C. LES ACTUALITÉS DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE ET DU CONSEIL DE L'EUROPE
1. L'élection du Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et des vice-présidents
Lors de la première séance du lundi 27 janvier 2020, M. Rik Daems (Belgique - ADLE) a été élu Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE).
Succédant à Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse - SOC), il devient le 33 e président de l'APCE et le troisième représentant belge depuis 1949, après le « père fondateur » de l'Assemblée, M. Paul-Henri Spaak (1949-1951), et M. Fernand Dehousse (1956-1959). Il était le seul candidat en lice.
Dans son discours inaugural, le Président nouvellement élu a appelé l'Assemblée parlementaire à mettre l'accent sur les valeurs plutôt que sur les intérêts nationaux. « Les intérêts divisent, mais les valeurs rassemblent », a-t-il déclaré. « Nous sommes envoyés par nos Parlements nationaux, mais je doute que notre présence ici vise seulement à soutenir nos intérêts nationaux. Nous avons tous signé la convention européenne des droits de l'Homme et nous sommes ici pour défendre les droits de l'Homme, l'État de droit et la démocratie », a-t-il souligné, ajoutant : « Nous sommes le Conseil de l'Europe, mais aussi un Conseil des Européens. Être égaux ne signifie pas être identiques, mais prôner et défendre les mêmes valeurs. Tel est le sens de "l'unité dans la diversité", telle est la mission du Conseil de l'Europe ».
M. Rik Daems a indiqué vouloir renforcer la coopération entre le Comité des Ministres, la Secrétaire générale et l'Assemblée parlementaire. Il a exprimé sa volonté de réformer le fonctionnement et l'organisation du travail de l'APCE avec l'objectif d'obtenir davantage de résultats. Il a notamment souhaité faire de l'égalité entre les femmes et les hommes une priorité, a défendu l'élaboration d'un protocole sur le lien entre les droits de l'Homme et l'environnement et a insisté sur la nécessité de développer encore les relations entre l'APCE et les Parlements nationaux.
En outre, l'APCE a également élu ses vice-présidents par acclamation, dont Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française , réélue.
Selon le Règlement de l'APCE, les candidats proposés par les délégations nationales sont déclarés élus sans procéder au scrutin. Toutefois, s'il y a une demande pour un vote par au moins vingt représentants ou suppléants pour un ou plusieurs candidats, il est procédé, pour l'élection de ceux-ci, à un vote au scrutin secret.
Ceci a été le cas pour le candidat proposé par la délégation russe : M. Petr Tolstoï a finalement été élu, au deuxième tour, vice-président de l'Assemblée.
2. La contestation des pouvoirs de huit délégations pour des raisons formelles
Les pouvoirs de huit délégations à l'Assemblée parlementaire ont été contestés pour des motifs divers, le jour de l'ouverture de la session plénière d'hiver à Strasbourg.
a) Six contestations au titre de l'équilibre entre les sexes
Pour six de ces délégations (Macédoine du Nord, Pologne, Portugal, Saint-Marin, Suède et Suisse), les contestations portaient sur la règle de l'APCE relative à l'équilibre entre les sexes, qui dispose que les délégations parlementaires nationales doivent « comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au moins égal à celui que comptent actuellement leurs Parlements et, au minimum, un membre du sexe sous-représenté désigné en qualité de représentant ».
Dans un projet d'avis, la commission du Règlement des immunités et des affaires institutionnelles a déclaré que « seul le non-respect de l'exigence d'avoir au moins une femme dans chaque délégation pouvait constituer la base d'une contestation des pouvoirs présentés ». La commission a considéré que cette condition était « très certainement très limitée en ce qui concerne la représentation équitable des femmes » et pouvait légitimement être considérée comme « insatisfaisante ». Elle a conclu qu'elle devrait être invitée à préparer un rapport sur cette question.
Les pouvoirs de ces six délégations nationales, contestés pour des raisons d'équilibre entre les sexes, ont donc été approuvés.
b) Deux contestations au titre de l'équilibre politique
Pour deux autres délégations (Moldavie et Espagne), les contestations concernaient la règle relative à l'équilibre politique, qui prévoit que les délégations « doivent être composées de façon à assurer une représentation équitable des partis ou groupes politiques existant dans leurs Parlements ».
Concernant les pouvoirs de la délégation moldave, contestés au motif que le parti d'opposition Sor n'était pas représenté, la commission du Règlement des immunités et des affaires institutionnelles a noté qu'« un siège de suppléant vacant avait été, en principe, attribué au parti Sor », et a souligné que ce parti avait refusé de désigner son membre.
Concernant les pouvoirs de la délégation espagnole, contestés au motif qu'elle ne comprenait aucun membre du parti Vox, la commission a noté que le Parlement avait nommé une délégation provisoire, qui disposait de trois sièges de suppléants vacants, ajoutant que : « Le fait qu'il y ait des sièges vacants dans la délégation espagnole impliquait que des membres du groupe Vox, actuellement non représentés dans la délégation, pourraient la rejoindre ».
La commission a donc conclu que les pouvoirs de ces deux délégations devaient être ratifiés.
3. La contestation, pour des raisons formelles et substantielles, des pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie
Les pouvoirs de la délégation russe ont été contestés à la fois pour des raisons formelles et pour des raisons substantielles.
La contestation formelle reposait sur deux motifs : d'une part, que la délégation russe était composée de membres élus sur une base contraire aux stipulations du droit international, utilisant les votes de territoires illégalement occupés et annexés comme la Crimée ; d'autre part, que certains de ses membres étaient soumis à des sanctions de l'Union Européenne pour avoir soutenu activement l'annexion de la Crimée. La commission du Règlement des immunités et des affaires institutionnelles a proposé de ne pas donner suite à cette contestation pour des raisons formelles et de valider les pouvoirs de la délégation russe.
La contestation substantielle se référait à une proposition récente de l'Exécutif russe tendant à modifier l'équilibre constitutionnel entre droit interne et droit international ainsi qu'à la situation en Géorgie.
Dans ce cadre, le mercredi 29 janvier 2020, M. Tiny Kox (Pays-Bas - GUE) a présenté un rapport au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe.
Il a rappelé qu'en juin 2019, lorsque l'Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 2287 (2019) , « Renforcer le processus décisionnel de l'Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote », qui a ouvert la voie au retour de la délégation russe en son sein, son intention était de relancer un dialogue politique constructif.
Le rapporteur a également souligné que le dialogue avait été relancé et que la commission de suivi devrait poursuivre son travail concernant la Fédération de Russie. Les co-rapporteurs désignés à cet effet pourraient effectuer une visite d'information et préparer un rapport substantiel dans les meilleurs délais. La commission aura ainsi à suivre attentivement les évolutions en Fédération de Russie en vue d'examiner si les nouvelles modifications constitutionnelles sont conformes aux normes démocratiques et aux engagements et obligations de ce pays.
Il a donc proposé que l'APCE ratifie les pouvoirs de la Fédération de Russie et reprenne l'examen des progrès accomplis lors de la présentation d'un rapport de suivi dans le courant de cette année. Une résolution a été adoptée en ce sens.
4. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente
Lundi 27 janvier 2020, M. Tiny Kox (Pays-Bas - GUE) a présenté devant l'Assemblée parlementaire le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente.
Il a d'abord déploré que le pourcentage de femmes au sein de l'Assemblée ne soit que de 33 %. Si ce chiffre est supérieur à la moyenne générale des Parlements nationaux qui est de 29 %, il a plaidé pour qu'une place plus importante soit faite aux femmes au sein des délégations nationales. Il a souhaité que la mise en oeuvre de la procédure conjointe complémentaire entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire en cas de manquement d'un État membre à ses obligations statutaires ouvre une nouvelle ère pour le fonctionnement du Conseil de l'Europe, en espérant que cette procédure ne soit pas souvent mise en oeuvre. Il s'est félicité de la reprise du dialogue entre Russes et Ukrainiens permettant ainsi la libération de nombreux prisonniers. Pour conclure, il a souhaité l'adhésion rapide de l'Union européenne à la convention européenne des droits de l'Homme.
Lors de son intervention, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche), tout juste élu nouveau Président du groupe ADLE, a félicité le Président Daems et salué le travail de Mme Liliane Maury Pasquier. Il a insisté sur l'importance de poursuivre le dialogue concernant l'Ukraine et sur la nécessité de mettre en place la procédure conjointe entre le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire en cas de manquement d'un État membre à ses obligations statutaires. S'il s'est félicité des quelques améliorations dans les relations entre Russes et Ukrainiens qui se sont concrétisées par un échange de prisonniers, il a regretté la « provocation » du Président Poutine quand il a indiqué que, dorénavant, l'intégralité des traités seraient subordonnés au droit national russe.
5. L'observation des élections législatives anticipées en Biélorussie le 17 novembre 2019
Lord David Blencathra (Royaume-Uni - CE/AD) a présenté le rapport de la commission ad hoc de l'Assemblée parlementaire sur l'observation des élections législatives anticipées en Biélorussie le 17 novembre 2019.
Il a constaté de nombreuses carences et a estimé que des modifications de la loi électorale sont nécessaires pour que la Biélorussie prenne véritablement en compte les recommandations du Conseil de l'Europe.
Le rapport souligne les obstacles à l'enregistrement des partis politiques, l'utilisation par l'administration biélorusse d'un pouvoir discrétionnaire pour radier des candidats pour des motifs mineurs et l'autocensure excessive pratiquée par les médias. En outre, le nombre important de médias subventionnés par l'État a limité la couverture médiatique des candidats indépendants.
Enfin, un certain nombre de problèmes ont été constatés lors du dépouillement, tel le manque de coïncidences entre le nombre de bulletins et le nombre de personnes qui avaient signé les feuilles d'émargement. Les observateurs ont tous constaté les mêmes choses dans les différents bureaux de vote.
Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes maritimes - Les Républicains) s'est inquiétée de l'état de la démocratie en Biélorussie. Lors de sa mission d'observation des élections sur place, elle s'est étonnée des dispositions du code électoral permettant à l'administration de refuser ou d'annuler l'inscription de candidats pour des vices de forme mineurs. En outre, elle a constaté des similitudes dans les signatures sur les listes d'émargement et des signes de bourrage d'urnes malgré le peu d'électeurs dans les bureaux de vote. Dès lors, le taux de participation annoncé n'est pas crédible.
Pour Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) , si on peut se féliciter que les élections se soient déroulées dans le calme, on ne peut ignorer la composition déséquilibrée des commissions électorales, les restrictions apportées aux droits des électeurs et des candidats ou encore les intimidations de journalistes. Le Conseil de l'Europe doit travailler en partenariat avec les autorités de la Biélorussie pour permettre des changements démocratiques durables dans ce pays. Toutefois, Mme Nicole Duranton a indiqué craindre que les autorités de Biélorussie ne sachent pas saisir cette offre de services.
6. L'élection du juge français à la Cour européenne des droits de l'Homme
Mardi 28 janvier 2020, l'Assemblée parlementaire a élu un juge à la Cour européenne des droits de l'Homme, au titre de la France.
Les suffrages ont été exprimés comme suit :
- Mme Carole Champalaune : 90 voix ;
- M. Tristan Gervais de Lafond : 19 voix ;
- M. Mattias Guyomar : 130 voix.
M. Mattias Guyomar a donc été élu juge à la Cour européenne des droits de l'Homme dès le premier tour de scrutin. Son mandat de neuf ans commencera à partir du 22 juin 2020.