B. LES SPÉCIFICITÉS DES CONDITIONS DE VIE EN ZONE RURALE ACCROISSENT LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES
1. Les difficultés spécifiques aux zones rurales : des victimes plus isolées, plus exposées, moins informées et moins protégées
Ainsi que l'a souligné Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes, lors de la table ronde de la délégation du 11 février 2021, « les problématiques spécifiques relèvent du fait que les victimes dans les zones rurales sont plus isolées, puisqu'il s'agit de zones à moindre densité, mais également plus exposées, peut-être moins informées ou sans doute moins protégées. Ces constats ne résultent pas de volontés mais simplement de conséquences de situations et de contraintes matérielles ».
Parmi ces situations et contraintes matérielles qui accentuent les difficultés rencontrées par les femmes victimes de violences en milieu rural, la délégation a recensé les suivantes :
des difficultés de mobilité et d' isolement géographique des victimes ;
une recherche de l' anonymat problématique, en raison de la promiscuité et de la proximité dans des zones rurales peu denses où « tout le monde se connaît » qui renforcent paradoxalement le sentiment d'isolement de la victime : l'anonymisation des démarches des victimes devient alors quasiment impossible . Dans les faits, cela peut limiter la libération de la parole, favoriser un contrôle renforcé des auteurs de violences et rendre plus difficile un dépôt de plainte ou la possibilité de se confier à un professionnel ;
une plus grande précarité et dépendance économique et financière de certaines victimes vis-à-vis de l'auteur de violences, qui peut être accentuée dans certaines catégories socioprofessionnelles.
De ce point de vue, le cas des agricultrices ou conjointes d'agriculteurs victimes de violences est particulièrement problématique, comme le soulignait Céline Berthier de la Confédération paysanne lors de la table ronde de la délégation le 3 juin 2021 : « certaines femmes subissent (...) des violences physiques de la part de leur conjoint. Elles sont isolées sur leur ferme et n'arrivent pas à en sortir. Toute leur vie se situe là, isolées dans cette ferme : leur revenu, leur maison, leur voiture, leurs enfants. Elles peuvent vite être coupées du monde et subir des violences » ;
une connaissance insuffisante des associations et dispositifs d'aide , couplée à une vie associative moins variée et à un faible maillage territorial des associations, services publics et services de santé ;
un accès plus restreint à la justice , aux infrastructures et services publics qu'en milieu urbain, couplé à une méconnaissance de leurs droits par les victimes. Leurs voies de recours sont aussi moins aisées en raison des distances qu'il leur faut parfois parcourir pour effectuer des démarches et des moyens d'accès limités ;
le manque de structures d'hébergement adaptées et l'insuffisance de solutions de relogement pérenne qui rendent le traitement de la protection des victimes plus compliqué en milieu rural ;
une prégnance des stéréotypes sexistes plus importante en milieu rural : la minimisation des violences encore parfois à l'oeuvre dans ces territoires accroît la honte et la stigmatisation des victimes ce qui renforce leur repli.
Lors de son intervention devant la délégation au cours de la table ronde du 11 février 2021, Françoise Brié, directrice générale de la FNSF a ainsi parfaitement résumé les difficultés majeures rencontrées par les femmes victimes de violences en milieu rural, en soulignant que ces difficultés « relèvent de la prégnance des stéréotypes sexistes et d'une société patriarcale, de s violences minimisées ou niées, sur des durées plus longues et d'une gravité plus importante, avec des facteurs de risque sérieux tels que la présence d'armes liée à la pratique de la chasse. S'y ajoutent l'isolement géographique et les difficultés de mobilité, la précarité financière, la méconnaissance des droits et l'absence d'anonymat. Effectuer une démarche en toute discrétion est difficile, l'auteur des violences pouvant être connu des professionnels que les femmes consultent. L'entre soi vient parfois compliquer le départ du domicile des femmes victimes de violences dans les zones rurales. La présence de la belle-famille à proximité peut également rendre ce départ plus complexe. Notons également la difficulté à déposer plainte, les disparités territoriales dans l'accès aux aides, le manque de services de proximité en termes de santé ou de justice et les formations souvent inégales des professionnels. Les territoires étant étendus, le temps de parcours peut y être très important, que ce soit en transports en commun ou en véhicule individuel. L'accès à des services permettant aux victimes de quitter le domicile est pourtant essentiel ».
2. Le rôle majeur des acteurs locaux pour appréhender l'ampleur des violences conjugales en milieu rural
La délégation a pu constater, au cours de ses travaux, combien le rôle des acteurs locaux était primordial, dans les territoires ruraux, non seulement pour appréhender l'ampleur du phénomène des violences conjugales mais aussi pour tenter d'apporter des réponses coordonnées aux victimes.
De ce point de vue, elle tient à saluer le rôle de premier plan que jouent notamment les déléguées départementales aux droits des femmes et à l'égalité , représentantes du réseau déconcentré du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, en lien avec les préfets et les élus des territoires ruraux notamment, avec souvent trop peu de moyens pour couvrir l'ensemble des zones rurales du territoire où elles sont implantées .
a) La Gendarmerie nationale, parfois le « seul recours » des victimes dans les territoires ruraux
Lors de la table ronde de la délégation le 11 février 2021, le lieutenant-colonel Denis Mottier, de la direction des opérations et de l'emploi de la Gendarmerie nationale, a précisé : « sachez tout d'abord qu'il n'existe pas de réponse purement policière ou gendarmique à un problème de société tel que les violences faites aux femmes, et plus largement liées à la condition de la femme. Pour autant, dans les territoires ruraux, dans le silence de la nuit et dans l'intimité des foyers, le 17 constitue bien souvent le seul recours des victimes . C'est pourquoi l'action de la gendarmerie reste parfois l'unique solution des victimes dans ces situations. Adapter cette réponse au plus près des attentes de cette population, tout en garantissant la sécurité de nos interventions, et créer des synergies locales dans une logique partenariale sont les deux axes de notre réflexion. »
S'agissant de l'action spécifique de la Gendarmerie nationale en matière de violences intrafamiliales (VIF) dans les territoires ruraux, elle intervient sur 95 % du territoire et 51 % de la population avec une proportion stricte d'interventions et de victimes de 50 % sur les territoires ruraux et 50 % sur les zones péri-urbaines et urbaines. Les progressions de VIF sont similaires entre les différents types de territoire.
En raison de son maillage territorial, la Gendarmerie nationale est parfois le seul service public disponible et donc le seul recours d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales . À cet égard, le lieutenant-colonel Denis Mottier a rappelé devant la délégation que la Gendarmerie devait « adapter son dispositif, en matière d'intervention, mais également au niveau de sa permanence de lieux d'écoute dans tous les territoires ruraux ».
Passée l'urgence des interventions, l'accompagnement social des victimes doit primer, en coordination avec les associations. Toutefois, le lieutenant-colonel Denis Mottier a souligné devant la délégation que cet accompagnement social « fait aujourd'hui défaut car les associations sont généralement situées dans les centres urbains, pas uniquement dans les métropoles, mais aussi dans des villes moyennes où se concentrent l'action associative et l'ensemble des synergies sociales ».
En outre, comme l'a souligné le lieutenant-colonel Denis Mottier, « le traitement de la protection des victimes de violences conjugales est compliqué en milieu rural et atteint ses limites en termes de propositions d'hébergements d'urgence, de prise en compte de certaines spécificités liées au handicap et aux seniors, et de mise en oeuvre du bracelet anti-rapprochement (BAR) et du Téléphone grand danger (TGD). Les délais d'intervention en zone rurale sont aussi plus importants ».
Outre des délais d'intervention plus longs en zones rurales, se pose également la question de l'amplitude horaire des ouvertures des gendarmeries et donc de leur accessibilité à toute heure du jour et de la nuit pour les victimes de violences.
La Gendarmerie nationale a développé des outils spécifiques, dont des indicateurs, constitués d'un tableau de bord pour le suivi des violences intrafamiliales. Ces outils spécifiques permettent notamment à la Gendarmerie nationale d'observer les évolutions constatées par les brigades, les compagnies, mais également les groupements, en volume ou selon leur répartition géographique.
Enfin, la Gendarmerie a créé au 1 er janvier 2021 des maisons de confiance et de protection des familles dont le nombre s'élevait à 53 sur l'ensemble du territoire national à la date du 11 février 2021.
LES MAISONS DE CONFIANCE ET DE PROTECTION DES FAMILLES
(MCPF)
DE LA GENDARMERIE NATIONALE
Les Maisons de confiance et de protection des familles (MCPF) sont des unités opérationnelles de la Gendarmerie nationale
Agissant sur le ressort d'un département, elles constituent un point d'entrée unique pour les partenaires de la gendarmerie. Elles sont des unités d'appui, y compris judicaire, au profit des unités (prise en charge et accompagnement des plus vulnérables) et un outil de coordination. Elles s'occupent principalement de cinq thématiques particulières : les violences intrafamiliales, les discriminations, la prévention de la radicalisation, les addictions rentrant dans le champ pénal et les usages numériques à risques.
L'action dans ces différents champs est variable en fonction des territoires mais le prisme des violences conjugales est un invariant fort de leur action. Ces unités sont nouvelles puisqu'elles ont été créées au 1er janvier 2021 et un plan de formation ambitieux est en cours.
Dans ce cadre notamment, la gendarmerie développe au niveau national et décline au niveau local des synergies avec les associations. À titre d'exemple de synergie partenariale, la FNCIDFF, Solidarité Femmes et France Victimes sont intervenues hier au profit des chefs de ces structures.
Source : Gendarmerie nationale
b) L'engagement des élus locaux en faveur de la lutte contre les violences dans les collectivités des territoires ruraux
Si les élus des territoires ruraux rencontrent souvent obstacles et difficultés en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et d'accompagnement des victimes, ils sont aussi à l'origine d'initiatives et de bonnes pratiques locales pouvant servir d'exemple.
L'engagement et la mobilisation des communes et départements des territoires ruraux notamment ont été soulignés lors de la table ronde de la délégation sur la thématique des violences du 11 février 2021 grâce aux témoignages de représentantes de l'Assemblée des départements de France (ADF), d'une part, et de l'Association des maires de France (AMF), d'autre part, qui ont apporté un éclairage sur le rôle des élus de terrain dans cette politique publique et sur les nombreuses initiatives locales à l'oeuvre pour venir en aide, protéger et accompagner les femmes victimes de violences dans les territoires ruraux.
(1) Le témoignage d'élues départementales devant la délégation
Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme, vice-présidente de la commission Égalité de l'ADF, a souligné devant la délégation le 11 février 2021 que « l'éloignement des pôles centraux et des services publics, une mobilité plus difficile, une vie associative moins variée et la désertification médicale sont autant de facteurs compliquant la détection, le recueil des confidences et l'accompagnement des femmes violentées ».
Les départements sont avant tout des collectivités de proximité, chefs de file de l'action sociale, apportant leur soutien financier aux associations spécialisées dans la lutte contre les violences faites aux femmes . Ils participent également à la mise en réseau des acteurs de proximité et ont pour vocation de mailler le territoire par le biais notamment de leurs centres médicaux sociaux . Leur compétence en matière de protection maternelle et infantile (PMI) permet également de repérer les cas de violences et d'inciter à la confidence des victimes.
Parmi les initiatives mises en place par le département de la Drôme pour venir en aide aux victimes de violences, Marie-Pierre Mouton a notamment signalé à la délégation « un bus Drôme proximité , centre médico-social ambulant à destination des Drômois et Drômoises les plus éloignés des services publics, [qui] permet aux femmes isolées d'obtenir des informations ».
Marie-Pierre Mouton a, par ailleurs, indiqué à la délégation que le département de la Drôme avait activement recherché la mise en place de partenariats avec les autres acteurs locaux impliqués dans la lutte contre les violences : accompagnement financier par le département de la présence d'intervenants sociaux en gendarmerie, aide financière apportée au CIDFF dans la construction d'un réseau d'accueil citoyen et d'accompagnement des femmes et enfants victimes de violences intrafamiliales, par exemple.
Enfin, elle a rappelé l'ensemble des atouts permettant aux départements de mettre en oeuvre une politique dynamique de lutte contre les violences faites aux femmes :
- capacités de repérage et d'accompagnement via les services médico-sociaux ;
- possibilité de mobiliser des financements comme le Fonds Unique Logement (FUL), le Plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) pour créer une offre d'hébergement et d'accompagnement ;
- compétence en matière de protection de l'enfance et des mineurs ;
- incitation à organiser des séances de sensibilisation dans les collèges.
Dans le même département de la Drôme , Marie-Pierre Monier, rapporteure au nom de la délégation, a également fait part de la constitution d'un « collectif dans les Baronnies dont l'idée revient à l'élue d'une commune de moins de 500 habitants, située à une heure et demi de Valence. (...) Dans ce collectif créé en 2015 et uniquement composé d'élus, nous avons organisé des événements, des conférences et des ciné-débats, des échanges, ainsi que des formations d'élus. L'une des élues a convaincu son conseil municipal d'affecter un appartement aux femmes victimes de violences sur les crédits de rénovation de la mairie. Il a été utilisé pendant le confinement ».
Pour le département de la Manche , Anne Harel, vice-présidente du conseil départemental et représentant l'ADF à la table ronde de la délégation du 11 février 2021, a d'abord rappelé que « dans la Manche, en 2020 , nous avons constaté une augmentation de 16 % des violences faites aux femmes . L'accueil des victimes de violences conjugales par des travailleurs sociaux du département connaît donc une hausse. C'est devenu leur quotidien, surtout dans les zones rurales ».
Elle a également souligné que, face à ces situations de violences, « les élus sont parfois démunis (...) et peuvent être perçus comme le seul interlocuteur des victimes résidant en territoire rural. Des réponses doivent y être apportées. Nous devons favoriser la mobilité de ces publics et rapprocher les services de l'usager en délocalisant les lieux de permanence. Les travailleurs sociaux du département exercent dans les centres médico-sociaux mais également au sein des territoires de solidarité dans les maisons France Services ou dans les mairies. Le développement de l'accessibilité numérique fait également partie de nos priorités. S'y ajoutent un maillage de personnes formées et informées et une communication publique et collégiale entre l'ensemble des parties prenantes ».
Ainsi, en partenariat avec les signataires d'un protocole départemental associant 47 acteurs départementaux, le département de la Manche a créé une fiche réflexe pour rappeler le cadre légal et donner des repères aux élus. Elle a été diffusée par les conseillers départementaux à l'ensemble des communes de leur canton. Dans le cadre de ce protocole départemental, le département de la Manche a également créé un observatoire des violences, qui fait partie de l'Observatoire départemental de la protection de l'enfance, mais qui a vocation à devenir une entité à part entière afin de connaître la répartition géographique des cas de violence, d'observer les suites données à ces démarches, d'évaluer la qualité de la prise en charge des victimes, de rapprocher les cultures professionnelles afin de prévenir les effets de violences, et d'adhérer aux réseaux de prévention.
Le rôle de la protection maternelle et infantile (PMI), compétence du département, a également été souligné dans la détection des cas de violences intrafamiliales.
Le département de la Manche accompagne également les victimes dans leur parcours de sortie de la violence, en assurant leur mise à l'abri et en développant des places en maison parentale. Le département a lancé en 2020 un appel à projets, reconduit en 2021, centré sur la prévention et la protection des personnes, doté d'un budget de 20 000 euros. En 2020, le département a également contribué à la création d'un fonds d'urgence pour les situations de crise, mais aussi à l'hébergement de victimes dans les territoires ruraux.
Ces deux départements, celui de la Drôme et de la Manche, ont livré devant la délégation quelques exemples des actions menées, à l'échelle nationale, par de nombreux conseils départementaux , témoignant ainsi de leur pleine mobilisation en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes, notamment dans les zones rurales les plus isolées .
(2) Le témoignage d'élues municipales devant la délégation
Les élues municipales, représentantes de l'Association des maires de France (AMF), invitées par la délégation le 11 février 2021, ont également apporté leur témoignage d'élues de terrain confrontées à la réalité des violences conjugales en milieu rural.
Cécile Gallien, vice-présidente de l'AMF, maire de Vorey en Haute-Loire, s'est ainsi exprimé devant la délégation : « 72 % des communes de France comptent moins de 1 000 habitants. Il est temps de traiter la question des violences faites aux femmes dans les territoires ruraux . Je confirme que pour les femmes victimes de violences, les difficultés liées à l'emploi, à la mobilité, à l'accès à la propriété, à l'isolement et au manque d'anonymat, sont exacerbées en milieu rural, dans les hameaux ou les campagnes reculées. Pourquoi iraient-elles déposer plainte à la gendarmerie, se confier au maire ou aux pompiers en sachant pertinemment qu'ils connaissent leur conjoint ? À tout cela s'ajoute la crainte des mères de se voir retirer la garde de leurs enfants. Nous constatons leur grande méconnaissance des dispositifs d'aide aux femmes victimes de violences et de leurs droits ».
Faisant part de son témoignage personnel en tant que maire d'une petite communale rurale, elle a indiqué à la délégation : « maire depuis douze ans d'une commune de 1 460 habitants, je suis intervenue à trois reprises pour cacher des femmes et permettre leur hébergement dans des gîtes ruraux auxquels j'ai fait appel en urgence avant de mettre ces victimes en relation avec les structures adéquates ».
Elle a également fait savoir qu'une cellule dédiée à la lutte contre les violences, animée par la sous-préfète de Haute-Loire, avait été créée en septembre 2019 et rassemblait la Gendarmerie nationale, le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), trente structures apportant leur soutien aux femmes, et le département. Sous l'impulsion de cette cellule, « de nombreuses actions sont menées pour obtenir des Téléphones grand danger (TGD), éloigner le conjoint violent, ou mettre à disposition des lieux d'accueil, malheureusement encore situés en majorité dans les villes moyennes. Un intervenant social financé par l'État, la CAF et le département travaille dans les gendarmeries ».
Édith Gueugneau, maire de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire), co-présidente du groupe de travail Égalité femmes-hommes de l'AMF, a également indiqué à la délégation que « la question des violences faites aux femmes en milieu rural ne doit pas être sous-estimée car les victimes sont nombreuses (...) La prise en charge et l'accompagnement des victimes sont donc prioritaires et l'implication et la mobilisation des élus primordiales et fondamentales car tout repose sur l'engagement des collectivités territoriales ».
Apportant son témoignage concernant la situation de sa commune, elle a indiqué : « j'habite dans une petite commune de 5 000 habitants, à l'extrême ouest d'un département assez vaste. La Saône-et-Loire a organisé des réseaux VIF composés de professionnels de différentes institutions et associations. En tant que maire de Bourbon-Lancy, j'ai créé ce réseau VIF en 2015. Il fonctionne très bien. La commune dispose d'un appartement dédié aux femmes victimes de violences et de trois appartements d'urgence. En 2020, ils ont été occupés à 95 %. Il est nécessaire d'accueillir les femmes subissant des violences, pas uniquement lorsqu'elles habitent dans notre ville, mais également les villes alentour ».
Elle s'est également félicitée des nombreuses avancées intervenues dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes ces dernières années, « pour autant, nos territoires doivent s'organiser. Les maisons France Services répondent aujourd'hui à ce besoin de plus de proximité des services publics. Je suis en train d'en créer une dans ma commune ».
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Au cours de ses travaux, la délégation a donc pu le constater : les élus des territoires ruraux sont souvent « en première ligne » dans la mise en oeuvre de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes et la protection des victimes.
Elle ne peut qu'encourager les collectivités de ces territoires à continuer de travailler en réseau avec les autres acteurs locaux de cette politique publique, afin de décloisonner les actions et réponses en faveur des victimes, et à développer des initiatives innovantes pour répondre de façon pragmatique et territorialisée aux besoins des femmes victimes de violences domestiques sur leurs territoires.
Parmi le millier de réponses à la consultation participative des élues des territoires ruraux , lancée entre le 10 juin et le 12 juillet 2021 par la délégation dans le cadre de ses travaux sur la situation des femmes dans les territoires ruraux, plusieurs élues font part d'initiatives ou de bonnes pratiques locales mises en place dans leur territoire pour lutter contre les violences conjugales.
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PAROLES D'ÉLUES
« L'association “Toutes des Déesses” à Onans (...) vient en aide aux femmes victimes de violence. Elle les accompagne à la gendarmerie, leur trouve un logement, les accompagne au tribunal, etc... » Une élue du Doubs
« Nous avons mis en place avec le centre communal d'action sociale (CCAS), une fiche pratique pour gérer l'accueil et l'accompagnement des femmes victimes de violences que nous avons diffusé sur les différents supports de communication de la commune (bulletin, site internet, panneau numérique...) » Une élue du Doubs
« Contrat local de lutte contre les violences intrafamiliales initié par la Communauté d'agglomération Pau-Béarn-Pyrénées et personnels formés à la question des violences intrafamiliales au sein des mairies » Une élue des Pyrénées-Atlantiques
Source : Consultation des élues locales issues des territoires ruraux - Plateforme participative du Sénat (10 juin - 12 juillet 2021)
c) Les professionnels de la santé souvent en « première ligne » dans les territoires ruraux
Ainsi que le révèlent plusieurs études sur le sujet, les femmes victimes de violences conjugales s'adressent plus souvent et plus facilement au corps médical en milieu rural pour aborder et révéler les violences qu'elles subissent.
Le rôle des professionnels de santé dans la prise en charge des victimes de violences dans les territoires ruraux est en effet crucial : le pharmacien, investi depuis le début de la crise sanitaire et le premier confinement d'un rôle majeur pour identifier et orienter les femmes victimes de violences, et le médecin traitant, qui est en première ligne pour identifier et prendre en charge les victimes, a fortiori depuis que la loi 37 ( * ) du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a prévu la levée du secret médical en cas de violences conjugales, même en l'absence d'accord de la victime, si ces violences mettent la victime en danger immédiat et si elle se trouve en situation d'emprise.
(1) Le rôle du praticien référent en milieu rural
Lors de la table ronde de la délégation du 11 février 2021, le Docteur Marie-Pierre Glaviano Ceccaldi, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) et présidente du Comité national des violences intrafamiliales (CNVIF), a rappelé que « le praticien référent en milieu rural est le médecin généraliste ou de famille. La désertification médicale n'est pas négligeable dans ces zones. Elle rend la prise en charge des victimes de violences conjugales plus difficile. Le médecin de famille est parfois le seul interlocuteur disponible. Sa proximité avec la famille et l'entourage peut rendre la libération de la parole de la victime encore plus difficile, bien qu'il soit lié par le secret médical ».
Elle a également tenu à rappeler que l'application de la loi précitée du 30 juillet 2020 permettant une « dérogation permissive » au secret médical était strictement encadrée et intervenait dans des circonstances clairement définies : une femme sous emprise, en danger immédiat, arrivée au bout de son parcours. Les signalements sans l'accord de la victime ne peuvent intervenir que dans un contexte d'urgence et doivent demeurer un cas exceptionnel.
À cet égard, le Conseil national de l'Ordre des médecins a mis en place des actions territoriales pour informer les professionnels du cadre d'application de cette disposition sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales. Des protocoles signés entre les conseils départementaux de l'Ordre des médecins et les parquets ont pour objectif de mettre à la disposition des « signalants » tous les outils nécessaires. Ils engagent le conseil départemental de l'Ordre et les parquets concernés à réaliser des journées de sensibilisation et à développer une relation étroite avec les départements qui posséderaient des instituts médico-légaux ou des instituts médico-judiciaires. Ces protocoles doivent être généralisés et mis en application par des commissions Vigilance Violences créées au sein des conseils départementaux de l'Ordre des médecins.
En outre, le Comité national des violences intrafamiliales a été créé le 20 avril 2020 dans un contexte d'urgence lié au confinement et à l'augmentation des violences conjugales et intrafamiliales.
Il est constitué de plus de soixante-dix experts représentant tous les ordres de la branche santé, du Conseil national des barreaux, de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), de la Haute autorité de santé (HAS), de nombreux collèges et de représentants de la justice. Il comporte cinq commissions, dont l'une est dédiée aux violences faites aux femmes, présidée par Françoise Brié, directrice générale de la FNSF. Une commission « recherche » concerne les auteurs de violences, à des fins de prévention. D'autres commissions travaillent sur les violences sur les enfants et sur l'enseignement et la formation.
(2) La participation du réseau des pharmaciens à la lutte contre les violences conjugales en milieu rural
Le réseau des pharmacies d'officines s'est plus particulièrement engagé dans la lutte contre les violences conjugales lors du premier confinement, en mars 2020, après l'annonce par le ministre de l'intérieur de la mobilisation des pharmaciens pour venir en aide aux femmes victimes de violences, s'appuyant notamment sur le dispositif espagnol lancé par la Chambre des pharmaciens de Tenerife où les femmes victimes pouvaient se rendre dans les officines pour demander un « masque 19 », alertant par ce « message codé » le pharmacien qui se chargeait alors de contacter les forces de l'ordre afin de mettre les personnes concernées en sécurité, en garantissant une discrétion et une confidentialité maximales. Ainsi que le rappelait Alain Delgutte, membre du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens lors de la table ronde de la délégation du 11 février 2021, « la France n'a pas du tout été en retard dans ce domaine. D'autres pays tels que l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas, Malte ou la Grèce se sont mis en ordre de marche d'avril jusqu'à août dernier pour aider ces femmes ».
Trois raisons principales ont motivé cette implication des pharmaciens dans la lutte contre les violences domestiques pendant le confinement :
- la présence des pharmaciens à cette période : les officines étaient ouvertes et assuraient la permanence pharmaceutique ;
- la proximité : 22 000 officines réparties sur tout le territoire et plus d'un tiers d'entre elles sont installées dans des communes de moins de 5 000 habitants. La distance moyenne de la pharmacie la plus proche pour l'ensemble des communes comptant une officine est de 3,8 kilomètres, et de cinq kilomètres pour celles n'en comptant pas. 90 % des communes bénéficient d'une pharmacie à moins de 7,2 kilomètres, et 66 % à moins de cinq kilomètres ;
- l' accessibilité : les pharmacies de garde sont disponibles 24h/24 et 7j/7. Les officines bénéficient de la confiance de leurs patients et sont fréquemment au contact des femmes. En milieu rural, les pharmaciens connaissent bien leurs patients, leurs conditions de vie ou leurs difficultés financières.
Pendant le confinement, l'Ordre national des pharmaciens a très rapidement mis en place une « fiche réflexe » précisant les modalités de saisine par les pharmaciens des forces de l'ordre face à des signalements de violences et proposant des contacts utiles pour orienter les victimes.
Alain Delgutte, membre du Conseil national des pharmaciens, a ainsi précisé le dispositif mis en place lors de la table ronde du 11 février 2021 : « nous avons proposé une liste de contacts utiles pour orienter les victimes vers des professionnels de santé, mais également vers des intervenants en droit et des associations locales très proches. Les avocats ont mis en place un numéro d'appel unique en cas de besoin. Nous avons apposé des affiches dans les officines, indiquant les numéros d'appel tels que le 3919 . Nous avons assuré la diffusion et communiqué avec l'ensemble des officines via le dossier pharmaceutique, outil informatique professionnel nous permettant de connaître les interactions médicamenteuses, mais aussi de communiquer rapidement avec l'ensemble des pharmacies. En moins d'un quart d'heure, elles peuvent ainsi toutes recevoir des messages urgents. Au niveau local et régional, nous avons pris contact avec des associations désirant s'impliquer dans le soutien aux victimes, pour les faire connaître auprès du réseau des pharmacies ».
S'agissant du bilan de cette action , Alain Delgutte a indiqué qu'« à défaut de remontées officielles - puisque cela ne nous était pas demandé - plusieurs exemples ont été relatés par la presse. J'ai eu connaissance de quatorze signalements de pharmaciens à la fin août 2020, mais ce chiffre est largement sous-estimé. À titre personnel, je sais que la pharmacie à côté de chez moi a fait appel à une association car la femme victime de violences ne souhaitait pas alerter la gendarmerie ».
L'Ordre des pharmaciens a également décidé de faire évoluer ce dispositif par le biais du renforcement de la formation professionnelle des pharmaciens dans le domaine de la lutte contre les violences conjugales et en menant avec la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains) un travail pour proposer aux pharmaciens des outils de repérage des cas de violences (fiche réflexe) et les aider à accueillir et orienter les victimes.
RENFORCEMENT DE LA MOBILISATION DES PHARMACIENS DANS LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES CONJUGALES DEPUIS LE PREMIER CONFINEMENT DE MARS 2020
En lien avec la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains), un travail est engagé pour compléter l'offre d'outils sur les violences conjugales avec le projet d'élaborer une fiche réflexe à l'attention des professionnels des officines pour accueillir et orienter une femme victime de violences conjugales.
Son but : élaborer un document plus explicatif sur les violences conjugales et la conduite à tenir vis-à-vis des victimes, à l'intention des pharmaciens souhaitant s'impliquer davantage dans cette thématique.
Aider le pharmacien à repérer les violences conjugales
- Principales infractions et peines encourues au regard de la loi (livret d'accompagnement du court-métrage de formation Anna )
- Formes de violences au sein du couple (physiques, sexuelles/sexistes, psychologiques, économiques) et situations à risque d'apparition/aggravation de ces violences (grossesse, rupture conjugale)
- Contexte et signes cliniques évocateurs (source : Lutter contre la violence au sein du couple )
Fournir au pharmacien des conseils comportementaux sur l'attitude à adopter vis-à-vis des victimes
- Attitude professionnelle à adopter (bienveillance, non jugement, valorisation)
- Stratégies de l'agresseur et attitudes à adopter en regard
- Éléments de langage (que dire/ne pas dire)
Aider le pharmacien à orienter les victimes de violences conjugales
- Revoir la rubrique des contacts utiles en mettant l'accent sur l'aide apportée par chacune des ressources, mettre en avant le 3919
- Proposer une trame de contacts/associations locales à remplir par l'équipe officinale (dépend du format du document)
Création sur le site du Cespharm, outil informatique du Comité d'éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française, d'un espace dédié aux violences familiales rassemblant l'ensemble des outils disponibles pour les pharmaciens :
Fiche réflexe élaborée avec le ministère de l'intérieur, actualisée
- Intégration des modifications demandées par le CNVIF
- Actualisation des mentions relatives au confinement pour lui donner une portée plus générale
Deux affichettes « violences
familiales »
élaborées par le ministère de
l'intérieur
- Une roue des violences : flyer montrant les différents types de violences : économiques, physiques, sexuelles/sexistes, psychologiques élaborée par le ministère des Droits des femmes
- Un document élaboré par le Cespharm sur les contacts utiles recensant les numéros d'urgence, les dispositifs d'écoute ainsi qu'un lien vers les associations locales et nationales répertoriées sur le site arretonslesviolences.gouv.fr
- Des affiches et flyers de promotion des dispositifs d'écoute : 3919 et 119
Projet d'élaboration d'outils d'évaluation de la gravité et de la dangerosité des situations de violences conjugales à l'intention des professionnels de santé - à la demande de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), en lien avec la MIPROF.
Il s'agit d'une des mesures prévue dans le Grenelle de lutte contre les violences qui accompagnerait les dispositions de la loi du 30 juillet 2020 permettant aux professionnels de santé de déroger au respect du secret professionnel en cas de suspicion de violence conjugale mettant la vie de la victime en danger immédiat.
Un travail a d'ores et déjà été engagé, en lien avec la DGOS, la MIPROF et les sept ordres professionnels de santé, pour proposer un tel outil qui serait une aide à la décision de signalement de ces violences pour les professionnels de santé.
Source : Ordre national des pharmaciens
d) Les associations encore et toujours au rendez-vous malgré la faiblesse du maillage dans certains territoires très isolés
Dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes, la délégation ne le sait que trop bien : le rôle des associations de terrain est primordial et l'aide qu'elles peuvent apporter aux victimes dans leurs démarches est précieuse.
Pour autant, en milieu rural, dans les zones les moins densément peuplées, ces associations d'aide aux victimes de violences ne bénéficient pas toujours d'un maillage territorial suffisamment étoffé pour couvrir l'ensemble des territoires ruraux et apporter leur appui aux femmes victimes qui souvent, on l'a vu, méconnaissent l'existence de ces dispositifs de recours.
En outre, la question des moyens consacrés à ces structures associatives, très mobilisées dans la lutte contre les violences faites aux femmes et qui constituent un appui essentiel à l'action des pouvoirs publics, se pose avec acuité, comme dans de nombreux autres domaines ayant trait à la situation des femmes dans les territoires ruraux.
(1) Le témoignage de responsables d'associations de terrain
Dans le cadre de sa table ronde du 11 février 2021 sur la lutte contre les violences faites aux femmes dans les territoires ruraux, la délégation a notamment recueilli le témoignage de deux responsables d'associations d'aide aux victimes de violences intervenant en zone rurale, représentatives des difficultés mais aussi de l'énergie déployée par ces associations pour venir en aide aux femmes victimes de violences .
Ainsi, Betty Fournier, ancienne présidente et fondatrice de l'association Paroles de femmes de Gaillac dans le Tarn, a précisé que cette association, créée en 2005, était « référente violences dans le département et labellisée accueil de jour spécialisé ». L'association dispose de permanences déconcentrées dans le Tarn dont une dans une maison France Services. Elle reçoit environ 300 femmes par an, dont 45 % en zone rurale .
Betty Fournier a expliqué à la délégation que son association s'était intéressée à la problématique des femmes victimes de violences en milieu rural dès 2012 « puisque nous estimions que nous étions dans le déni des situations très compliquées de ces femmes en milieu rural. Nous avons mené la première étude sur le sujet en France. Des constats que nous en avons tirés, nous avons essayé de mettre en place des personnes relais en 2016 ». Une centaine de relais sont aujourd'hui en place dans le Tarn.
Comme l'a précisé Betty Fournier devant la délégation, le projet des personnes relais est « novateur car il fait appel à tous les citoyens : infirmières à domicile, médecins, kinés, pharmaciens, agents d'accueil, postières, coiffeurs, responsables de friperies... Toute personne peut être un relais si elle est sensibilisée et formée et si elle est en contact avec les femmes. Nous travaillons avec les Familles rurales , les syndicats agricoles, les personnels de la caisse d'allocations familiales (CAF) ou de la mutualité sociale agricole (MSA), ou encore les associations caritatives ».
Après leur sensibilisation et leur formation, ces personnes ont pour rôle de repérer et détecter certaines difficultés vécues par les femmes, afin de les informer et de les orienter vers les structures spécialisées. Elles ont également pour rôle de distribuer des plaquettes d'information et différents outils existants. Cependant, disposer de « personnes relais » ne suffit pas : il est important de créer du lien avec elles.
Ce projet très novateur de « personnes relais » mis en place par l'association Paroles de femmes de Gaillac a été un réel succès puisque, comme l'a souligné Betty Fournier, il a vocation à être étendu à d'autres territoires : « depuis cette année, nous avons reçu de nombreuses demandes de territoires hors Occitanie souhaitant développer ce concept : le Beaujolais, le Finistère, cinq associations des Pays de la Loire, ou encore le Cantal. Nous sommes en lien avec eux et espérons, avec la Fédération nationale Solidarité Femmes , pouvoir coordonner ces associations qui souhaitent mettre en place des personnes relais ».
La délégation ne peut qu'encourager le déploiement, dans l'ensemble des territoires ruraux, de cette initiative qui apparaît comme une réponse efficace et pragmatique au faible maillage associatif de certaines zones rurales.
La délégation a également entendu le témoignage de Françoise Mar, coprésidente et cofondatrice de l'association Les Chouettes-solidarité femmes du Diois dans le département de la Drôme .
Cette association est née en juin 2020 et compte 25 adhérentes dont quatre accompagnantes formées. Elle a pour objectif de lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Toutefois, comme l'a souligné Françoise Mar, « sur le terrain, nous jouons malheureusement surtout un rôle d'ambulance en quelque sorte puisque nous arrivons après les violences, en soutien aux femmes victimes et à leurs enfants ». L'association a signé une convention avec l'espace France Services du Diois où elle tient une permanence mensuelle. Elle suit plus de 25 femmes dans des situations souvent compliquées : « la plupart vivent des violences post-conjugales consécutives à des violences de couple ». Il arrive que l'association assure « le covoiturage de certaines femmes vivant sans voiture dans des hameaux isolés, jusqu'à Die, Crest ou Valence si besoin, pour rencontrer une avocate ou honorer un rendez-vous de santé ». L'association propose également aux femmes victimes de violences un groupe de parole animé par une psychothérapeute-sexologue. Enfin, l'association propose des actions de formation et de sensibilisation aux violences faites aux femmes notamment dans le cadre d'un groupe « Santé des femmes » mis en place par l'Agence régionale de santé (ARS) auquel participent chaque mois « l'intervenante sociale en gendarmerie, les gendarmes, R.e.m.a.i.d [service d'aide aux victimes] , le CIDFF, le centre médico-social du département, les soignants hospitaliers ou libéraux, les associations d'aide, etc. ».
L'association interagit de manière efficace avec les autres acteurs locaux engagés dans la lutte contre les violences conjugales : l'intervenante sociale en gendarmerie qui joue un rôle fondamental, le CIDFF, les autres associations d'aide, des avocates spécialisées, enfin l'hôpital de Die qui a nommé une « urgentiste référente violences ».
Cette association a notamment déploré le manque de soutien psychologique apporté aux victimes de violences intrafamiliales , notamment en raison de la faiblesse du nombre de psychiatres et de pédopsychiatres formés aux psycho-traumatismes dans les zones rurales.
(2) Le réseau des CIDFF en milieu rural
La délégation n'oublie pas bien sûr le rôle, en milieu rural, des centres d'information sur les droits des femmes et de la famille (CIDFF), organismes associatifs à compétences locales , qui interviennent donc dans une logique de proximité et sont à même de répondre à des demandes très spécifiques notamment celles formulées par des collectivités situées en milieu rural.
Sur 2 100 permanences déployées par les CIDFF sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, 422 lieux de permanence le sont en milieu rural . Soixante CIDFF assurent des permanences d'information juridique généraliste dans les maisons de service au public (MSAP). Parmi ceux-ci, 28 tiennent des permanences spécifiques liées à l'emploi, 30 proposent des permanences en présence de professionnels formés aux violences faites aux femmes, et trois interviennent sur des champs spécifiques de la médiation familiale.
La délégation estime que des moyens financiers et humains supplémentaires pour appuyer l'action des CIDFF dans les territoires ruraux sont aujourd'hui nécessaires pour renforcer leur maillage territorial et leur capacité d'accueil et de soutien à l'égard des femmes rurales.
* 37 Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.