B. DES INNOVATIONS RÉCENTES FAVORISANT LE RETOUR AIDÉ, EN DÉPIT DE DIFFICULTÉS CONJONCTURELLES

Si la France pouvait sembler accuser un certain retard dans la promotion de la politique d'aide au retour, la mise en place au début de l'année 2018 d'un site spécifique d'information sur le retour volontaire 164 ( * ) accessible en dix-huit langues, coïncide avec l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions en la matière, destinées à améliorer cette politique et à en élargir le public de bénéficiaires.

1. Un dispositif innovant : le dispositif de préparation au retour

En avril 2015 a ouvert à Vitry-sur-Orne, en Moselle, le premier centre de préparation d'aide au retour (CPAR) , dont la circulaire interministérielle du 22 juillet 2015 165 ( * ) a posé les bases d'une généralisation dans d'autres régions. Ce dispositif repose, d'une part, sur « un hébergement meublé en structure collective par un opérateur, pris en charge par l'État », et, d'autre part, sur « un accompagnement personnalisé », assuré par l'OFII , qui identifie les candidats, recherche « les conditions de l'adhésion des intéressés dans le cadre d'une pédagogie active » 166 ( * ) , et gère le suivi administratif de préparation au retour, ainsi que par un opérateur social , lié à l'État par une convention, qui assure l'accompagnement social, sanitaire et logistique des résidents grâce à la présence de travailleurs sociaux dans les locaux.

Pendant la durée de leur hébergement, une allocation de subsistance journalière est versée aux résidents, qui sont par ailleurs soumis à une mesure d'assignation à résidence .

Ainsi, le dispositif de préparation au retour s'adresse prioritairement aux étrangers en situation irrégulière et faisant l'objet d'une OQTF, ainsi qu'aux déboutés du droit d'asile, dans le double objectif de « développer des alternatives à la rétention pour l'éloignement des ressortissants de pays tiers d'une part, [et] fluidifier le parcours des demandeurs d'asile d'autre part » 167 ( * ) .

Le financement de ce dispositif est assuré par le ministère de l'intérieur 168 ( * ) , dans le cadre d'une convention conclue avec l'OFII et la direction générale des étrangers en France au niveau national, et déclinée au niveau territorial par le préfet. Il peut être couvert à 75 % par le fonds européen asile, migration et intégration (FAMI) 169 ( * ) .

La généralisation de ces centres sur l'ensemble du territoire national a été rapide 170 ( * ) ; en 2020, on compte dix-sept centres de préparation, offrant une capacité d'accueil de 1 051 places. En 2021, dans le cadre du plan de relance, ont été créés dix-sept autres centres 171 ( * ) représentant 1 100 places supplémentaires, portant ainsi la capacité d'accueil au niveau national à 2 151 places . Il n'est pas prévu d'ouvrir de nouvelles places en 2022.

Une fois arrivé dans le CPAR, l'individu qui a le souhait de rentrer dans son pays d'origine est accompagné dans l'accomplissement de toutes les démarches administratives : vérification de son titre d'identité ou rectification d'acte d'état civil le cas échéant ; achat d'un titre de voyage ; réinsertion dans le pays d'origine voire élaboration d'un projet professionnel dans les pays disposant d'une antenne de l'OFII. A la date prévue du départ, l'individu concerné se rend seul du centre à l'aéroport, où il est accueilli par un agent de l'OFII, conformément à la procédure d'aide au retour volontaire décrite ci-dessus. Une fois rentré dans son pays, l'individu a trois mois pour se présenter à la représentation locale de l'OFII.

La direction du CPAR de Maine-et-Loire 172 ( * ) , où s'est rendue la mission d'information, a indiqué qu'il s'écoulait en moyenne deux mois entre l'arrivée d'un étranger inscrit dans le dispositif de préparation au retour et son départ du centre ; la durée du séjour peut tomber à un mois lorsque l'individu détient déjà une pièce d'identité, ou au contraire s'étendre jusqu'à trois mois dans les situations les plus complexes 173 ( * ) .

Par ailleurs, si le but premier de ces centres est bien d'offrir un hébergement transitoire et un accompagnement personnalisé aux étrangers en situation irrégulière qui ont adhéré à un programme de retour volontaire vers leur pays d'origine, ils sont également susceptibles d'accueillir des étrangers se trouvant dans d'autres situations 174 ( * ) . Aussi le nombre d'étrangers qui mènent jusqu'à son terme la procédure d'aide au retour volontaire représente-t-il un peu plus du tiers du nombre total d'étrangers présents dans les CPAR.

Taux d'étrangers retournés dans leur pays dans le cadre du DPAR
par rapport à l'ensemble des étrangers accueillis

Nombre d'étrangers retournés dans leur pays

Total d'étrangers accueillis

En %

2019

1 370

3 780

36%

2020 175 ( * )

2 690

7 652

35%

Source : OFII

Dès lors, la formulation d'une demande d'aide au retour volontaire peut, dans les faits, précéder le placement dans un CPAR, conformément à la logique première du dispositif, ou bien en découler, lorsque les étrangers hébergés en CPAR sont ensuite préparés pour déposer une demande d'aide au retour volontaire .

Au total, le dispositif de préparation d'aide au retour semble monter progressivement en charge, avec une multiplication par deux, entre 2019 et 2020, du nombre des retours effectifs dans ce cadre. Si cette dynamique a été ensuite freinée par les conséquences de la crise sanitaire, elle devrait être relancée par l'entrée en vigueur de plusieurs dispositions, d'envergure nationale et européenne.

2. Deux dispositions issues de la loi du 10 septembre 2018 : l'aide au retour en centre de rétention administrative et l'aide au retour dans les pays de transit
a) L'aide au retour en centre de rétention administrative

L'article 25 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maitrisée, un droit d'asile garanti et une intégration réussie a modifié l'article L. 512-5 du CESEDA afin de permettre à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et placé en rétention de solliciter l'aide au retour . Les modalités d'information et de soutien en vue du départ volontaire dont bénéficient les étrangers placés ou maintenus en centre de rétention administrative sont en outre précisées par l'article R. 744-19 du même code, créé par le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020.

Cette disposition, mise en oeuvre par l'OFII depuis le 15 juillet 2019 , permet ainsi au retenu qui en fait la demande 176 ( * ) de bénéficier, au retour dans le pays d'origine, du pécule versé au titre de l'aide au retour.

À noter que, pour ne pas contrecarrer l'efficacité des procédures d'éloignement forcé, les instructions de l'OFII réservent cette aide aux seuls ressortissants de pays soumis à visa.

Par ailleurs, afin d'éviter tout d'effet d'aubaine, le retenu qui souhaite bénéficier d'une aide au retour doit en formuler la demande dans les dix jours suivant son placement en centre de rétention ; une demande tardive ne peut en aucun cas repousser la date de l'éloignement.

Enfin, sur proposition du chef du centre de rétention administrative et en accord avec l'OFII, des dérogations peuvent intervenir afin d'élargir le bénéfice de l'aide au retour aux retenus dont l'éloignement est difficile.

119 retenus en 2019, 83 en 2020 et 77 en 2021 ont bénéficié de l'aide au retour.

Nombre d'aides au retour accordées par centre de rétention en 2020

Auvare

5

Bordeaux

1

Coquelles

11

Cornebarieu

15

Lesquin

5

Lyon

4

Mesnil-Amelot

4

Metz Queuleu

8

Nîmes

6

Oissel

6

Palaiseau

1

Perpignan

2

Plaisir

3

Rennes

3

Sète

1

Vincennes

8

Source : réponse au questionnaire budgétaire 2022

Répartition des aides au retour accordées en CRA par nationalité

Algérie

39

Centrafrique

1

Chine

1

Côte d'Ivoire

1

Égypte

3

Guinée

1

Guinée Bissao

1

Kosovo

2

Madagascar

1

Maroc

5

Rép. dominicaine

1

Russie

1

Sénégal

3

Tunisie

19

Turquie

1

Viêt Nam

3

Source : réponse au questionnaire budgétaire 2022

b) L'aide au retour dans les pays de transit

L'article 47 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie autorise 177 ( * ) l'OFII à participer, depuis les pays de transit, au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine , et ce notamment afin de diminuer la pression migratoire qui s'exerce aux frontières extérieures de l'Union européenne.

Dans ce cadre, l'OFII a mis en place en 2020 deux dispositifs visant à faciliter le retour et la réinsertion dans leur pays des ressortissants subsahariens présents au Maroc et en Tunisie . Les candidats bénéficient de la prise en charge de leur billet d'avion ainsi que d'une aide financière.

3. Une coopération récente avec l'agence Frontex

À l'été 2020, afin de pallier la fermeture des liaisons aériennes commerciales, la France a lancé une collaboration étroite avec Frontex en matière de retour volontaire, qui a permis depuis d'affréter six vols financés par Frontex et de renvoyer 541 étrangers bénéficiaires de l'aide au retour 178 ( * ) .

La collaboration avec Frontex permet en outre à l'OFII de bénéficier de places à bord de vols commerciaux qu'il n'aurait pu obtenir sinon 179 ( * ) .

Enfin, depuis septembre 2021, l'OFII compte parmi ses effectifs un « expert en retours » 180 ( * ) , rémunéré par Frontex, qui accueille les étrangers concernés à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle et les accompagne jusqu'à l'embarquement.

Cette coopération très forte entre l'OFII et Frontex, sans équivalent dans les autres pays de l'Union européenne, devrait encore s'approfondir à compter du second semestre 2022, Frontex ayant accepté l'offre de service de l'OFII d'assurer dans quatorze pays couverts par ses représentations à l'étranger la réinsertion pour le compte des pays européens intéressés.

L'adaptation face aux difficultés posées par la crise sanitaire

La crise sanitaire a considérablement compliqué l'effectivité de la politique de retours volontaires en raison non seulement de l'annulation de nombreux vols par les compagnies aériennes , mais également des difficultés liées au transport des candidats au départ volontaire, ceux-ci ne disposant pas de passe sanitaire ni de passe vaccinal et devant se soumettre aux contraintes imposées par les pays de retour (à savoir, observer à l'arrivée une période d'isolement et/ou effectuer un test PCR, à la charge de l'intéressé).

Pour remédier à ces difficultés, l'OFII a favorisé la mise en place de conventions avec des laboratoires de biologie médicale permettant la transmission des résultats des tests PCR dans la journée, ainsi que la délivrance d'ordonnances afin que les tests PCR soient pris en charge par l'assurance maladie.


* 164 Retourvolontaire.fr

* 165 Circulaire interministérielle n°INTK1517235J relative à la mise en oeuvre du plan « répondre au défi des migrations : respecter les droits - faire respecter le droit ».

* 166 Voir annexe n°7 de la circulaire précitée.

* 167 La rétention et les alternatives à la rétention dans les procédures de protection internationale et de retour , Étude du point de contact français du réseau européen des migrations, avril 2021.

* 168 Sur les crédits du programme 303.

* 169 Ce fonds intervenant à n+1 voire à n+2, tandis que les frais sont avancés par l'État et l'opérateur.

* 170 Entre 2016 et 2020 ont été créés seize centres (dans Aisne, Bouches-du-Rhône, Hauts-de-France, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Côte-d'Or, Doubs, Haute-Garonne, Gironde, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, et Rhône, ainsi qu'à Paris, en Seine-et-Marne, dans l'Essonne et les Hauts-de-Seine).

* 171 Dans les départements suivants : Alpes-Maritimes, Calvados, Haute-Garonne, Loiret, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Oise, Pas-de-Calais, Seine-Maritime, Somme, Vienne, Haute-Vienne, Isère, Puy-de-Dôme, Rhône, Vosges et Marne

* 172 Situé à La Pommeraye, commune déléguée de Mauges-sur-Loire (Maine-et-Loire), ce CPAR est compétent pour les cinq départements de la région Pays-de-la-Loire.

* 173 Lorsque l'individu n'a pas de document d'identité, qu'il a des enfants nés en France et/ou qu'il a des problèmes de santé.

* 174 Le CPAR de Maine-et-Loire accueille ainsi, depuis mars 2022, entre une quarantaine et une soixantaine de réfugiés ukrainiens, ainsi que 15 étrangers au titre du DPAR.

* 175 L'OFII a indiqué à la mission d'information ne pas disposer des chiffres pour 2021.

* 176 Et sous réserve de l'accord du directeur de l'OFII territorialement compétent qui apprécie le bien-fondé du versement de l'aide.

* 177 Par la modification de l'article L.5223-1 du code du travail.

* 178 Répartis comme suit : deux vols vers l'Albanie comportant 209 ressortissants ; trois vols pour la Géorgie comprenant 318 ressortissants ; un vol conjoint avec l'Allemagne pour l'Irak (14 ressortissants).

* 179 Grâce à la capacité de négociation directe de Frontex avec certaines compagnies aériennes.

* 180 Dit « return specialist ».

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