B. IL N'Y A PAS EU DE DESSERREMENT DU CADRE DES PLANS DE CONTINUITÉ D'ACTIVITÉ MALGRÉ LES SOUPLESSES ACCORDÉES PAR LES ORDONNANCES

Il est légitime que les juridictions aient, dans un premier temps, mis un terme à toutes leurs activités non essentielles et renvoyé massivement les audiences. Cependant, la crise sanitaire se prolongeant, il serait nécessaire de reconsidérer ce choix fait dans l'urgence et qui va au-delà de ce que les règles sanitaires imposent . « Tout s'est arrêté, même ce qui n'est pas impacté par les mesures sanitaires » a constaté la conférence des bâtonniers.

Cette nécessaire réévaluation des PCA semble bien comprise par les chefs de juridictions eux-mêmes. Ainsi, la conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires a indiqué aux rapporteurs que les PCA avaient vocation à s'adapter au fil des semaines . Cette adaptation doit se fonder sur une réflexion tant sur le fond, quant à la nature des contentieux à intégrer dans le périmètre, que sur la manière dont les contentieux peuvent être traités.

En effet, les dérogations procédurales établies par les ordonnances du 25 mars 2020 simplifient l'organisation du travail juridictionnel et permettent d'éviter au maximum la présence physique en juridiction, tant pour les justiciables et leurs avocats, que pour les magistrats et les agents de greffe. Selon les termes de la garde des sceaux, ces assouplissements ont été conçus comme « des outils mis à disposition des juridictions , notre objectif étant, bien évidemment, de faire en sorte que celles-ci puissent fonctionner le plus rapidement possible et, autant que faire se peut, en utilisant le droit commun » 36 ( * ) . Les ordonnances autorisent par exemple les présidents de juridictions à restreindre la publicité des débats, voire à y renoncer, ou à organiser des vidéo-audiences. De même, les formalités de communication, voire de notification en matière d'assistance éducative et en matière administrative, ont été simplifiées et peuvent être faites auprès des parties par mail avec accusé de réception.

Si l'utilisation de ces dérogations temporaires doit être considérée avec la plus grande prudence dans les contentieux mettant en cause les libertés individuelles, il n'en va pas de même pour les contentieux de fond de nature civile ou commerciale où la procédure est écrite et les parties sont représentées par des avocats. Le Conseil national des barreaux a d'ailleurs précisé que les barreaux s'étaient déclarés volontaires pour utiliser toutes les alternatives aux audiences pour faire avancer les dossiers et répondre aux attentes des justiciables.

Toutefois, faute de signal donné par la garde des sceaux et à l'exception notable des tribunaux de commerce, les juridictions ne semblent pas s'être emparées pleinement des possibilités offertes par les ordonnances du 25 mars 2020 pour « faire redémarrer la machine ». Il serait souhaitable de revoir au plus tôt les PCA et d'en élargir le périmètre dès à présent afin d'augmenter progressivement l'activité des tribunaux, sans attendre le 11 mai ni la fin de l'état d'urgence sanitaire.

Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont relevé la diversité forte des appréciations sur les mesures les plus controversées figurant dans les ordonnances. S'agissant de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, la garde des sceaux avait fait état de la nécessité de cette mesure au nom du principe d'égalité. Ce que les bâtonniers ont fortement contesté. Les procureurs ont pour leur part insisté sur la nécessité de cette mesure, considérant qu'il était nécessaire de garder en prison les personnes mises en cause tant qu'il n'était pas possible de procéder aux enquêtes dans des conditions normales. Ainsi que l'avait relevé le premier rapport de la commission des lois sur la mise en oeuvre de l'état d'urgence, on peut néanmoins s'interroger sur la proportionnalité de cette mesure. Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a noté que certains magistrats se refusaient à l'appliquer de manière systématique.


* 36 Audition du 9 avril 2020 par la commission des lois :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200406/lois.html

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