D. L'IMPACT ÉCONOMIQUE DES SANCTIONS SUR LA RUSSIE DIFFICILE À ÉVALUER

Alors même que les sanctions étaient mises en place au milieu de l'année 2014, l'économie russe était déjà confrontée à un déclin engagé depuis 2010, puis la chute du marché pétrolier a fait sentir ses premiers effets négatifs à partir de l'été 2014. S'il est donc difficile de faire la part des effets respectifs du marché des hydrocarbures et des sanctions, celles-ci ont néanmoins impacté les principaux secteurs ciblés, en particulier l'industrie de défense russe, importatrice de composants issus de pays de l'Union européenne ou de l'OTAN.

La nature de l'impact des sanctions est comparable sur le secteur énergétique. À court terme, la production gazière et surtout pétrolière n'a pas été touchée ; en revanche, les technologies d'exploration, de forage ou d'extraction, sur l'offshore russe, reposent elles aussi sur des acteurs extérieurs.

Des financements chinois peuvent parfois compenser la fermeture de l'accès aux capitaux occidentaux 15 ( * ) et, dans le secteur gazier, les coopérations avec des entreprises de l'Union européenne peuvent se poursuivre - Total est ainsi partie au projet Yamal pour le gaz naturel liquéfié, mais a dû recourir à des financements chinois.

C'est le secteur de la finance qui pâtit le plus des sanctions. Auparavant, les trois-quarts des investissements directs étrangers et des prêts étrangers aux entreprises russes provenaient de l'Union européenne. Depuis 2014, les cinq établissements bancaires les plus importants - presque 60 % du secteur bancaire russe - sont privés de l'accès aux marchés des capitaux occidentaux. La fuite des capitaux qui en a résulté, ajoutée à la dévaluation du rouble, ont lourdement touché le secteur financier russe.

Au total, et malgré la difficulté à définir une évaluation précise, l'impact initial des sanctions sur l'économie russe a été évalué à 1-2 % du PNB, sachant toutefois que la chute des prix du pétrole et la contraction du marché russe ont été la cause majeure de la récession en Russie.

E. L'EFFET GLOBALEMENT CONTENU DES CONTRE-SANCTIONS COMMERCIALES RUSSES SUR L'UNION EUROPÉENNE

L'Union européenne est le premier investisseur et le premier partenaire commercial de la Russie qui est son quatrième client.

En 2014, les exportations européennes vers la Russie ont diminué de quelque 11 %. Il est là encore délicat d'en imputer la cause aux seules contre-sanctions russes sur les produits agricoles et agro-alimentaires, compte tenu de la baisse des revenus pétroliers et de la dévaluation du rouble. Les services de la Commission européenne font valoir que la fermeture du marché russe à certains produits européens a pu être compensée par la hausse des échanges avec d'autres partenaires commerciaux de l'Union européenne dans le monde.

Il reste que les secteurs agricoles et agro-alimentaires sont réellement affectés. Les exportations agro-alimentaires de l'Union européenne représentent 7 % de ses exportations totales de biens. Sur ce total, ce sont 9 % qui sont destinés à la Russie, deuxième client de l'Union dans ce domaine après les États-Unis. Les contre-sanctions russes concernent environ 43 % de ces exportations, soit en valeur 5,1 milliards d'euros (4,2 % du total des exportations agro-alimentaires de l'Union européenne). Entre juin 2014 et juin 2015 - soit un peu moins d'une année de contre-sanctions russes - les exportations agro-alimentaires de l'Union européenne vers la Russie ont chuté de plus de 40 % - soit quelque 4,3 milliards d'euros en valeur.

S'il est vrai, comme le souligne la Commission, que des débouchés alternatifs permettent de compenser la fermeture partielle du marché russe, la réalité de l'impact local sur les producteurs - en particulier en France pour certaines productions spécifiques (viandes et fromages notamment) - ne peut être négligée. Les acteurs agricoles et agro-alimentaires russes se félicitent pour leur part du développement de produits de substitution pour remplir, peut-être durablement, le vide créé par la disparition de la concurrence européenne, même si le niveau de qualité ne répond pas toujours aux demandes du consommateur russe.


* 15 Contrairement à l'Union européenne qui n'a pas ciblé le secteur gazier russe, les États-Unis ont pris des sanctions contre les firmes gazières et pétrolières.

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