LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
1° Établir des partenariats de recherche portant sur les techniques de production d'électricité à partir de sources renouvelables, sur les « réseaux intelligents » et sur le stockage de l'énergie, pour déterminer les technologies parvenues à maturité.
2° Élaborer une vision prévisionnelle scientifique des évolutions techniques à venir.
3° Tracer une carte de « réseaux intelligents » couvrant la France et l'Allemagne afin de maximiser l'utilisation immédiate des pointes de production inhérentes aux énergies naturelles renouvelables.
4° Organiser conjointement les capacités de stockage d'énergie dès que les techniques disponibles seront concrètement utilisables à grande échelle, notamment la filière « power to gas to power ».
5° Conduire des programmes d'économie d'énergie, en premier lieu dans l'habitat, les activités tertiaires et le transport, afin que la réduction des quantités facturées compense la hausse des prix de l'énergie - inévitable pendant la longue phase d'investissement exigée par la transition énergétique.
6° Compléter en France la coopération ainsi engagée par une réflexion préparant l'émergence ultérieure de la politique européenne de l'énergie, notamment :
- le choix politique au sens le plus exigeant du terme quant au bouquet énergétique, puisqu'il est nécessaire de remplacer à un rythme soutenu les centrales électronucléaires afin de les moderniser ;
- la pérennité des systèmes de rachat d'électricité d'origine renouvelable à guichet ouvert ;
- examiner de façon rationnelle les techniques disponibles permettant d'utiliser les ressources offertes par les gisements non conventionnels d'hydrocarbures, notamment les gaz de schiste ;
- l'articulation entre une politique climatique européenne aux effets extrêmement relatifs à l'échelle mondiale, la politique énergétique et la réindustrialisation de l'Europe ;
- l'orientation à donner au signal-prix du carbone comme moyen d'une politique environnementale à conduire de concert avec les autres parties prenantes aux actions de long terme conduites en ce domaine à l'échelle mondiale.
AVANT-PROPOS
Le processus de coopération énergétique a commencé avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier, fondée en 1952 et complétée en 1957 par le traité Euratom consacrée à l'énergie d'origine nucléaire. C'est dire si le thème énergétique constitue un axe majeur de l'Europe, la compétence en ce domaine étant partagée entre les États membres et l'Union depuis le traité de Lisbonne.
Sur le plan de la pollution imputable à la production d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre ayant la même origine, le bouquet énergétique français se singularise de tous les autres grâce à la place prédominante de la filière électronucléaire dans l'Hexagone. Sur ce plan, la situation de l'Allemagne est plus proche de celle observée en Grande-Bretagne et en Pologne, où le charbon conserve un rôle considérable. L'analogie entre ces trois États membres s'arrête là, puisque la Grande-Bretagne et la Pologne veulent accroître la production électronucléaire précisément pour diminuer le recours au charbon, alors que la volonté d'éliminer rapidement la production obtenue à partir de l'uranium s'est traduite en Allemagne par l'utilisation accrue du charbon...
Mais la très ambitieuse loi allemande organisant une transition énergétique vers des sources renouvelables et privilégiant l'extinction de la filière nucléaire au profit temporaire de l'énergie produite à partir de lignite ou de charbon devrait être bientôt revue en raison de son coût exorbitant, bien que le recours aux énergies solides ait précisément pour objectif de contenir la dépense. C'est dans ce contexte que les autorités politiques des deux pays ont pris, notamment entre janvier 2013 et février 2014 une série d'initiatives tendant à ce que « l'Allemagne et la France avancent ensemble et qu'elles deviennent le moteur d'une nouvelle croissance et de nouvelles opportunités pour l'ensemble du continent européen » selon les mots du ministre allemand, M. Peter Altmaier. Il s'agit en pratique d'organiser la coopération au niveau étatique, étape indispensable à l'élaboration d'une authentique politique européenne de l'énergie qui ne se borne pas à organiser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l'interconnexion des gazoducs.
De fait, en ce domaine comme dans bien d'autres, les relations franco-allemandes jouent un rôle d'une importance primordiale pour la politique suivie par les 28, non seulement à cause du rôle historique de ces deux États membres fondateurs, mais principalement en raison de la place tout à fait singulière qu'ils occupent dans la sphère de l'énergie. La situation géographique ne peut évidemment être passée sous silence, mais les chiffres d'Eurostat concernant la production et la consommation d'énergie en 2012 sont encore plus éloquents :
- la France est le premier producteur d'énergie de l'Union européenne, avec 17% du total, talonnée par l'Allemagne (16%), le Royaume-Uni (15%), puis la Pologne (9%) ;
- en matière d'énergie électronucléaire, la France arrive très nettement en première position avec 48% de la production, distançant l'Allemagne (11%) ;
- pour les énergies d'origine renouvelable, c'est l'Allemagne qui tient la corde avec 19 % du total, devant la France (12%) ;
- enfin, l'Allemagne est le premier consommateur d'énergie au sein de l'Union (19%), suivie par la France (15%) et le Royaume-Uni (12%).
Ainsi, quel que soit l'indicateur énergétique considéré, la France et l'Allemagne représentent à elles seules 31% à 59% de l'Union européenne. En ajoutant le Royaume-Uni, on obtient 48% de la production d'énergie de toute l'Union européenne et 46% de la consommation, mais avec une cohésion territoriale amoindrie par l'insularité britannique.
Finalement, des choix nationaux divergents aboutissent à un même objectif : assurer une transition énergétique économiquement satisfaisante, dans un cadre inévitablement européen.
Le contexte économique actuel incite fortement à éviter toute décision hâtive quant aux choix techniques (chapitre I), pour maîtriser la dimension économique de la transition engagée (chapitre II).
Premier maillon de l'Europe de l'énergie encore balbutiante, la coopération franco-allemande en ce domaine doit s'étendre tout d'abord à la Pologne et à la Grande-Bretagne, avant d'inclure tous les États-membres qui le souhaitent au sein d'une coopération renforcée tendant à structurer un espace d'interconnexions confortant l'indépendance énergétique de ses membres et créant une centrale d'achat dans le respect des choix opérés par chacun en matière de bouquet énergétique, un choix politique par excellence, où le rationnel doit l'emporter sur l'émotionnel.