N° 587

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 juin 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) par le groupe de travail « Tourisme » (2), sur l' hébergement touristique et le numérique ,

Par Mmes Viviane ARTIGALAS et Patricia MORHET-RICHAUD,

Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mmes Michelle Gréaume, Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Robert Navarro, Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, MM. Dominique Théophile, Jean-Claude Tissot .

(2) Ce groupe de travail est composée de : M. Michel Raison, président ; M. Serge Babary, Mme Marie-Christine Chauvin, MM. Alain Duran, Jean-Pierre Moga, vice-présidents ; Mme Viviane Artigalas, MM. Yves Bouloux, Alain Chatillon, Roland Courteau, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Daniel Gremillet, Mme Élisabeth Lamure, MM. Pierre Louault, Franck Montaugé, Mme Patricia Morhet-Richaud, M. Jackie Pierre, Mmes Noëlle Rauscent, Évelyne Renaud-Garabedian, M. Dominique Théophile.

AVANT-PROPOS

Le groupe de travail sur le tourisme de la commission des affaires économiques a été créé au début de cette année en vue d'effectuer un suivi de la politique touristique nationale et de s'intéresser, ponctuellement, à des sujets qu'il identifie comme particulièrement importants. Le tourisme étant l'un des secteurs ayant connu le plus grand essor grâce à l'économie numérique, c'est avec ce sujet que le groupe a souhaité débuter ses travaux. Avec un chiffre d'affaires de 20,1 milliards d'euros, le secteur du tourisme couvre aujourd'hui 44 % des parts de marché du commerce en ligne en 2016 . 77 % des Français partis en vacances en 2016 ont ainsi préparé leur voyage en ligne tandis que 50 % y ont réservé tout ou partie de leur séjour. Tous les pans du tourisme connaissent cette mutation numérique. Si le secteur de l'hébergement touristique se réinvente très régulièrement (chaînes d'hôtels, campings, villages vacances, résidences de tourisme, chambres d'hôtes...), il a connu, avec internet, un bouleversement probablement sans précédent.

Puisque de nombreux travaux ont déjà été réalisés sur le sujet 1 ( * ) , le groupe a souhaité procéder à une évaluation des dispositions législatives en vigueur qui entendent apporter une réponse à des problématiques propres au secteur de l'hébergement touristique. Il a ainsi identifié, d'une part, la question l'encadrement des relations contractuelles entre les offreurs d'hébergement touristique et les plateformes en ligne - autrement dit, la régulation de Booking - et, d'autre part, celle de la régulation de l'essor des meublés de tourisme - autrement dit, comment et pourquoi réguler les locations Airbnb ?

Le présent rapport ne porte donc ni sur les questions relevant de la commission des finances, ni sur celles relatives à l'ensemble des plateformes en ligne, telles que la loyauté et la transparence de l'information ou la régulation des avis en ligne.

Vos rapporteures ont mené une vingtaine d'auditions et recueilli de nombreuses contributions écrites. Il en est ressorti que, comme dans d'autres secteurs, le numérique constitue à la fois un défi et une opportunité. Une opportunité car il permet à la France de renforcer son attractivité touristique, aux professionnels du tourisme d'améliorer leurs méthodes de distribution, au consommateur de voir ses attentes de mieux en mieux respectées. Et un défi car il nécessite, pour chacun, de s'adapter, ce qui signifie pour les professionnels un renouvellement de leurs méthodes et, pour les pouvoirs publics, la mise en place d'une nouvelle régulation assurant, par exemple, des conditions de concurrence non faussée.

C'est pourquoi vos rapporteures ont fait le choix de retenir une approche équilibrée, qui respecte les droits des différentes parties en présence - professionnels, plateformes, et particuliers. Il convient néanmoins de souligner que les orientations retenues dans le présent rapport n'ont pas fait l'unanimité parmi les membres du groupe de travail.

Si l'intervention du législateur en matière de conditions contractuelles entre les hôteliers et les plateformes apparaît globalement satisfaisante, la régulation des meublés de tourisme est, à ce jour, inefficace. Vos rapporteures ont noté une certaine défiance entre les différents acteurs concernés. Il convient donc de restaurer le dialogue, afin de renforcer l'efficacité des dispositifs votés par le Parlement.

I. LE MARCHÉ DE L'HÉBERGEMENT TOURISTIQUE A ÉTÉ PROFONDÉMENT TRANSFORMÉ PAR LES PLATEFORMES EN LIGNE

Internet a bouleversé le secteur de l'hébergement touristique. Il a permis l'émergence d'un nouveau canal de distribution et d'une nouvelle offre. Ces deux éléments ont contribué à renforcer la concurrence sur ce marché.

A. UN BOULEVERSEMENT DES CANAUX DE DISTRIBUTION

1. Une meilleure visibilité apportée aux hébergements touristiques

Avant l'apparition d'internet, les professionnels de l'hébergement touristique distribuaient leurs offres :

- en direct , sur place, par courrier ou par téléphone ;

- par l'intermédiaire d'un référencement dans des guides de voyage, du catalogue d'une chaîne, des agences de voyage et autres tours opérateurs... Dans ce dernier modèle, l'intermédiaire grossiste achète les chambres puis les revend au client à un prix qu'il décide.

L'apparition d'internet a permis aux hôtels de diversifier leurs canaux de distribution , aussi bien en direct (courriels, site internet dédié 2 ( * ) ) que par un intermédiaire.

Les plateformes référençant les offres d'hébergement touristique ont ainsi offert aux professionnels du secteur un nouveau canal de distribution d'une efficacité et d'une ampleur jusqu'alors jamais égalée, dans la mesure où la simple présence sur ces plateformes permet une visibilité d'ordre mondial. Une telle visibilité était auparavant impossible à atteindre pour un hôtel indépendant, même en investissant une très large partie du chiffre d'affaires dans la commercialisation. Du fait de cette plus grande visibilité, la présence des offreurs sur ces plateformes est aujourd'hui indispensable .

Pour le consommateur, cela permet de comparer rapidement les différentes offres, et donc d'obtenir une meilleure information sur le marché.

2. Le poids croissant des réservations en ligne

Aujourd'hui, un professionnel de l'hébergement touristique peut vendre ses nuitées en ligne ou hors ligne, en direct ou par un intermédiaire, notamment les plateformes en ligne.

Les ventes en ligne occupent une place croissante dans les réservations de nuitées hôtelières. Elles représentent, selon une étude de l'HOTREC 3 ( * ) , association regroupant les syndicats hôteliers européens :

- environ 60 % des réservations hôtelières en Europe ;

- environ la moitié des réservations hôtelières en France .

Si l'intermédiation par les plateformes est en croissance, les hôteliers français apparaissent moins exposés que leurs homologues européens . Selon cette même étude, en 2017, près de 27 % du total des réservations s'effectue par des plateformes de réservation hôtelière en Europe, contre 19 % en 2013. En France, près de 23 % des réservations s'effectueraient via ces plateformes. Néanmoins, la réservation en direct reste prédominante, à 55 % en Europe et près de 63 % en France.


* 1 Voir, par exemple, le rapport d'information de la députée Pascale Got, Tourisme 2.0 : la révolution de l'économie touristique, février 2015.

* 2 Selon le groupement national des indépendants, 86 % des hôtels étaient dotés, en 2016, d'un module de réservation en ligne, et 89 % faisaient traduire leurs sites.

* 3 La distribution européenne des hôtels, 2018.

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