N° 442

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mars 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur l' Union européenne et la lutte contre le terrorisme ,

Par MM. Philippe BONNECARRÈRE et Simon SUTOUR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle.

AVANT-PROPOS

Quelques semaines après les attentats terroristes perpétrés à Paris au mois de janvier 2015 mais aussi à Bruxelles et à Copenhague, le Sénat adoptait, le 1 er avril, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, une résolution européenne relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un Acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne.

Le 13 novembre dernier, Paris a sans doute été victime des attentats terroristes les plus sanglants de son histoire.

La résolution européenne du 1 er avril 2015 comportait huit principales préconisations à l'intention des institutions européennes.

La première concernait la nécessité d'une définition européenne des infractions terroristes prenant notamment en compte l'existence de ces « combattants étrangers » qui, selon la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies, « partent combattre à l'étranger dans le dessein de commettre, d'organiser ou de préparer des actes de terrorisme ou afin d'y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l'occasion d'un conflit armé. »

La seconde préconisation insistait sur l'indispensable révision ciblée du « Code frontières Schengen » afin que puissent être effectués, sur le fondement d'indicateurs de risques communs, des contrôles approfondis et quasi systématiques des ressortissants des pays membres qui entrent et sortent de l'espace Schengen. Dans le même domaine, la résolution européenne plaidait pour le renforcement considérable des moyens humains et financiers de l'agence FRONTEX avec notamment la création d'un corps de gardes-frontières européens afin d'assurer un contrôle effectif des frontières extérieures de l'espace Schengen. Par ailleurs, elle appelait de ses voeux la définition d'une politique européenne des visas qui prendrait notamment en compte des indicateurs de risques liés à la menace terroriste.

La troisième préconisation réaffirmait l'urgence de la mise en oeuvre d'un système de protection des données des dossiers « passagers aériens » (PNR) dans le contexte aggravé des menaces terroristes.

En quatrième lieu, la résolution exigeait l'adoption rapide de mesures efficaces et actualisées concernant la lutte contre les sources de financement du terrorisme et le blanchiment d'une part, la législation sur le trafic d'armes, d'autre part.

Cinquième point : le renforcement de la coopération policière et judiciaire en Europe.

Était ainsi soulignée la nécessité, pour les États membres, de mieux « alimenter » Europol et Eurojust en informations à caractère policier et judiciaire. L'Union européenne était aussi invitée à créer, au sein d'Europol, une « plateforme européenne de lutte contre le terrorisme », d'inscrire dans les priorités du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité, abrité à Europol, la lutte contre la diffusion de la propagande et du prosélytisme terroristes, et enfin, d'accélérer la mise en place d'un parquet européen collégial et décentralisé dont les compétences, par rapport au projet initial, pourraient être élargies à la criminalité grave transfrontière, donc au terrorisme.

La sixième préconisation de la résolution européenne avait trait à la lutte contre le terrorisme sur Internet. Il était notamment jugé indispensable d'adopter rapidement la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union.

En septième lieu, la résolution européenne du Sénat préconisait une stratégie éducative de précaution et de lutte contre la radicalisation.

Enfin, dans une huitième préconisation, le Sénat souhaitait renforcer la coopération internationale avec les pays tiers en insistant sur la nécessité de construire un partenariat global avec les acteurs régionaux des parties du monde les plus sensibles et d'entamer avec ces derniers un dialogue qui, s'il savait combiner les impératifs de sécurité et de développement, pourrait être de nature à réduire la menace terroriste sur la durée.

Presque un an plus tard, la question se pose aujourd'hui de savoir si les préconisations de la résolution européenne du Sénat relative à la lutte contre le terrorisme ont été suivies d'effets. Quelles initiatives européennes (propositions de règlement ou de directive, plans d'action, programme...) ont répondu aux attentes de notre assemblée ?

D'ores et déjà, on peut indiquer que les institutions européennes se sont montrées plutôt « en phase » avec les préoccupations exprimées par le Sénat dans sa résolution européenne du 1 er avril 2015.

Dès le 16 juin 2015, le Conseil JAI adoptait une stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l'Union européenne 2015-2020.

Les grands axes de cette nouvelle stratégie sont :

- lutter contre le terrorisme, la radicalisation conduisant au terrorisme et le recrutement ainsi que le financement liés au terrorisme et prévenir ces phénomènes, en accordant une attention particulière à la question des combattants terroristes étrangers ;

- prévenir et combattre la grande criminalité organisée ;

- prévenir et combattre la cybercriminalité et renforcer la cybersécurité ;

- renforcer la protection des infrastructures critiques et assurer la résilience, la préparation opérationnelle et la coordination politique pour réagir aux crises et aux catastrophes naturelles et d'origine humaine ;

- continuer à renforcer et moderniser le système de gestion intégrée des frontières pour les frontières extérieures, afin de couvrir tous les aspects de la gestion  des frontières extérieures de l'Union européenne.

Le présent rapport a pour objet d'évaluer la mise en oeuvre, au niveau de l'Union, des priorités affichées par le Sénat dans sa résolution n° 88 du 1 er avril 2015.

Rappelons que, pour sa part, notre assemblée a adopté, le 2 février dernier, une proposition de loi présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et François Zocchetto tendant à renforcer l'efficacité de la lutte anti-terroriste.

DÉFINITION DES ACTES TERRORISTES

Dans sa première préconisation, la résolution demandait que la définition pénale de l'acte terroriste prenne mieux en compte « les nationaux qui partent combattre à l'étranger » .

Elle insistait aussi sur la nécessité de disposer d'un cadre juridique européen facilitant la surveillance, les poursuites et les mises en cause en ce qui concerne les combattants étrangers.

À cet égard, le Sénat a enregistré deux motifs de satisfaction : l'adoption d'un protocole additionnel à la Convention européenne pour la prévention du terrorisme par le Conseil de l'Europe le 22 octobre 2015, d'une part, et la proposition, par la Commission, d'une directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil relatif à la lutte contre le terrorisme le 3 décembre 2015, d'autre part.

L'ADOPTION DU PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION DU TERRORISME PAR LE CONSEIL DE L'EUROPE LE 22 OCTOBRE 2015

La notion de combattants terroristes étrangers fait référence aux individus, européens pour la plupart, qui partent se battre aux côtés de l'organisation État islamique en Syrie ou en Irak, avec pour objectif de revenir dans leur pays d'origine et d'y commettre des attentats. L'objectif de ce Protocole est de lutter contre ce phénomène.

Le Protocole additionnel érige certains actes en infractions pénales, parmi lesquels la participation intentionnelle à un groupe terroriste (article 2), la réception d'un entraînement pour le terrorisme (article 3), le fait de se rendre à l'étranger à des fins de terrorisme (article 4) et le financement ou l'organisation de ces voyages (articles 5 et 6).

Actuellement, le Protocole est signé par 19 États (La Belgique, la Bosnie-Herzégovine, l'Estonie, la France, l'Allemagne, l'Islande, l'Italie, la Lettonie, le Luxembourg, la Norvège, la Pologne, la Slovénie, l'Espagne, la Suède, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni, l'Ukraine et la Bulgarie).

LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME DU 3 DÉCEMBRE 2015 ET REMPLAÇANT LA DÉCISION-CADRE 2002/475/JAI DU CONSEIL RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

La proposition de directive vise, quant à elle, à mettre en place une législation actualisée au niveau de l'Union, en établissant des règles minimales relatives à la définition des infractions terroristes, des infractions liées à un groupe terroriste ou à des activités terroristes et des sanctions applicables dans ce domaine.

Mettant en oeuvre les obligations découlant du Protocole additionnel précité, il était nécessaire de réviser la décision-cadre 2002/475/JAI. Ce texte n'incriminait le financement du terrorisme que dans la mesure où ce financement était fourni à un groupe terroriste, mais pas s'il était fourni pour toutes les infractions liées aux activités terroristes, y compris le recrutement, l'entraînement ou les voyages à l'étranger à des fins de terrorisme. La proposition de directive permet, elle, d'incriminer les éléments suivants : la tentative de recrutement et entraînement, le voyage à l'étranger dans le but de participer aux activités d'un groupe terroriste et le financement des diverses infractions terroristes définies dans le projet de directive, et ce, conformément à la résolution n° 2178 du Conseil de sécurité.

Compte tenu de la menace terroriste en constante évolution venant s'ajouter à la menace émanant des combattants terroristes étrangers qui se rendent dans des pays tiers pour participer à des activités terroristes, la proposition prévoit également d'incriminer le fait de se rendre dans quelque pays que ce soit, y compris au sein de l'Union, et y compris dans le pays de résidence ou de nationalité de l'auteur de l'infraction.

La proposition améliore aussi les dispositions existantes relatives à la complicité, à l'incitation et à la tentative, ainsi que les règles de compétence, afin de garantir une application cohérente et efficace des dispositions concernées.

Soutenue par la présidence néerlandaise, au nom du Conseil, la proposition de la Commission a reçu un accueil plutôt favorable des députés de la commission Libé du Parlement européen, même si des questions ont été posées sur la définition des droits fondamentaux et sur ce qu'il convenait d'entendre par « voyages à des fins terroristes ».

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