C. LE REJET DES DISCOURS DE HAINE ET DU SEXISME
Le respect et la tolérance à l'égard des croyances, des origines, du genre et des orientations sexuelles sont au coeur des principes posés par la convention européenne des droits de l'Homme. Il n'est donc pas étonnant que l'APCE se saisisse régulièrement de sujets s'y rapportant, afin de rappeler les États membres du Conseil de l'Europe à leurs obligations.
Les discussions qui ont animé l'Assemblée parlementaire en ce mois d'avril 2019 ont traité de ces sujets sous des angles bien particuliers : en premier lieu, le refus du sexisme et du harcèlement sexuel dans les Parlements, dans le prolongement des conclusions de l'étude conjointe à l'APCE et à l'Union interparlementaire (UIP) intitulée Sexisme, harcèlement et violence à l'égard des femmes dans les Parlements d'Europe et rendue publique en octobre 2018 ; en second lieu, la lutte contre le discours de haine, tant dans le champ du débat politique que dans celui du sport.
1. Le refus du sexisme et du harcèlement sexuel dans les enceintes parlementaires
Dans le prolongement de l'initiative #PasDansMonParlement , lancée à Helsinki en novembre 2018 par sa Présidente Liliane Maury-Pasquier, l'Assemblée parlementaire a adopté, le 9 avril 2019, sur le rapport de M me Sunna Ævarsdóttir (Islande - SOC), au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, une résolution et une recommandation pour des Parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel.
La rapporteure a entamé la discussion en citant l'article 1 er de la Constitution allemande, qui dispose que les citoyens doivent être protégés contre toute violence. Elle a considéré que la possibilité de participer au processus démocratique sans faire l'objet de harcèlement découlait de ce principe.
Rappelant que des mesures importantes avaient été prises au cours des dernières années pour lutter contre le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard des femmes, à travers notamment l'adoption de la convention d'Istanbul de 2011 et de la convention des Nations Unies de 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, elle a indiqué qu'au niveau régional, l'Amérique latine avait été pionnière pour s'attaquer au phénomène de la violence contre les femmes en politique, avec la convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme de 1994. Elle a relevé que, plus récemment, le Comité des Ministres avait adopté une recommandation aux États membres sur la prévention et la lutte contre le sexisme, cette dernière notion faisant pour la première fois l'objet d'une définition juridique spécifique.
M me Sunna Ævarsdóttir a précisé que les stéréotypes, les inégalités, la violence contre les femmes, les actes de sexisme au quotidien, les commentaires et blagues, ainsi qu'un climat social où les femmes sont méprisées ou voient leurs activités restreintes étaient reconnus par la convention d'Istanbul et par la convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Elle a estimé que le sexisme pouvait être silencieux quand les femmes ne s'expriment pas, par peur de ne pas être prises au sérieux, d'être ostracisées ou de se sentir responsables de ces comportements, voire d'être punies. Elle a considéré que la campagne #MeToo avait montré que le phénomène est présent partout et qu'il faut donc des mesures fortes pour le combattre.
La rapporteure a défendu les textes soumis au vote de l'APCE comme une réponse de l'Assemblée parlementaire au mouvement #MeToo et à une étude menée en commun avec l'Union interparlementaire sur le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard des femmes dans les Parlements en Europe, en 2018. Commentant les résultats de cette étude, elle les a trouvés alarmants, les témoignages recueillis auprès des femmes parlementaires de 40 États membres et des membres du personnel des Parlements de 32 États membres indiquant notamment que les femmes parlementaires en Europe avaient subi, à 85,2 %, des injures sexistes.
Après avoir souligné que l'UIP travaillait à l'élaboration de lignes directrices à l'intention des Parlements nationaux en la matière, elle a fait valoir que le Conseil de l'Europe disposait déjà d'un mécanisme de garantie de la protection de la dignité humaine, régi par l'arrêté n° 1292, même s'il était possible de s'interroger sur l'efficacité de cet instrument. Elle a donc défendu les trois volets de recommandations portées par son travail :
- en premier lieu, des actions de sensibilisation, par des formations et des stages, pour mettre fin à la culture du sexisme et de la violence à l'égard des femmes en politique ;
- en deuxième lieu, des sanctions efficaces, afin d'éviter l'impunité des auteurs de comportements sexistes ou violents à l'égard des femmes ;
- en troisième lieu, la création de mécanismes et de procédures efficaces et la diffusion d'une information les concernant.
Déplorant le recul des droits des femmes en Europe aujourd'hui, du fait de forces politiques souhaitant reléguer les femmes au rôle traditionnel qui leur était auparavant assigné par la société, la rapporteure s'est alarmée que des alliances internationales se soient formées pour lutter contre les avancées obtenues au cours de ces dernières années, à l'instar de l'Alliance internationale pour la défense de la liberté, par exemple, aux États-Unis, qui oeuvre à retirer aux femmes certains droits comme ceux à l'avortement et à la contraception. Elle a également regretté que dans son propre pays, pourtant considéré comme l'un des plus avancés au monde en matière d'égalité de genres, un groupe de parlementaires, parmi lesquels un ancien Premier ministre, ait tenu un langage sexiste, grossier et offensant contre des collègues femmes en 2018.
En conclusion, M me Sunna Ævarsdóttir a fait valoir que lutter contre le sexisme et le harcèlement sexuel en politique n'était pas une cause féministe ou réservée aux seules femmes, mais plutôt une cause qui intéresse l'ensemble de la société. Elle a considéré que les partis politiques et les Parlements étaient appelés à prendre leur part dans ce combat, voire à se montrer exemplaires du fait de leur position centrale dans les systèmes démocratiques. Il lui a semblé qu'une certaine unité s'imposait pour poursuivre cette ambition, la dignité de l'homme et de la femme étant inattaquable.
M me Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) a jugé le travail de la rapporteure très complet et susceptible de constituer un guide d'action pour lutter contre le sexisme, les discriminations et les violences à l'égard des femmes en politique. Elle a trouvé que les projets de résolution et de recommandation soumis au vote de l'Assemblée parlementaire étaient ambitieux et que leur application permettra des progrès très importants.
Rappelant qu'au Parlement français, dans les deux chambres, il existe une délégation aux droits des femmes qui célèbre son 20 ème anniversaire cette année, elle a indiqué en être membre depuis 10 ans et y faire le lien avec les travaux de l'APCE. Elle a également tenu à mentionner l'initiative prise par le Sénat français, en 2017-2018, à la suite de signalements de comportements douteux d'un instituteur, un groupe de parlementaires et de collaborateurs ayant travaillé sur une charte de bonne conduite incluant une définition précise des droits et des devoirs de chacun, en collaboration avec le médecin du travail et une psychologue, à l'identique du Parlement européen. Elle a précisé qu'une brochure d'information et un guide de procédures à suivre en cas de problèmes avaient alors été distribués et affichés dans les bureaux des parlementaires.
Soulignant que le badge #PasDansMonParlement avait suscité beaucoup de questions de la part de ses collègues, elle a félicité la Présidente de l'APCE de son initiative, estimant qu'elle mériterait d'être déclinée au niveau national. Elle a noté que le mouvement #MeToo avait révélé que le harcèlement sexuel et le sexisme existent dans tous les milieux tout en déplorant que les recours devant la justice soient encore peu fréquents, de l'ordre de 5 % seulement en France. Regrettant que les parlementaires et responsables politiques occidentaux ne soient pas exemplaires, elle a tiré le constat que le travail de sensibilisation devait encore être mené.
Elle a conclu en constatant qu'il reste du travail à faire et qu'il faudrait encore plus de femmes dans les Parlements nationaux.
M me Alexandra Louis (Bouches du Rhône - La République en Marche) a souligné que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est un enjeu d'égalité et donc un enjeu démocratique, voire de civilisation. Elle a déploré que le sexisme soit le quotidien de bon nombre de femmes, ce qui les amène littéralement à changer leur mode de vie et à s'adapter.
Observant que les Parlements sont à l'image de la société et n'échappent donc pas à ce fléau, elle a estimé que les instances politiques et les assemblées parlementaires nationales et européennes, qui incarnent la démocratie, devraient pourtant, à ce titre, se montrer exemplaires. Elle a dénoncé une véritable culture de l'impunité vis-à-vis d'un sexisme banalisé, les préjugés sexistes, explicites ou tacites, se trouvant bien ancrés dans la vie politique.
M me Alexandra Louis a condamné les responsables politiques et les anonymes qui s'emploient à tenter de jeter le discrédit sur les femmes qui s'engagent en politique. Elle a, à ce titre, déploré les plaisanteries sexistes, les comportements paternalistes, faussement bienveillants, les déferlements d'insultes, surtout sur les réseaux sociaux, les commentaires sur les tenues vestimentaires, les propos humiliants ou déstabilisants, qui n'ont d'autre but que d'exclure les femmes de la sphère politique.
Constatant que beaucoup de femmes, dès lors, n'osent pas s'engager en politique, elle a relevé que celles qui s'engagent doivent redoubler d'efforts pour faire preuve de compétence. Elle a noté que la France n'échappe pas à cette triste réalité, alors même que l'Assemblée nationale s'est féminisée avec près de 40 % de femmes députées aujourd'hui et que l'égalité entre les hommes et les femmes a été érigée comme la grande cause du quinquennat par le Président de la République. Se félicitant que le Parlement français ait adopté récemment une loi qui prévoit la création d'une nouvelle contravention d'outrage sexiste, sanctionnant le premier degré des violences sexistes sans plainte préalable, elle a souligné que plus récemment il avait été décidé, au sein de l'Assemblée nationale, de mettre en place un certain nombre de formations qui vont dans le sens des préconisations de la rapporteure, notamment du fait de la présence d'un référent égalité et de la remise de notices aux collaborateurs, en première ligne dans ces violences sexistes et sexuelles.
Pour éradiquer le sexisme, elle a appelé à aller beaucoup plus loin, notamment en brisant la loi du silence. Se réjouissant que la parole ait été libérée ces dernières années, elle a regretté que trop de victimes ne se sentent pas libres de parler et trop de témoins restent muets. Elle a considéré que lutter contre le sexisme était avant tout rappeler que rien n'est anodin, que l'humour et les usages ne peuvent jamais cautionner ce type d'agissements. Elle a également estimé que le sexisme n'est pas uniquement l'affaire des autres.
Elle a conclu en affirmant sa conviction que, plus que jamais, le sexisme et le harcèlement ne doivent plus être considérés comme le prix à payer pour que les femmes puissent entrer en politique.
2. La condamnation des discours de haine dans le débat politique et le sport
L'APCE oeuvre sans relâche, avec la commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), à dénoncer les propos inacceptables. Si elle s'inquiète régulièrement de la persistance de relents haineux sur les réseaux sociaux ou dans les médias, elle déplore également la place qu'ils occupent de plus en plus ouvertement dans le sport ou le discours politique. En l'occurrence, ces sujets ont fait l'objet d'un débat joint lors de la dernière session plénière à Strasbourg.
a) Le rôle et les responsabilités de tous les dirigeants politiques dans la lutte contre le discours de haine et l'intolérance
Lors de la première séance du mercredi 10 avril 2019, l'APCE a débattu et approuvé, sur le rapport de M me Elvira Kovács (Serbie - PPE/DC), au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, une résolution portant sur le rôle et les responsabilités de tous les dirigeants politiques dans la lutte contre le discours de haine et l'intolérance.
Insistant, lors du débat, sur le fait que les dirigeants politiques portent une lourde responsabilité dans la prévention des discours de haine et l'intolérance et dans la lutte contre ces phénomènes, notamment du fait de leur position d'autorité et de leur large audience, la rapporteure a jugé leur position difficile car la compétition politique transforme en combat toute une partie intégrante de leurs messages. Elle a relevé que la montée des mouvements populistes dans de nombreux pays européens avait favorisé le développement du discours de haine, qui prend divers groupes pour cibles, parmi lesquelles les élites et les minorités nationales, certains responsables étant devenus maîtres dans l'art d'influencer le débat politique en faisant appel à la peur et à l'anxiété.
Elle a donc appelé à une certaine vigilance sur le choix des mots employés, la liberté d'expression n'impliquant pas celle d'utiliser des termes injurieux et des stéréotypes ou de recourir à la stigmatisation, notamment à l'encontre des groupes vulnérables. Elle a aussi estimé que l'un des enjeux clés, dans l'arène politique, était de réussir à tracer une frontière entre, d'un côté, le discours politique qui doit être protégé par la liberté d'expression et, de l'autre côté, le langage stigmatisant, le passage de l'un à l'autre se faisant souvent de manière très subtile.
M me Elvira Kovács a noté que protéger la liberté d'expression et lutter contre le discours de haine étaient des objectifs qui se renforcent mutuellement, définir des limites à la liberté d'expression pour empêcher le discours de haine devant permettre à chacun de bénéficier de ce droit tout en respectant la liberté des autres. Dénonçant les discours de haine qui déshumanisent les individus et les groupes qu'ils ciblent, qui rendent plus vulnérables aux discriminations et érodent le tissu social ou le vivre-ensemble dans la diversité, elle a craint qu'ils contribuent à l'émergence de sociétés parallèles et à leur radicalisation.
Elle a donc plaidé pour la défense de la dignité, afin de favoriser une démocratie stable, cette dignité impliquant le respect des autres à travers la manière dont on se comporte. Elle a aussi souhaité que les responsables politiques condamnent sans délai et explicitement les discours de haine portés par d'autres, leur silence équivalant à une approbation ou un soutien.
Relevant que les technologies facilitent la diffusion des discours de haine, les médias et les réseaux sociaux jouant à cet égard un rôle important, elle a suggéré que ceux-ci s'appliquent à fournir des informations précises et non biaisées pour limiter l'impact des propos négatifs. Elle a également plaidé en faveur d'une lutte par le biais du débat politique et de la discussion plutôt que par des sanctions pénales, estimant qu'il vaut mieux argumenter qu'interdire.
S'exprimant comme porte-parole du groupe ADLE, M. Sylvain Waserman (Bas-Rhin - Mouvement Démocrate et apparentés) a relevé que ce débat mettait en lumière un phénomène qui gangrène les démocraties et qui s'est accentué dangereusement avec l'apparition des réseaux sociaux. Abondant dans le sens de la rapporteure sur l'exigence d'exemplarité du monde politique, il a regretté qu'il soit devenu de plus en plus commun d'entendre de tels propos de la part de responsables ou élus, en France et partout en Europe.
Il a tenu à souligner deux points lui paraissant particulièrement importants :
- le premier est la logique d'autorégulation et de bonnes pratiques au sein des partis politiques, dans une optique d'exemplarité. Les travaux de la Commission de Venise et de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance apportent beaucoup pour la prévention et la lutte contre les discours de haine. Quant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, elle s'est prononcée à propos du bon équilibre à trouver entre liberté d'expression et respect des autres droits fondamentaux ;
- le second aspect fondamental est la vigilance numérique, comme véritable sujet d'éducation pour les jeunes. Il importe de sensibiliser les plus jeunes aux dangers des discours de haine, démontrer leur nature mensongère et travailler sur le sujet de la désinformation. Les systèmes éducatifs ont comme responsabilité d'enseigner non seulement les savoirs fondamentaux traditionnels mais aussi désormais les notions de respect et de vigilance contre de tels discours.
M. Sylvain Waserman a complété ces constats en insistant sur la nécessité de mettre fin à l'impunité dont jouissent les médiateurs et les utilisateurs d'Internet lorsqu'ils profèrent des propos haineux. Il a à cet égard souligné que l'impact immense de Facebook, Twitter et autres GAFA ne faisait que renforcer la responsabilité des plateformes numériques dans les modèles démocratiques, de sorte qu'il faut impérativement renforcer les obligations qui pèsent sur celles-ci. Il s'est réjoui, à ce sujet, que cette dimension de la lutte contre les propos haineux fasse bientôt l'objet de travaux législatifs en France.
Il a conclu sur la nécessité de ne pas sous-estimer la menace que constituent à l'encontre des fondements démocratiques les discours de haine, dont le caractère simple et abject séduit. Il a appelé, en conséquence, les membres de l'APCE à rester vigilants et à lutter avec efficacité contre ce fléau.
M me Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) a reconnu que nos sociétés sont aujourd'hui confrontées à des discours de haine inacceptables qui, sans être nouveaux, ont une audience considérablement accrue par les médias sociaux. Elle a déploré que certains dévoient la liberté d'expression, pourtant à la base de la démocratie, et cherchent à faire passer des délits pour des opinions. Elle a rappelé que la Cour de Strasbourg, dans ses arrêts, souligne que la nature politique d'une expression ne saurait justifier son caractère intolérant et violent.
Elle a estimé que le racisme, l'antisémitisme, les discriminations de toutes sortes sont d'autant plus révoltants qu'ils se retrouvent dans les propos de responsables politiques ou dans des activités, telles que le sport, dont les valeurs sont diamétralement opposées. Se félicitant que certains responsables politiques donnent l'exemple, à travers notamment l'Alliance parlementaire contre la haine, elle a jugé regrettable que d'autres fassent du discours de haine leur fonds de commerce électoral, afin d'apporter des réponses simplistes à des questions complexes.
Portant une appréciation sur les résultats des actions engagées, elle les a trouvés insuffisants tout en considérant que la prise de conscience était réelle, plus personne ne niant les problèmes. Elle s'est réjouie que participent depuis longtemps à ce combat les Nations Unies, avec la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Conseil de l'Europe, en particulier à travers la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, ainsi que l'Union européenne, qui est en train de se doter d'une législation spécifique sur le retrait des contenus terroristes en ligne.
M me Nicole Duranton a noté que la France ne ménage pas ses efforts, la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie constituant l'une de ses priorités au sein des instances internationales. Elle a indiqué que notre pays avait en outre adopté, en mars 2018, son troisième plan national d'action de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, axé sur quatre thématiques : la lutte contre la haine sur Internet, l'éducation contre les préjugés et stéréotypes, l'accompagnement des victimes et l'investissement de nouveaux champs de mobilisation.
En conclusion, elle a soutenu que le contexte numérique dans lequel prospèrent aujourd'hui les discours de haine rend indispensable une action déterminée, au besoin par la loi et à l'échelle européenne, auprès des plateformes numériques, dont la responsabilité dans la propagation des contenus haineux est évidente. Elle a précisé qu'une modification de la législation est d'ailleurs à l'étude en France pour renforcer les obligations pesant sur les plateformes, incluant le retrait rapide des contenus haineux manifestement illicites, mettre en place un dispositif de blocage de certains sites et renforcer les poursuites pénales à l'encontre des auteurs de tels propos.
M me Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a regretté que le continent européen soit actuellement frappé par une recrudescence alarmante des discours de haine et d'intolérance à l'encontre des étrangers et des minorités religieuses ou sexuelles. Elle a relevé que, si les réseaux sociaux et les médias en sont la principale caisse de résonance, ce constat n'épargne malheureusement ni le monde sportif, ni la sphère politique. Tout en défendant la liberté de pensée et d'expression des opinions, qui est précieuse, elle a noté que des textes permettent de la borner afin d'éviter d'éventuels abus allant à l'encontre des droits fondamentaux.
Elle a jugé ce débat nécessaire, en ce qu'il offrait l'occasion de mettre en exergue la part de responsabilité incombant aux personnalités politiques qui tiennent ouvertement des discours populistes. Ces discours lui ont paru d'autant plus toxiques qu'une certaine désinhibition générale s'est installée dans la tenue de propos inacceptables. Elle a considéré qu'à force de désigner les étrangers, les migrants, les juifs, les LGBTI comme des facteurs de remise en cause de nos modes de vie, certains dirigeants ou candidats aspirant à le devenir entretenaient un climat délétère de division, de polarisation et de stigmatisation. Elle a résumé ce constat en déclarant qu'en attisant les pulsions humaines les plus viles, ils transforment les colères parfois légitimes en haines viscérales et mortifères.
Appelant à ne pas oublier les leçons de l'Histoire, les récents actes antisémites perpétrés en France, non loin de Strasbourg, dans le cimetière de Quatzenheim, démontrant hélas que le pire du passé peut ressurgir, elle a fait valoir que tous les responsables politiques ont un devoir éthique d'exemplarité, de vérité et de pondération. Pour ces raisons, elle a exprimé son soutien aux textes soumis au vote de l'APCE, aspirant à une plus large adhésion des partis politiques à la Charte pour une société non raciste de février 1998. Elle a également espéré plus d'autorégulation et l'adoption de règles, voire de sanctions.
Elle a conclu en soulignant que le combat pour le respect mutuel et la coexistence dans la diversité est un éternel recommencement. Dans ce contexte, elle s'est réjouie que le Parlement français examine très prochainement de nouvelles dispositions législatives pour lutter contre la haine en ligne, à l'instigation de la députée Mme Laetitia Avia.
b) Halte aux propos haineux dans le sport
Au cours de la même séance du 10 avril, ce débat se trouvant joint au sujet précédent, l'Assemblée parlementaire a également adopté, sur le rapport de M. Goran Beus Richemberg (Croatie - ADLE), au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, une résolution appelant à la fin des propos haineux dans le sport.
En ouverture du débat, le rapporteur a déploré l'existence depuis des décennies de la violence et du hooliganisme dans le sport, tout en appelant à lutter contre ce phénomène. Il a souligné que celui-ci est plus récent et se diffuse non seulement dans les enceintes sportives, mais aussi dans les médias et les réseaux sociaux. Il a identifié plusieurs causes à ce type de discours : l'environnement social et politique, la radicalisation de la communication publique, la commercialisation du sport, l'éducation non inclusive, notamment.
M. Goran Beus Richemberg a illustré son travail par un grand nombre de cas de discours de haine dans le sport, dans l'Europe tout entière, en particulier des discours fondés sur le rejet de l'origine ethnique, l'homophobie, la transphobie ou encore des critères politiques. Il a néanmoins aussi mis en exergue des exemples positifs de bonnes pratiques, ainsi que les idées mises en avant par les experts et les représentants des comités olympiques nationaux rencontrés.
Observant que le Conseil de l'Europe se penche également sur les cas d'intolérance et de discours de haine dans le domaine du sport, il a noté qu'un grand nombre de conventions, de déclarations, de rapports et de recommandations de l'APCE ou encore des réseaux comme l'ECRI existent déjà.
Le rapporteur a souhaité adresser un message fort à travers son propos, qu'il a résumé ainsi : l'esprit de compétition est un élément naturel du sport, mais la violence ne l'est pas ; l'intolérance mène toujours à la violence et détourne du véritable esprit sportif, ce qui est inacceptable.
Il a expliqué que le projet de résolution soumis à l'Assemblée parlementaire demandait notamment aux États membres, aux fédérations et aux autres organisations sportives de sensibiliser, de recueillir des données, d'intégrer les différents plans et les stratégies déjà existants, de renforcer la coopération, de lutter contre les discours et actions de haine, d'intervenir sur les terrains de sport et dans les établissements scolaires, tout en encourageant chacun à prendre ses responsabilités pour se faire le témoin des différents incidents, actions et discours de haine.
M me Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a entamé son intervention en citant Nelson Mandela, victime de l'apartheid et de la haine, en ces termes : « L'éducation est une arme puissante pour faire évoluer les mentalités et transcender les différences, et le sport est une source d'inspiration, de dépassement, de tolérance et d'apprentissage du respect de la jeunesse. Ces deux éléments participent à créer une société plus juste et fraternelle . » Elle a estimé que ces paroles résumaient les éléments clés de ce débat sur le discours de haine dans le sport.
Jugeant que la prévention doit être une priorité, elle a souhaité insister sur la nécessité de favoriser, au sein de l'école, des pratiques éthiques et des comportements respectueux. Elle a appelé les fédérations sportives à agir auprès des clubs sportifs ou associations, qui doivent devenir le fer de lance de la lutte contre l'intolérance et la haine dans le sport. Elle a illustré son propos en mentionnant que la Fédération française de football avait mis en place la charte Foot valeurs , qui vise à sensibiliser et à responsabiliser les clubs et associations sur les questions liées au respect et à la tolérance dans les stades et en dehors. Elle a espéré que cette pratique soit généralisée à toutes les fédérations.
Elle a précisé que dans ce type de dispositifs, les éducateurs sportifs étaient la clé du succès car ce sont eux qui forment les jeunes, qui peuvent leur transmettre les valeurs morales inhérentes au sport. Il lui a donc paru nécessaire de rester attentifs à leur formation et à leur recrutement, plusieurs enquêtes ayant montré que le savoir-être était devenu fondamental dans leur formation.
Elle a aussi cité des initiatives intéressantes dans les territoires pour favoriser la mixité garçons-filles dans des sports présumés masculins ou féminins et pour permettre l'inclusion des personnes handicapées dans les associations. Sur ce dernier point, elle a considéré que la médiatisation croissante des Jeux paralympiques constituait une avancée importante pour plus de tolérance.
Estimant que la médiatisation du sport spectacle était problématique, elle a souhaité que les éducateurs soient en mesure de condamner avec force le comportement de certains supporters haineux et puissent relativiser de nouveaux modèles, tel celui des stars du sport qui ne sont pas toujours exemplaires. Elle a conclu en voyant dans le sport le reflet de la société, de sorte que malheureusement la violence des stades répond souvent à celle de la société. Elle a donc appelé à davantage de réflexion sur les images renvoyées par les sports professionnels, la place de l'argent, la corruption, le dopage, qui constituent autant d'éléments bien éloignés des valeurs portées par le sport.
M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a plaidé que, dans le domaine politique, tout comme dans le sport, les propos haineux visant à créer une discrimination à l'égard de certains groupes doivent être vigoureusement combattus.
Il a tout d'abord estimé que le discours de haine en politique menace la cohésion sociale, jette le discrédit sur une partie de la population et incite à la discrimination. Prenant l'exemple du Danemark, il a observé qu'y a été proposé, en contradiction manifeste avec la convention européenne des droits de l'Homme, de sanctionner plus sévèrement les délits commis dans certaines zones, alors même que la criminalité y a diminué. Il a vu dans cette démarche une illustration de la manière dont les hommes politiques peuvent utiliser des préjugés pour cibler une partie de la population, notamment les musulmans, à des fins électoralistes. Il a en outre considéré que de telles propositions constituent un cercle vicieux car de tels discours de haine, relayés notamment par les réseaux sociaux, ne font qu'accroître les préjugés.
Se déclarant inquiet de la montée des discours de haine en politique, qu'il a qualifiée de dérive inquiétante, il a espéré que les États membres se dotent d'une législation permettant de réduire le financement public des partis dont les membres tiendraient des propos haineux.
Dans le domaine sportif, M. Claude Kern a jugé que les cris de singe et les jets de bananes dans les stades de football font encore trop souvent la une de l'actualité, ce qui n'est pas acceptable. Constatant la faiblesse des données pour quantifier et qualifier ce phénomène, il a suggéré de disposer d'un mécanisme de signalement permettant d'encourager les victimes à s'exprimer et d'obtenir des statistiques précises sur le sujet.
Il a également défendu la vocation éducative du sport, qui doit être une activité permettant de lutter contre les propos et les actes haineux en combattant les préjugés dès le plus jeune âge. À cet effet, il a promu l'idée de l'intégration de l'éthique sportive aux programmes scolaires.
Jugeant enfin nécessaire de mettre un terme aux agissements des supporters qui viennent dans les stades pour crier leur haine, il a appelé les clubs à mettre en place des programmes éducatifs pour sensibiliser leurs fans à cette question. Il a appuyé l'idée de sanctions, à titre complémentaire dans le cas où cela ne suffirait pas, sous forme d'interdictions de stade, voire de sanctions pénales. Il a estimé qu'il appartenait aux parlementaires, en cas de carence des législations nationales, de les faire évoluer pour que les comportements haineux dans les stades ne restent pas impunis.