B. ORGANISATION DU MECANISME DE SUPERVISION UNIQUE
1. Le conseil de surveillance prudentielle
Les missions de surveillance du MSU sont planifiées et accomplies par un conseil de surveillance prudentielle. Celui-ci propose des projets de décision en vue d'une adoption par le Conseil des gouverneurs de la BCE.
Le conseil de surveillance prudentielle est composé d'un président (nommé pour un mandat de 5 ans non renouvelable par le Conseil de l'Union européenne), d'un vice-président (choisi parmi les membres du directoire de la BCE), de représentants de la BCE et d'un représentant de l'autorité de contrôle nationale de chaque État membre. Le processus de prise de décision par le Conseil des gouverneurs est fondé sur une procédure d'approbation tacite. Il dispose de dix jours ouvrables pour émettre une objection. Il ne peut pas, en tout, état de cause, modifier un projet de décision. Des procédures de recours ont été mises en place pour les ACN qui contesteraient une objection émise par le Conseil des gouverneurs (comité de médiation) et pour les personnes physiques ou entités qui contesteraient une décision (commission administrative de réexamen). La commission administrative se compose de cinq membres indépendants qui ne font pas partie du personnel de la BCE ni de celui d'une ACN.
Liste des membres du conseil de surveillance prudentielle nommé ou issus de la BCE
Nom |
Fonction |
Nationalité |
Mme Danielle Nouy |
Présidente |
Française |
Mme Sabine Lautenschläger |
Vice-Présidente |
Allemande |
M. Ignazio Angeloni |
Représentant de la BCE |
Italienne |
Mme Julie Dickson |
Représentant de la BCE |
Canadienne |
Mme Sirkka Hämäläinen |
Représentant de la BCE |
Finlandaise |
La surveillance quotidienne est, quant à elle, effectuée par des équipes dédiées ( Joint Supervisory Teams - JST), comprenant du personnel provenant à la fois des ACN et de la BCE. Ces équipes sont conduites par un coordinateur de la BCE qui, en règle générale, ne peut être originaire du pays où la banque concernée a son siège. À titre d'exemple, le chef des contrôleurs du Crédit Agricole est allemand, celui d' UniCredit (Italie) est français et celui d' ABN - AMRO (Pays-Bas) espagnol. Il s'agit, de la sorte, d'éviter les biais liés à la nationalité et d'éventuels conflits d'intérêt. 1 000 personnes environ ont été recrutées par le conseil de surveillance prudentielle.
La mise en place d'un conseil de surveillance prudentielle distinct du Conseil des gouverneurs vise à préserver la distinction entre politique monétaire et supervision bancaire, sans pour autant qu'une muraille de Chine ne soit établie. Il s'agit également d'empêcher des prises de décisions contradictoires. La séparation de la politique monétaire de la supervision ne limite pas l'échange d'informations, comme en témoigne l'article 13 du règlement intérieur de la BCE. Ce qui n'est pas sans avantage pour la conduite de la politique monétaire à l'heure où la BCE prévoit d'acquérir, via l'assouplissement quantitatif, obligations sécurisées et produits titrisés (programmes CBPP3 et ABS).
Par ailleurs contrairement à ce qui se passe en matière monétaire, la BCE est tenue de rendre des comptes devant le Parlement européen des décisions prises dans le cadre du Mécanisme de supervision unique (article 20 du règlement n°1024/2013). Elle est également tenue d'adresser un rapport annuel aux parlements nationaux et de répondre à leurs questions écrites (article 21 du règlement n°1024/2013).
2. Premiers résultats et premières contestations
La mise en place du MSU a été précédée d'une évaluation complète des 130 plus grandes banques de la zone euro, menée par la BCE. Celle-ci comprenait tests de résistance et revue de qualité des actifs ( Asset qualitiy review - AQR) au 31 décembre 2013. Les résultats ont été rendus publics le 26 octobre 2014. Aux termes de ceux-ci, 25 banques présentaient une insuffisance de fonds propres, estimée à 25 milliards d'euros et ont dû élaborer des plans de refinancement dans les deux semaines suivant l'annonce des résultats. Elles disposaient ensuite de neuf mois pour compenser ces déficits. 12 d'entre elles les avaient déjà résorbés avant la publication des résultats. La valeur des actifs bancaires a, en outre, été ajustée de 48 milliards d'euros. Les expositions non-performantes des banques sont, quant à elles, évaluées à 879 milliards d'euros, l'ensemble des actifs des 130 banques étant estimés à 22 000 milliards d'euros (96 % des actifs français ont ainsi été supervisés).
Au-delà des résultats, cet exercice a permis une comparaison des banques de la zone euro et préparer une meilleure coordination entre les superviseurs nationaux. Il a permis la définition de standards et de procédures et constituait un test pour la mise en place des équipes de supervision internationales.
Le dispositif ne semble pas susciter l'adhésion de tous les établissements financiers. La banque régionale allemande Ländeskreditbank Bade-Württenberg ( L-Bank ) a ainsi déposé un recours en annulation auprès du Tribunal de l'Union européenne visant la supervision directe par la BCE. La L-Bank dispose de 70 milliards d'euros d'actifs et est donc considérée comme importante, aux termes du règlement n°1024/2013. La L-Bank estime que son modèle économique est simple et que la supervision directe de la BCE ne devrait s'appliquer qu'aux banques d'importance systémique et complexe. Elle relève avant tout les coûts et la charge administrative supplémentaires induits par le transfert de la surveillance bancaire de l'échelon européen à l'échelon allemand.