B. L'ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L'EUROPE ET DE SON ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE
Les sessions plénières de l'APCE donnent systématiquement l'occasion de faire le point sur l'actualité du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire. Elles donnent également régulièrement lieu à des votes permettant de désigner des responsables du Conseil de l'Europe ou des membres de la Cour européenne des droits de l'Homme. La session de printemps 2021 n'a, à cet égard, pas dérogé à la règle.
1. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente
À l'occasion de la première séance de la session de printemps, le lundi 19 avril, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a examiné le rapport de M. Aleksander Pociej (Pologne - PPE/DC), faisant office de rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente.
Au cours de la discussion générale, le rapporteur a souhaité plus particulièrement mettre en exergue les cinq priorités politiques que l'APCE poursuit actuellement.
La première de ces priorités est l'adaptation à l'impact de la pandémie de SARS-CoV-2. Grâce aux nouvelles technologies, comme la visioconférence, les Parlements et l'APCE ont ainsi pu continuer à exercer leur rôle législatif et de contrôle : on ne confine pas la démocratie mais on la fait vivre, y compris en pleine pandémie.
La deuxième priorité porte sur l'affaire Navalny, du nom de cet opposant russe victime d'une tentative d'empoisonnement puis d'une arrestation arbitraire et d'une détention dans un centre pénitentiaire dans des conditions inhumaines, suscitant de grandes inquiétudes quant à son état de santé. L'Assemblée parlementaire doit donc se montrer exigeante vis-à-vis de la Russie pour lui rappeler ses engagements internationaux, notamment au titre de la convention européenne des droits de l'Homme, et exiger la libération immédiate et sans condition d'Alexeï Navalny.
La troisième priorité concerne l'évolution préoccupante de la Turquie, notamment avec l'arrestation de plusieurs députés d'opposition et le retrait de la convention d'Istanbul. Là aussi, l'APCE doit appeler les autorités d'Ankara à respecter les conventions internationales et les valeurs de démocratie, d'État de droit et de respect des droits de l'Homme.
La quatrième priorité touche à la situation de la Biélorussie, où les autorités ont réprimé des manifestations de citoyens contestant l'élection du Président Loukachenko dans des conditions douteuses. Les autorités biélorusses doivent procéder à la libération immédiate des milliers de personnes arrêtées à la suite de ces manifestations et engager un véritable dialogue avec l'opposition.
Enfin, la dernière priorité à trait aux prisonniers arméniens détenus depuis le récent conflit au Haut-Karabakh. À cet effet, le 1 er février 2021, le Bureau de l'APCE a été saisi, sur la base d'un rapport pointant le manque de coopération des autorités de l'Azerbaïdjan, de la situation des prisonniers politiques dans ce pays.
Lors des échanges qui s'en sont suivis, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) , s'exprimant au nom du groupe ADLE, a rejoint l'appréciation du rapporteur sur les priorités du moment. Il a souligné que le Président de l'APCE s'était rendu dernièrement à Moscou et à Ankara, en accord avec tous les groupes politiques, pas pour parler « de » ces pays mais pour parler « avec » eux : il ne s'agit pas de négocier les principes et les valeurs du Conseil de l'Europe, ni l'application des décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme ; il s'agit d'apprécier avec eux comment avancer concrètement et il serait souhaitable de procéder à la même démarche avec la Pologne.
M. Jacques Maire a ensuite estimé que la Biélorussie pose elle-aussi une difficulté particulière qui appelle à un dialogue, notamment sur la base du travail du rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie sur le sujet. De même, il a considéré que la concomitance de l'annonce du retrait de la Turquie de la convention d'Istanbul avec la dernière réunion de la Commission permanente avait pu être perçue comme une provocation et que la poursuite des échanges à haut niveau devait permettre d'éviter d'en arriver à des mesures fortes, voire définitives.
En conclusion, il a fait part de son inquiétude concernant le regain des tensions à la frontière entre la Russie et l'Ukraine et sur la situation personnelle d'Alexeï Navalny, laquelle est absolument inacceptable et se dégrade jour après jour, raison pour laquelle l'APCE doit s'en saisir au cours de sa session de printemps.
2. La remise du Prix Vaclav Havel 2020, reportée jusqu'alors du fait du contexte sanitaire
Le Prix des droits de l'Homme Václav Havel, créé en 2013 à l'initiative de M. Jean-Claude Mignon, alors Président de l'APCE, récompense des actions exceptionnelles de la société civile pour la défense des droits de l'Homme. Chaque année, lors de la partie de session d'automne, l'Assemblée parlementaire, en partenariat avec la Bibliothèque Václav Havel et la Fondation Charte 77, remet ce Prix en mémoire du célèbre dramaturge tchèque, opposant au totalitarisme, artisan de la Révolution de Velours de 1989 en Tchécoslovaquie, symbole de la défense des valeurs défendues par le Conseil de l'Europe. Il se décompose en une somme de 60 000 euros, un trophée et un diplôme.
Le calendrier de la cérémonie au cours de laquelle il est décerné a été quelque peu perturbé par la pandémie de coronavirus. L'Assemblée parlementaire n'ayant repris ses sessions au format hybride que depuis le début de l'année, il a été décidé que son édition 2020 serait exceptionnellement attribuée lors de la session de printemps 2021.
En 2019, le Prix des droits de l'Homme Václav Havel avait été remis conjointement à M. Ilham Tohti, intellectuel ouïghour oeuvrant à améliorer la situation de la minorité ouïghoure et à promouvoir le dialogue et la compréhension interethniques au sein de la République populaire de Chine, ainsi qu'à l'Initiative des jeunes pour les droits de l'Homme, créée en 2003 pour promouvoir la réconciliation entre les jeunes des Balkans.
Pour 2020, le jury, composé de personnalités indépendantes et présidé par M. Rik Daems (Belgique - ADLE), en sa qualité de Président de l'Assemblée parlementaire, avait retenu les candidatures :
- de Mme Loujain Alhathloul, l'une des dirigeantes du mouvement féministe saoudien, récemment libérée de prison ;
- des soeurs de l'Ordre Drukpa, groupe de jeunes nonnes bouddhistes au Népal, qui promeuvent l'égalité, la durabilité environnementale et la tolérance dans leurs villages d'Himalaya ;
- et de Mme Julienne Lusenge, militante des droits de l'Homme en République démocratique du Congo, qui a rassemblé des informations concernant des abus sexuels et des actes de violence contre des femmes dans son pays, malgré de fréquentes menaces de mort.
Mme Loujain Alhathloul a finalement été désignée lauréate du Prix des droits de l'Homme Václav Havel pour 2020 pour avoir fait campagne afin de mettre fin au système de tutelle masculine, ainsi qu'à l'interdiction de conduire pour les Saoudiennes et aux abus contre les femmes dans le Royaume d'Arabie Saoudite. Elle a passé plus de mille jours en prison et, libérée en février 2020, reste toujours soumise à une assignation à résidence ainsi qu'à d'autres restrictions dans son pays. C'est sa soeur, Mme Lina Alhathloul, qui a réceptionné son Prix lors de la cérémonie organisée à cet effet à l'ouverture de la session de printemps, le lundi 19 avril.
3. L'attribution du Prix du Musée de l'Europe et du Prix de l'Europe
Comme chaque année, deux autres récompenses symboliques ont été formellement octroyées lors de la session de printemps de l'APCE.
a) Le Prix du Musée de l'Europe
Le Prix du Musée de l'Europe est attribué chaque année depuis 1977 par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il a pour but d'encourager la contribution des musées à une meilleure compréhension de la riche diversité de la culture européenne. Il est décerné par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias sur la base de recommandations formulées par le Forum européen du musée.
L'établissement lauréat reçoit, lors de la session de printemps de l'APCE, une statuette en bronze de Joan Miró, qu'il conserve durant un an, ainsi qu'un diplôme. Les précédents récipiendaires de cette distinction étaient le musée de la communication de Berne, en Suisse (2019), le musée sur l'enfance en temps de guerre de Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine (2018), le Centre caribéen d'expressions et de mémoire de la traite et de l'esclavage de Guadeloupe, en France (2017), et le Centre européen de la solidarité de Gdansk, en Pologne (2016).
Alors que l'édition 2020 avait été attribuée au musée national de la surveillance secrète « Maison des Feuilles » de Tirana, le Prix du Musée 2021 a été décerné au musée d'histoire du Goulag, situé à Moscou. Le choix s'est porté sur ce musée car il documente la répression de masse et plaide pour la liberté politique.
En raison du contexte sanitaire, aucune cérémonie de remise du Prix du Musée ne s'est déroulée à l'Hôtel de Ville de Strasbourg.
b) Le Prix de l'Europe
Au cours de la partie de session de printemps, l'Assemblée parlementaire a aussi attribué le prix de l'Europe 2021. Créé par l'APCE en 1955, il s'agit de la plus haute distinction qui puisse être décernée à une ville européenne pour ses actions dans le domaine européen (jumelages, manifestations, échanges, etc.). Ce Prix est constitué d'un trophée itinérant, d'une médaille, d'un diplôme et d'une bourse pour un voyage d'études auprès des institutions européennes de jeunes de la commune lauréate.
La sous-commission du Prix de l'Europe est chargée d'examiner les candidatures pour les quatre distinctions (Prix de l'Europe, Plaquette d'honneur, Drapeau d'honneur et Diplôme européen) et elle soumet ses choix à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable pour approbation.
La plus haute distinction du Prix, octroyée chaque année par l'Assemblée parlementaire pour récompenser la municipalité qui assure de manière particulièrement active la promotion de l'idéal européen, a été attribuée cette année à Khmelnitski, en Ukraine. Cinq Plaquettes d'honneur, quatre Drapeaux d'honneur et six Diplômes européens ont également été décernés : une ville française a été distinguée à cette occasion puisque le Drapeau d'honneur a été attribué à Bayeux.
4. L'élection d'un seul juge à la Cour européenne des droits de l'Homme
Il revient aux membres de l'APCE d'élire les juges proposés par les États membres pour un mandat de neuf ans au sein de la Cour européenne des droits de l'Homme. La session de printemps devait donner lieu à deux scrutins destinés à pourvoir les sièges des juges belge et polonais. Toutefois, seul le juge de la Belgique a été désigné par l'Assemblée parlementaire.
a) Le scrutin de désignation du juge de la Belgique
Lors de sa séance du matin du 20 avril, les membres de l'Assemblée parlementaire ont élu un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre de la Belgique. Les suffrages ont été exprimés comme suit :
- Mme Maïté De Rue : 81 voix ;
- M. Frédéric Krenc : 148 voix ;
- Mme Sylvie Sarolea : 29 voix.
M. Frédéric Krenc a donc été élu juge à la Cour européenne des droits de l'Homme dès le premier tour de scrutin.
b) Le rejet de la liste de candidats présentée par la Pologne
En revanche, l'APCE n'a pas désigné de juge à la Cour européenne des droits de l'Homme au titre de la Pologne.
En effet, lors de sa réunion du 9 avril 2021, la commission de l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme, chargée de donner préalablement son avis sur les listes présentées par les États, a considéré que la liste présentée par les autorités polonaises dans la perspective de ce scrutin n'était pas conforme aux normes requises par l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres.
Lors de l'examen du rapport d'activité du Bureau en ouverture de la session de printemps, le 19 avril, M. Arkadiusz Mularczyk s'est opposé, au nom de la délégation polonaise, à la recommandation de la commission de l'élection des juges de rejeter la liste des candidats au titre de son pays. L'Assemblée parlementaire, par 54 voix contre 28, a conforté la décision de sa commission.
En conséquence, le Gouvernement polonais devra soumettre une nouvelle liste de candidats d'ici une prochaine session de l'APCE.