B. LES MOYENS DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
Deux rapports ont été présentés pour promouvoir la lutte contre la corruption.
Le premier avait pour thème : « Promouvoir l'intégrité dans la gouvernance pour lutter contre la corruption politique ». Il a été présenté par M. Michele Nicoletti (Italie - SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie.
Ce rapport analyse les causes profondes et les facteurs de la corruption, ainsi que les mesures de transparence et de responsabilité pour lutter contre elle et pour promouvoir une culture d'intégrité dans la gouvernance. Différentes traditions historiques, politiques, sociales et culturelles, de même que diverses politiques anti-corruption sont abordées dans quatre études de cas (Royaume-Uni, Ukraine, Pays-Bas et Espagne).
Le rapport analyse également un certain nombre de stratégies de lutte contre la corruption en termes de législation, d'institutions et d'éducations, et accorde une attention particulière au mandat et aux pouvoirs des institutions nationales de lutte contre la corruption. Il propose un certain nombre de recommandations aux États membres et observateurs du Conseil de l'Europe et aux États dont le parlement bénéficie du statut d'observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire, ainsi qu'aux parlements nationaux, partis politiques et à l'Assemblée elle-même, pour intensifier la lutte contre la corruption et promouvoir l'intégrité dans la gouvernance. Il recommande également un certain nombre d'actions au Comité des Ministres afin de renforcer l'impact du Conseil de l'Europe dans ce domaine.
Le second rapport avait pour thème : « Le contrôle parlementaire de la corruption : la coopération des parlements avec les médias d'investigation ». Il a été présenté par Mme Gülsün Bilgehan (Turquie - SOC), au nom de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias.
Cette commission considère le journalisme d'investigation comme un « bien public » qu'il faut préserver et mieux intégrer dans les stratégies de lutte contre la corruption ; elle prône une meilleure coopération entre les parlements et les journalistes d'investigation pour renforcer la crédibilité de l'action des parlements et la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et dans les médias.
Pour la commission, non seulement il faut faire plus pour garantir efficacement la sécurité des journalistes et la liberté des médias, mais il faut aussi renforcer l'arsenal législatif et, à cet égard, se doter de lois assurant l'accès le plus large possible à l'information, mettre en place des mécanismes financiers pour soutenir le journalisme d'investigation sans compromettre son indépendance et assurer une protection adéquate aux donneurs d'alerte.
Pour atteindre ces trois objectifs, la commission estime que le Conseil de l'Europe devrait soutenir avec plus de vigueur l'amélioration des législations nationales en évaluant leur conformité à ses normes, en identifiant les éventuels besoins des États membres et en favorisant l'échange d'expériences et les activités de coopération.
À la suite de la présentation de ces rapports, un débat s'est engagé.
S'exprimant au nom du groupe socialiste, M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - Socialiste, écologiste et républicain) a salué les rapports de ses deux collègues. Il a rappelé la nécessité de lutter contre le fléau de la corruption et le rôle essentiel des parlements dans cette lutte. En effet, ceux-ci doivent veiller à préserver leur intégrité, d'une part, et développer un arsenal législatif efficace, d'autre part. La lutte contre la corruption implique plus de transparence et une plus grande coopération avec le monde de la presse. Il a salué le travail des journalistes d'investigation, dont les sources doivent être protégées. Il a plaidé pour un mécanisme qui faciliterait l'exercice de l'alerte auprès d'une autorité indépendante, sûre et protectrice, dotée elle-même de pouvoirs d'investigation.
M. André Schneider (Bas-Rhin - Les Républicains) a, pour sa part, dénoncé la corruption qui sape la confiance dans les institutions politiques. Celle-ci induit également un coût très élevé pour les classes les plus pauvres de la population, qui sont condamnées à la subir pour avoir accès aux services de base les plus simples. Pour lui, la corruption se nourrit de la pauvreté, du clanisme et de l'absence de sécurité juridique qu'il faut combattre. Il a ensuite évoqué la presse qui joue un rôle essentiel dans la lutte contre la corruption, et condamné vigoureusement tous ceux qui emprisonnent des journalistes, des blogueurs ou des lanceurs d'alerte pour les réduire au silence. Enfin, il a dénoncé la corruption et le lobbying au sein même de l'Assemblée et souhaité que la lutte soit implacable contre ceux dont les agissements ternissent l'action du Conseil de l'Europe.
Mme Sylvie Goy-Chavent (Ain - UDI-UC) a rappelé que le Conseil de l'Europe, grâce aux travaux du GRECO en particulier, apporte une contribution importante à la lutte contre la corruption. Plutôt que de continuellement montrer du doigt les élus en recherchant sans cesse de nouveaux comportements à interdire, elle a plaidé pour une meilleure application des dispositions existantes et un renforcement des contrôles et des sanctions. Selon elle, les parlementaires sont les défenseurs de la démocratie et la suspicion permanente qui pèse sur eux constitue une menace pour celle-ci.
Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) a félicité les rapporteurs pour les solutions opérationnelles qu'ils proposent contre les corrompus et les corrupteurs, qui comptent parmi les meilleurs agents des populismes sous toutes leurs formes. Elle a dénoncé le comportement de certains hommes politiques qui rejaillit sur l'ensemble de la classe politique. Elle a appelé à plus de transparence et s'est félicitée des progrès de la France, réalisés notamment sous l'impulsion du GRECO.
Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - Socialiste et républicain) a décrit l'effet de la corruption sur les citoyens : désenchantement, perte de confiance, condamnation... et puis un amalgame : l'élite est corrompue. Face à cela, il est nécessaire de restaurer la confiance en renforçant la transparence. Si un président est défaillant, il doit démissionner, ou être destitué. Pour autant, la présomption d'innocence doit être respectée, et les élus intègres protégés contre la calomnie. Si le rôle de la presse est essentiel, il faut veiller à ne pas franchir la limite au-delà de laquelle un journaliste se prend pour un juge.