B. LA DÉFENSE DU MULTILATÉRALISME POUR LE TRAITEMENT DE GRANDS ENJEUX TRANSNATIONAUX

Organisation internationale à portée régionale, le Conseil de l'Europe est l'une des plus anciennes concrétisations du multilatéralisme moderne, instauré après la Seconde Guerre mondiale. L'Assemblée parlementaire, qui en constitue le forum permanent de discussion politique, est par essence très attachée à une vision collaborative et coopérative de l'action des États. Elle promeut régulièrement une approche concertée et coordonnée des grands enjeux internationaux.

La session de printemps a illustré, une fois de plus, cet attachement au dialogue et à la coopération entre les États, à travers des débats nourris sur trois défis qui se jouent des frontières nationales : la préservation de la planète à travers une stratégie mondiale de développement durable, la lutte contre le crime organisé et le blanchiment de capitaux, ainsi que le traitement des migrants stoppés aux portes de l'Europe.

1. La promotion de l'action concertée pour le développement durable et la protection de la planète

L'Assemblée parlementaire s'intéresse de longue date aux questions environnementales. Elle a déjà tenu de nombreux débats sur cet enjeu étroitement lié aux problématiques sociales et de santé. Les discussions qui se sont déroulées en avril 2019, lors de la session de printemps, ont plus particulièrement porté sur l'Agenda 2030 de développement durable de l'ONU ainsi que sur sa mise en oeuvre par les États et les acteurs infra-étatiques, directement concernés.

a) Le renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 de développement durable

Mardi 9 avril 2019, l'Assemblée parlementaire a adopté, sur le rapport de M. Adão Silva (Portugal - PPE/DC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation sur le renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 de développement durable.

Rappelant qu'en décembre 2016, à l'occasion d'un déplacement à New-York, la sous-commission des relations extérieures de l'Assemblée parlementaire avait évoqué avec des responsables des Nations Unies la crise du multilatéralisme et la tendance à la remise en cause des droits humains, le rapporteur a plaidé pour que, dans un tel contexte, l'ONU puisse s'appuyer sur des partenaires régionaux dans ses activités, notamment le Conseil de l'Europe. Il a souligné que ce dernier et les Nations Unies coopèrent dans bien des domaines depuis 1951, grâce à une communauté de valeurs et de principes, puisque les deux Organisations ont été créées à la suite de la Seconde Guerre mondiale pour protéger la paix en se fondant sur le respect des droits humains.

M. Adão Silva a estimé que cette coopération doit être renforcée et que le Conseil de l'Europe doit contribuer plus activement aux efforts déployés par les Nations Unies pour faire face aux défis mondiaux, notamment dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030, adopté lors du Sommet mondial de septembre 2015. Soulignant que ce Programme 2030 définit un projet ambitieux et porteur de changement, à travers l'objectif d'une société plus juste et plus équitable, il a fait valoir qu'à cette aune, les vieux clivages entre le Nord et le Sud, entre les pays développés et ceux en développement, doivent être dépassés. Il a estimé qu'il est nécessaire de réaliser le développement durable dans ses trois dimensions, économique, sociale et environnementale, d'une manière qui soit équilibrée et intégrée.

Le rapporteur a insisté sur le fait que le Programme reconnaît la place fondamentale de la personne humaine et sur le caractère universel des 17 objectifs de développement durable - ODD - ainsi que des cibles qui leur sont associées d'ici 2030. À titre d'illustration, il s'est félicité que ce document, pour la première fois, affirme clairement que les questions qui touchent aux droits humains, à l'État de droit et à une bonne gouvernance s'appuyant sur des institutions démocratiques font partie intégrante du développement durable. Après avoir relevé que la responsabilité première de la réalisation des ODD incombe aux autorités nationales des États membres, il a fait valoir que des organisations régionales telles que le Conseil de l'Europe peuvent malgré tout faciliter leur traduction effective dans des actions concrètes à l'échelon national, mentionnant plus particulièrement à l'appui de sa démonstration que le Conseil de l'Europe contribue déjà à la réalisation de 13 des ODD.

Vantant le système conventionnel du Conseil de l'Europe, reposant sur plus de 210 conventions, dont plus de 160 ouvertes à l'adhésion des non-membres, il a noté qu'un certain nombre d'ODD recoupent des obligations énoncées dans ces conventions. Il en a déduit que les États membres du Conseil de l'Europe étaient ainsi juridiquement tenus de se conformer aux objectifs et cibles du Programme 2030.

En conclusion, M. Adão Silva a énoncé quelques propositions et appelé le Comité des Ministres à prendre plusieurs mesures.

M me Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) a souligné que tant l'ONU que le Conseil de l'Europe sont confrontés, dans leur mission de préservation des droits humains, à deux défis particulièrement importants. Pointant, comme premier défi, la question des migrations, elle a relevé que près de 260 millions de personnes vivent aujourd'hui en dehors de leur pays d'origine et que les conditions climatiques ainsi que les mouvements de populations constituent des sources de tensions économiques et sociales, bien souvent à l'origine de fractures politiques qui constituent le terreau de conflits militaires régionaux. Elle en a déduit que les effets du changement climatique sont d'ores et déjà présents et ont des conséquences sur les actions des organisations internationales.

Identifiant comme second défi les liens qui existent entre les droits de l'Homme et le développement économique et durable, elle a jugé que l'intervention de l'ONU vise à faire partager les bonnes pratiques et à conseiller les États, y compris concernant la dimension sociale et solidaire de l'économie. Dans ce cadre, elle a considéré que la question de ceux qui n'ont pas de moyens pour vivre ou qui sont sans emploi et en situation de chômage se posait avec acuité, tout comme celle de la qualité de la croissance et des inégalités croissantes affectant le monde.

M me Marietta Karamanli a partagé le constat du rapporteur selon lequel la force du Conseil de l'Europe réside dans son système conventionnel. Elle a rappelé que nombre de travaux de l'APCE avaient mis en évidence l'importance d'un impôt progressif, d'un suivi des titres financiers, d'un droit effectif à l'éducation et à l'emploi et, enfin, de la nécessité d'investissements publics de qualité pour concilier croissance pour tous, croissance respectueuse de l'environnement et réduction des inégalités.

Elle a conclu en proposant d'établir une liste des propositions en la matière et d'élaborer une méthode d'évaluation de leurs effets socio-économiques.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a jugé ambitieux le Programme de développement durable à l'horizon 2030, de sorte que ses enjeux doivent être traités dans le cadre d'un ensemble cohérent, équilibré et solidaire entre les pays, les catégories de populations et les générations. Notant que les 17 objectifs de développement durable n'étaient pas contraignants, il a considéré que les engagements qu'ils recèlent devaient néanmoins faire l'objet d'une déclinaison aux niveaux local et national.

Il a rappelé que la France avait déjà réalisé, en 2016, un Examen national volontaire pour présenter les progrès réalisés dans la mise en oeuvre de ces ODD, avant de réitérer l'exercice de nouveau, l'année prochaine. À la lumière de cet examen, il a souligné que notre pays s'est plus particulièrement investi sur certains des ODD, en lien avec ses priorités internationales et ses spécificités nationales, la France disposant de l'un des deux plus grands espaces maritimes au monde et étant l'un des rares pays industrialisés à posséder une forêt tropicale.

M. Claude Kern a estimé que les ODD ne seront pas pour autant atteints sans l'implication forte du secteur privé, auquel le Programme d'action d'Addis-Abeba sur le financement du développement, adopté par l'ONU en juillet 2015, reconnaît un rôle essentiel. Observant que les flux publics doivent permettre de débloquer les flux privés, grâce à un effet de levier, et à les orienter vers des actions en faveur du développement durable, il a jugé cette dimension particulièrement importante dans certains pays - d'Afrique notamment - où le secteur financier est peu développé et où les entrepreneurs n'ont pas accès aux ressources du secteur bancaire ou des marchés financiers. À cet égard, il a souligné que les acteurs du développement français mobilisent déjà plus d'1 milliard d'euros par an pour le secteur privé des pays en développement, alors que le continent africain aura besoin de 450 millions d'emplois d'ici à 2050, de sorte que l'aide publique au développement a un rôle crucial à jouer pour financer les ODD dans ces pays moins avancés.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a estimé que l'Europe, et au premier chef le Conseil de l'Europe, devaient jouer un rôle prépondérant dans la mise en oeuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030. Tout en considérant illusoires, voire utopiques, certains des 17 ODD fixés par l'Agenda de l'ONU, il a estimé possible de travailler efficacement avec les Nations Unies dans des secteurs comme la lutte contre la pauvreté ou l'égalité des sexes, dans lesquels le Conseil de l'Europe dispose d'une réelle expertise.

D'autres objectifs lui ont semblé également atteignables, comme l'accès à l'eau potable et à l'assainissement ou à l'énergie propre, même s'ils exigent un investissement financier important. Il a considéré, néanmoins, que ces différents secteurs demandaient, pour ce faire, des mesures fortes et courageuses, pas toujours populaires, de la part de la communauté internationale.

Abordant la question du changement climatique, il a jugé que les décisions prises lors des Conférences des Parties (COP) successives n'auraient de portée que si un maximum de pays coopérait. Il y a vu un prérequis en termes d'efficacité, car des mesures prises unilatéralement pour sauver le climat peuvent avoir des conséquences collatérales négatives, ainsi que l'a montré en Alsace la taxe carbone imposée aux routiers en Allemagne. Il a également relevé que la question de la coopération Nord-Sud, en particulier pour l'électrification de l'Afrique, devrait aussi être abordée avec courage, le codéveloppement étant l'une des clés des objectifs non seulement économiques ou climatiques, mais aussi démocratiques.

Se félicitant que le Conseil de l'Europe, eu égard à son expérience et à son expertise, ait su attirer des pays non européens dans son système conventionnel, il a noté qu'il avait su se saisir des questions migratoires, politiques, économiques et bientôt climatiques. Il en a déduit que, dans ce cadre, une coopération avec l'ONU prenait tout son sens en raison d'une évidente proximité de valeurs en voie de disparition sur certains continents.

b) La nécessaire synergie de tous les acteurs, des Parlements aux collectivités locales, dans la mise en oeuvre des objectifs de développement durable

Au cours de la même séance du 9 avril, l'APCE a adopté, sur le rapport de M me Jennifer De Temmerman (Nord - La République en Marche) , au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution sur la nécessaire synergie de tous les acteurs, des Parlements aux collectivités locales, dans la mise en oeuvre des objectifs de développement durable, ce débat se trouvant joint au sujet précédent.

En ouverture de la discussion, la rapporteure a rappelé que les 17 objectifs de développement durable constituent l'Agenda 2030, adopté le 25 septembre 2015 par 193 pays membres de l'ONU. Elle a souligné que cet Agenda porte une vision pour un avenir plus juste, plus équitable et plus écologique, conciliant ainsi les trois piliers - économique, social et environnemental - du développement durable tel qu'il a été défini en 1987 par le rapport Notre avenir à tous de la norvégienne M me Gro Harlem Brundtland.

Elle a ensuite précisé que les objectifs de développement durable s'appuient sur le succès des objectifs du millénaire pour le développement et visent à aller plus loin pour mettre fin à toutes les formes de pauvreté. Voyant dans cette démarche une sortie de l'ancien clivage Nord-Sud, elle a mis en exergue que les pays du Nord sont aussi responsables et concernés par les changements nécessaires. Elle a ainsi fait valoir que le forum politique de haut niveau, qui se réunit tous les ans au siège de l'ONU à New York, était devenu un lieu de rencontre entre tous les acteurs, à égalité, et que les ODD, par leur universalité, redonnaient du sens à un multilatéralisme trop souvent contesté.

M me Jennifer De Temmerman a estimé que nos pays se trouvent aujourd'hui à un carrefour, dans la mesure où de leurs choix dépendront la capacité des États à continuer de vivre en paix, et surtout l'avenir des droits humains que défend le Conseil de l'Europe depuis 70 ans. Elle a donc jugé capital, à quelques mois d'importantes élections européennes, de redonner son vrai sens à ce qui peut unir l'Europe.

Se référant au rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), aux termes duquel une augmentation de la température jusqu'à 2 degrés Celsius aurait des conséquences dévastatrices (élévation du niveau de la mer, désertification, perte d'habitats naturels et d'espèces, diminution des calottes glaciaires), elle a appelé à ne pas se méprendre sur les conclusions à en tirer : ce n'est pas de la planète qu'il s'agit, car celle-ci nous survivra comme elle a survécu à tous les grands changements climatiques survenus depuis plus de 4 milliards et demi d'années ; l'enjeu est celui de la survie de l'humanité.

La rapporteure a alors décliné les 17 ODD et leurs 169 cibles, mentionnant la lutte contre la pauvreté et les partenariats pour la réalisation, en passant par l'eau, le climat, les infrastructures ou la prospérité, et vu dans le Programme adopté par les Nations Unies un programme complet de transformation de nos sociétés en sociétés résilientes et durables, en accord avec les missions de l'APCE.

M me Jennifer De Temmerman a indiqué que, selon l'association française 4D, seuls 6 % des Français connaissent les ODD. Or, s'appuyant sur ses propres discussions avec les « gilets jaunes » et lors du grand débat qui a suivi, elle a trouvé que leurs revendications sont si proches de l'Agenda 2030 qu'elles pourraient presque en être une réécriture balbutiante. Elle en a déduit que l'Agenda 2030 constitue un outil formidable encore trop méconnu, dont il faut absolument se saisir, l'enjeu étant de revoir nos politiques publiques pour les adapter au quotidien de nos citoyens, afin de les réconcilier en leur offrant une vision d'avenir commune.

Elle a plaidé pour que les parlementaires investissent l'Agenda et le promeuvent à travers leurs pays, car ils sont le lien nécessaire qui permettra de le faire advenir réellement. Elle a ainsi estimé que nul ne pouvait désormais nier l'appel lancé par la jeune Greta Thunberg et le mouvement Youth for Climate .

En conclusion, elle a énuméré quelques pistes, allant du travail législatif au vote des budgets des États, que les parlementaires pourraient suivre pour réaliser l'Agenda 2030, puis elle a lancé un appel à la coopération avec les autorités locales et régionales pour créer une synergie positive et pour mobiliser les citoyens ainsi qu'un appel à l'action, en se référant pour ce faire à l'étymologie du terme agenda, qui signifie « les choses à faire » en latin.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a salué le rapport de M me Jennifer De Temmerman, pour la grande qualité de ses travaux, denses et extrêmement documentés. Il y a vu une précieuse contribution à la mise en oeuvre des objectifs de développement durable.

Déplorant un contexte malheureusement marqué par la remise en cause du multilatéralisme et la contestation de l'universalité des valeurs réaffirmées en 1945, il a jugé nécessaire de renforcer la coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l'Europe. Il a justifié cette approche comme pragmatique et non idéologique, la pauvreté, le changement climatique, le terrorisme, constituant des problèmes qui se moquent des frontières et qui concernent de très nombreux pays. Il a plaidé, pour leur trouver des solutions, en faveur d'une approche concertée et coopérative, hors du cadre exclusivement national.

Après avoir insisté sur la contribution évidente du Conseil de l'Europe, compte tenu à la fois de son objet et de ses mécanismes normatifs et de suivi, à 13 des 17 ODD, il a souligné que le Programme de développement durable à l'horizon 2030 représentait un engagement politique, non un instrument juridiquement contraignant, et qu'il avait vocation à être décliné aux niveaux national et local, afin de tenir compte des spécificités de chaque pays. Il a déduit de ce constat que les Parlements nationaux étaient légitimement appelés à jouer un rôle important dans la traduction normative et budgétaire de ces objectifs, ainsi que dans leur contrôle et leur évaluation.

Partageant les vues de M me De Temmerman sur la nécessité de faire évoluer les méthodes de travail parlementaires dans le sens de la transversalité, il a considéré que le défi méritait d'être relevé compte tenu des enjeux. Pour s'inscrire plus encore dans cette problématique d'évaluation parlementaire des objectifs de développement durable, il a proposé que, d'ici à quelques années, l'APCE dresse son propre bilan, en lien avec le Comité des Ministres, des actions proposées dans les textes qu'elle adopte, de manière à pouvoir mesurer le chemin parcouru et corriger éventuellement des trajectoires nationales insuffisantes.

M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) a souligné que la montée du populisme et le repli sur soi remettaient en cause le multilatéralisme qui avait favorisé la paix en Europe et dans le monde. Il a jugé que cette situation rendait d'autant plus nécessaire le renforcement de la coopération entre les organisations qui favorisent ce multilatéralisme, tels le Conseil de l'Europe et les Nations Unies, qui promeuvent le dialogue entre les États, les libertés fondamentales, la démocratie et l'État de droit.

Relevant le statut d'observateur du Conseil de l'Europe aux sessions des Nations Unies, il a souhaité que le Comité des Ministres et le Secrétaire général puissent trouver une solution permettant à l'Organisation d'être représentée à leur siège, à New York.

Il s'est félicité que le Conseil de l'Europe contribue activement aux objectifs du Programme de développement durable à l'horizon 2030. Il a estimé que la gestion des ressources telles que l'eau, la conservation de la biodiversité ou encore la lutte contre la pollution, devait permettre de garantir à chaque individu le droit de vivre dans un environnement sain, respectueux de sa santé, comme le prévoit la Charte sociale européenne. Il a également observé que le réchauffement climatique dans les pays du Sud aurait des conséquences en Europe, notamment en raison des migrations climatiques, jugeant de ce fait indispensable que, sur la question environnementale, le Conseil de l'Europe travaille main dans la main avec les Nations Unies pour garantir la réussite du programme de développement durable, ainsi que l'attendent les citoyens.

Plaidant pour que tous les acteurs soient mobilisés au sein des États membres, il a appelé tous les parlementaires à promouvoir ce programme dans leurs assemblées respectives et à favoriser, dans le cadre de la loi et du vote des budgets, la réalisation des objectifs du Programme de 2030. En sa qualité de sénateur, il s'est déclaré convaincu du rôle particulièrement important que les collectivités locales auront à jouer, les élus locaux étant en charge de nombreux sujets auxquels le Programme de 2030 fait référence, comme la gestion des déchets, de sorte qu'ils sont les mieux à même de mettre en place les solutions les plus adaptées pour sa concrétisation.

2. L'accent sur la nécessité d'intensifier la coopération internationale en matière de lutte contre le crime organisé et le blanchiment de capitaux

Lors de la deuxième séance du 11 avril, l'APCE a approuvé, sur le rapport de M. Mart van de Ven (Pays-Bas - ADLE), au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, une résolution sur la nécessité d'intensifier la coopération internationale face aux nouveaux défis posés en matière de lutte contre le crime organisé et le blanchiment de capitaux.

Au cours du débat, le rapporteur a indiqué que par-delà son aspect aride et technique, le sujet touchait à des valeurs fondamentales : la protection de l'État de droit, des droits de l'Homme et de la démocratie contre des forces destructrices qui ont déjà causé des dommages à l'APCE, au sein de la maison de la démocratie européenne. Il a souligné que la corruption sape la confiance des populations dans les institutions publiques et que les populistes surfaient sur cette vague du scepticisme pour attaquer les institutions démocratiques.

Insistant sur la dangerosité de la criminalité organisée, liée à la corruption et dépendant du blanchiment d'argent international, il a pointé le fait que les criminels organisés, qui disposent d'énormes ressources financières, essaient toujours d'influencer la vie publique, ce qui sape la démocratie. Il a ajouté que le blanchiment d'argent était aussi un moyen de cacher la corruption, le crime organisé et de tirer avantage de ses profits, de sorte que la prévention du blanchiment de capitaux constituait l'une des meilleures manières de lutter contre la corruption.

M. Mart van de Ven a indiqué qu'au cours des dernières années, un certain nombre de systèmes de grande ampleur de blanchiment d'argent avaient été mis en lumière par des journalistes d'investigation, à l'instar de la « lessiveuse internationale », en Russie et en Moldavie, la « lessiveuse azerbaïdjanaise », basée en Azerbaïdjan, et la « lessiveuse Troïka » administrée par la banque Troïka Dialog de Russie. Il en a déduit l'importance de préserver l'indépendance des médias et de protéger les lanceurs d'alerte.

Après avoir souligné que les trois « lessiveuses » évoquées impliquaient des personnes ou des agences proches du pouvoir, il a indiqué que leurs bénéficiaires avaient procédé à des transactions relevant de la corruption. Il a illustré son propos par le rapport du groupe d'enquête indépendant concernant les allégations de corruption au sein de l'Assemblée parlementaire, qui avait expliqué la façon dont la lessiveuse azerbaïdjanaise avait été utilisée pour verser des fonds à des membres de l'APCE pour promouvoir les intérêts de l'Azerbaïdjan.

Le rapporteur a estimé que la lutte contre le blanchiment d'argent n'était pas suffisamment coordonnée, certains pays, comme la Russie par exemple, y faisant même obstruction. Il a jugé la situation alarmante en Moldavie, où une amnistie a permis de régulariser des sommes d'argent importantes sans apporter de preuve de leur origine en juillet 2018. Il a également déploré que, malgré la résolution 2185 (2017) de l'Assemblée parlementaire appelant à une enquête indépendante et impartiale dans l'affaire de la lessiveuse azerbaïdjanaise, rien n'ait été fait.

M. Mart van de Ven a identifié deux caractéristiques communes à tous ces dispositifs de blanchiment : l'utilisation de banques dans les États baltes et l'utilisation de sociétés écrans au Royaume-Uni et dans les territoires britanniques d'outre-mer. Il a indiqué à ce sujet que l'Estonie avait sans doute été le pays le plus exploité dans les États baltes et que les sociétés écrans dans certains territoires du Royaume-Uni, dont la propriété n'est pas transparente dans des endroits comme les îles Vierges britanniques, avaient permis d'occulter l'origine des sommes créditées.

Il s'est réjoui que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), par l'intermédiaire du Groupe d'action financière, et le Conseil de l'Europe, par le biais de Moneyval, aient mis en place des normes pour la lutte contre le blanchiment de capitaux. Il a estimé que ces normes devraient être appliquées dans tous les États membres et proposé que chaque pays européen se dote de services spécialisés, à l'image des unités de renseignement financier, pour répondre à ce problème.

En conclusion, il a appelé l'APCE à adopter le texte soumis à son vote, car il reconnaissait les efforts des uns et soulignait les lacunes des autres, tout en préconisant certaines mesures.

3. L'appel à une gestion collective de la situation des migrants se trouvant actuellement dans les îles grecques

À la fin de la même séance du 11 avril 2019, l'Assemblée parlementaire a examiné et voté, sur le rapport de M me Petra De Sutter (Belgique - SOC), au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, une résolution sur la situation des migrants et des réfugiés dans les îles grecques appelant à redoubler d'efforts.

Lors de la discussion générale, la rapporteure a indiqué qu'elle avait visité, en juillet 2018, le centre d'accueil et d'identification - plus couramment connu sous le vocable de hotspot - de Moria, sur l'île de Lesbos. Elle a déploré que ce centre et ses semblables soient surpeuplés : si, à l'origine, les cinq hotspots grecs devaient héberger 7 500 personnes, ils accueillaient près de 10 000 personnes fin 2017.

Elle a ensuite regretté, ainsi que l'avait souligné un représentant de Médecins sans frontières à Paris au mois de décembre, que la situation au camp de Moria ait donné lieu à des violences, des émeutes, différents types d'exploitation, des abus et même des viols. Elle a notamment relevé que, parmi les réfugiées, plusieurs mineures avaient dû être enfermées dans leurs chambres par mesure de protection et que différentes formes de crime organisé avaient été signalées.

M me Petra De Sutter a jugé inhumaines les conditions de vie des réfugiés dans les hotspots grecs, ainsi qu'elle avait pu le constater de ses propres yeux. Elle a ainsi fait état que bon nombre de réfugiés dormaient sous de simples tentes pendant des mois, exposés à la pluie, au vent et au froid, que les installations sanitaires étaient impropres, que la distribution des repas était insuffisante et que les services sanitaires étaient indigents, à raison d'un seul médecin au camp de Moria pour plusieurs milliers de réfugiés, par exemple.

Qualifiant la situation de crise humanitaire inacceptable sur le continent européen, elle a jugé nécessaire que l'APCE exprime sa préoccupation au sujet des demandeurs d'asile hébergés dans les centres de Lesbos, Samos et Chios, même si des centres similaires existent aussi à la frontière terrestre avec la Turquie, où le nombre de demandeurs d'asile a doublé en 2018, pour atteindre 10 000 personnes.

La rapporteure a souhaité la mise en place d'un nouveau programme de répartition des réfugiés à l'intérieur de l'Union européenne, afin de réduire la pression sur les pays de première arrivée comme la Grèce. Elle a également trouvé que l'accord entre la Turquie et l'Union européenne était problématique à de nombreux égards, le nombre de migrants arrivant sur les îles grecques augmentant de nouveau.

Elle a plaidé pour que les ONG puissent avoir accès, en toutes circonstances, aux centres surpeuplés de Lesbos, Samos et Chios et appelé les autorités grecques à mieux protéger les femmes et les mineurs non accompagnés, en garantissant une tutelle effective permettant la réunification des familles. Elle a aussi recommandé davantage de transferts des demandeurs vers des centres d'accueil situés sur le continent et la mise sur pied d'unités de lutte contre le crime organisé.

S'adressant aux autorités turques, M me Petra De Sutter les a invitées à identifier et à enregistrer tous les migrants arrivant en Turquie et à intensifier les efforts dans la lutte contre la traite des êtres humains. Elle a également demandé à la Turquie d'honorer les accords de réadmission et d'améliorer les conditions de vie des réfugiés pour pouvoir être considérée comme un pays sûr.

Elle a enfin souhaité que l'Union européenne aide la Turquie à honorer ses accords de réadmission et mettent en place un nouveau programme de répartition des réfugiés, de façon à réduire la pression sur les pays de première arrivée. Elle l'a aussi enjoint à piloter davantage l'utilisation des fonds européens tout en relançant des programmes de financement de projets humanitaires.

M me Marie-Christine Verdier-Jouclas (Tarn - La République en Marche) a loué les recommandations claires, précises et nécessaires de la rapporteure, au vu de la situation décrite et à laquelle il convient de réagir collectivement, de manière solidaire. Elle a considéré que la situation humanitaire prévalant dans les îles grecques et les conditions de vie des milliers de réfugiés, demandeurs d'asile et migrants qui s'y trouvent, restait préoccupante.

Indiquant que la Grèce n'était pas seule pour faire face à l'accueil des migrants, car plusieurs pays de l'Union européenne lui apportent leur appui, elle a salué les progrès réalisés par les autorités grecques dans le cadre des procédures d'asile. Elle s'est déclarée heureuse de la contribution de la France et du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), à laquelle des agents français de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ont apporté leur concours, qui pourrait être renouvelé.

S'agissant des conditions d'accueil dans les camps des îles grecques, elle s'est demandé si les moyens nationaux et communautaires dont disposait la Grèce pour moderniser ses installations actuelles étaient suffisants, tout en espérant avoir des précisions sur le contrôle de l'usage de ces moyens.

Concernant les agressions perpétrées au sein de ces mêmes camps, elle s'est inquiétée de la situation des femmes et des enfants mineurs, qu'elle a jugée extrêmement préoccupante. Après avoir salué que soit recommandée à la puissance publique grecque une protection toute particulière de ces publics contre les violences qu'ils subissent, elle a espéré que le traitement judiciaire prévu à l'encontre des agresseurs soit à la hauteur de la gravité des faits.

En conclusion, M me Marie-Christine Verdier-Jouclas s'est montrée attentive à la situation humaine des migrants aux points d'entrée dans les différents pays européens. Elle a observé que les intéressés étaient souvent des personnes fuyant les violences et une situation difficile dans leur pays d'origine, trouvant utile que l'APCE se penche sur ces questions et les prenne en considération.

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