B. LA CONFRONTATION PARTICULIEREMENT INSTRUCTIVE DE NOS VISIONS DES EQULIBRES FINANCIERS AU SEIN DE L'UNION EUROPEENNE
1. Quel équilibre global ?
Connaissant les positions traditionnellement conservatrices des Pays-Bas en matière budgétaire et fiscale, notre souhait était d'interroger nos interlocuteurs sur la façon dont il serait, selon eux, néanmoins possible de résoudre l'équation financière globale à laquelle l'Union européenne est confrontée . Nous avons tenu à insister sur le caractère interdépendant des différents éléments de cette équation.
En effet, au cours de l'année qui nous sépare des élections européennes, l'Union devra faire des choix répondant aux attentes des peuples 16 ( * ) . Ceci suppose de répondre aux nouveaux défis liés notamment à la sécurité et aux migrations. Cet objectif bute sur les contraintes du budget européen, limité à 1,20% d'un PIB lui-même en forte diminution du fait du Brexit. L'ambition européenne bute aussi sur les limites des capacités budgétaires nationales, ce qui pose deux questions :
- d'une part, celle des ressources nouvelles (ressources propres du budget de l'UE par exemple par l'imposition des GAFA) ;
- d'autre part, la question de la limitation de la concurrence fiscale au sein de l'Union afin notamment de limiter les pressions à la baisse sur les ressources nationales 17 ( * ) .
Face à ces enjeux, nos différents interlocuteurs ont exprimé une position assez attendue.
2. Le discours traditionnel d'un pays « du Nord »
a) Sur le futur cadre financier pluriannuel
L'expression « pas un euro de plus pour le budget européen » a été entendue plusieurs fois, d'autant que cela constitue l'un des éléments de compromis de la coalition gouvernementale. Elle signifie concrètement quatre choses :
- d'une part, qu'il n'est pas anormal que l'Union européenne post-Brexit étant devenue plus petite, son budget diminue en conséquence. Il n'y aurait donc pas lieu de compenser les moindres recettes liées au départ du Royaume-Uni ;
- d'autre part, et en toute hypothèse, les Pays-Bas ne devraient pas contribuer davantage au budget de l'Union. L'entretien au Ministère des Affaires étrangères laissait entendre que le paramètre le plus sensible était la contribution nette par habitant ;
- ensuite, se présentant comme résolument partisans de progrès de l'Union européenne, les responsables néerlandais souhaitent un développement de l'action de l'Union dans de nouveaux domaines, ceux pour lesquels une action supranationale serait par définition nécessaire, telles que :
la politique migratoire,
la défense et la sécurité,
l'énergie et la gestion du changement climatique,
la recherche et l'innovation.
Enfin, en conséquence de ce qui précède (faire des choses nouvelles avec un budget moindre), il conviendrait de procéder à des redéploiements au détriment notamment des deux grands postes de dépenses actuels : la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion.
S'agissant de la PAC, certains de nos interlocuteurs ont considéré que leur pays pouvait mettre à disposition de l'Europe une certaine expertise en matière d'amélioration de la compétitivité du secteur, ce qui pose bien entendu la question du modèle - ou plutôt des modèles - agricoles européens. À l'inverse, notre pays gagnerait sans doute à continuer de sensibiliser ses partenaires néerlandais à l`enjeu d'une politique européenne ambitieuse de soutien à la qualité des productions.
En matière de politique de cohésion, la question de la conditionnalité des aides reste un sujet de débat.
b) Sur la responsabilité des États membres
Nos interlocuteurs établissent eux aussi naturellement le lien entre le budget européen et les budgets nationaux. À leurs yeux, il convient de concentrer l'Union sur ce qui ne saurait être réalisé au niveau national, tandis qu'il revient parallèlement à chaque État membre de se mettre en état de répondre aux attentes de sa population. À chacun de faire les réformes et les choix nécessaires pour exercer pleinement ses responsabilités dans les domaines qui relèvent du niveau national, et pour lesquels l'intervention européenne n'aurait donc pas de raison d'être.
De façon à peine voilée, les responsables néerlandais font référence à leur expérience récente et estiment qu'il revient à chacun de retrouver des marges de manoeuvre budgétaires, au besoin au moyen de réformes difficiles.
Ce renvoi à la responsabilité des États membres fut évidemment encore plus clair s'agissant de nos échanges sur l'avenir de l'Union économique et monétaire (UEM).
3. La nécessité de poursuivre le dialogue
L'intérêt de ces rencontres n'a pas seulement consisté dans la possibilité pour chacun de rappeler ses interrogations et sa vision en matière économique.
De notre point de vue, il s'agit d'un encouragement à appeler nos partenaires à une prise en compte peut-être plus large (moins « étriquée ») de leurs responsabilités et à continuer à travailler spécifiquement avec eux sur certains dossiers tels que les enjeux de la PAC en matière de qualité des produits ou encore la lutte contre l'évasion fiscale des GAFA.
De la part de nos interlocuteurs, nous avons aussi pu entrevoir la conscience que dans la situation actuelle, les approches (volontaristes des uns et plus prudentes des autres) étaient appelées à converger vers un nécessaire terrain d'entente, notamment sur la difficile question du cadre financier pluriannuel. Peuple de commerçants, nos partenaires néerlandais ont en effet un sens aigu des rapports de force dans la négociation qui nous attend.
Tout ceci ne peut que nous inciter à poursuivre le dialogue, en particulier sur les dossiers économiques.
* 16 Un rappel de plus de cette exigence nous est, s'il en était besoin, donné par le résultat des élections italiennes.
* 17 Ainsi que d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur.