G. LUTTER : FINANCER ET ÉQUIPER LA LUTTE INCENDIE À LA HAUTEUR DU RISQUE
Le renforcement des moyens de lutte semble enfin inévitable dans un contexte d'intensification et d'extension du risque incendie en France.
Cette observation vaut tout d'abord pour les moyens aériens de la sécurité civile.
La flotte française compte aujourd'hui 19 avions bombardiers d'eau, dont 12 Canadair, amphibies, et 7 Dash, non amphibies devant se ravitailler au sol dans des « pélicandromes ». Cette flotte est complétée par 33 hélicoptères - en charge de la reconnaissance et du transport de personnel - ainsi que 3 avions Beechcraft - appareils servant uniquement à la reconnaissance. Doivent enfin être ajoutés à cette flotte deux hélicoptères bombardiers d'eau loués depuis 2020.
Cette flotte semble aujourd'hui insuffisante pour faire face à l'évolution de l'aléa.
Le vieillissement des Canadair - 8 des 12 avions disponibles ont plus de 25 ans - entraîne tout d'abord de plus longues immobilisations et d'importants surcoûts de maintenance. Afin de répondre à l'évolution de l'aléa, cette flotte devra donc nécessairement être renouvelée et renforcée . L'acquisition de nouveaux appareils pourra, d'une part, s'opérer via le programme européen RescEU 48 ( * ) : la France bénéficiera dans ce cadre de deux avions, qui devraient être disponibles en 2026. Les appareils du dispositif RescEU pourront être utilisés sans limite par les pays hôtes mais devront se déployer à la demande de l'Europe. La France devra donc, d'autre part, financer elle-même l'achat de nouveaux Canadair , pour un coût unitaire estimé à 55 millions d'euros 49 ( * ) . Pour accroître la durée de vol des avions bombardiers, la flotte renouvelée devra en outre être équipée de dispositifs permettant une intervention de nuit.
Par ailleurs, la France devra se doter d'un plus grand nombre d'hélicoptères, en particulier d' hélicoptères bombardiers d'eau (d'une capacité de 1 000 litres), plus adaptés que les Canadair amphibies pour intervenir sur des incendies à distance des zones côtières .
En attendant la livraison des nouveaux appareils , au plus tôt en 2026 dans le cas des Canadair, notre pays pourrait s'appuyer, en tant que de besoin, sur des locations d'équipements, comme cela est déjà le cas pour les hélicoptères bombardiers d'eau.
La France devra, en conséquence, adapter et moderniser ses infrastructures - remise à niveau des bases hélicoptères , dont certaines ont près de 50 ans, développement de nouveaux pélicandromes pour ravitailler les appareils non amphibies - et garantir l'adéquation des moyens de maintenance à cette flotte renouvelée.
Axe n° 7 - Recommandation n° 59 : Renforcer et développer les moyens aériens (avions et hélicoptères) de la sécurité civile à la hauteur du risque. Pour accroître la durée de vol des avions bombardiers, s'assurer que la flotte renouvelée soit équipée de dispositifs permettant une intervention de nuit. En attendant la livraison des nouveaux avions et hélicoptères, s'appuyer, en tant que de besoin, sur des locations d'équipements. Adapter et moderniser les infrastructures associées et garantir l'adéquation des moyens de maintenance.
Depuis 2017, les avions de la sécurité civile sont entreposés à la base aéronautique de la sécurité civile (BASC) de Nîmes-Garons.
Selon la DGSCGC, le BASC jouit d'un positionnement stratégique, permettant un vaste rayonnement sur le territoire national et autorisant des déploiements au bénéfice des pays européens, dans le cadre du dispositif RescEU. De surcroît, afin de faciliter les interventions sur l'ensemble des zones à risque, des avions prépositionnés peuvent également décoller de Bordeaux, Carcassonne, Ajaccio et Solenzara.
Toutefois, à l'aune du retour d'expérience des incendies de Gironde de juillet 2022 et en s'appuyant sur les projections d'évolution à moyen et long-terme du risque sur le territoire national, l' opportunité de créer une deuxième BASC pourrait être utilement étudiée.
Axe n° 7 - Recommandation n° 60 : Étudier l'opportunité de créer une deuxième base aérienne de la sécurité civile pour plus de rapidité dans la mobilisation des moyens de lutte.
Au-delà des moyens nationaux, un soutien de l'État s'avère nécessaire par un renforcement des moyens capacitaires des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) .
À ce titre, la dotation de soutien à l'investissement des SDIS (DSIS) doit être significativement augmentée dans un cadre pluriannuel, à l'occasion de la prochaine loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) : d'un montant initial de 25 millions d'euros lors de sa création en décembre 2016, la DSIS a en effet été ramenée à 7 millions d'euros dès la loi de finances pour 2020.
Cette tendance doit bien entendu être inversée , notamment pour permettre l'acquisition de véhicules de lutte contre les incendies par les SDIS et leur renouvellement.
Les moyens ainsi mobilisés devront être harmonieusement répartis sur le territoire national, dans les zones aujourd'hui particulièrement exposées comme dans celles qui le sont moins, compte tenu de la remontée géographique progressive de l'aléa.
Axe n° 7 - Recommandation n° 61 : Augmenter significativement, dans un cadre pluriannuel, la dotation de soutien de l'État à l'investissement des SDIS, notamment pour permettre l'acquisition de véhicules et leur renouvellement.
Dans le même ordre d'idée, les carburants utilisés par les véhicules d'intervention des SDIS pourraient être exonérés du paiement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ( TICPE ), sous réserve toutefois de la compatibilité de cette disposition avec le droit de l'Union européenne 50 ( * ) .
L'ensemble des véhicules de lutte contre l'incendie des SDIS devraient également être exonérés de malus écologique . Seuls les véhicules porteurs d'eau bénéficient aujourd'hui de cet avantage.
Axe n° 7 - Recommandation n° 62 : Exonérer de TICPE les carburants utilisés par les véhicules d'intervention des SDIS, sous réserve de compatibilité avec le droit de l'Union européenne. Exonérer de malus écologique l'ensemble des véhicules de lutte contre l'incendie des SDIS, et pas seulement les véhicules porteurs d'eau.
En outre, les rapporteurs appellent l'État à accompagner les SDIS dans le développement et l'acquisition de nouvelles technologies utiles à la surveillance et à la réponse opérationnelle (robots, drones, nouveaux capteurs...).
Axe n° 7 - Recommandation n° 63 : Accompagner les SDIS pour développer et acquérir des nouvelles technologies utiles à la surveillance et à la réponse opérationnelle (robots, drones, nouveaux capteurs...).
Renforcer nos capacités opérationnelles de lutte contre le feu n'aura de sens que si des moyens humains sont disponibles pour les piloter . Une augmentation des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires apparaît donc indispensable pour répondre à l'évolution de l'aléa.
Pour atteindre d'ici cinq ans la cible de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, effectifs dont bénéficiait notre pays dans les années 1990, la France devra recruter plus de 50 000 nouveaux « soldats du feu » .
Il semble nécessaire, pour y parvenir, d'inciter les entreprises et administrations à assurer la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires. L'instauration d'une réduction de cotisations patronales pour les employeurs publics ou privés en contrepartie de cette disponibilité pourrait donc être instaurée, comme l'avait déjà proposé le Sénat dans le cadre des débats sur la loi « Matras 51 ( * ) » . Cette disposition malheureusement supprimée en commission mixte paritaire, ne figure plus à l'article 45 du texte promulgué.
Axe n° 7 - Recommandation n° 64 : Pour atteindre d'ici 2027 l'objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, instaurer une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires.
Enfin, la mission a été alertée des difficultés potentielles d'application du tout nouveau dispositif FR-ALERT lancé en juin 2022 visant, en cas d'accident industriel ou de catastrophe naturelle, à alerter et informer les populations, en temps réel et dans la durée par téléphone mobile ( cell broadcast ). Il a été pointé aux rapporteurs qu'une application centralisée - avec une activation de FR-ALERT de Paris - pourrait amoindrir la réactivité du dispositif .
Une mise en oeuvre territoriale, à la main du préfet, serait à ce titre préférable : charge devrait être donnée à l'autorité départementale de programmer le dispositif et d'élaborer les messages d'alerte envoyés aux populations.
Une circulaire ministérielle pourrait alors être publiée pour garantir une utilisation harmonisée de l'outil sur le territoire national.
Axe n° 7 - Recommandation n° 65 : Permettre une application territoriale, et non centralisée, du dispositif de cell broadcast afin d'en renforcer la réactivité.
* 48 Mis en place en 2019, le programme de l'Union européenne RescEU permet la mise en place d'une nouvelle réserve européenne de ressources qui comprend notamment une flotte d'avions et d'hélicoptères bombardiers d'eau. Dans sa phase transitoire, jusqu'en 2026, cette flotte mutualisée est composée de moyens mis à disposition par les États-membres volontaires. Dès 2026, des avions amphibies et des hélicoptères seront entièrement financés par l'Union européenne et répartis harmonieusement sur le territoire européen.
* 49 Chiffres de la DGSCGC.
* 50 La révision de la directive sur la taxation de l'énergie prévue dans le cadre du paquet climat européen devrait remettre en cause les exonérations et réductions fiscales applicables à l'utilisation d'énergie fossile accordées par les États membres.
* 51 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.