EXAMEN PAR LA COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le 12 janvier 2017 pour l'examen du présent rapport de Mme Patricia Schillinger et M. Alain Vasselle.
À l'issue de la présentation faite par Mme Patricia Schillinger et M. Alain Vasselle, le débat suivant s'est engagé :
M. Jean Bizet , président . - Nos deux rapporteurs auront l'occasion de nous faire des rapports d'étapes. Nous ne referons pas aujourd'hui le débat sur le principe de précaution. Mais, pour être applicable, il doit être à mon sens proportionné, provisoire et réversible.
M. Michel Raison . - Félicitations à nos rapporteurs, car le sujet est complexe ! Avec le principe de précaution, tout dépend de l'interprétation qu'on en fait, de l'endroit où l'on place le curseur. Mais, dès lors que le risque est semi-avéré et que cela concerne la santé publique, il faudrait l'appliquer même s'il n'était pas dans la Constitution.
Il est normal que les études se contredisent comme sur la pollution diffuse et multifactorielle... Je souscris à la résolution.
M. Daniel Raoul . - Que signifie un perturbateur endocrinien avéré ? Il peut y avoir une perturbation sanitaire, mais il peut y avoir seulement un effet biologique, comme lorsque vous appliquez un portable éteint sur l'oreille : il y a un échauffement biologique.
M.
René Danesi
. - Avec ou sans principe de
précaution, je souscris à cette résolution. Des lobbies
très puissants oeuvrent pour maintenir ces questions dans
« cette obscure clarté qui tombe des
étoiles »
. Les produits cosmétiques ne sont pas
pris en compte, c'est dommage. Pour ma part, cela ne m'inquiète pas,
parce que je n'utilise que des produits végétaux
- Mme Schillinger connaît certainement Weleda, dont le
siège est tout près de chez nous.
Le point 28 préconise « la création, sous les auspices de l'Organisation des Nations unies, d'un groupe sur le modèle du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)... » La composition de ce groupe est pourtant contestable : on y trouve des scientifiques, mais ils sont minoritaires. Les groupes de travail donnent souvent la possibilité aux groupes de pression de freiner la réflexion.
M. André Gattolin . - C'est la dimension temporelle qui est la plus importante : on n'a aucune certitude sur l'effet à long terme. Il suffit d'aller à Bruxelles pour savoir qu'il y a plus de lobbies chimiques et bancaires que de personnes qui travaillent sérieusement sur le sujet... Cela aboutit à un clair-obscur volontaire qui immobilise tout.
Votre point 21 - « considérant que des critères d'identification reposant sur des éléments peu probants auraient pour conséquence de diminuer la production et la rentabilité des exploitations agricoles, et d'autres secteurs d'activité de manière excessive » - me dérange : on parle d'effets peu probants, alors qu'ailleurs il est question d'effets plausibles ; je suis inquiet d'entendre ce type d'arguments de nature économique, qu'on entend aussi concernant le bisphénol A ou les néonicotinoïdes... Il existe d'autres produits, et la baisse de rentabilité n'est pas avérée, au contraire : l'agrobiologie permet une rentabilité à long terme, sans compter les aménités collectives qu'elle apporte, car ce sera toujours la puissance publique qui devra compenser les externalités négatives. Je ne vois pas l'intérêt d'ajouter ce point.
M. Alain Vasselle . - Monsieur Raoul, seul l'effet sanitaire est pris en compte - il n'y a pas d'ambiguïté.
Monsieur Gattolin, la notion de « peu probant » au point 21 désigne ce qui est ni avéré ni présumé. Si l'on mettait dans la liste les produits dont on est incapable de prouver la plausibilité de l'effet sur la santé, on irait beaucoup trop loin. Mais on pourra prendre les mesures d'usage : appeler à utiliser des produits de substitution ou limiter l'exposition. Page 25 du rapport : « les industriels mettent en avant les coûts liés au développement des molécules, et indiquent que, depuis 1993, on est passé d'environ 1 000 substances actives utilisables à 484 aujourd'hui. Depuis 2011, seules 19 substances actives nouvelles ont été développées, ce qui rend la substitution difficile » . Si vous le souhaitez, on pourrait ajouter « entrant dans la catégorie des suspectés » .
M. Daniel Raoul . - Cela me rassurerait que l'on cite la définition de l'Anses.
M. André Gattolin . - La réduction de la productivité n'est pas avérée, même si le produit est un peu plus cher ou plus rare à court terme.
M. Alain Vasselle . - Nous parlons du marché d'aujourd'hui.
M. Michel Raison . - Il n'y a pas que le coût du produit qui compte, il y a aussi son efficacité.
M. André Gattolin . - Je serais totalement satisfait si vous ajoutiez « à court terme », car, à long terme, nous payons l'utilisation de produits nocifs.
M. Alain Vasselle . - Nous le disons dans le rapport. Faut-il encore modifier le point 21 ? Je ne le crois pas.
M. Michel Raison . - Nous ne disposons pas non plus de mesures sur les produits de substitution. Or il y a plus de métaux lourds dans le sol des exploitations bio, à cause des produits utilisés...
M. André Gattolin . - Sur ce point, le débat est ouvert...
Mme Patricia Schillinger . - Nous avons écrit le point 28 parce que les États ne travaillent pas assez ensemble. Pour ce travail, il faut une structure qui garantisse que des écrits soient produits. Nous interdisons le bisphénol A, mais il n'existe pas d'interdiction au niveau européen ni mondial. Naturellement, ce groupe devra être constitué d'experts.
Il est vrai que rien n'est spécifié sur les cosmétiques. C'est la raison pour laquelle nous avons ajouté le point 22. Weleda, chez nous, est maintenant internationalement reconnue ; nous ne savons pas comment les autres produits sont faits.
M. Daniel Raoul . - À propos du point 28, je pense la même chose que René Danesi sur les groupes de travail de l'ONU. Pourquoi ne pas ajouter que les perturbateurs endocriniens gagneraient à être placés dans les priorités des programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique (PCRD) ?
M. Jean Bizet , président . - Je crois que cela ressort de la fin du texte qui nous est proposé.
M. André Gattolin . - Sans parler du GIEC, il s'agit d'avoir un groupe d'experts internationaux indépendants - nous pourrions le dire ainsi.
Mme Patricia Schillinger . - Soit.
M. Daniel Raoul . - Le point 27 auquel vous faites référence va moins loin que ma proposition.
M. Jean Bizet , président . - Il pourrait être complété dans ce sens.
M. Alain Vasselle . - La notion de plausibilité m'a préoccupé jusqu'à hier soir. Elle reposera sur l'annexe XI du règlement REACH, qui définit les éléments de preuve. Si, aujourd'hui, nous nous appuyons sur des méthodes d'essai reconnues par l'OCDE, que personne ne conteste, la plausibilité permettra de prendre en considération de nouvelles méthodes non standardisées, car la standardisation prend un certain temps. Deux études suffiront pour que la mise sur le marché du produit soit prononcée ; on n'attendra pas qu'il y ait un faisceau d'études. J'ai accepté ces conclusions radicales, parce qu'il s'agit de santé publique et parce que nous ne sommes pas capables de démontrer que des produits perturbant le système endocrinien des insectes n'aient pas d'effet sur celui de l'homme. Nous ne pouvons pas contourner le principe de précaution en cette matière.
M. Jean Bizet , président . - Je rejoins les compliments à nos deux rapporteurs. Continuez ! Vous avez eu l'intelligence de ne pas vous limiter aux secteurs qui sont toujours visés. Le point 26 pointe à raison la nécessaire harmonisation entre les avis des agences nationales et européennes. Le dîner de travail que nous avons partagé avec le commissaire Andriukaitis nous a montré toute l'actualité d'une telle exigence.
Le dialogue est indispensable. Je suis assez séduit par la proposition de Patricia Schillinger sur le modèle du GIEC. Il faudra néanmoins que ce groupe soit composé de scientifiques. Beaucoup de produits phytopharmaceutiques sont basés sur la perturbation endocrinienne des prédateurs et sont très efficaces. Il faudra expertiser leurs effets sur l'homme.
Je propose que l'on ajoute au point 28 « composé de scientifiques indépendants et de haut niveau. »
Mme Patricia Schillinger . - L'idéal serait que M. Andriukaitis réunisse des membres des commissions des affaires européennes de tous les pays membres pour leur parler de vive voix, au lieu de toujours communiquer par l'intermédiaire de notes.
M. Jean Bizet , président . - Cette proposition pourra apparaître dans l'avis politique.
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À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante et l'avis politique qui en reprend les termes et qui incite en outre le commissaire en charge de ces questions à organiser une rencontre avec les parlementaires intéressés pour un dialogue constructif.