II. Mme Nathalie Chaze, directrice adjointe du cabinet de M. Andriukaitis, commissaire européen chargé de la santé
Je vous remercie de donner la parole à l'Europe, car nous sommes très conscients que la question des perturbateurs endocriniens est très vivace dans le débat public en France. Je salue cette initiative du Sénat.
Pour définir ce qu'est un perturbateur endocrinien, la Commission européenne s'est appuyée sur le travail très important mené depuis des années par les différentes agences des Nations unies, en particulier l'OMS, qui a abouti à une définition approuvée en 2002, revue en 2012 et confirmée par une majorité d'experts.
La Commission européenne se fonde désormais sur cette définition scientifique internationale du perturbateur endocrinien, qui repose sur les trois éléments suivants : un mode d'action endocrinien, un effet indésirable, un lien de causalité entre le mode d'action et l'effet indésirable.
La complexité du sujet tient à la définition de ces trois éléments. Traditionnellement, l'analyse scientifique et toxicologique des substances se fonde non sur leur mode d'action, mais sur leur effet. En d'autres termes, on se demande non pas comment un produit chimique agit, mais à partir de quelle dose il produit des effets, s'appuyant sur le principe selon lequel c'est la dose qui fait le poison. Ici, pour la première fois, on s'écarte quelque peu de cette approche pour reconnaître que l'existence d'une action sur le système endocrinien constitue en soi un élément fondamental de la définition, ce qui est extrêmement novateur en matière de toxicologie.
Il faut également définir ce qu'est un effet indésirable. Un tel effet implique un changement de la morphologie, de la physiologie, de la croissance... La difficulté est de définir à partir de quand il se produit. En effet, certaines substances peuvent avoir un effet très limité, temporaire, non persistant ; c'est le cas du sucre, du café ou de l'alcool. Il faut établir si la substance considérée agit au niveau moléculaire, cellulaire, infraorganique. La Commission européenne a cherché à donner des lignes directrices pour déterminer comment mesurer les effets indésirables.
Pour ce qui concerne le lien de causalité, la Commission européenne s'est écartée de la définition de l'OMS, qui exige une causalité établie. Nous avons jugé qu'il était peut-être excessif de demander des preuves concluantes de l'existence d'un lien de causalité entre le mode d'action et l'effet. La Commission européenne a ainsi décidé de retenir une approche reposant davantage sur le principe de précaution, considérant que l'on pouvait se contenter de s'appuyer sur une base raisonnable d'éléments probants en faveur de l'existence d'un lien de causalité : c'est ce que l'on appelle la plausibilité biologique. Cette approche est actuellement discutée à l'échelon européen, mais nous pensons qu'elle est importante pour protéger la santé publique et l'environnement.