B. LA PROCÉDURE D'AUTORISATION EST AUJOURD'HUI AU POINT MORT EN RAISON DES HÉSITATIONS DE L'ACQUÉREUR FINCANTIERI

Touchant à la fin de sa phase d'enquête approfondie, la procédure d'autorisation au niveau européen a été stoppée net au début de l'année 2020. En raison de la crise sanitaire et économique ayant frappé l'Europe, compliquant le travail de ses services mais aussi des équipes représentant les différentes parties prenantes à l'opération, la Commission a suspendu les délais de procédure le 13 mars 2020.

Les personnes entendues par la commission des affaires économiques ont toutefois précisé que la pandémie de coronavirus n'est pas la seule raison ayant conduit à cette suspension : à l'issue d'une analyse préalable plutôt défavorable au projet de l'italien, la Commission européenne aurait sollicité de Fincantieri la communication d'informations supplémentaires, portant en particulier sur les engagements et remèdes potentiels qui pourraient être consentis par le groupe dans le cadre de la cession.

En effet, une concentration entre deux des trois principaux constructeurs navals européens, tous deux spécialisés sur le secteur des grands paquebots de luxe, pourrait avoir un impact non négligeable sur les prix pratiqués et sur les options des clients. Dans des cas présentant un tel risque concurrentiel, la Commission peut refuser le rachat, ou le conditionner à des engagements de la part de l'acquéreur. Ceux-ci peuvent être de nature comportementale, par exemple un engagement à ne pas modifier sensiblement les prix de certains produits ou à ne pas pénétrer certains marchés durant une période minimale, ou de nature structurelle, impliquant la cession des certaines filiales ou branches d'activité afin de réduire un pouvoir de marché excessif. Si Bruxelles demandait effectivement de tels engagements au groupe Fincantieri, la décision finale serait suspendue à la réponse du groupe italien.

Alors que la situation sanitaire s'est améliorée et que le travail de la Commission a repris sur nombre d'autres dossiers, c'est désormais l'absence de réponse de Fincantieri qui représente le principal obstacle au projet de cession.

Le silence de Fincantieri quant à sa disposition à prendre de tels engagements, ou simplement à fournir des informations complémentaires aux services de la Commission, semble témoigner de l'hésitation du groupe italien à poursuivre dans cette voie . Il est vrai que la pandémie de coronavirus est susceptible d'avoir un impact important sur les secteurs de la croisière et de la construction navale, ce qui pourrait justifier un nouveau délai avant que la Commission européenne ne rende sa décision. Il n'en reste pas moins que Fincantieri n'apparaît aujourd'hui pas prêt à prendre les décisions qui s'imposeraient si l'opération devait aboutir.

Si le constructeur italien n'est pas en mesure de se séparer aujourd'hui de certaines branches d'activité, de certains sites ou de certains clients ; sera-t-il capable demain de respecter ses engagements à maintenir l'activité du site de Saint-Nazaire, même si cela impliquait de réduire son activité en Italie ? Le changement de conjoncture économique aurait-il remis en cause le projet d'expansion du groupe ?

D'ailleurs, l'accord de cession de février 2018 a déjà dû être prolongé trois fois par l'État français. Prenant initialement fin au 30 juin 2019, il a bénéficié d'une extension de six mois jusqu'au 31 décembre 2019, puis d'une seconde jusqu'au 30 juin 2020. La dernière prolongation a à nouveau étendu ce délai, de quatre mois cette fois, jusqu'au 31 octobre 2020, témoignant de l'enlisement du dossier au niveau européen et de la volonté du Gouvernement de le faire aboutir à tout prix.

En tout état de cause, la réticence du groupe italien à transmettre à la Commission européenne les informations requises et les prolongations successives de l'accord de cession témoignent des hésitations qui entourent le projet de rachat. Inabouti, le rachat des Chantiers de l'Atlantique par Fincantieri pourrait en réalité être déjà dépassé.

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