C. L'EXCLUSION NUMÉRIQUE DES DROITS SOCIAUX
1. Le numérique comme facteur de non-recours mais également comme solution d'un meilleur recours aux droits sociaux
Le taux de non-recours aux droits sociaux reste, par construction, difficile à appréhender 57 ( * ) et la numérisation de l'accès aux droits, si elle constitue une conditionnalité implicite, n'explique pas tout 58 ( * ) . La complexité des sites internet des services sociaux représente cependant un facteur d'inaccessibilité aux droits 59 ( * ) .
Ainsi, dans une enquête réalisée par un prestataire à la demande de la CAF du Nord, il ressortait que 42 % des personnes accueillies en agence s'étant préalablement connectées au site caf.fr n'y avaient pas trouvé la réponse ou la possibilité d'effectuer la démarche souhaitée 60 ( * ) .
Comme l'a souligné le rapport de l'IGAS 61 ( * ) , la prise en compte des enjeux d'inclusion numérique a émergé au cours des deux dernières conventions d'objectifs et de gestion (2013-2017 et 2018-2022) ainsi que dans la convention tripartite État/Unédic/Pôle emploi de 2015-2018 comme la contrepartie de l'objectif stratégique de développement des outils numériques.
Dans la convention tripartite 2019-2022 : « Pôle emploi poursuit la simplification de l'ergonomie de ses services digitaux et leur mise en accessibilité, notamment pour les personnes en situation de handicap, tout en renforçant, avec l'appui de ses partenaires, ses actions pour lutter contre la précarité numérique et l'illectronisme, par une détection rapide de ces situations , une évaluation et le développement des compétences numériques des demandeurs d'emploi ».
Pour certains opérateurs (CNAF, CNAV, Pôle emploi), les conventions intègrent en outre des objectifs visant à accompagner ou favoriser l'inclusion numérique de leurs usagers, inscrivant ainsi leur action dans un cadre plus vaste que celui de la simple aide à l'usage des téléservices. Toutefois, ces sujets « ne font l'objet d'aucun engagement ou objectif mesurable dans les conventions; ils ne sont qu'indirectement traités dans le cadre de politiques plus larges d'accès aux droits, de modernisation des systèmes d'information, ou d'évolution des canaux de relation à l'usager ».
Par ailleurs, le site mesdroitssociaux.gouv.fr , créé en 2017, vise à fournir une vision exhaustive des droits des usagers dans six domaines de la protection sociale (famille, maladie, logement, solidarité, retraite et emploi) et de simuler l'éligibilité à une quinzaine de prestations. Il a vocation, selon le Schéma stratégique des systèmes d'information de la sécurité sociale (SSSI Sécu) à servir de lieu d'accueil des événements de vie impliquant plusieurs opérateurs. Le portail est conçu, dans la perspective d'un compte citoyen, comme un point d'entrée unique vers les droits sociaux, avec quatre fonctions essentielles : consultation des droits, simulation de droits potentiels, engagement de démarches et réception d'alertes au regard de ses droits. Toutefois, pour l'IGAS, « s'il permet une vision globale de la situation d'un assuré, sortant de l'approche en silo, ses fonctionnalités sont à ce jour assez limitées puisqu'il ne fait que renvoyer sur les sites ou plus directement sur les téléservices des opérateurs concernés ». Sa fréquentation, quoiqu'en progression sensible, reste loin derrière celle des sites des opérateurs sociaux.
Si des grilles de repérage des publics fragiles ont été élaborées, en partenariat avec Emmaüs Connect et WeTechCare, sous la forme d'un questionnaire « les bons clics » 62 ( * ) , elles ne sont pas utilisées systématiquement 63 ( * ) .
Le succès de l'accès dématérialisé avec les opérateurs (350 millions de visites annuelles pour la CNAF, 330 millions pour l'assurance maladie), de plus en plus par smartphone (62 % des consultations numériques à la CNAF), dans deux tiers des cas pour des motifs d'information sur les droits, ne doit pas occulter que le recours aux canaux traditionnels reste significatif (270 millions de contacts) et « témoigne d'un besoin de recours alternatif aux canaux numériques qui doit être pris en considération » estime l'IGAS, y compris pour des démarches pourtant numérisées depuis plusieurs années 64 ( * ) .
L'accueil physique des usagers, effectué par des agents et par 3 200 volontaires du service civique à Pôle emploi, est cependant « rigoureusement limité » voire « minimaliste », entraînant un « déport non organisé des usagers » vers les espaces de médiation numérique (CCAS, EPN, MSAP, PIMMS 65 ( * ) ), sans partenariat ni suivi de la qualité des renseignements fournis, ce qui peut entraîner une déconnexion entre les opérateurs et les usagers les moins autonomes, et pourrait même « peut-être un jour devenir un service marchand comme c'est le cas avec les demandes de carte grise ». Or, « sauf exception, le repérage de difficultés numériques ne débouche pas sur un accompagnement renforcé et rarement sur une offre de formation ».
Par ailleurs, le numérique peut permettre de repérer les personnes susceptibles de bénéficier d'un droit connexe à un droit dont ils bénéficient, à prévenir une situation de non-renouvellement (en anticipant une échéance) ou bien à accompagner le passage d'un droit à un autre. Il offre la possibilité de dépasser l'approche au fil de l'eau (entretien avec un agent d'un opérateur ou un travailleur social) en réalisant un repérage plus systématique des personnes concernées par l'exploitation plus ou moins sophistiquée des bases de données, soit par coopération entre opérateurs, soit par datamining 66 ( * ) .
Offres de formations numériques déployées par les opérateurs sociaux
Existence d'une grille de repérage des difficultés numériques |
Offre d'accompagnement internalisée |
Offre d'accompagnement externalisée |
Partenaires
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CNAM |
Pas de façon générale (4 CPAM utilisant des grilles différentes) |
4 CPAM organisent des ateliers (2h environ) sur le compte Ameli |
Une expérimentation de parcours de 6 séances à Lille et Douai, étendue dans le bas Rhin en 2020 |
Emmaüs Connect |
CNAF |
Oui |
Ateliers sur caf.fr dans 12 caisses (pérenne dans les 2 CAF pilotes) |
Expérimentations avec 2 CAF pilotes (Nord et Isère), ateliers d'une demi journée |
Opérateurs APTIC (500 chéquiers au total), médiatèque (Lille) et association labellisée |
Pôle emploi |
Oui |
Ateliers de formation ; parcours « Développer la pratique du numérique avec Pôle emploi » prévu en 2020 |
Expérimentations sur 8 sites |
Opérateurs APTIC (6 région ou départements) ; Emmaüs connect (parcours, Lille et Strasbourg) |
CNAV |
Non |
Non |
Pour les retraités, par le biais des conférences des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie |
Non communiqué |
MSA |
Non |
Parcours « Coup de pouce connexion » de 12 séances de 3h animé par des travailleurs sociaux ; dans 18 MSA sur 35 en 2018 |
Non |
Non |
Source : Rapport IGAS, 2019
Le tableau ci-dessus démontre que les opérateurs sociaux ont commencé à investir le champ de la médiation numérique mais il illustre également que la politique des opérateurs n'est pas uniformisée : de nombreuses offres d'accompagnement internalisées cohabitent avec des offres d'accompagnement externalisées, parfois financées avec le pass numérique, dont le recours n'est pas systématisé et généralisé.
2. La médiation sociale ne comporte pas une dimension numérique suffisante
Les administrations sociales ont involontairement produit de l'exclusion numérique en ne prenant pas en compte les difficultés d'accès au numérique de certaines populations fragiles , comme l'a exposé cet expert : « alors que les organismes publics de sécurité sociale dématérialisent de plus en plus les supports et les modes d'échange avec leurs usagers, alors que les accès aux accueils physiques vont en diminuant - quand ils ne disparaissent pas purement et simplement des territoires -, il n'existe aucun système d'évaluation des compétences numériques des usagers, de leur plus ou moins grande « autonomie numérique », rapportée à leurs besoins en termes de relation administrative. À ce jour, les institutions n'estiment pas les besoins de leurs usagers en réponse à la contrainte technologique qu'elles leur imposent » 67 ( * ) . On aboutit ainsi à ce paradoxe selon lequel « les personnes les plus fragiles socialement (moins diplômées, dotées de faibles ressources financières et plus isolées) sont statistiquement surexposées à la non-connexion . Elles sont pourtant sommées d'en passer par un médium qu'elles ne possèdent pas, ni au sens de la possession matérielle, ni en termes de compétences cognitives. La généralisation du passage au numérique procède donc à un redoublement de la mise à distance des publics les plus fragiles et conduit à un processus d'exclusion administrative : les personnes les moins dotées sont davantage mises en difficultés pour accéder à leurs droits, que les autres ».
Pire, l'un des effets paradoxaux de cette conversion numérique mal préparée consiste dans la fabrication d'une perte d'autonomie des usagers des administrations sociales : « la non-prise en compte des niveaux de compétences numériques des usagers les rend de plus en plus dépendants d'un accompagnement par un travailleur social » selon un témoignage 68 ( * ) . Selon l'enquête réalisée en 2016 par Emmaüs Connect 69 ( * ) , 75 % des travailleurs sociaux effectuent des démarches à la place de l'usager .
Cette situation est actée par l'administration. Ainsi, seul le rattachement à FranceConnect 70 ( * ) permettra à compter de 2020 de recourir à Aidants Connect 71 ( * ) , outil destiné aux aidants (travailleurs sociaux, les médiateurs numériques ou agents publics d'accueil) leur permettant, après avoir été habilités, de réaliser dans des conditions sécurisées et tracées des démarches administratives en ligne à la place d'une personne ne parvenant pas à` les faire seule.
Fin 2019, près de 11 millions de Français disposaient d'un identifiant FranceConnect. La DGFIP, la CNAM, La Poste ou la MSA font partie des principaux fournisseurs d'identité et les téléservices de la CNAM, de la MSA et du GIP retraite sont accessibles via FranceConnect. La CNAF et Pôle emploi prévoient de généraliser l'accès via FranceConnect à tous ses services avant la fin de l'année 2020. Toutefois, le site Aidants Connect était toujours, à l'été 2020, en version « bêta ».
Les administrations sociales intègrent donc une exclusion numérique pérenne d'une partie de leurs usagers.
Les travailleurs sociaux sont également confrontés à l'épreuve du numérique. Les métiers de l'action sociale, qui comprennent au total 1,2 million de salariés, sont au contact direct des publics les plus fragiles et les plus éloignés du numérique. Former les travailleurs sociaux à la problématique de l'inclusion numérique constitue donc un enjeu majeur pour toucher les personnes les plus exclues du numérique . Car, en l'absence d'une telle sensibilisation, qui double l'absence d'un système de détection des usagers « non autonomes » dans la gestion numérique de leurs droits sociaux, les institutions ne les orientent pas vers des services ou structures spécialisées afin de les accompagner vers l'administration électronique.
Le Haut Conseil du travail social (HCTS) s'est saisi, en 2018 72 ( * ) , de cette problématique, d'autant que « 100 % de la population ne sera pas en mesure d'utiliser de façon autonome les outils numériques » 73 ( * ) , et a recommandé, en 2019, « d'articuler les réseaux de l'intervention sociale et de la médiation numérique en développant des outils communs » 74 ( * ) . Des fiches pratiques pour « faire avec » la personne recommandent de « ne pas se substituer à elle, ni aux acteurs facilitant l'accès aux droits ; l'accompagner lors d'un relais vers un tiers aidant, pour éviter qu'elle n'abandonne la démarche engagée ; lui proposer des interventions personnalisées en cas de contrainte » 75 ( * ) , plaçant ainsi les travailleurs sociaux devant des injonctions contradictoires. De plus, comme l'ont souligné plusieurs comités régionaux du travail social, qui ont adressé des contributions à la mission d'information, les travailleurs sociaux peuvent eux-mêmes rencontrer des difficultés dans l'appropriation des dispositifs numériques et l'accompagnement des personnes face au numérique.
Or, faute d'une telle politique de développement de la médiation numérique publique, « ce sont souvent les services sociaux et les structures associatives qui récupèrent par un principe de délégation généralement non formalisé des usagers se heurtant à la barrière numérique dans l'accès à leurs droits » 76 ( * ) .
3. Les associations d'aide aux personnes en précarité, des bénévoles de la médiation numérique
« Le développement à front renversé de la dématérialisation dans les services publics (qui a d'abord enclenché le processus technique avant que de s'interroger sur les capacités d'usages des destinataires, en particulier de ses franges les plus fragiles) a eu pour effet une augmentation considérable de la demande d'aide à l'accompagnement aux démarches numériques administratives dans les services sociaux et les structures intervenant auprès de publics précarisés » 77 ( * ) selon Pierre Mazet, auditionné par le rapporteur le 15 juillet 2020.
On assiste ainsi à un effet de vases communicants : la dématérialisation de l'accès aux droits sociaux et la diminution des points d'accueil physiques et locaux provoquent, par transfert, une augmentation de la demande d'aide. Il existe même un hiatus entre l'importance de la médiation numérique et la précarisation des emplois et des formations, par le recours au bénévolat et à des aidants qui n'ont pas suffisamment de compétences numériques.
La mission d'information a donc organisé une table ronde, le 17 juin 2020 78 ( * ) , avec les principales grandes associations qui viennent en aide aux personnes en précarité. Elles se retrouvent autour du mot d'ordre : « l'accès au numérique pour tous, oui ; mais le tout-numérique, non ». Le tout-numérique prévu pour l'administration en 2022 sera source d'aggravation de l'exclusion, préviennent-elles.
Parmi leurs principales revendications, elles réclament un droit à la connexion, en priorité pour les enfants scolarisés afin d'éviter des ruptures d'accès à la scolarité, une formation des bénévoles et aidants, le maintien d'une démarche papier pour les plus précaires. Par ailleurs, elles attirent l'attention sur les questions de confidentialité et de secret médical en cas de recours à la médiation numérique par un tiers.
Toutefois, le modèle de la médiation numérique, tel qu'il se développe actuellement, porte en lui certaines contradictions internes. Il est d'abord fourre-tout 79 ( * ) et ne comporte pas de logique capacitaire mais d'assistance 80 ( * ) , car la médiation numérique est actuellement construite comme une sous-branche de la médiation sociale 81 ( * ) .
* 57 Il était estimé, en 2016, entre 21 et 34 % pour la CMU-C, 26 % pour la PPA, entre 21 et 34 % pour la CMUC, 36 % pour le RSA et entre 57 et 70 % pour l'ACS.
* 58 Les causes « non-numériques » sont : l'appréciation de l'usager sur le bénéfice attendu, la complexité de la procédure (pièces à fournir), mauvaise estimation par l'usager de ses droits potentiels...
* 59 Étudié avec attention par l'Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE).
* 60 Le site a été trouvé trop complexe ne permettant pas de s'y repérer pour trouver la réponse ; l'information trouvée ne présentait pas suffisamment de garantie aux yeux des usagers (information générique ne permettant pas de savoir si elle s'applique au cas particulier de l'usager, incertitude sur «la date de validité» de l'information) ; insuffisances des fonctionnalités du site (impossibilité de transmettre certaines pièces justificatives nécessaires à la bonne complétude de leur dossier, impossibilité de transmettre des demandes directement, sous format dématérialisé via le site et l'application, formulaires qu'il faut imprimer et compléter de manière manuscrite puis retourner à l'agence, attestations qu'il n'est pas possible de « dépersonnaliser », en fonction des demandes de Pôle Emploi, de la CPAM) ; ou enfin la survenue d'un incident technique.
* 61 Garantir un numérique inclusif : les réponses apportées par les opérateurs de la protection sociale , précité.
* 62 Qui n'aborde pas les freins non liés aux compétences numériques notamment l'illettrisme, la non-maîtrise de la langue française ou la non-accessibilité pour les personnes en situation de handicap.
* 63 Pour fluidifier l'accueil, le test durant de 1 à 10 minutes et parce que les publics sont en partie des usagers réguliers : la réitération du test devient donc assez rapidement sans objet.
* 64 Un tiers des demandes d'APL ou de RSA, plus de la moitié des demandes de carte vitale, et les deux tiers des demandes de retraite.
* 65 Réseaux décrits infra, partie IV.
* 66 Approche statistique visant à repérer le non-recours potentiel à un droit.
* 67 Conditionnalités implicites et productions d'inégalités : les coûts cachés de la dématérialisation administrative , Pierre Mazet, Revue française de service social n° 264, 2017.
* 68 Le numérique au sein de l'action sociale dans un contexte de dématérialisation , Yves-Marie Davenel, Études Connexions solidaires, avril 2016.
* 69 Idem.
* 70 Dispositif porté par la direction Interministérielle du Numérique (DINUM), qui permet aux internautes de s'identifier sur un service en ligne par l'intermédiaire d'un compte existant (impots.gouv.fr, ameli.fr...). L'utilisateur est ainsi dispensé de gérer plusieurs identifiants et mots de passe. Son utilisation au sein d'un téléservice permet en outre de faciliter la récupération d'informations relatives à un usager auprès d'un autre opérateur, utilisateur de FranceConnect.
* 71 Qui se présente ainsi : « Ce service sécurise et facilite le « faire pour le compte de ».
* 72 Le Conseil supérieur du travail social s'était déjà saisi de cette problématique en 2002, de même que l'étude Connexions solidaires, réalisée en 2016.
* 73 Pourquoi et comment les travailleurs sociaux se saisissent des outils numériques ? Recommandations du groupe de travail « Numérique et travail social » du Haut Conseil du travail social, 2018.
* 74 Quelles articulations entre travail social, médiation sociale et médiation numérique ? Haut Conseil du travail social, 2018.
* 75 Accès et maintien des droits pour tous à l'ère du numérique , Haut Conseil du travail social, juin 2019.
* 76 Le numérique au sein de l'action sociale dans un contexte de dématérialisation , article précité.
* 77 Les conditionnalités implicites de l'accès aux droits à l'ère numérique , in Accès aux droits sociaux et lutte contre le non-recours dans un contexte de dématérialisation , rapport d'accompagnement scientifique du projet #LABAcces, ASKORIA, mars 2019.
* 78 Le compte-rendu peut être consulté avec ce lien :
http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200615/mi_illectronisme.html
* 79 « L'inclusion numérique est aujourd'hui un complet fourre-tout qui va de la démonstration d'imprimantes 3D, aux fab-lab censés permettre aux citoyens de créer et de réparer leurs propres objets électroniques et numériques, du « faire à la place » de l'usager, des ateliers individuels et collectifs de réponse aux questions et d'accompagnement à l'usage, de la réparation et de l'assistance technique de premier niveau aux usages réalisés par certaines collectivités territoriales, de l'assistance juridique et administrative assurée par des écrivains publics numériques : son périmètre n'étant pas défini, ni cadré de façon rigoureuse, le champ de la médiation numérique publique tend à se morceler perpétuellement vers des activités toujours plus variées, y compris d'ailleurs vers des champs d'activité qui devraient davantage relever du secteur privé », Hypra, contribution adressée à la mission d'information.
* 80 « L'État a toujours défendu jusqu'à présent, relayant le discours des médiateurs numériques, que certains publics ne pourraient jamais être autonomisés et que le « faire à la place de » serait indispensable (...) Là où le « faire à la place de » aurait dû s'imposer comme une exception circonscrite à des cas très précis et définis, il est devenu un mode d'intervention répandu, alimentant le tonneau des Danaïdes de la médiation numérique : les publics n'étant jamais autonomisés pleinement sur leur outil numérique, ils deviennent un public « captif » des centres sociaux », idem.
* 81 « Choisir le terme de « médiation numérique », c'était aussi encastrer cette discipline comme une sous-branche de la médiation sociale. Or, « l'émancipation numérique » par la complexité et la spécificité d'approche que cela recouvre doit être une branche à part de la politique publique, traitée de façon parallèle mais non simultanée aux autres enjeux juridiques et administratifs que connaît le citoyen en situation de fragilité. L'autonomisation sur le numérique, pour être efficace et bien menée, doit pouvoir s'éloigner de la seule logique de l'accès au droit et de l'urgence d'accès à une démarche. L'autonomie numérique est un capital éducatif de long-terme : elle ne se construit ni dans l'urgence ni dans l'utilitarisme d'une démarche administrative à réaliser. C'est un processus et une démarche distincte de l'accès aux droits », idem.