B. LA DGCCRF A CONNU, CES DERNIÈRES ANNÉES, D'IMPORTANTES ÉVOLUTIONS DE SON ARCHITECTURE, QUI DOIT AUJOURD'HUI ÊTRE STABILISÉE
La DGCCRF est composée d'une administration centrale, de quatre services à compétence nationale, d'une unité d'alerte, d'une cellule de renseignement anti-fraude économique, et de services régionaux et départementaux.
L'organisation de la DGCCRF
L'administration centrale est chargée de proposer les évolutions législatives et réglementaires dans le champ de compétence de la DGCCRF. Elle définit en outre les orientations générales des actions et des contrôles confiés aux services déconcentrés. Elle exerce enfin la responsabilité d'animation, de pilotage et d'évaluation de l'action de l'ensemble des composantes de la DGCCRF. Elle est composée de deux services, celui de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés et celui du soutien au réseau.
La DGCCRF s'appuie également sur quatre services à compétence nationale .
- Le service national des enquêtes (SNE) a principalement vocation à effectuer les enquêtes de portée nationale ou à fort enjeu.
- Le service de l'informatique (SICCRF), implanté sur trois sites (Paris, Lyon et Montpellier), assure l'exploitation et les évolutions du système d'information de la DGCCRF.
- L'École nationale de la DGCCRF (ENCCRF) est chargée, à Montpellier, de la formation initiale et continue des agents. Elle accueille également un service chargé de répondre aux questions posées par les consommateurs.
- Le service commun des laboratoires (SCL), créé en 2007 et placé sous l'autorité conjointe de la DGCCRF et de la DGDDI, assure la mission centrale d'analyse des produits, d'expertise, et d'appui scientifique et technique. Il comprend une unité de direction parisienne et 11 laboratoires répartis sur le territoire 49 ( * ) .
L'Unité d'alerte , rattachée au cabinet de la direction générale, coordonne les mesures prises pour faire cesser les dangers signalés sur des produits de consommation (alimentaires ou non alimentaires) et protéger les consommateurs (mesures de retrait du marché et de rappel des produits, actions d'information, etc .). Elle est chargée de la réactivité et de la cohérence de l'action de l'État et intervient en lien avec les services déconcentrés, les autres ministères concernés et les instances nationales et européennes d'évaluation et de gestion des risques. En 2020, l'Unité d'alerte a géré 1 905 alertes, dont 1 126 ont fait l'objet d'un rappel auprès des consommateurs, et émis 169 enregistrements sur les réseaux d'alertes européens.
La cellule de renseignement anti-fraudes économiques de la DGCCRF ( CRAFE ), opérationnelle depuis le 1 er janvier 2022 et rattachée au service du soutien au réseau, assure le soutien opérationnel en renseignement à l'ensemble des services de la DGCCRF sur les sujets à forts enjeux et les enquêtes complexes, et se charge de partager et de diffuser des renseignements au sein de la DGCCRF et avec d'autres services de l'État.
Au niveau déconcentré, à l'échelon régional , les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités ( DREETS ) comprennent un pôle « concurrence, consommation et métrologie », compétent s'agissant des missions de la DGCCRF.
Enfin, à l'échelon départemental , les services en charge de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF) sont intégrés, selon le cas, aux directions départementales de la protection des populations ( DDPP ) ou aux nouvelles directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations ( DDETS-PP ) 50 ( * ) .
1. L'organisation déconcentrée de la DGCCRF a été modifiée à plusieurs reprises dans le cadre des réformes de l'État déconcentré, déstabilisant les agents
Jusqu'en 2009, les services déconcentrés de la DGCCRF se déclinaient dans les directions régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et en « unités départementales » répondant à la chaîne hiérarchique de la DGCCRF. Cette organisation, en ligne directe de l'échelon local à la direction générale, a été modifiée à compter de 2009, les directions déconcentrées étant intégrées dans des directions interministérielles, ce qui a constitué une évolution majeure, en particulier à l'échelon départemental .
À l'échelon régional , à partir de 2009 , dans le contexte de réformes de l'administration déconcentrée de l'État, les services régionaux de la DGCCRF ont été rattachés aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ( DIRECCTE ) lors de la création de ces dernières, à compter de 2009. Puis, les directions régionales de l'économie, de l'emploi, au travail et des solidarités ( DREETS ) ont remplacé les DIRECCTE, à compter de 2021 . Aujourd'hui, ces services sont ainsi rattachés au pôle « concurrence, consommation et métrologie » , dit « pôle C », des DREETS.
D'un point de vue des missions, les agents affectés dans les DREETS assurent les actions relatives à la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles (brigades interrégionales d'enquêtes de concurrence) et portant atteinte à la loyauté des relations interentreprises (brigades relations inter-entreprises). D'autres équipes sont chargées au sein des DREETS de coordonner l'activité menée par les services au niveau départemental en matière de relations entreprises-consommateurs et peuvent leur apporter leur soutien ou leur complément.
Répartition des effectifs de la DGCCRF
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat, données issues des réponses au questionnaire des rapporteurs
À l'échelon départemental , les services compétents en matière de concurrence, de consommation et de répression des fraudes ont été, à l'occasion de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE), intégrés par le décret du 3 décembre 2009 51 ( * ) à des directions départementales interministérielles. Dans les départements de plus de 400 000 habitants, les services ont ainsi été intégrés aux directions départementales de la protection des populations ( DDPP ), qui regroupaient également les services vétérinaires. Dans les départements de moins de 400 000 habitants, ils ont été intégrés aux directions de la cohésion sociale et de la protection des populations ( DDCSPP ), qui ont regroupé les DDCCRF, les services vétérinaires, ainsi que les services en charge du logement et de la cohésion sociale. Enfin, les DDCSPP ont été fusionnées à compter du 1 er avril 2021 avec les anciennes unités départementales de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (UD DIRECCTE) pour former les directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations ( DDETSPP ), qui intègrent désormais également l'inspection du travail 52 ( * ) .
D'un point de vue des missions, les agents des services départementaux réalisent des enquêtes de consommation et de concurrence. Ils traitent en particulier des infractions et manquements en matière de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, de sa protection économique et de l'exercice loyal de la concurrence .
À l'occasion des auditions et déplacements organisés par les rapporteurs spéciaux, il a pu être constaté de façon constante que les agents affectés au niveau départemental ont mal vécu les évolutions intervenues depuis 2009.
Ils considèrent globalement que ces évolutions ont conduit, en premier lieu, à diluer leur place en les mélangeant à des effectifs dont le périmètre d'intervention est très large, en particulier dans les petits départements. Ils évoquent, en deuxième lieu, des enjeux de hiérarchie au sein des directions départementales interministérielles. D'une part, le supérieur hiérarchique départemental des agents est désormais in fine le préfet de département , ce qu'ils considèrent être une rupture de la ligne hiérarchique avec leur direction générale, selon une logique qui ne diffère cependant pas de ce que pourraient indiquer les autres services dépendant des directions départementales interministérielles. D'autre part, ils regrettent que, dans certaines DDETSPP, le directeur départemental compétent - lorsqu'il n'est pas un ancien de la DGCCRF -, qui est chargé de nombreuses politiques publiques, ne soit pas suffisamment initié aux enjeux traités par eux et ne dispose pas de suffisamment de temps pour en assurer efficacement la direction. Or, les sujets traités par les agents sont techniques et spécifiques et la réduction des effectifs a diminué le nombre inspecteurs principaux, susceptibles d'encadrer ces agents 53 ( * ) .
Ils évoquent également, au-delà de ces enjeux de fond, un sentiment profond de fatigue quant à la succession de réformes, qu'elles soient mises en oeuvre ou envisagées puis abandonnées. Il en va ainsi des réformes au niveau déconcentré mais également de celles qui relèvent du niveau national, parmi lesquelles le transfert en cours de la police de sécurité sanitaire des aliments vers les services du ministère de l'agriculture 54 ( * ) ou l'hypothèse de la fusion évoquée depuis de nombreuses années avec la DGDDI. Au final, c'est une « perte de sens » de leurs fonctions et missions qui a régulièrement été évoquée.
2. L'organisation actuelle doit aujourd'hui être pérennisée pour réinstaurer la stabilité administrative et permettre aux agents de se concentrer sur leurs missions
Il apparaît aujourd'hui, en résumé, que l'organisation déconcentrée ne satisfait pas les agents de la DGCCRF, tandis que la multiplicité des autorités administratives compétentes en matière de respect du droit de la concurrence, des droits des consommateurs, de la conformité et de la sécurité des produits et de répression des fraudes, génère parfois des questionnements sur l'opportunité de rapprocher certaines administrations, en particulier la DGCCRF et la DGDDI. Dans ces conditions, l'on pourrait être tenté d'envisager une nouvelle réforme, que ce soit aux échelons local ou national .
Les rapporteurs spéciaux considèrent qu' il n'apparaît pas souhaitable d'envisager une énième réforme des directions départementales et régionales interministérielles , par exemple en faisant ressortir de celles-ci les services de la DGCCRF pour recréer des directions départementales et régionales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Une telle solution, qui répondrait certes à certaines difficultés soulevées par les agents, n'est pas réalisable en l'état des effectifs, lesquels ont beaucoup diminué depuis 2009 55 ( * ) , et serait contraire à une organisation déconcentrée de l'État autour du préfet, déjà en place depuis plus d'une décennie, et qui concerne bien d'autres administrations.
À l'occasion des auditions et déplacements organisés par les rapporteurs spéciaux, une autre réforme a souvent été évoquée, celle d'une fusion de la DGCCRF et de la DGDDI . Une telle réforme, qui a déjà été discutée à plusieurs reprises dans les années récentes au niveau gouvernemental, selon les informations obtenues lors des auditions, présenterait en effet des avantages incontestables . Elle apporterait des simplifications dans la mise en oeuvre des missions mêmes des deux directions générales, pour lesquelles des chevauchements existent, même si la bonne coordination entre les deux administrations en limite les difficultés. Elle permettrait de consolider l'ancrage de la DGCCRF au ministère de l'économie et des finances, d'étoffer les effectifs territoriaux dans les départements dans lesquels la DGDDI dispose d'une implantation, faisant potentiellement sortir les services de la DGCCRF des directions départementales interministérielles, et d'offrir davantage de perspectives de mobilité pour les agents de la DGCCRF. Enfin, elle regrouperait des agents ayant en commun une forte « culture du contrôle ».
Cependant, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'une telle fusion de la DGCCRF et de la DGDDI ne doit pas être mise en oeuvre, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'hypothèse de cette réforme fait face à des difficultés concrètes . Au regard de la taille inégale des deux directions générales - la DGDDI compte en 2021 près de 17 000 agents, contre moins de 3 000 pour la DGCCRF -, la fusion pourrait plutôt consister concrètement en une absorption , ou au moins être vécue comme telle. En outre, alors que les effectifs de la DGCCRF sont très majoritairement composés de personnels de catégorie A dont l'essentiel n'a pas de compétences d'encadrement mais plutôt d'enquête, ceux de la DGDDI sont très largement composés d'agents de catégories B et C. Dans ces conditions, une fusion pourrait notamment avoir pour conséquence, outre de soulever des enjeux de rémunération, de réduire les perspectives d'évolution de carrière des agents de la DGDDI, alors que les personnels de catégorie A de la DGCCRF ne pourraient pas, à tout le moins rapidement, se voir confier des responsabilités d'encadrement. Enfin, si la DGDDI est implantée dans de nombreux territoires, elle n'est pas présente dans chacun d'eux, posant la question de la forme de la présence de la DGCCRF dans ces derniers en cas de fusion.
Surtout, la fusion des deux directions supposerait un lourd travail de préparation et de mise en oeuvre et générerait une nouvelle source de changement et d'instabilité, pour des résultats potentiels qui n'apparaissent pas forcément déterminants a priori . La DGCCRF, qui a connu des réformes importantes tant au niveau déconcentré qu'au niveau national, notamment avec le transfert en cours de la compétence de la police sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture, a avant tout besoin aujourd'hui de stabilité plutôt que d'une énième réforme.
L'ensemble des agents, dont les rapporteurs spéciaux ont constaté tant la qualité et l'implication que leur fatigue à l'égard des réformes et de leurs effets, doivent n'avoir aujourd'hui pour préoccupation que l'exercice de leur missions, essentielles au fonctionnement efficace et juste de l'économie . Quant aux personnels de directions, ces derniers doivent se consacrer à la consolidation des orientations actuelles de la direction générale 56 ( * ) .
Recommandation n° 3 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : assurer la stabilité de l'organisation globale de la DGCCRF, notamment en excluant toute fusion avec la DGDDI, tout en renforçant les coopérations concrètes avec cette dernière.
* 49 À Pointe-à-Pitre, Saint-Denis-de-la-Réunion, Marseille, Bordeaux, Montpellier, Rennes, Lille, Strasbourg, Lyon, Paris et Le Havre.
* 50 Voir infra .
* 51 Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles, entré en vigueur le 1 er janvier 2010.
* 52 Ce sont des directions de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DEETS) en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion et une direction générale de la cohésion et des populations (DGCOPOP) en Guyane.
* 53 Voir infra .
* 54 Voir infra .
* 55 Idem .
* 56 Voir infra .