AVANT-PROPOS
Madame, Monsieur,
La Délégation sénatoriale aux entreprises poursuit, avec ce rapport, sa mission de recenser les obstacles au développement des entreprises et de proposer des mesures visant à favoriser l'esprit d'entreprise et à simplifier les normes applicables à l'activité économique, en vue d'encourager la croissance et l'emploi dans les territoires.
Depuis qu'elle a confié, le 6 novembre 2017, à votre rapporteur un rapport sur le cycle de vie de l'entreprise, afin de préparer l'examen du projet de loi PACTE (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), plus de 60 personnes ont été entendues en cinq mois et des dizaines de contributions ont été reçues. Ce rapport s'appuie sur ces auditions pour présenter l'analyse de la Délégation aux entreprises sur les attentes des entreprises de taille petite et moyenne, celles qui font vivre les territoires.
Lorsqu'il lance la consultation sur le PACTE, le 15 janvier 2018, le ministre de l'Économie indique que : « La France ne manque pas de talents et de créateurs d'entreprises. Mais beaucoup de ces entreprises restent trop petites. Nous manquons de grosses PME et d'ETI, les entreprises de taille intermédiaire ». Il reprend le même constat, dressé dix ans auparavant dans le rapport de la commission pour la libération de la croissance, remis le 23 janvier 2008 au Président de la République de l'époque, M. Nicolas Sarkozy, selon lequel « notre économie a deux faiblesses majeures unanimement reconnues : une compétitivité déclinante et l'insuffisance de son réseau de moyennes entreprises ».
En dix ans, nos PME n'ont pas grandi, pas davantage que le nombre de nos ETI.
90 % des start-up ne passent pas le cap des cinq ans. Quand elles réussissent, le rachat par des fonds étrangers est fréquent.
Pourtant, la société française change peu à peu son regard sur la mondialisation et sur l'entreprise. De 2013 à 2017, la perception de la mondialisation comme opportunité pour la France a progressé de 13 points pour devenir légèrement majoritaire (de 39 % à 52 %) 1 ( * ) . L'entrepreneuriat suscite un réel engouement et plus de 60 000 visiteurs, la plupart jeunes, se sont rendus au 25 ème salon des entrepreneurs les 7-8 février 2018. En 2017, 591 000 entreprises ont été créées, deux fois plus qu'il y a 10 ans. Un jeune de moins de 25 ans sur deux veut créer son entreprise.
L'enthousiasme est là mais les obstacles demeurent trop nombreux : trop de contraintes administratives, pas assez de financement, des grandes entreprises indifférentes ou au contraire prédatrices des start-up.
Pour affronter la compétition mondiale, il faut donner aux entreprises françaises les mêmes armes que celles de leurs concurrents directs : ni plus, mais ni moins non plus.
Trois orientations majeures ont guidé ce rapport :
- faire simple ;
- faire efficace ;
- faire économique.
Le monde n'attend pas les réformes de la France. Le discours public est plus favorable à l'entreprise, les intentions vont dans le bon sens, mais les actes sont décevants :
- la réforme fiscale n'épuise pas la mise en place d'un environnement favorable à l'orientation de l'épargne des ménages vers les entreprises. Le Gouvernement érige en principe intangible une stabilité fiscale qui peut l'empêcher de proposer un instrument adapté pour réorienter une petite fraction de l'assurance-vie vers des placements de long terme à même de renforcer les fonds propres des PME ;
- l'État veut se mettre au service d'une société de confiance, mais timidement, en multipliant les expérimentations qui repoussent d'autant une adaptation attendue de l'administration à un monde où les paradigmes se modifient de manière accélérée ;
- le Gouvernement affiche sa « priorité » pour changer l'environnement législatif des entreprises mais le calendrier du projet de loi PACTE ne prévoit au mieux une lecture avant l'été au Parlement.
Ce rapport veut accompagner la préparation du débat parlementaire sur ce projet de loi (qui devait être présenté au conseil des ministres du 2 mai 2018 mais serait décalé à juillet 2018), dans lequel le Sénat entend jouer pleinement son rôle.
Comme l'a indiqué M. Gérard Larcher, Président du Sénat, dans son intervention à l'occasion de la troisième Journée des entreprises au Sénat, le 29 mars 2018, votre assemblée souhaite éviter une nouvelle fois un recours excessif aux ordonnances.
Ce recours, comme l'a fait remarquer le président du Sénat, traduirait « de la part du Gouvernement, une conception paradoxale de la prise de décision publique. Après avoir vanté un mode de conception participatif et avoir mis en place un « Bercylab », serait donc venu le temps de l'absence de débat de fond au Parlement ».
Tout comme les 7 778 participants à la consultation gouvernementale qui ont déposé 12 819 contributions et émis 63 683 votes pendant trois semaines, les 348 sénateurs sont également prêts à apporter leur contribution pour « rédiger une loi ambitieuse, efficace et concrète, qui doit donner aux entreprises le cadre et les leviers pour innover, se transformer, croître et créer des emplois », pour reprendre l'invitation gouvernementale à participer à l'élaboration du projet de loi.
Pour sa part, votre rapporteur a concentré ses investigations sur les trois temps clés du cycle de vie de l'entreprise :
- la création, qui met à l'épreuve la résilience de l'entrepreneur face à la complexité de notre système administratif, social et fiscal laquelle nourrit un « écosystème de la complexité » auquel les entreprises sont très dépendantes ;
- la croissance, et les difficultés de l'entrepreneur pour trouver des fonds propres à même de financer son développement , avec le risque de découragement ;
- le rebond, avec la nécessité de permettre à l'entrepreneur de fermer une entreprise aussi simplement et rapidement que possible , dès lors qu'elle est saine mais qu'il estime que son business model n'a pas d'avenir, et la perspective d'une évolution du droit français des entreprises en difficultés qui pratique aujourd'hui l'acharnement thérapeutique.
Il y a urgence car l'économie 4.0, quatrième révolution industrielle est en marche. D'une ampleur comparable à l'introduction de la machine à vapeur, de l'électricité ou de l'électronique, elle s'installe partout. Alors même que le rapport Lemoine 2 ( * ) sur la transformation numérique de l'économie posait dès novembre 2014 un diagnostic juste sur les enjeux de cette révolution, nos entreprises et singulièrement nos PME sont en retard. Ce sera l'objet d'un prochain rapport que la Délégation aux entreprises a confié à ma collègue, Mme Pascale Gruny.
* 1 5 ème vague du sondage IPSOS « fractures françaises », décembre 2017.
* 2 « La nouvelle grammaire du succès. La transformation numérique de l'économie française », Philippe Lemoine, Rapport au gouvernement du 7 novembre 2014.