EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 31 mars 2021, la commission a examiné le rapport d'information de MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon sur l'avenir des missions de service public de La Poste.
Mme Sophie Primas , présidente . - Mesdames et messieurs les sénateurs, notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon relatif à l'avenir des missions de service public de La Poste.
Je laisse donc la parole à nos trois co-rapporteurs, premièrement M. Patrick Chaize, puis M. Pierre Louault et enfin M. Rémi Cardon.
M. Patrick Chaize , rapporteur . - Merci Madame la présidente, mes chers collègues, le groupe de travail sur l'avenir des missions de service public de La Poste a été constitué il y a près de deux mois, dans un esprit transpartisan, collaboratif, prospectif et opérationnel.
Transpartisan et collaboratif, car nous partageons des constats communs relatifs aux services publics exercés par La Poste, aux fragilités de leur financement, au sentiment de dégradation récente de la qualité de service, au manque de régulation et surtout concernant les recommandations à formuler pour préserver dans la durée un modèle exigeant de service public.
Prospectif, car si nous nous sommes d'abord intéressés aux quatre missions de service public existantes et à leur financement, c'est-à-dire le service universel postal, la contribution à l'aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l'accessibilité bancaire, nous avons également mené une réflexion sur les nouvelles missions de service public qui pourraient être confiées à La Poste.
Opérationnel, car nous avons insisté sur les propositions, l'état des lieux étant déjà bien établi. Nous déposerons une proposition de loi commune visant à mettre en oeuvre nos recommandations à valeur législative et nous souhaitons interpeller le Gouvernement sur plusieurs points.
Depuis, nous avons réalisé 21 auditions, nous permettant d'interroger pendant plus de 22 heures plus de 50 intervenants. Fort de ces auditions, nous sommes convaincus que l'avenir des services publics de La Poste repose sur quatre leviers d'action : compenser, contrôler, améliorer, détecter.
Je vais désormais développer le premier levier d'action de notre rapport et de nos recommandations : compenser.
Premièrement, la compensation, c'est-à-dire le financement sur des fonds publics des missions de service public confiées à La Poste, concerne avant tout le service universel postal dont la situation financière est aujourd'hui inédite.
Fin février 2021, le président-directeur général de La Poste annonçait un déficit de 1,3 milliard d'euros pour le service universel postal. Pour rappel, cette mission de service public concerne la distribution du courrier et des colis sur l'ensemble du territoire, six jours sur sept, à des tarifs préférentiels.
Jusqu'en 2017, le compte du service universel postal était excédentaire. Or, depuis 2018, il est déficitaire. Cette situation s'explique par la baisse structurelle du volume du courrier, qui n'est plus contrebalancée par la hausse des tarifs et qui n'est pas encore contrebalancée par la hausse des activités de livraison de colis.
Pour la première fois, La Poste demande une compensation à l'État pour le service universel postal, car le déficit estimé en 2020 est près de quatre fois supérieur à celui constaté en 2018.
Si aucune compensation n'est accordée par l'État à La Poste, une « réduction » du service public s'imposera de fait aux usagers, cela nous a été indiqué lors des auditions des directions de La Poste et de la CDC.
Concrètement, cela signifierait une hausse des mesures d'optimisation des coûts, une accélération des réductions d'effectifs, des fermetures des bureaux de poste et de l'optimisation des facteurs, au détriment de la qualité de service dont les usagers ont déjà le sentiment qu'elle diminue.
Dans ce contexte, où des discussions sont actuellement en cours entre La Poste et l'État, nous avons souhaité apporter notre contribution afin d'inciter l'État à accorder la compensation la plus juste possible.
Nous proposons un mécanisme de compensation mixte, jusqu'à 1 milliard d'euros, à compter de 2021, qui se décompose de la manière suivante : d'une part, un volet fiscal, par un abattement sur la taxe sur les salaires dont s'acquitte La Poste, dans la limite de 270 millions d'euros par an ; d'autre part, un volet budgétaire, avec un complément apporté jusqu'à 730 millions d'euros par an.
Le montant est élevé, mais il ne doit pas nous effrayer, car il est justifié, au moins pour les raisons suivantes :
- un mécanisme de compensation sur fonds publics est prévu par la réglementation européenne ;
- la compensation par l'État du déficit du service universel postal ne serait pas une exception française, d'autres pays de l'Union européenne accordent de telles compensations, avec des montants élevés et l'accord de la Commission européenne ;
- la « réduction » du service public postal est inenvisageable ;
- la compensation ne peut s'effectuer qu'à partir de 2021, alors que le déficit supporté pour l'année 2020 est estimé à 1,3 milliard d'euros.
Les trois autres missions de service public confiées à La Poste font l'objet d'une compensation par l'État, mais elles sont sous-compensées, c'est-à-dire qu'il y a un reste à charge pour La Poste.
Deuxième mission de service public, la contribution à l'aménagement du territoire se traduit par l'obligation de maintenir un réseau de 17 000 points de contact, ce qui garantit une densité du réseau postal spécifiquement française et qui constitue le principal atout de l'entreprise. En 2020, cette mission de service public était compensée à hauteur de 177 M€, pour un coût net évalué à 227 M€ par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Déjà sous-compensée, cette mission doit être préservée des effets de la baisse des impôts de production qui contribuent à son financement. Comme le Sénat l'avait déjà remarqué lors de l'examen de la loi de finances pour 2021, cette mesure a un impact direct sur le financement de cette mission de service public, c'est pourquoi une compensation, à hauteur de 66 millions d'euros, doit également être accordée lors de l'examen du PLF 2022.
Troisième mission de service public, le transport et la distribution de la presse s'effectuent dans les conditions du service universel postal et à des tarifs préférentiels afin de favoriser le pluralisme des idées et des expressions. En 2020, cette mission de service public était compensée à hauteur de 96 M€, pour un coût net évalué à 296 M€.
Quatrième et dernière mission de service public confiée à La Poste, la mission d'accessibilité bancaire permet notamment aux personnes précaires d'ouvrir un livret A auprès de La Banque Postale et de l'utiliser comme un quasi-compte courant. En 2020, cette mission était compensée à hauteur de 230 M€, pour un coût net estimé à 260 M€.
En matière d'accessibilité bancaire, nous avons également constaté la nécessité d'améliorer l'accès aux espèces de la population, en particulier dans les zones peu denses, rurales et touristiques, c'est pourquoi nous appelons La Poste à mieux communiquer sur ses services existants et gratuits d'accès aux espèces, et à développer ses services pour ceux qui ne sont pas clients de La Banque Postale.
Les auditions successives ont démontré la forte utilité sociale de la mission d'accessibilité bancaire, avec environ 1,2 million de bénéficiaires, La Banque Postale étant aujourd'hui le seul opérateur capable de respecter cette obligation de service public.
En conclusion, si la sous-compensation des trois autres missions de service public était acceptée jusqu'à présent, c'est parce que le service universel postal était rentable. Or, aujourd'hui, le service universel postal est déficitaire, les trois autres missions demeurent sous-compensées et la charge financière pour La Poste est amenée à augmenter, au risque d'entraver son développement économique.
Par conséquent, nous considérons qu'une compensation par l'État du déficit du service universel postal est inévitable.
Je laisse désormais la parole à mon collègue, Pierre Louault, pour présenter les deux prochains leviers d'action : contrôler et améliorer.
M. Pierre Louault , rapporteur . - Merci Patrick. Dans la continuité de ce qui a été dit précédemment, la compensation par l'État des missions de service public de La Poste appelle à un plus grand contrôle du respect de ses obligations de service public. Si l'État finance, il doit pouvoir s'assurer du bon usage des fonds publics.
Premièrement, les auditions successives ont mis en évidence plusieurs vides juridiques ne permettant pas à l'Arcep de jouer pleinement son rôle de régulateur vis-à-vis de La Poste. Disons-le, les auditions de l'Arcep ont été mouvementées, le régulateur ayant reconnu ne pas jouer un rôle de contrôle vis-à-vis de La Poste aussi important que vis-à-vis des opérateurs de télécommunications.
Dans cette perspective, nous proposons de modifier et de compléter le cadre juridique existant pour confier explicitement à l'Arcep une mission de calcul du coût net du service universel postal. En effet, aujourd'hui, les seuls chiffres disponibles sont ceux de La Poste. Au regard des enjeux financiers considérés, il est primordial de disposer d'estimations chiffrées indépendantes et contre-expertisées à partir desquelles la compensation de l'État sera déterminée, puis notifiée à la Commission européenne.
Nous proposons également de confier à l'Arcep une mission de calcul du coût net de la mission de distribution de la presse afin de garantir davantage de transparence et de lisibilité aux éditeurs de presse qui dépendent du réseau postal de distribution. Jusqu'à présent, l'Arcep a seulement effectué deux fois ce calcul, à la demande du Gouvernement et sans cadre juridique approprié.
Deuxièmement, les auditions successives ont mis en évidence un manque de coordination et de supervision des questions postales. Cette situation peut avoir des conséquences nuisibles, pouvant conduire à un manque de consultation des différentes parties prenantes ou à un retard dans l'adoption des dispositions réglementaires relatives qui concernent l'exercice des missions de service public de La Poste.
Face à cette situation, nous proposons un renforcement du contrôle politique des questions postales, par modification de la loi postale, notamment pour pérenniser la présence des parlementaires au sein de l'Observatoire national de la présence postale (ONPP) et des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) et élargir la compétence de ces structures de concertation au-delà de la mission d'aménagement du territoire.
Nous considérons également que la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) devrait jouer un rôle de suivi de l'évolution du financement des missions de service public confiées à La Poste, la CDC étant désormais l'actionnaire de contrôle du groupe La Poste car détenant 66 % des participations.
Je vais désormais développer le troisième levier d'action de notre rapport et de nos recommandations : améliorer.
Les auditions successives ont mis en évidence que le sentiment des citoyens et des élus locaux est celui d'une satisfaction globale, mais d'une dégradation récente de la qualité des services postaux ainsi que d'une moindre présence postale sur le territoire.
Or, si l'État finance les missions de service public de La Poste, en particulier le service universel postal pour la distribution du courrier et des colis, il doit y avoir des améliorations pour les usagers.
Pour le service universel postal, des objectifs de qualité de service sont fixés au niveau réglementaire, le contrôle étant assuré par l'Arcep. Cependant, les auditions ont mis en évidence un contrôle timide et un faible usage du pouvoir de sanction, c'est pourquoi une plus grande publicité des décisions prises par l'Arcep est nécessaire, des modifications de la législation sont proposées en ce sens.
Pour le transport et la distribution de la presse, le sentiment d'une dégradation récente de la qualité de service est particulièrement prégnant parmi les éditeurs de presse. Afin de mieux répondre à leurs attentes, nous recommandons notamment de fixer, pour la première fois, des objectifs de qualité de service contraignants pour La Poste en matière de transport et de distribution de la presse. Nous recommandons également de constituer un Observatoire de la qualité de la distribution de la presse, placé auprès de l'Arcep.
Enfin, afin de mieux appréhender la problématique de la qualité de service, une mission prospective de calcul du coût lié au manque de qualité de service pourrait être confiée à l'Arcep.
Premièrement, il est indispensable d'améliorer les modalités d'information des élus locaux qui dénoncent régulièrement les fermetures des bureaux de poste. Le cas échéant, la constitution d'agences postales communales (APC) ou intercommunales (API) est préférable aux fermetures sèches des bureaux de poste.
Enfin, pour mieux répondre aux attentes des citoyens, il est nécessaire d'augmenter le nombre de tournées de distribution du courrier et des colis le samedi. En effet, la présence postale est aussi celle du facteur, son passage étant attendu par les citoyens le samedi.
Je laisse désormais la parole à mon collègue, Rémi Cardon, pour présenter le dernier levier d'action de notre rapport et de nos recommandations : détecter.
M. Rémi Cardon , rapporteur . - Merci Pierre. Afin de parachever ses travaux, le groupe de travail s'est intéressé aux nouvelles missions de service public qui pourraient être exercées par La Poste, ainsi qu'aux activités concurrentielles d'intérêt général qui mériteraient d'être développées.
Aujourd'hui, 13 millions de personnes ne maîtrisent pas les outils numériques en France. Si plusieurs politiques publiques de lutte contre l'exclusion numérique sont mises en oeuvre, avec un budget de 250 M€ dans le cadre du plan de relance, et que des initiatives sont prises par La Poste en la matière, toutes ces actions ont la même limite : adopter une « approche par tiers lieux ».
Si toutes les actions en faveur de l'inclusion numérique sont souhaitables, une « approche à domicile » complémentaire pourrait être développée, avec l'appui de La Poste, pour inclure les « publics invisibles », c'est-à-dire les personnes qui ne sont pas en mesure de se déplacer dans un bureau de poste ou une maison France Services, qui n'osent pas demander de l'aide pour sortir de la précarité numérique ou qui ne connaissent pas les offres existantes de formation.
Dans cette perspective, les facteurs pourraient aussi devenir les « détecteurs » à domicile de la précarité numérique. Il ne s'agit pas de faire des facteurs des médiateurs numériques, mais de leur permettre d'intervenir en amont : avant de pouvoir former, il faut pouvoir identifier.
Une expérimentation convaincante a été réalisée en ce sens par la communauté d'agglomération du Sicoval en Haute-Garonne, en partenariat avec La Poste, et des expérimentations similaires devraient être développées sur l'ensemble du territoire afin de pouvoir déterminer si la détection à domicile de la précarité numérique par les facteurs peut constituer à terme une cinquième mission de service public confiée à La Poste.
Aujourd'hui, près de trois Français sur cinq se disent incapables de réaliser des démarches administratives en ligne, alors que l'objectif du Gouvernement est de dématérialiser à 100 % les 250 démarches administratives les plus utilisées d'ici le mois de mai 2022.
Face à cette situation, la puissance publique peut utilement mobiliser le réseau de La Poste et sa capacité de déploiement sur l'ensemble du territoire afin de confier un nouveau rôle aux facteurs, en soutien des politiques publiques existantes : celui de « détecteur » de la « galère administrative ».
Autrement dit, les facteurs pourraient devenir de véritables « représentants à domicile des maisons France Services », en identifiant les besoins des usagers et en établissant le lien avec les équipes compétentes des maisons France Services.
Pour cela, il est nécessaire d'accélérer la labellisation des bureaux de poste en maisons France Services sur l'ensemble du territoire. Dans une logique similaire à celle évoquée précédemment, les 250 équipes de facteurs mobiles que La Poste s'est engagée à déployer sur le territoire doivent être rapidement mises en place. Ces équipes mobiles, formées à la médiation numérique, pourront notamment se rendre au domicile des usagers en difficulté et dans l'incapacité de se déplacer afin de les aider gratuitement à la réalisation de certaines démarches administratives.
Dans le cadre de sa stratégie de diversification dans la Silver Economy et la santé, La Poste a été sollicitée par le Gérontopôle du CHU de Toulouse pour mener une expérimentation visant à détecter, par un questionnaire, la perte d'autonomie fonctionnelle des personnes âgées. Cette expérimentation s'inscrit dans le cadre du programme ICOPE de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui vise à prévenir la dépendance de 15 millions de personnes âgées d'ici 2025, dont 150 000 en France.
Selon les premiers enseignements de cette expérimentation, l'appui des facteurs dans la réalisation de la première étape du programme peut être sollicité dans trois configurations : lorsqu'il y a une carence de professionnels de santé sur un territoire ; lorsque les professionnels de santé sont mobilisés de façon exceptionnelle ; lorsque la personne concernée est en situation de vulnérabilité numérique et n'est pas en mesure de réaliser elle-même une évaluation de sa perte d'autonomie fonctionnelle.
Cette première expérimentation s'est avérée satisfaisante, à la fois pour les professionnels de santé, les facteurs et les personnes ayant bénéficié du programme ICOPE. Dans la continuité de cette initiative, des expérimentations similaires devraient être développées par d'autres CHU sur l'ensemble du territoire, le ministère des solidarités et de la santé ayant récemment publié un appel à manifestation d'intérêt pour la mise en oeuvre du programme ICOPE.
En conclusion, nous espérons que ces travaux permettront, à leur mesure, d'éclairer rapidement les décisions du Gouvernement concernant le financement des missions de service public de La Poste, de sécuriser le cadre juridique de l'Arcep afin qu'une régulation et un contrôle plus adéquat soient effectués et d'ouvrir de nouvelles perspectives.
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci beaucoup aux trois rapporteurs d'avoir travaillé aussi vite parce que nous avions des échéances rapides.
M. Franck Menonville . - Merci Madame la présidente. Pour commencer mes propos, je souhaite féliciter nos trois rapporteurs pour leur excellent travail. Je pense que ce rapport est extrêmement important. On le voit bien en ce moment, il y a une dégradation du service sur notre territoire et en particulier sur nos territoires ruraux, avec des réductions d'amplitude horaire et surtout, peut être encore plus grave, une mauvaise concertation avec les acteurs locaux, ce qui conduit à opérer des ouvertures insuffisamment adaptées aux horaires des usagers. Finalement, cela finit par amplifier le phénomène de l'éloignement de nos concitoyens.
Renforcer le contrôle politique, je pense que c'est important et notamment il faut associer davantage les élus et même les parlementaires au niveau local, pour justement opérer cette synergie permettant d'adapter le service aux besoins des usagers. Si nous ne le faisons pas, je pense que nous allons continuer dans une mauvaise spirale.
Le renforcement de l'Arcep, je crois que c'est aussi absolument indispensable. L'élément sans doute le plus important est d'avoir des chiffrages objectifs pour analyser à la fois les coûts, les non-compensations et donc les besoins de compensation. Je pense que pour un service public, il doit y avoir à la fois de la qualité, mais aussi de l'accompagnement.
En dernier point, je voulais évoquer la précarité numérique et la précarité d'accès aux espèces dans nos territoires, notamment dans nos territoires ruraux. Je crois qu'il y a vraiment un rôle important de La Poste pour garantir et développer des outils de proximité permettant de faciliter l'accès aux espèces et de combattre cette fracture numérique qui s'amplifie par la dématérialisation des démarches administratives. Pour conclure, on a vraiment besoin sur nos territoires ruraux de plus de lien social et de plus d'accompagnement face au numérique.
M. Daniel Gremillet . -- Merci Madame la présidente. Je voulais remercier nos trois rapporteurs et effectivement, ils ont raison d'entrée de jeu de dire qu'il y a une dégradation du service de La Poste, le dire c'est rendre service au futur. Je l'amplifie parce que sur nos territoires, l'arrêt brutal de la distribution provoqué par la pandémie de Covid-19 a été un mauvais signal, même si effectivement il y avait un risque pour tout le monde et pour tous les salariés.
Il n'empêche que, en termes de service, il y a eu un sentiment de fragilité, d'abandon et effectivement de dégradation de la qualité du service. Ça me fait penser un peu à la perte de la compétitivité dans le domaine du transport de marchandises : quand vous avez une marchandise que vous mettez sur un wagon, vous ne savez jamais quel jour et à quelle heure elle va arriver. Ce n'est pas comme cela que vous pouvez intéresser des clients. Au niveau de La Poste, effectivement, entre les deux timbres ça ne sert à rien. On a des tas d'exemples qui montrent qu'il n'y a plus cette régularité et cette sécurité d'envoi d'un document.
L'autre point que je voudrais souligner, c'est qu'il faut peut-être aller plus vite parce que la dégradation de la qualité de La Poste passe aussi par ses amplitudes horaires très réduites. Peut-être qu'il faudrait aller plus vite dans la fermeture de certains bureaux pour ouvrir des points de contact, soit avec la mairie, soit avec des commerçants où là, on retrouve une amplitude horaire parfois phénoménale puisqu'ils sont ouverts y compris le samedi et le dimanche.
Il y a donc une remise en cause de la compétitivité de La Poste et des solutions qui permettraient de faire des économies tout en gardant un service performant dans le milieu rural ou dans les quartiers. Il n'y a pas que le milieu rural, il y a aussi les quartiers dans les milieux urbains.
J'ai également une question : est-ce que vous avez fait, comme il y a eu un travail qui a été fait au Sénat sur l'impact carbone du numérique, une étude permettant de savoir si aujourd'hui, pour certains documents, il ne serait pas préférable de continuer à envoyer des imprimés plutôt que d'appuyer sur un bouton et d'envoyer un mail ? Il y a un vrai débat sur l'impact environnemental, tout le monde doit y contribuer. Plus il y a de documents écrits et bien moindre est l'impact environnemental.
J'insisterai sur ma dernière remarque, vous avez fait ce qui me semble essentiel. La Poste a sûrement des services nouveaux à développer, ça s'apparente presque à du social, mais il n'empêche que toute remise en question est toujours bonne pour une entreprise. Je l'ai dit d'entrée de jeu par rapport à la pandémie, cette rupture soudaine a été très mal vécue sur le territoire. Je reste très optimiste sur le rôle de La Poste demain sur nos territoires.
Mme Viviane Artigalas . - Merci, Madame la présidente. Je voudrais à mon tour remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Comme j'ai participé à beaucoup d'auditions, j'ai bien vu combien ils étaient assidus.
Je souhaite souligner l'importance de cette mission à un moment où La Poste est à un tournant de son histoire. Je crois que nous en sommes tous conscients ici et vos propos montrent effectivement la perte inédite du service universel postal de cette année 2020. Cette perte ne date pas, elle était annoncée et elle va se poursuivre.
Or, cette question de la compensation pour cette année n'est pas à l'ordre du jour, puisque La Poste annonce des résultats positifs, grâce à l'opération Mandarine. Cette opération, qui a été permise par la loi PACTE, a fait que la Caisse des dépôts et consignations a pris le contrôle majoritaire du groupe La Poste et a surtout permis de constituer un grand pôle financier avec La Banque postale et CNP Assurances. Cette opération a permis d'afficher des résultats positifs pour cette année, mais uniquement pour cette année, donc les 2 milliards d'euros de pertes l'an prochain seront là.
La Caisse des dépôts et consignations ne compensera pas ces pertes. S'il n'y a pas la compensation de l'État, vous l'avez bien dit, il y aura une perte de la qualité du service, du service public postal particulièrement et de la présence postale sur le territoire. Nous sommes très inquiets parce que ce sont particulièrement les territoires ruraux qui risquent, encore une fois, d'être impactés par cette baisse du service public.
Je crois que ce rapport arrive au bon moment. Je voudrais aussi féliciter l'équilibre de ce rapport, parce que seule la question financière de la compensation aurait pu être traitée. Or, je crois que derrière, il y a cette qualité du service public, ce contrôle que la Caisse des dépôts commence à effectuer, que la commission de surveillance commence à faire aussi. Tant que nous n'avons pas les chiffres de la compensation, nous avons du mal à faire des hypothèses financières sur l'année 2021, mais nous y travaillons au sein de la commission de surveillance. Il faut vraiment insister sur cette qualité du service public et sur les territoires ruraux, c'est très important pour nous.
M. Jean-Marc Boyer . - Merci, Madame la présidente. Il y a effectivement eu un fort mécontentement sur les territoires au moment de la pandémie, avec une activité de La Poste réduite au début à trois jours sur sept. Cela semblait quand même très exagéré et cela a étonné quand même beaucoup de personnes.
Je voudrais revenir sur un point très positif qui fonctionne dans nos secteurs ruraux, c'est l'agence postale communale. L'agence postale communale, bien souvent jumelée aux locaux de la mairie, donne satisfaction aujourd'hui en termes de service public. Je crois qu'il faut le dire, et essayer de voir de quelle manière il faudrait pérenniser ce service public de La Poste. Chaque année, les commissions de présence postale se réunissent, mais chaque année, c'est une épée de Damoclès qui est sur les conseils municipaux qui doivent décider, en négociation avec La Poste. C'est relativement pénible. Parmi toutes les auditions que vous avez effectuées, est ce qu'il y a des solutions pérennes qui pourraient s'appliquer dans les zones rurales, en particulier pour garantir un service postal moderne et de proximité ?
M. Laurent Somon . - Merci, Madame la présidente. Félicitations pour cette analyse, qui démontre parfaitement les enjeux qui se posent, notamment en milieu rural. Je voudrais insister sur un certain nombre de points.
Tout d'abord, aujourd'hui, on a l'impression que La Poste se base sur la fréquentation des bureaux de poste dans la période post-Covid, en particulier en milieu rural. Or, ces chiffres ne sont pas satisfaisants, car ils sont relevés dans une période très particulière. Le contrôle dont vous avez parlé est absolument essentiel et il doit être indépendant, à la fois sur les chiffres financiers et sur les chiffres de la fréquentation.
Deuxièmement, la compensation fera bien sûr l'affaire, mais c'est aussi à La Poste de proposer un certain nombre de nouveaux services. Elle doit aussi essayer par elle-même, au-delà de la distribution du colis, d'apporter un certain nombre de services et de mener des expérimentations. Je peux vous en citer une autre, c'est la détection de l'habitat indigne et des passoires énergétiques dans notre communauté de communes. On a lancé avec La Poste justement la possibilité d'un questionnaire qui a été distribué par les facteurs pour essayer de repérer les habitats indignes. Dans le cadre de l'économie verte que l'on souhaite développer et du plan de relance, La Poste peut apporter un certain nombre de services publics.
Ce qui m'a beaucoup choqué parce que c'est arrivé récemment dans le département de la Somme, c'est que les fermetures sont décidées, avec ces chiffres-là présentés aux élus, en précisant que les agences postales communales peuvent finalement apporter plus et mieux. Mais il ne faut pas oublier quand même que les services bancaires dans les agences postales communales sont limités. Par conséquent, il y a un numéraire extrêmement réduit et donc ça n'apporte pas tous les services. Cela a un peu dévalorisé le travail des facteurs ou des personnels de La Poste que de dire qu'on peut facilement substituer ce qui est un service public dédié à La Poste par éventuellement d'autres systèmes, même si effectivement on peut essayer d'en trouver. Comme l'a précisé Jean-Marc Boyer, il faudrait être sûr de la pérennité du financement des agences postales communales.
Enfin, je suis surpris des décisions qui sont prises d'autant que les départements ont établi des schémas départementaux d'accessibilité aux services publics. Alors qu'on parle de la ville du quart d'heure, on oublie le village de la demi-heure. Il serait bien quand même qu'on s'appuie sur les élus locaux qui ont développé, notamment au niveau départemental, des schémas d'accessibilité aux services publics et que ce soit cohérent avec le déploiement des services de La Poste.
M. Franck Montaugé . - Merci Madame la présidente et merci à nos trois collègues pour ce rapport très intéressant.
Une remarque d'abord. J'ai un peu de mal à comprendre que l'Arcep se désintéresse autant de La Poste. Il faut dire les choses comme elles sont. Ça pose des questions par rapport à l'Arcep et encore plus par rapport à l'État, qui est quand même censé s'appuyer sur l'Arcep pour ce qui concerne la compensation à La Poste.
Après, je voudrais faire une proposition : il aurait pu être intéressant d'envisager des rapprochements public-privé, notamment à partir du développement que l'on constate sur l'ensemble du territoire national de l'économie des plateformes dans le transport des colis. Sur la partie rurale et très rurale du territoire national, est-ce qu'il n'y a pas intérêt à ce que La Poste noue des partenariats pour la livraison des colis qui sont commandés à partir de plateformes. Je me pose la question, ça pourrait avoir un impact d'optimisation sur les conséquences climatiques et environnementales du transport. Je pense qu'il y a quelque chose à faire par rapport à ça.
Sur le médico-social, là aussi, je pense qu'il y a des rapprochements à opérer avec des acteurs du territoire, qu'ils soient publics (CCAS, CIAS, etc .) ou privés, y compris sous forme associative (ADMR, etc .). Moi je ne voudrais pas que le développement de ce type d'activité de la part de La Poste se fasse au détriment ou à la place de ce qui a pu être développé jusqu'ici. Je pense qu'il y a là aussi des complémentarités à opérer.
Je voudrais faire une dernière remarque : c'est très bien, on partage l'enjeu de permettre la connexion informatique à domicile. Mais dans le rural, on sait tous que la couverture est loin d'être satisfaisante et qu'il y a des endroits où on ne peut pas faire les transactions qui sont souvent longues et complexes. Il y a quand même un sujet par rapport à ça qui mérite d'être rappelé.
Mme Sylviane Noël . - Merci Madame la présidente. À mon tour, bien sûr, de féliciter nos rapporteurs pour la qualité de leur rapport. Il y a quelques années, La Poste avait initié une diversification de son offre de services, notamment en direction des anciens, je pense par exemple à l'offre « veiller sur mes parents ». Je voulais savoir si vous aviez eu, dans le cadre de votre rapport, un recul sur le bilan financier et l'adhésion de nos concitoyens à ce type d'offres.
Mme Françoise Férat . - Merci Madame la présidente. À mon tour, je voudrais remercier les trois rapporteurs pour ce travail qui nous permet de faire un état des lieux à partir duquel nous pouvons maintenant travailler.
Sur le sujet des points poste en milieu rural, je m'inquiète sur la pérennisation, pas tant sur les points communaux parce que je doute que La Poste ose, encore une fois, se frotter aux élus. Nous nous sommes tellement battus pour ne pas fermer nos bureaux de poste.
Je prêche pour ma paroisse parce que dans ma commune, j'ai mis en place un point multiservices et dans lequel la commerçante a été ravie de récupérer ce « bureau de poste ». La compensation de La Poste lui permet de payer son loyer, ce qui n'est pas rien ! Je ne vous cache pas que dans un village de 450 habitants, il faut avoir la foi chevillée au corps pour tenir un tel magasin. Je me dis que la tentation serait peut-être grande pour La Poste de commencer par réduire un petit peu les financements qu'elle accorde à ces points. Est-ce que dans ce domaine vous avez eu quelques certitudes que ce soit ?
Mme Patricia Schillinger . - Merci pour ce rapport qui est d'autant plus d'actualité depuis un an par rapport à ce qu'on vit. Il y a beaucoup de sujets dans le sujet, mais moi je voudrais évoquer un sujet qui n'a peut-être pas été analysé, ce sont les employés de La Poste. Nous, nous sommes dans un secteur transfrontalier, et je pense qu'il y a beaucoup de cas comme le mien. La Poste ne trouve pas de personnel, parce que quand on a la Suisse à côté, les salaires sont trois ou quatre fois plus élevés qu'en France. La Poste se trouve vraiment impactée et le réseau ne fonctionne pas, c'est-à-dire la distribution, avec l'absentéisme et le burn out aussi. La Poste a pris le relais social. Elle est aussi un lien direct avec nos entreprises. Est-ce que ce volet rémunération par secteur a été pris en compte ? Parce que moi, je crois que c'est vraiment important, aujourd'hui, de faire du cas par cas, bassin de vie par bassin de vie, et notre secteur est très impacté à ce niveau-là.
M. Laurent Duplomb . - Merci Madame la présidente. Félicitations aux trois rapporteurs pour ce rapport sur La Poste. Je voudrais m'étonner de plusieurs éléments.
Le premier, c'est le nombre de remplacements à La Poste en temps normal. Dans mon département, on a énormément de jeunes qui sont obligés au pied levé de remplacer les postiers qui ne sont pas au travail ou avec des problèmes d'absentéisme. Ces jeunes qui arrivent sont souvent embauchés, débauchés, réembauchés, ce qui fait quand même des éléments de stabilité vis-à-vis de l'emploi un peu difficiles.
Il ressort des différents témoignages de ces jeunes qu'il y a quelques anomalies de gestion. Quand on est dans une entreprise, et quand on veut véritablement éviter d'avoir des déficits, on essaye de gérer au mieux les dépenses courantes de l'entreprise. Par exemple, dans le cadre d'une tournée de postiers, lorsque sa durée dépasse d'une heure la pause méridienne, les postiers sont obligés de retourner au siège de La Poste pour déjeuner. Ce qui fait que les postiers sont obligés de s'interrompre dans leur tournée, puis de retourner après distribuer le courrier.
Le dernier élément qui m'étonne, à titre personnel, est relatif à la commande de colis. Aujourd'hui, nous sommes tous confrontés dans nos activités à la commande de colis. C'est devenu quelque chose quand même incroyable, parfois même avec des colis où il y a 100 grammes de produit à l'intérieur et un carton qui fait 1 mètre cube. Ce que je ne comprends pas, c'est la multitude des transporteurs qui nous amènent ces colis. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi La Poste ne s'est pas imposée comme étant l'entreprise prioritaire sur la gestion de ces colis. C'est jour et nuit que ces colis sont livrés. J'irai même plus loin : le nombre de colis qui sont livrés par des petits camions blancs immatriculés en Pologne, c'est hallucinant.
Je pense qu'il y a deux éléments sur La Poste. Premièrement, réduire les coûts avec un peu plus d'intelligence et éviter que les postiers reprennent leur tournée après la pause méridienne, ça permettrait peut-être d'économiser un peu d'argent. Deuxièmement, être un peu plus dynamique pour prendre le marché des colis de façon à compenser la baisse du courrier par l'augmentation des colis.
Mme Sophie Primas , présidente . - Messieurs les rapporteurs, je vais vous laisser réagir aux différentes questions et interventions.
M. Patrick Chaize , rapporteur . - Merci Madame la présidente. Tout d'abord, merci pour toutes vos questions qui démontrent l'intérêt du sujet. Je vais essayer de concentrer mes réponses.
Tout d'abord, je souhaite répondre aux questions qui ont été posées sur la période Covid. En fait, dans la période Covid, d'après les informations qu'on a pu avoir, l'arrêt brutal était dû au fait que les postiers sont souvent jeunes et ont dû garder leurs enfants. De ce fait, c'est une réalité, c'est 60 % du personnel qui a été indisponible, du jour au lendemain. Après, il y a eu des malades. Je ne porte pas de jugement, juste un constat, ce qui a fait qu'effectivement la mécanique n'a pas pu fonctionner dans de bonnes conditions, avec un temps de retour à la normale qui a été très long puisqu'on est encore dans une phase presque transitoire.
Sur les questions liées à l'accessibilité et au maintien des points de présence et des points commerçants, c'est assez simple et c'est tout à fait dans le corps de notre rapport. Cela pourra continuer si la compensation est là, parce qu'en fait le financement est fait par le service public de contribution à l'aménagement du territoire. C'est le rôle même de l'Observatoire national de la présence postale, que j'ai l'honneur de présider, qui chaque année distribue des enveloppes en fonction des capacités financières de l'observatoire. Ces capacités financières sont estimées chaque année pour faire en sorte qu'on puisse mettre à disposition le financement. Le financement de cette mission est de 177 millions d'euros aujourd'hui alors que l'Arcep, qui a sur cette mission la charge du contrôle, estime le montant correspondant à 237 millions d'euros. Déjà, on a 60 millions d'euros manquants pour pouvoir financer ces opérations. Si l'État et le Gouvernement apportent leur contribution de compensation de service public, il n'y aura aucun souci pour maintenir les services au niveau des agences postales communales ou des points de présence chez les commerçants. S'il n'y a pas cette compensation, il est clair qu'à un moment donné, il y aura des coupes. Nous sommes vraiment dans le coeur de notre rapport.
Sur les impacts environnementaux, il y a effectivement des démarches qui sont faites en termes de réduction des émissions sur toute la partie colis. La Poste a un engagement là-dessus pour qu'à l'échéance 2025, c'est assez proche, ils atteignent zéro émission en termes de livraison, ce qui serait une performance.
Sur les questions des chiffres, ce qu'il faut avoir en tête, c'est que la rupture qui a eu lieu avec la Covid, elle sera durable. En termes de nombres de plis, en 2008, il y avait 18 milliards de plis distribués par La Poste. En 2018, nous sommes passés à 9 milliards. En 2020, à 7 milliards. À chaque fois, quand on parle de nombres de plis, on peut parler d'euros, car le prix du timbre est à peu près d'un euro. À chaque fois, vous perdez des milliards qui font que le service public ne s'équilibre plus. Ce qui s'est passé en 2020, c'est qu'on a eu une rupture en falaise qui a donc complètement déstructuré les prévisions. On perd environ 500 000 plis par an. Alors évidemment on pourrait espérer que les Français se remettent à écrire pour pouvoir remonter la courbe et faire en sorte que les recettes augmentent, mais je pense que ce n'est pas forcément un sujet.
Sur l'Arcep et son désintérêt, je ne pense pas que ce soit complètement un désintérêt. D'un point de vue législatif, seule la mission de contribution à l'aménagement du territoire fait l'objet d'un contrôle de coût par l'Arcep, c'est défini dans la loi. Pour les autres missions, nous nous sommes aperçus qu'en fait il n'y avait rien dans la loi et qu'il fallait que ce soit corrigé. C'est le sens aussi des propositions du rapport.
Sur les rapprochements public-privé, ça se fait déjà. Mais là on sort du champ du service public, il s'agit d'un champ concurrentiel. De tels rapprochements et partenariats existent déjà. Il faut savoir qu'Amazon est l'un des plus gros clients de La Poste, notamment pour les livraisons dans les territoires ruraux, même si Amazon développe sur les secteurs plus denses ses propres services. Dans le domaine concurrentiel, ils arrivent à avoir un modèle économique qui tient et on ne peut rien imposer. On ne pourrait pas aujourd'hui considérer que tous les colis soient livrés par La Poste. Ce n'est pas possible, notamment par rapport à l'encadrement qui est fait au niveau européen.
Sur les aspects des employés, notamment dans les secteurs transfrontaliers, je connais cela aussi dans mon département, j'ai la même problématique avec la Suisse. Il y a une difficulté de recrutement au niveau de La Poste. Des solutions sont mises en oeuvre et des logements sont mis à disposition à des prix accessibles. Néanmoins, là-dessus, il y a des secteurs connaissant de grandes difficultés, mais qui sortent un peu du cadre de notre rapport. Par contre, ce que je peux dire, c'est que nous avons auditionné l'ensemble des organisations syndicales de La Poste. Cela a été plutôt une surprise pour nous de voir à quel point elles étaient engagées dans la transformation de La Poste et à quel point elles étaient volontaires pour faire en sorte de trouver des solutions.
Sur la question de Laurent Duplomb, très franchement, je suis preneur des éléments pour les faire remonter à La Poste. Cela me semble être un sujet très local. La règle c'est qu'effectivement il y a une pause méridienne qui souvent doit se passer dans un endroit sur la tournée. Il est possible qu'on les fasse revenir sur site, si la distance est compatible, mais ce n'est pas une règle de base.
M. Rémi Cardon , rapporteur . - Juste un complément sur la question de notre collègue Laurent Somon. Le passage du bureau de poste à l'agence postale communale, c'est un sujet important. C'est préférable en dernier ressort à une fermeture sèche d'un bureau de poste. C'est la raison pour laquelle on a aussi développé dans le rapport qu'il fallait faire la distinction entre les deux et qu'il y avait effectivement le volet service bancaire qui était important, notamment pour les publics fragiles en milieu rural. Généralement, c'est quand même La Banque Postale qui est présente dans ces milieux-là. C'est important qu'il y ait encore de la présence pour permettre aux usagers d'ouvrir un compte et de retirer de l'argent. Nous l'avons rappelé dans le rapport.
J'attire aussi votre attention sur ce qui risque de se produire prochainement. Il y a un déploiement en tout cas des relais pick up Chronopost. Il faut avoir en tête que ce sont des points relais tout simplement, mais qui ne sont pas là pour remplacer ou préparer un remplacement de bureaux de poste. Ce sont juste des points relais et c'est bien différent du bureau de poste. Enfin, je préfère le dire parce que j'ai des inquiétudes là-dessus, je crains que ce soit un moyen de masquer les nombreuses fermetures. Pour le coup, ça ne coûte quasiment rien à La Poste puisque ce sont des commerçants qui gèrent.
En tout cas, j'ai un cas très concret dans la Somme. Une équipe municipale m'a fait remarquer tout simplement que les habitants ont basculé totalement sur le pick up parce que les horaires étaient beaucoup plus flexibles, et s'interrogent sur la fermeture du bureau de poste. Je ne veux pas non plus que ce soit la stratégie de La Poste, c'est-à-dire dire qu'on ouvre un maximum de points relais pick up en utilisant un maximum les commerçants pour mieux fermer les bureaux de poste.
M. Pierre Louault , rapporteur . - Le problème du service public de La Poste se pose bien sûr en milieu rural, mais aussi en milieu urbain. En milieu urbain, vous avez toutes les personnes âgées isolées dans leur appartement. L'État s'est désengagé des services publics de proximité, les perceptions ont toutes fermé, tous les services publics de proximité ont fermé. Ces services publics ont été confiés, soit aux collectivités locales, soit à La Poste. Il est normal que La Poste soit compensée pour ce service public. Par exemple, pour le million d'usagers qui n'ont plus de comptes bancaires, car les autres banques les ont mis à la porte. Comme les perceptions ont fermé, il n'y a plus de moyen de retirer du liquide. Tout ça revient à La Poste, c'est normal que l'État compense. Quand on parle d'un milliard supplémentaire, c'est vrai, ça paraît beaucoup, mais il y a une certaine logique.
Un dernier point qu'on a évoqué, le rapprochement des services publics, entre France Services et La Poste. Dès qu'on évoque les problèmes de personnes isolées du numérique et bien ce rapprochement des services entre collectivités locales et La Poste doit être bénéficiaire.
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci beaucoup, messieurs les rapporteurs, merci à tous. Je retire de cette audition que bien sûr il faut compenser et contrôler le niveau de compensation de ce service public, mais que La Poste doit anticiper encore mieux qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent les évolutions de la société et innover. Il y a des concurrents à elle sur différents secteurs d'activité, je pense à Amazon par exemple qui innove en termes de distribution. Il y a des casiers dans les gares, pourquoi ces casiers sont opérés par Amazon alors qu'ils pourraient très bien être opérés par La Poste ? Il ne faut s'interdire aucun champ d'innovation, parce que la société change, elle est très exigeante sur le niveau de service. Ce qui fera la différence entre La Poste d'aujourd'hui et de demain, c'est le niveau de service.
Le rapport est adopté à l'unanimité.