II. LES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION POUR MIEUX INFORMER, ACCUEILLIR ET PROTÉGER LES VICTIMES DE VIOLENCES

Forte de ces constats, de ces remontées de terrain et de ces retours d'expérience, la délégation est en mesure de formuler dix-huit recommandations de nature à apporter aux femmes victimes de violences intrafamiliales dans les zones rurales des réponses adaptées à la ruralité.

Trois domaines d'action doivent être privilégiés :

- la communication à l'égard des victimes de violences mais aussi du grand public ;

- les conditions d'accueil des victimes de violences en milieu rural ;

- le parcours de sortie de violences pour les femmes victimes en zones rurales.

A. UN EFFORT NÉCESSAIRE ET ADAPTÉ EN MATIÈRE DE COMMUNICATION

1. Développer des actions de prévention et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles

La délégation est bien entendu, par principe, favorable au renforcement, au niveau national, des actions de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes afin de déconstruire les stéréotypes de genre à l'oeuvre dès le plus jeune âge.

En milieu rural, ces stéréotypes peuvent être encore plus prégnants et tenaces comme l'ont fait savoir à la délégation plusieurs intervenants de la table ronde du 11 février 2021.

Ainsi, Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, a indiqué devant la délégation que la prégnance « des stéréotypes sexistes est certainement plus importante dans un milieu parfois encore patriarcal. La minimisation des violences accroît la honte et la stigmatisation, ce qui renforce le repli des victimes ».

De même, Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale Solidarité Femmes a relevé en milieu rural : « la prégnance des stéréotypes sexistes et d'une société patriarcale, [les] violences minimisées ou niées, sur des durées plus longues et d'une gravité plus importante ».

La délégation recommande donc de développer ces actions de prévention et de sensibilisation au sein des établissements scolaires, dès la petite école (maternelle et primaire), ainsi que dans toutes les structures d'enseignement et d'éducation présentes en milieu rural, telles que les maisons familiales rurales par exemple (MFR) ou les structures d'enseignement agricole pour lutter contre la banalisation des violences.

Recommandation n° 46 : Développer des actions de prévention et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles au sein des établissements scolaires dès le plus jeune âge mais aussi dans toutes les structures d'enseignement et d'éducation présentes en milieu rural.

2. Renforcer la communication « grand public » en zone rurale pour mieux faire connaître les droits et dispositifs de recours des femmes victimes de violences

Tous les interlocuteurs de la délégation ont été unanimes pour souligner la méconnaissance, voire l'ignorance, par les femmes victimes de violences dans les territoires ruraux des dispositifs d'aide en matière de lutte contre les violences conjugales.

La délégation estime donc qu'un effort considérable de communication doit être réalisé non seulement à destination de ces femmes afin de leur faire connaître leurs droits et les voies de recours qui s'offrent à elles, mais aussi plus largement à l'égard des habitants des zones rurales afin de les sensibiliser aux cas de violences qu'ils pourraient constater dans leur entourage.

Dans cette perspective, la délégation a pris connaissance avec intérêt de nombreuses initiatives déjà mises en oeuvre dans certains territoires : il s'agit de démarches « proactives » à destination des victimes visant à rompre leur isolement .

Lors de la table ronde de la délégation du 11 février 2021, Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, a ainsi affirmé qu'il était « essentiel de renforcer la communication pour mieux faire connaître les droits et les dispositifs de recours ». De ce point de vue, elle a cité un certain nombre d'expériences très intéressantes conduites dans ce domaine, parmi lesquelles :

- dans le Gers et dans le Tarn-et-Garonne, mais également dans d'autres départements, des campagnes d'information et de communication mises en place au travers de pochettes d'emballage de médicaments . Elles comportent des informations sur les dispositifs existants, tant au niveau national que départemental ;

- la même campagne a été menée sur 80 000 emballages de pain dans le Gers, avec l'aide d'artisans boulangers. De nombreuses personnes ont ainsi pu être sensibilisées, parmi lesquelles des proches de victimes. Le réseau d'alerte et d'appui est en effet composé des victimes et de leur entourage.

Le lieutenant-colonel Denis Mottier, de la Gendarmerie nationale, a également souligné devant la délégation l'importance de s'appuyer « sur les partenariats nationaux et les initiatives locales portées par des entreprises privées telles que Carrefour , Sodebo , les pharmaciens et boulangers ayant imprimé sur leurs emballages des messages à l'attention des victimes, destinés à les informer de l'existence du 3919 , des plateformes d'appel et de la plateforme contre les violences sexuelles et sexistes ».

Il a également précisé, s'agissant des campagnes d'information et de communication menées par la Gendarmerie nationale, que l'opération R-mess était déployée dans un certain nombre de départements : « il s'agit d'étiqueter les sachets de pains ou de pharmacie. Il est tout à fait possible de mener ces campagnes au niveau local, voire en collaboration avec le centre d'information et de recrutement (CIRFA) de la Gendarmerie, la Gendarmerie nationale et un mécène ou un financeur. La Gendarmerie est prête à poursuivre ses efforts dans ce domaine. Une convention avec Carrefour nous permettra également de procéder à des étiquetages et à une diffusion dans tout son réseau, englobant les grands centres commerciaux, mais également supérettes. Nous sommes prêts à collaborer avec d'autres commerçants ».

À cet égard, Nora Husson, responsable du département suivi et exploitation statistiques des CIDFF de la FNCIDFF, a toutefois tenu à préciser que les informations sur ce type de support (emballages de pharmacie ou de boulangerie) devaient être améliorées : « les habitants des milieux ruraux doivent disposer d'informations sur les services disponibles dans leur environnement, afin de pouvoir les contacter. Les réseaux de professionnels et ces dispositifs doivent être en mesure de communiquer entre eux. Il est primordial que les partenaires puissent mailler le territoire et échanger pour poser des diagnostics et définir des solutions ».

La délégation est favorable à la généralisation à l'ensemble des territoires ruraux de ces expérimentations de communication grand public, en partenariat avec l'ensemble des professionnels concernés (forces de l'ordre, associations, commerçants, collectivités territoriales et services déconcentrés, etc.).

La délégation recommande, plus largement, de réfléchir à toutes les solutions de nature à « visibiliser » les messages de prévention et la communication sur les dispositifs d'aide aux victimes dans les zones rurales.

Il convient de réfléchir à une communication exploitant tout support « visible » par les femmes et leur entourage proche dans ces territoires , que ce soit par le biais des publications ou bulletins d'information des collectivités par exemple, de l'affichage de messages de prévention et de sensibilisation dans tous les lieux accueillant du public, mais aussi, pourquoi pas, par le vecteur d'objets du quotidien visibles par tous en milieu rural (les boîtes aux lettres « jaunes » de La Poste , les conteneurs à bouteilles pour le recyclage du verre, les bacs permettant la collecte des ordures ménagères par les collectivités, etc.) qui pourraient devenir le support de messages informatifs sur les services à contacter en cas de violences domestiques.

Recommandation n° 47 : Généraliser à l'ensemble des territoires ruraux les campagnes de communication sur les dispositifs d'aide aux victimes en utilisant les « vecteurs du quotidien », en s'appuyant sur des partenariats avec acteurs publics et privés : sachets de pharmacie, emballages de pain, tout support potentiellement visible par les femmes vivant dans ces territoires.

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