B. LES 5 RECOMMANDATIONS À DESTINATION DE L'ETAT
L'analyse des initiatives menées par les élus locaux conduisent vos rapporteurs à formuler cinq autres recommandations, de nature à renforcer leur efficacité et favoriser leur pleine expression. Ces recommandations s'adressent, elles, principalement à l'État.
1. Adopter une vision stratégique nationale en étroite association avec les élus locaux
En application de l'article 141-1 du code de la santé publique, la politique de santé, qui relève de la responsabilité de l'État, tend notamment à la réduction des inégalités territoriales dans l'accès aux soins.
Or, non seulement cet objectif s'est traduit par une territorialisation de l'action publique dans des conditions qui demeurent imparfaites ( cf infra ), mais la stratégie nationale n'a pas suffisamment associé les collectivités territoriales.
En octobre 2017, Édouard Philippe, alors Premier ministre et Agnès Buzin, alors ministre des solidarités et de la santé, ont présenté un ambitieux plan d'accès aux soins afin de remédier aux déserts médicaux. Notre collègue Elisabeth Doineau a été associée à la mise en oeuvre de ce plan. Elle a en effet été chargée de faire remonter les expériences réussies de chaque territoire, mais aussi d'identifier les difficultés et les freins rencontrés sur le terrain, avec pour objectif d'être force de proposition auprès du Gouvernement pour l'adaptation éventuelle du plan et de ses principales mesures.
Le gouvernement a adopté en 2021 la stratégie « Ma Santé 2022 » afin de « donner un nouvel élan à cette dynamique » 37 ( * ) .
Vos rapporteurs saluent cette volonté mais souhaiteraient que la concertation soit plus approfondie avec les grandes associations d'élus locaux . Il importe que ces derniers participent à la mise en oeuvre et à l'évaluation régulière de cette stratégie nationale. En particulier, la doctrine d'emploi du fonds d'intervention régional (FIR) mériterait d'être travaillée en liaison avec les élus.
D'une manière générale, vos rapporteurs estiment souhaitable d'inscrire dans la loi que si la politique visant à garantir l'accès territorial aux soins relève bien de l'État, cette politique nationale ne peut être menée qu'en étroite concertation avec les élus locaux .
À cet égard, il est intéressant de rappeler que le préambule de la Constitution de 1946, composante du bloc de constitutionnalité, proclame que la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère, aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Comme l'a souligné le professeur Olivier Renaudie lors de son audition, il est donc loisible aux représentants de la Nation que sont les parlementaires d'inscrire dans le code de la santé publique l'implication des élus locaux dans la politique d'accès aux soins dans les territoires. En d'autres termes, le préambule de 1946, en faisant référence à la Nation et non à l'État, n'interdit en rien une plus grande association des élus locaux dans la conduite de la politique de santé publique.
2. Poser la question de la liberté d'installation des médecins
S'il n'appartient pas à notre délégation de se prononcer sur cette question qui relève au premier chef des commissions permanentes, vos rapporteurs relèvent les justes observations de la commission du développement durable dans son rapport précité : « Les tentatives d'ajustement de la répartition des professionnels de santé, en particulier des médecins, se heurtent à de fortes oppositions et le principe de liberté d'installation est insuffisamment mis en regard du principe d'égal accès aux soins et de la notion d'intérêt général. Le système social français solvabilise pourtant la patientèle médicale, au travers des dispositifs de prise en charge des dépenses de santé » ; vos rapporteurs soulignent donc l'importance de cette question, soulevée régulièrement lors des auditions. En conséquence, ils s'interrogent sur l'opportunité de renforcer les dispositifs d'incitation , voire d'adopter des mesures coercitives aménageant le principe de liberté d'installation.
3. Conduire une réflexion commune État-collectivités territoriales sur les risques de compétition entre les territoires
De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont pointé le risque de concurrences, voire de surenchères entre territoires , dans un contexte marqué par un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande de soins dans certains territoires. Comme l'a parfaitement expliqué, M. Frédéric Valletoux, lors de son audition, « la France a perdu 6 000 médecins généralistes ces dix dernières années, et en perdra 6 000 autres dans les années à venir. Nous pouvons donc créer autant de MSP que nous le souhaitons, la donnée démographique l'emportera toujours ». De même, notre ancien collègue Philippe Dallier a justement relevé lors de cette audition que « chaque commune essaie d'attirer les médecins dans son centre de santé ou sa maison de santé, sans succès. La solution ne peut selon moi s'envisager qu'à une autre échelle , évoluant en fonction du territoire.» 38 ( * ) . Quant à notre collègue Laurent Burgoa il a également pointé le risque d'une forte compétition entre les territoires : « nous voyons fleurir des projets de maisons de santé pluri-professionnelles dans tous les secteurs. Ils sont lancés, ou vont l'être. Personnellement, je crains que nous connaissions une guerre de ces MSP dans les années à venir, surtout au vu de la pénurie professionnelle » 39 ( * ) .
Vos rapporteurs sont conscients de ces enjeux fondamentaux et estiment nécessaire de raisonner avant tout en bassins de vie. À titre d'exemple, l'échelon communal peut être adapté pour une commune de plus de 10.000 habitants qui souffrirait d'un déficit de médecins. C'est toutefois l'échelon intercommunal ou départemental qui parait le plus adapté à la mise en oeuvre coordonnée des actions dans le domaine de la santé. Rappelons, à cet égard, qu'une des raisons qui a présidé à la décision, par le département de Saône-et-Loire, de salarier des médecins consiste, précisément, à éviter la concurrence entre collectivités locales, le département pouvant apparaître comme le garant d'une certaine équité territoriale compte tenu de la pénurie constatée de médecins. A l'inverse, la multiplication désordonnée d'« opérations séduction » visant à attirer des médecins peut conduire à des tensions concurrentielles entre les territoires et à accentuer ainsi la désertification.
Au regard des enjeux inhérents à ce sujet, vos rapporteurs recommandent la création d'une mission de réflexion, menée conjointement par le Ministère de la santé et les associations d'élus locaux, afin d'identifier les bonnes et moins bonnes pratiques en la matière.
4. Renforcer le rôle facilitateur de l'ARS à l'égard des élus locaux
Comme indiqué précédemment, la plupart des initiatives des collectivités sont menées en étroite concertation avec les ARS . Ces dernières se sont vu assigner un objectif spécifique de réduction des inégalités territoriales en matière de santé.
Vos rapporteurs ont systématiquement interrogé les élus locaux sur le rôle joué par l'ARS dans la réalisation de leur projet médical, quelle qu'en soit la nature. Il s'avère que la majorité d'entre eux ont pointé un défaut d'accompagnement et de conseil de ces agences.
S'agissant des maisons de santé publique, il a été relevé que l'appui à l'ingénierie de projet (appui à la rédaction du projet de santé, assistance technique, juridique et financière...) joue un rôle déterminant pour accompagner professionnels et élus. Or, certaines ARS n'exercent pas toujours cette mission d'expertise auprès des élus locaux.
Autre exemple : les dispositifs de télémédecine . Les maires John Billard et Christophe Dietrich, artisans de solutions novatrices, ont souligné, lors de leur audition, les contraintes imposées par l'ARS en la matière.
Ainsi M. John Billard a déclaré : « j'ai également souhaité que ce projet soit porté et accompagné par l'Agence régionale de santé (ARS) après une étude préalable de la Caisse des Dépôts sur l'état de la présence médicale dans mon département. Je souhaitais apporter une solution pour les communes très rurales, ce qui a provoqué des discussions et des négociations durant deux années avec l'ARS ».
Quant à M. Christophe Dietrich, il a expliqué avoir subi une forte opposition de la part de l'ARS : « J'ai souhaité lancer cette opération en partenariat avec l'ARS qui s'est montrée immédiatement très défavorable, estimant que ma commune n'était pas dans un désert médical, puisqu'elle bénéficiait, dans un rayon de 10 km, de deux hôpitaux et de leurs médecins, mais également de spécialistes médicaux. Les chiffres de l'ARS sont globaux et ne prennent pas en compte la particularité de la médecine de ville, laquelle est constituée chez nous par seulement trois médecins pour 24 000 habitants. J'ai abandonné mes démarches auprès de l'ARS, et j'ai poursuivi mes expérimentations. L'ARS est finalement revenue vers moi, plaidant l'incompréhension, et a proposé de travailler conjointement. Le résultat des trois réunions avec l'ARS a cependant été catastrophique ».
Vos rapporteurs estiment, en conséquence, indispensable de renforcer le rôle facilitateur de l'ARS à l'égard des élus locaux . Cette évolution est d'autant plus nécessaire que la crise sanitaire a montré que les délégations départementales , censée rapprocher la gestion des ARS du terrain, ne jouent pas suffisamment le rôle de proximité escompté eu égard à leur périmètre d'intervention limité et à leur faible capacité d'expertise et d'accompagnement des élus. Ce sentiment est plus marqué dans les grandes régions , au sein desquelles l'échelon régional peut paraitre particulièrement lointain. Ce constat figure d'ailleurs dans le récent rapport de nos collègues Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, intitulé « Les collectivités territoriales : un intervenant de santé publique à part entière » 40 ( * ) .
Vos rapporteurs recommandent au ministère de la santé, ministère de tutelle des ARS, de prendre une circulaire demandant à ces dernières de faciliter les initiatives locales plutôt que de les entraver.
À cette fin, les ARS pourraient déléguer certaines attributions aux délégations départementales, soit se doter d'une direction opérationnelle dédiée aux relations avec les élus. Cette direction, directement rattachée au directeur général de l'ARS, serait notamment chargée d'accompagner les élus dans la mise en oeuvre des projets médicaux visant à résorber les déserts médicaux.
5. Mieux associer les collectivités territoriales à la politique de santé menée par l'ARS
La gestion de la crise sanitaire a illustré les limites de l'organisation centralisée actuelle et souligné la nécessité de mieux associer les élus locaux à sa mise en oeuvre .
Rappelons, à cet égard, qu'en février 2020, le président Gérard Larcher engageait le Sénat et tous ses groupes politiques dans une réflexion approfondie sur l'avenir de notre pays. L'objectif était résolument ambitieux : améliorer significativement l'action publique et, pour ce faire, donner un nouvel élan à la décentralisation .
Quelques semaines seulement plus tard, notre pays affrontait la crise sanitaire que chacun connaît. Cette épreuve a conforté une conviction partagée par tous les parlementaires de toutes les sensibilités politiques : notre pays ne peut se passer d'un échelon local solide et agile . Quand la France va mal, quand les difficultés de l'action publique s'amoncellent, quand la France est confinée, puis quand elle doit redémarrer, alors les regards se tournent vers les élus locaux , qui font preuve d'une efficacité, d'une réactivité et d'un à-propos que l'État, lourd, ankylosé par trop de rigidités, peine à imiter. 41 ( * )
La gestion de la crise sanitaire a donné lieu à un rapport d'enquête de notre assemblée, rendu public le 8 décembre 2020 42 ( * ) . Ce rapport souligne que « si la gestion d'une crise sanitaire d'une telle ampleur incombe avant tout à l'État, les collectivités territoriales, plus opérationnelles et au fait des réalités locales , n'ont pas été associées aux décisions à la hauteur de leur importance et de leur mobilisation. Pour la commission d'enquête, cette crise aura mis en évidence le besoin de mieux asseoir le rôle de ces acteurs, en particulier des régions, dans l'organisation territoriale de l'offre de soins ».
Vos rapporteurs souscrivent pleinement à cette analyse qui prend un relief particulier s'agissant des actions visant à enrayer la désertification médicale .
Si l'ARS n'accompagne pas suffisamment les élus locaux qui s'engagent dans ces politiques, c'est aussi parce que ceux-ci n'ont qu'un rôle résiduel dans l'action conduite par cette agence.
On l'a dit, la territorialisation de la santé est opérée non pas dans le cadre de la décentralisation, mais dans celui de la déconcentration . Si vos rapporteurs n'entendent pas remettre en cause cette évolution, il apparait que les élus locaux sont insuffisamment associés aux décisions prises par l'ARS.
A cet égard, il est intéressant de relever que dans leur contribution au Ségur de la santé (8 juillet 2020), les trois associations d'élus de Territoires Unis ont estimé qu' « au fil de année, notre système de soins s'est éloigné des réalités territoriales » et que les ARS « apparaissent comme des bras armés du ministère de la santé, éloignées des réalités locales et de la vie quotidienne de nos concitoyens ».
C'est pourquoi vos rapporteurs ont acquis la conviction, au cours des auditions, que les élus locaux ne participaient pas suffisamment à la définition et à la mise en oeuvre de la politique de santé publique, en particulier dans la lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins.
Trois mesures permettraient d'y remédier.
a) Renforcer le poids des élus locaux au sein du conseil surveillance de l'ARS
En premier lieu, il conviendrait de renforcer le poids et les fonctions des élus locaux au sein du conseil de surveillance de l'ARS.
Les élus entendus dans le cadre de la préparation de ce rapport ont en effet souligné la nécessité d'être davantage associés à la définition et à la mise en oeuvre de la politique de santé menée par l'ARS. Ainsi, les élus locaux qui s'engagent dans des politiques innovantes d'accès aux soins, et notamment dans la résorption des déserts médicaux, se voient insuffisamment accompagnés par les ARS, voire entravés dans leurs projets. Ceci s'explique par le rôle résiduel que les élus locaux ont actuellement à jouer dans l'action conduite par ces agences. En effet, à ce jour, sur un total de 32 ou 33 voix, selon la taille de la région, les élus locaux ne disposent que de 4 à 5 voix, face aux 12 voix des représentants de l'État et aux 9 voix de l'Assurance maladie.
Composition actuelle du conseil de surveillance de l'ARS
Représentants |
Composition |
Voix pondérées |
État |
Préfet de région (Président du conseil de surveillance) Recteur de région académique Directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale Préfet de département Pour la région IdF : + préfet de police |
4 x 3 = 12 voix
|
Collectivités territoriales |
Conseiller régional ( et en Corse 2 conseillers à l'assemblée de Corse ) 3 conseillers départementaux pour les régions de plus de 9 départements, 2 pour les autres ( et en Corse un conseiller exécutif ) Maire d'une commune ou président d'un groupement de communes |
4 ou 5 voix |
Assurance maladie |
5 membres des conseils des organismes locaux d'assurance maladie relevant du régime général désignés par les syndicats de salariés 3 membres des conseils des organismes locaux d'assurance maladie relevant du régime général désignés par les organisations d'employeurs Président de la caisse régionale de la MSA |
9 voix |
Associations de patients, de personnes âgées et de personnes handicapées |
3 représentants |
3 voix |
Personnalités qualifiées |
4 personnes |
4 voix |
TOTAL |
32 ou 33 voix |
Vos rapporteurs ont appelé l'attention de M. Alain Milon, rapporteur, pour la commission des affaires sociales du Sénat, du projet de loi dit « 3DS », sur la double nécessité :
- de conférer une place particulière au président du Conseil régional au sein du conseil d'administration, actuellement présidé par le seul Préfet de région ;
- de rééquilibrer les différents collèges en faveur des collectivités territoriales .
La commission a ainsi prévu :
- d'une part, que le conseil d'administration serait coprésidé par le Préfet de région et le président du conseil régional ;
- d'autre part, d'autre part que les représentants de l'État ne pourraient pas disposer de plus de voix que ceux des collectivités territoriales (article 31 du projet de loi).
En séance le Gouvernement s'est opposé à ces deux mesures mais pour des raisons différentes.
S'agissant de la co-présidence de l'ARS, le Gouvernement l'a jugée inopportune, au motif qu'un désaccord entre deux présidents serait « susceptible de bloquer le fonctionnement de l'agence. En revanche, une présidence par le préfet de région est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence de l'action de l'ensemble des services et opérateurs de l'État ».
En revanche, le Gouvernement ne parait pas opposé, sur le fond, à un renforcement du poids des élus locaux au sein du CA. Le Gouvernement a fait valoir que la composition détaillée du conseil d'administration « relevait du niveau réglementaire » et que le ministre de la santé serait « attentif à la répartition équilibrée entre trois groupes d'acteurs : les administrations (État et assurance maladie), les élus et les usagers / personnalités qualifiées » 43 ( * ) .
Vos rapporteurs regrettent la position du Gouvernement sur la coprésidence Préfet de région / Président de région mais se réjouissent des engagements du Gouvernement s'agissant du rééquilibrage en faveur des élus locaux. Ils relèvent donc la volonté du pouvoir exécutif d'attribuer autant de voix aux représentants des collectivités territoriales qu'à celles cumulées des représentants de l'État et de l'assurance maladie , au sein du conseil d'administration des ARS. Vos rapporteurs veilleront à la bonne mise en oeuvre de ces dispositions.
b) Élargir les attributions du conseil de surveillance des ARS
En deuxième lieu, le renforcement du poids des élus locaux devrait s'accompagner d'un élargissement des attributions du conseil de surveillance des ARS . En effet, à l'heure actuelle, le projet régional de santé (PRS), document de planification stratégique et opposable juridiquement, est établi par l'ARS et fait l'objet d'un simple avis (consultatif) du conseil de surveillance.
De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné la nécessité de renforcer le rôle du conseil de surveillance. C'est pourquoi vos rapporteurs ont appelé l'attention de M. Alain Milon, rapporteur, pour la commission des affaires sociales du Sénat, du projet de loi dit « 3DS », sur ce renforcement. Vos rapporteurs se réjouissent que le Sénat, à l'initiative de la commission des affaires sociales, ait prévu que le conseil de surveillance, renommé par le texte conseil d'administration (CA), serait désormais compétent pour approuver le PRS (article 31 du projet de loi). En d'autres termes, le CA de l'ARS serait désormais doté d'un droit de veto. Conjuguées à la nouvelle composition du CA, ces nouvelles attributions renforcent opportunément le poids des élus dans l'élaboration du PRS, et donc dans la stratégie de résorption des déserts médicaux. 44 ( * )
c) Associer les collectivités locales à la détermination des « déserts médicaux »
Enfin, vos rapporteurs s'interrogent sur l'opportunité d'associer les collectivités locales à la détermination, par l'ARS, des « déserts médicaux ». En effet, à l'heure actuelle, l'ARS détermine les zones blanches médicales après concertation avec les représentants des professionnels de santé concernés (art L1434-4 du CSP). Ce zonage est réalisé pour chaque profession de santé, au regard d'un certain nombre de critères 45 ( * ) et d'une méthodologie définis par un arrêté ministériel. De nombreuses personnes entendues par vos rapporteurs ont proposé d'étendre cette consultation aux représentants des collectivités territoriales 46 ( * ) dans la mesure où ce zonage conditionne la régularité des aides apportées par les collectivités territoriales 47 ( * ) , par exemple dans le cadre de la création d'une maison de santé. Il parait donc légitime que les élus, en prise permanente avec les réalités territoriales, soient pleinement associés à la détermination des zones sous-denses.
Un amendement a été déposé en ce sens dans le cadre de l'examen en séance du projet de loi dit « 3DS ». Le rapporteur, notre collègue Alain Milon, a toutefois douté de la pertinence de prévoir une association systématique des collectivités et ce pour les raisons suivantes : « D'une part, celles-ci ne sont pas toujours à même de juger pour chaque spécialité les besoins et l'adéquation de l'offre associée. D'autre part, comme le souligne l'auteur de l'amendement, elles participent déjà aux travaux de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, qui émet un avis sur le sujet. Surtout, même sans le prévoir dans le code, rien n'empêche les collectivités d'adresser au directeur général de l'ARS des observations sur la situation de leur territoire. D'ailleurs, elles le font régulièrement » 48 ( * ) .
Au vu de ces explications, cet amendement a été retiré. Vos rapporteurs souhaitent toutefois que la réflexion se poursuive sur ce sujet essentiel dans la mesure où la conférence régionale précitée comporte certes un collège d'élus, mais ceux-ci ne représentent que dix membres parmi une centaine. D'une manière générale, la conduite de la politique de santé publique doit reposer sur une approche « bottom up » qui part des dynamiques des territoires.
* 37 Voir cette page du ministère de la santé : https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/masante2022/lutter-contre-les-deserts-medicaux/
* 38 Compte-rendu disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210308/dct_bulletin_2021-03-11.html#toc2
* 39 Ibid.
* 40 Rapport d'information de MM. Jean-Michel Arnaud et Roger Karoutchi, fait au nom de la MCI Effets des mesures en matière de confinement ; rapport n° 712 (2020-2021) - 24 juin 2021. Le rapport cite en particulier Pierre Monzani, directeur général de l'assemblée des départements de France : « nous avons vu, à cette occasion, combien les ARS avaient, a fortiori dans les grandes régions, des relais départementaux très insuffisants. Souvent le délégué départemental de l'ARS, malgré sa bonne volonté, se trouve dans l'obligation de demander l'autorisation au directeur général de l'ARS qui lui-même demande l'autorisation au cabinet du ministre de la santé. Or, quand il y a crise - le Président de la République avait dit que nous étions en guerre - ce qui compte, c'est la réactivité du terrain. »
* 41 Voir en ce sens le rapport du 2 juillet 2020 intitulé « 50 propositions Larcher pour une nouvelle génération de la décentralisation ».
* 42 Rapport de Mme Catherine Deroche, M. Bernard Jomier et Mme Sylvie Vermeillet, fait au nom de la commission d'enquête « Évaluation des politiques publiques face aux pandémies » ; rapport n° 199 tome I (2020-2021) - 8 décembre 2020.
* 43 Voir l'amendement de suppression déposé par le Gouvernement, amendement repoussé par le Sénat : http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/724/Amdt_1413.html
* 44 En séance, le Gouvernement s'est opposé à une telle évolution, estimant que le PRS ne peut relever que du DG ARS, au titre de ses fonctions de police sanitaire qu'il exerce au nom de l'État (voir l'amendement de suppression déposé par le Gouvernement, amendement repoussé par le Sénat : http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/724/Amdt_1413.html ).
* 45 Nombre de praticiens concernés et répartition géographique par classe d'âge, ou encore caractéristiques sanitaires, démographiques et sociales de la population, présence de structures de soins...
* 46 Actuellement, les élus sont faiblement associés à la réalisation de ce zonage. Certes, ce dernier est déterminé après avis de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (article R. 1434-42 du CSP), conférence qui comporte un collège d'élus locaux. Toutefois, ceux-ci ne représentent que dix membres parmi une centaine.
* 47 L'art L1511-8 du CGCT énonce que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones définies en application du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique ».
* 48 Séance du 15 juillet 2021 : http://www.senat.fr/seances/s202107/s20210715/s20210715006.html