs . Cet accès repose sur trois piliers : la recherche et l'innovation, qui permettent de développer des médicaments, la disponibilité de ces médicaments sur le marché européen et un juste prix.

Les innovations majeures en cours , le nombre croissant de ruptures d'approvisionnement qui souligne la nécessité, révélée par la pandémie de COVID-19, d'assurer la souveraineté sanitaire de l'Union et les prix de plus en plus élevés des thérapies innovantes sont autant de défis qui ont poussé la Commission européenne à proposer une stratégie pharmaceutique pour l'Europe 1 ( * ) . Celle-ci doit servir de base à la préparation de mesures législatives et à la mise en oeuvre d'autres actions en cohérence avec les compétences respectives de l'Union, notamment en matière de recherche, et des États membres définies par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui précise que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux relèvent de la compétence des États membres.

Sous cet angle, les rapporteurs de la commission des affaires européennes du Sénat, Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, après avoir évalué cette stratégie, ont formulé un certain nombre d'observations et de propositions que la commission des affaires européennes du Sénat a adoptées.

1/ Anticiper et limiter les pénuries de médicaments

Le Groupement pharmaceutique de l'Union européenne constate une augmentation régulière du nombre de ruptures d'approvisionnement en médicaments en Europe, jusqu'à 200 par an dans 67% des États.

Ces ruptures, aux causes diverses, affectent particulièrement les médicaments anciens.

Elles peuvent avoir des conséquences graves sur la santé des patients, raison pour laquelle la commission des affaires européennes préconise de :

- définir la notion de pénurie de médicaments ;

- définir la notion de médicaments critiques en prenant en compte l'intérêt thérapeutique du médicament et les vulnérabilités de la chaîne de production ;

- mettre en place un système d'information permettant aux titulaires d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) et aux autorités compétentes des États membres de signaler les ruptures d'approvisionnement effectives ou anticipées ;

- simplifier les procédures de modification des autorisations de mise sur le marché relative aux conditions de production ;

- prévoir la possibilité, en cas de rupture d'approvisionnement, de fournir aux patients une notice électronique pour les médicaments critiques uniquement ;

- pour ces médicaments , ajouter l'obligation, pour les titulaires d'autorisations de mise sur le marché, de constituer des stocks , avec le soutien financier de l'Union européenne, et de définir des plans de gestion des pénuries qui seront validés par l'Agence européenne des médicaments.

2/ Assurer la souveraineté sanitaire de l'Union européenne

Selon l'Agence européenne des médicaments, près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l'Union européenne proviennent de pays tiers et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont établis en dehors de l'Union. La proportion de fabricants extra-européens de substances pharmaceutiques actives était de 20 %, il y a 30 ans.

Cette perte d'indépendance risque de se traduire par des pénuries en cas de crise internationale ou d'une hausse subite de la demande qui pousserait les producteurs à privilégier leur marché national, dans une logique patriotique.

Pour assurer la souveraineté sanitaire de l'Union européenne, la commission des affaires européennes estime nécessaire de développer des mesures d'incitations financières et fiscales permettant de consolider le tissu industriel de l'Union et de favoriser l'investissement dans ce secteur critique. Des mesures particulières devront également cibler la production de médicaments anciens qui sont davantage concernés par les pénuries .

Pour les médicaments considérés comme critiques , la production publique ne doit plus être considérée comme un sujet tabou . Lorsque les industriels délaissent certains marchés, l'institution d'un programme public de production via notamment des partenariats public- privé peut être indispensable pour garantir l'accès aux soins des patients. Aux États-Unis, le projet civica réunit ainsi environ 900 hôpitaux qui produisent eux-mêmes certains médicaments pour ne plus être dépendants.

3/ Garantir un accès aux médicaments à des prix abordables

Les délais inhérents à la mise sur le marché des médicaments, qui relèvent de la compétence des États membres, sont plus ou moins longs selon les États membres.

Pour réduire ces délais, la commission des affaires européennes souhaite que des évaluations cliniques communes entre États membres volontaires soient encouragées et qu'un dialogue entre les différentes autorités compétentes soit organisé pour tenter de définir le plus tôt possible en amont les études demandées à l'industriel et en harmoniser le contenu .

Pour favoriser l'accès aux médicaments, la commission des affaires européennes souhaite que la Commission européenne, en concertation avec les États membres :

- définisse les mesures à mettre en oeuvre dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché pour inviter les titulaires à faire rapidement une demande de détermination du prix aux autorités nationales compétentes ;

- encadre davantage les conditions de retrait du marché à la demande du titulaire d'une autorisation de mise sur le marché ;

- définisse par des lignes directrices la notion de prix juste et équitable , et mette en place des mesures destinées à rendre plus transparents les coûts de recherche, ce qui permettra de fournir aux autorités compétentes des États membres des informations utiles pour négocier avec les industriels ;

- décide, pour les médicaments récents destinés à couvrir des besoins non satisfaits, de l'octroi de licences obligatoires dans des conditions équitables et raisonnables, lorsque le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché refuse de commercialiser un médicament à un prix juste et équitable ;

- mette en place un fonds de solidarité, géré conjointement avec les États membres, pour soutenir l'achat de médicaments innovants répondant à des besoins médicaux non satisfaits lorsque, malgré un prix juste et équitable, celui-ci reste manifestement trop élevé au regard des ressources de l'État membre où il doit être vendu, le produit intérieur brut permettant d'apprécier les ressources de l'État.

Par ailleurs, le rôle de médicaments génériques est absolument essentiel pour la maîtrise des dépenses publiques . La Commission doit s'engager à garantir des conditions de concurrence équitables qui protègent aussi bien les fabricants de princeps que les fabricants de génériques. La commission des affaires européennes recommande à cet effet d'engager au plus vite une réflexion visant à déterminer le meilleur moyen d' unifier les conditions de délivrance des certificats complémentaires de protection .

4/ Favoriser le développement des médicaments de demain

Cela passe par un soutien financier, technique et réglementaire à la recherche.

La Commission européenne souhaite consacrer, dans le cadre du programme Horizon Europe, 8,2 milliards d'euros à la recherche dans le domaine de la santé, dont 2 milliards pour la recherche contre le cancer . En parallèle, le programme « l'Union pour la santé », dont l'un des principaux objectifs est d'améliorer l'accès aux soins, est doté d'un budget de 5,1 milliards d'euros.

Pour optimiser la gestion de ces fonds, la commission des affaires européennes estime indispensable de définir la notion de besoins médicaux non satisfaits , besoins vers lesquels les financements publics devraient être orientés par priorité : notamment la lutte contre le cancer, la résistance aux antimicrobiens et le traitement des maladies rares et des maladies infantiles.

Pour accélérer l'examen des demandes d'autorisation de mise sur le marché, le programme PRIME initié par l'Agence européenne des médicaments (EMA) en faveur des médicaments jugés prioritaires gagnerait à être inscrit dans un cadre réglementaire. Par ailleurs, la révision en continu des données scientifiques mise en oeuvre pour accélérer l'évaluation par l'EMA des vaccins contre la COVID-19 mériterait d'être développée pour certains traitements jugés prioritaires.

Enfin, le cycle du médicament de demain devra être plus respectueux de l'environnement . Les exigences en matière d'évaluation des risques pour l'environnement doivent donc être renforcées, de même que les inspections et audits tout au long de la chaîne de production, notamment en dehors de l'Union européenne. La Commission devra travailler à la mise en oeuvre de normes internationales communes dans ce domaine.


* 1 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0761&from=EN - COM(2020) 761 final

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