B. LA RECHERCHE EXIGERA LA MUTUALISATION DES MOYENS

1. Stockage et mobilité propre

Le gaz hydrogène peut jouer trois rôles comme source d'énergie électrique. Encore faut-il mener à leur terme les recherches encore indispensables à toute application sur une grande échelle.

Certains véhicules électriques fonctionnant avec des piles à combustible bénéficient déjà d'une extension d'autonomie grâce à une petite réserve d'hydrogène. L'un des principaux obstacles actuels à l'extension progressive de ce carburant qui ne brûle pas tient à sa disponibilité, alors que le plein d'hydrogène prend incomparablement moins de temps que la recharge même rapide d'une batterie.

La deuxième utilisation possible de l'hydrogène est le stockage d'énergie intermittente en vue d'un déstockage ultérieur lorsque la demande des consommateurs ne serait plus satisfaite par les centrales électriques.

Enfin, la troisième utilisation de l'hydrogène revient à l'utiliser comme produit intermédiaire dans la fabrication de méthane (CH4), un gaz dont les tolérances de conservation sont bien plus grandes que celles de l'hydrogène. En outre, le transport de méthane à distance par gazoduc est parfaitement maîtrisé, alors qu'il n'y a pas d'équivalent pour l'hydrogène.

Schéma de principe du stockage d'électricité intermittent grâce à l'hydrogène et au méthane

Source : eHighway2050 - D3.2 - Technology Assesment Report P2G

2. L'énergie intermittente permanente

Les inconvénients de l'intermittence ont été mis en avant à plusieurs reprises dans le présent rapport. Autant de raisons pour que les chercheurs européens consacrent des efforts à l'obtention d'une énergie d'origine solaire qui ne disparaisse pas à la tombée de la nuit (a), d'éoliennes qui tourneraient en permanence (b), enfin de centrales marémotrices qui délivreraient de l'électricité en permanence (c).

a) Du solaire jour et nuit

Il ne s'agit évidemment pas de mettre fin à l'alternance du jour et de la nuit, non plus que d'utiliser l'obscure clarté des étoiles à des fins photovoltaïques. Mais il existe deux moyens d'utiliser l'énergie solaire pour obtenir de l'électricité : les cellules photovoltaïques et les centrales dites « thermodynamiques », souvent dénommées « fours solaires ».

Alors que le débit des cellules photovoltaïques cesse dès que l'ensoleillement devient trop faible, les centrales thermodynamiques peuvent assurer le relais, selon un schéma représenté par le graphique ci-dessous, qui explicite l'une des principales modalités envisageables pour stocker l'énergie solaire sous forme thermique.

Source : Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives-CEA.

D'autres techniques permettent d'obtenir un résultat semblable, mais toutes ont actuellement en commun d'être excessivement coûteuses sous nos latitudes. Ainsi, le « four solaire » proche de Font-Romeu dans les Pyrénées françaises fonctionne pour la recherche. Si des progrès suffisants finissent par être accomplis, l'énergie solaire pourrait fonctionner jour et nuit, moyennant un dosage adéquat entre filière photovoltaïque et appareils purement thermiques.

Pour des raisons évidentes d'ensoleillement, un tel mix technique serait plus facile à installer sur le continent africain, en Asie ou en Amérique du Sud que sur le Vieux Continent.

b) L'éolien même par temps calme

Les pales des éoliennes ont bien sûr besoin de vent. La difficulté consiste donc à les disposer dans des endroits où le souffle ne cesse jamais et transporter l'électricité ainsi obtenue jusqu'aux lieux de consommation.

Selon les jours et l'heure, du vent à fort potentiel éolien souffle à l'est de la Grande-Bretagne, au nord de l'Écosse ou à l'ouest des îles britanniques. Par suite, les éoliennes flottantes disposées dans cet immense espace produiraient de l'électricité 365 jours par an, 24 heures sur 24. Encore faut-il maîtriser suffisamment la technique des éoliennes flottantes ! Et contenir le coût de l'ensemble formé par les éoliennes et les câbles électriques.

Actuellement, un projet de 7 000 éoliennes en mer du Nord au large du Danemark est le seul - mais non négligeable - pas en avant dans cette direction.

c) L'énergie des marées sans interruption

Bien que l'usine marémotrice de la Rance n'ait pas fait école à grande échelle, l'idée d'utiliser l'énergie des marées reste d'actualité tant que la Lune tourne autour de la Terre.

Les obstacles sont importants, bien que peu nombreux : un barrage comme celui de la Rance subit l'ensablement, tout ouvrage d'art immergé dans l'océan est exposé à la corrosion et risque d'être colonisé par des coquillages dont la présence peut être extrêmement gênante. Sous réserve d'éviter ces deux inconvénients, l'énergie marémotrice pourrait être utilisée sur les côtes océaniques à bien plus grande échelle. Reste toutefois l'intermittence des marées.

En utilisant une partie de l'énergie marémotrice aux fins de stockage via une station de transfert d'énergie par pompage (STEP) il serait possible d'obtenir in fine de l'électricité obtenue à tout moment en fonction de la demande et fondée sur les marées.

Cet objectif pourrait à juste titre motiver un grand programme de recherche à l'échelle de l'Union.

3. La filière nucléaire inépuisable et sans legs radioactif

Il est possible de « sortir du nucléaire » actuel, soit en abandonnant cette filière, soit en la faisant évoluer grâce à la recherche. Les deux étapes successivement envisageables dans la deuxième hypothèse se dessinent assez clairement : le réacteur de quatrième génération, puis ITER.

Le réacteur de quatrième génération doit permettre d'utiliser à plusieurs reprises le combustible nucléaire, dont le recyclage est actuellement limité à une seule fois. Il résulte des auditions que seuls 4 % des matières formant le combustible nucléaire ne seraient pas recyclables avec un réacteur de quatrième génération. Vu l'amélioration attendue du rendement, une même quantité d'uranium pourrait fournir 50 fois plus d'électricité que celle obtenue actuellement. Ce progrès permettrait d'obtenir de l'uranium à partir de sources jusqu'à 50 fois plus coûteuses que celles utilisées aujourd'hui, ce qui augmenterait spectaculairement les sources d'uranium économiquement exploitables. Ainsi, les réacteurs de quatrième génération pourraient fonctionner encore des milliers d'années au lieu d'un siècle environ pour les installations d'aujourd'hui.

Créé en 2000, le Forum international Génération IV (GIF) tend à créer un cadre de recherche et développement international pour maîtriser plus rapidement les technologies les plus performantes. Douze États - l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, le Japon, le Royaume-Uni, la Fédération de Russie et la Suisse - font partie de ce forum, aux côtés d'Euratom. Un déploiement industriel est envisagé à l'horizon 2050 au plus tard. Avec la quatrième génération, le thème des déchets serait bouleversé, mais pas autant qu'avec la fusion nucléaire, finalité du programme ITER.

ITER (pour « International Thermonuclear Experimental Reactor » : « réacteur thermonucléaire expérimental international ») est un projet de réacteur de recherche civil situé à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône. Au lieu d'utiliser la fission de l'uranium, il réalise la fusion de deux noyaux d'hydrogène - dont l'un provenant d'une forme rare d'hydrogène appelée « tritium » - pour obtenir un atome d'hélium et un très fort dégagement d'énergie. Cette transformation reprend celle réalisée par le Soleil. Pratiquement illimitée, la ressource en hydrogène participerait donc à la mise en oeuvre d'une filière de centrales électriques disposées à la surface du globe en fonction des besoins, et ne produisant pas de déchets radioactifs de haute activité.

En l'état d'avancement de la recherche, le déploiement de réacteurs issus d'ITER pourrait commencer à la fin du XXIe siècle. Cette perspective éloignée illustre à l'extrême une caractéristique majeure du secteur de l'énergie : le long terme, qui exige une grande stabilité des politiques suivies.

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