B. LE PROGRAMME ENVISAGÉ

Selon les indications de la direction, le centre de Pontourny emploie 27 personnes. Le personnel comprend notamment :

- 5 psychologues (représentant 3 équivalents temps plein travaillé « ETPT ») : l'un est sur place, une équipe présente le mardi et l'autre équipe le jeudi ;

- 1 infirmière psychiatrique ;

- 9 éducateurs spécialisés auxquels s'ajoutent 5 personnes travaillant la nuit.

Il est également fait appel à des intervenants extérieurs, notamment un aumônier religieux présent 15 heures par semaine. Le lieu de culte musulman le plus proche est à une heure de route.

Les modules de formation envisagés par le centre reposent sur quatre piliers : la distanciation, l'engagement citoyen, l'approche thérapeutique et l'insertion professionnelle.

Initialement, selon la direction du centre, le programme devait se dérouler sur une période de dix mois maximum autour de trois phases :

1° l'accueil et la mobilisation de l'intéressé, lui permettant d'élaborer son projet au sein du centre (de 6 semaines à 3 mois) ;

2° la consolidation du projet (stage, contacts à l'extérieur, retour en famille pour une période de 4 mois environ) ;

3° la finalisation du projet (3 derniers mois avant un passage de relais).

La dernière phase devait comprendre un tutorat additionnel qui se serait prolongé quelques mois après le départ du centre, le temps nécessaire pour identifier des professionnels sur le lieu de résidence de l'intéressé (psychologues, travailleurs sociaux) afin de prolonger le suivi.

En raison des départs anticipés - aucune personne n'étant restée plus de cinq mois -, le programme n'a pu être mis en oeuvre dans sa globalité.

La direction du centre a donc été conduite à proposer en urgence des tutorats additionnels pour maintenir le lien avec les personnes ayant décidé de quitter le centre.

C. UN FEU DE CRITIQUES

Lors de la reconversion du centre de Pontourny, auparavant destiné à accueillir des mineurs isolés étrangers, en « centre de déradicalisation », des inquiétudes se sont fait jour au sein du voisinage immédiat. Pour y répondre, un audit de sécurité, suggéré par la préfecture d'Indre-et-Loire, a été effectué. À l'initiative de M. Louis Le Franc, préfet d'Indre-et-Loire, un comité de suivi a été mis en place, afin d'assurer la liaison avec les élus locaux, les parlementaires et l'équipe de direction du centre. Lors de sa réunion du 10 février 2017, le comité de suivi a pu entendre le directeur du centre présenter le rapport d'activité pour l'année 2016.

Au 21 février 2017, le centre de Pontourny n'accueillait plus personne. M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur, a annoncé le 10 février dernier, sur l'antenne d'Europe 1, que le centre ne serait pas fermé mais a accepté un moratoire. Il a précisé, devant le Sénat, sa position le 14 février : « Ce moratoire existe de fait, puisque je n'ai pas demandé au préfet de faire des propositions en vue de la prise en charge de nouveaux pensionnaires dans ce centre. Il y en aura cependant d'autres dans le futur » 7 ( * ) .

Selon la formule de M. Bernard Château, maire de Beaumont-en-Véron, « présenté comme expérimental pour être reproduit, le centre devrait être exemplaire ». Or la multiplication de « couacs », relayés par voie de presse, a attisé la défiance de la population locale et le sentiment d'insécurité.

Il en a été ainsi particulièrement à la suite de l'entretien accordé par une personne accueillie, âgée de 23 ans, au quotidien La Voix du Nord auquel elle déclarait être « fichée S » alors qu'une telle information aurait dû l'empêcher d'intégrer le programme. Si cette information n'a pas été confirmée, l'intéressé a été exfiltré en 48 heures du centre, sur décision gouvernementale, le 30 septembre 2016. Il a fait l'objet d'un tutorat additionnel, interrompu d'un commun accord le 23 novembre 2016.

Un autre événement médiatique a attisé ce climat : le 17 janvier 2017, un pensionnaire, absent du centre à cette date en raison d'une convocation au commissariat de son lieu de résidence, a été interpellé à Strasbourg par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avant sa mise en examen, avec d'autres personnes, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et son incarcération.

Ces deux faits, largement relayés par la presse nationale, ont accru la défiance des riverains. Ils ont infirmé par l'exemple les assurances données aux élus locaux et aux parlementaires sur le fait que le centre avait vocation à accueillir des jeunes hors de toute procédure judiciaire.

Certes, comme le rappelle constamment sa direction, aucun incident à l'extérieur impliquant les personnes accueillies n'a été à déplorer depuis l'ouverture du centre.

Plusieurs personnes entendues à l'occasion du déplacement des rapporteurs ont déploré que le message adressé par la direction du centre se résume à un discours mettant en avant les points positifs et à admettre uniquement des erreurs de communication. Le bien-fondé de l'action du centre n'est pas remis en cause par sa direction, ses représentants se bornant à estimer que, comme tout dispositif expérimental, des ajustements seront nécessaires.

La situation actuelle, figée momentanément par le moratoire, attire des critiques sur son coût. Selon les indications du centre, son budget annuel de fonctionnement avoisine 2,5 millions d'euros. Certes, ce coût doit être rapporté à celui plus important, en termes relatifs, d'un centre éducatif fermé (CEF). Par comparaison, un CEF, avec une capacité maximale de 12 places, représentait en 2015 un coût par jour et par mineur de 721 euros dans les centres gérés par le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Toutefois, le contraste entre un centre fonctionnant « à vide » et son coût provoque, dans la période présente, une incompréhension forte de la population locale. M. Bernard Château, maire de Beaumont-en-Véron, a confirmé que, pour une large partie des habitants confrontés à la fermeture de services publics dans la région, le programme apparaissait comme un « gâchis d'argent public ».

Plus fondamentalement, le centre est critiqué pour son absence de résultats :

- le centre a fonctionné, au mieux, à moitié de sa capacité d'accueil maximale et il est désormais vide ;

- aucun pensionnaire n'a poursuivi jusqu'à son terme le programme envisagé.

Au final, la visite du centre de Pontourny et les rencontres effectuées à cette occasion ont mis en lumière une relative impréparation dans l'ouverture de ce centre. Plusieurs témoignages ont attesté qu'à la suite de la décision du Premier ministre de l'époque, M. Manuel Valls, de créer une telle structure, les arbitrages interministériels étaient réduits s'agissant du public à accueillir (mineurs ou majeurs), de la forme juridique à donner à ce centre (finalement un GIP) ou du contenu du programme. Seuls quelques choix symboliques ont été arrêtés, comme le port de l'uniforme ou la présence d'un mât pour les couleurs nationales.


* 7 Lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement.

Page mise à jour le

Partager cette page